XVI

Rien ne serait jamais calme.

  Ironique, n'était-ce pas, dans un château connu pour son éloignement du tumulte des villes, et protégé par les arbres de la forêt ?

  Haha.

  Pouahaha, je dirais même.

  Ondine se promenait dans la forêt, en recherche de réseau. Elle voulait appeler sa meilleure amie, Océane, mais aussi ses parents. Finalement, après dix bonnes minutes de marche, elle finit par capter un peu. Elle appela immédiatement ses parents, tout en continuant d'avancer vers la ville. Elle capteraient mieux dans cette direction.

  — Bonjour, Mère. Comment allez-vous ?

  — A merveille. Et vous, ma chère ?

  — Tout va bien. Tout se passe bien, à l'Académie, les élèves sont aimables, et je suis très bonne en cours, d'après mes professeurs.

  — C'est Ondine ? s'exclama la voix de son père derrière. Oh, parfait, je devais lui parler.

  Ondine sentit sa respiration se bloquer. Elle appréhendait les discussions sérieuses avec ses parents. Que ce soit avec son père, ou sa mère, ils n'oubliaient pas qu'Ondine n'était pas seulement leur fille : elle était aussi un outil politique, et ils avaient besoin d'aide.

  — Tout se passe bien à l'Académie ? Génial. Alors, reprit-il immédiatement, sans attendre de réponse. On nous a alerté, au sujet du journal sur Elysia, et il faut à tout prix que tu agisses, Ondine !

  — Que j'agisse ? répliqua Ondine. Vous voulez que je protège Elysia ?

  — Bien sûr que non !

  Nérée se mit à rire, comme si Ondine avait lâché une bonne plaisanterie. Ondine sourit, embarrassée, et l'écouta dire :

  — Nous avons nous-même payé ce journaliste pour qu'il continue à écrire sur Elysia. Nous ne pouvons pas laisser passer cette chance, Ondine. Elle tombera, et son école avec elle.

  — Quoi ? Mais... Elle ne fait rien de mal, à l'Académie, vous savez. Elle se fiche de l'Okeanos, elle ne viendra pas réclamer le trône.

  — Peut-être pas elle, mais ses enfants, oui. De toute façon, tout est déjà prévu, Ondine. Tu dois fournir des informations compromettantes à ce journaliste, il prend la tête d'une équipe complète dans son journal, et des membres de son équipe doivent d'ores et déjà être présents sur le terrain, pour tenter de parler aux élèves dans la forêt.

  — La police a débarqué. Elysia veut tenir tous les journalistes éloignés, et nous avons pour ordre d'être prudents, et de ne pas nous aventurer dans la forêt.

  — Et où es-tu ?

  — Dans la forêt.

  Nérée se mit à rire de nouveau, amusé. Manon, la mère d'Ondine, lâcha, un peu plus inquiète :

  — Et tes gardes ? Où sont-ils ?

  — Au château. Je ne veux pas qu'ils m'entendent vous parler.

  Ondine put entendre sa mère soupirer. Immédiatement, la princesse répliqua :

  — Au sujet d'Elysia, je ne comprends pas pourquoi vous vous acharnez sur elle. Même si ses héritiers apprennent notre lien de sang, ils ne feront rien. Leur école est aussi importante dans leur famille que notre royaume l'est pour nous.

  — Jusqu'au jour où. C'est ton futur royaume que nous protégeons, Ondine.

  — Je ne comprends pas pourquoi le fantôme de Béryl plane autant entre nos familles. Elle m'a parlé de lui, elle m'a dit qu'elle regrettait que nos familles n'aient pas pu se rapprocher. Elle se fiche de la Couronne, Père, et lui gâcher la vie n'apporterait rien.

  Nérée poussa un soupir à son tour. Il rétorqua, vivement :

  — Ondine, je t'en prie, cesse tes idioties !

  — Mais Elysia n'a rien fait, excepté être la fille d'un bâtard ! Au lieu de la punir ainsi, faites-lui signer un papier, je ne sais pas quoi, qui la pousse à accepter de rompre ses potentielles revendications sur le trône. Au lieu de la détruire, faites en sorte qu'elle vous supplie à genoux de signer ce foutu papier.

  Au même moment, des bruits de pas se firent entendre derrière Ondine. Elle se retourna vivement, surprise, et vit immédiatement un journaliste, qui se tenait debout, son téléphone dirigé vers la princesse. La jeune femme resta quelques instants stupéfaite, puis raccrocha l'appel, et lâcha :

  — Que voulez-vous pour ne pas parler ?

  L'homme hésita à peine. Il partit en courant en direction de la ville, ses pas écrasant les feuilles qui tombaient à cause de l'automne. Ondine marmonna un juron, et rappela immédiatement ses parents.

  — Un idiot m'a entendue !

  — Quoi ?

  — Il est parti vers le village. Je ne peux pas le rattraper, je ne vais pas m'abaisser à courir après un manant !

  Manon soupira, pour la énième fois. Ils étaient fichus.

  Ondine, après s'être fait disputer par ses parents pour son manque de prudence, avait su contacter Océane. Elles parlèrent toutes deux une bonne demi-heure, avant qu'Ondine ne la laisse : elle commençait à devenir un glaçon, avec les basses températures. La jeune femme rentra donc au château, et ne put s'empêcher de soupirer, soulagée, en voyant les tours se dresser dans l'obscurité, tombée alors qu'elle rentrait tranquillement. Les fenêtres étaient illuminées, et c'était cela qui lui avait permis de se retrouver entre les arbres.

  — Oh, Ondine ! Salut !

  La princesse se retourna vivement, surprise. Elle s'apprêtait à pénétrer dans le château par le jardin arrière, qui était surélevé par rapport à celui face à l'Académie. Elle était passée sous les arches qui composaient la petite cour, afin d'entrer plus facilement.

  — Tu veux pas venir faire du skate avec nous ? proposa Ysa, souriante. On est quelques-uns, on s'amuse bien, et comme on t'a vue...

  Ondine hésita à peine. Elle avait besoin de se changer les idées, car la conversation avec ses parents l'avait laissée tremblante, malgré le réconfort d'Océane.

  — Bien sûr !

  Ysa l'entraîna jusqu'aux jardins, près de la Maison des Fantaisies. Le sol pavé permettait aux jeunes de faire un peu de skate ensemble, ce qu'ils adoraient. Il y avait Anaïs, Adrien, Victoria et Sarah ; Adrien était par ailleurs en train de faire une figure, à sauter au-dessus de la planche.

  — C'était beau, admit Ondine en arrivant. Salut !

  Tous la saluèrent. Anaïs s'exclama :

  — Tu sais faire du skate ?

  — Non. Et toi ?

  Anaïs secoua la tête de gauche à droite. Elle ajouta :

  — J'ai bien envie d'essayer. Mais je ne sais même pas faire de vélo, alors bon... Tenir en équilibre là-dessus, ça va être mort.

  Tous se succédèrent sur la planche, y compris la princesse. Celle-ci se débrouillait plutôt pas mal, et ils s'entraînaient dans les rires. Cependant, Anaïs restait en retrait, assez inquiète en regardant le skate. Une fois que Sarah eut monté et descendu le petit passage en pavé sur lequel ils s'amusaient, Anaïs demanda à essayer. Ondine se proposa pour l'aider à tenir droite ; mais, au bout de quelques instants, le skate sur lequel Anaïs était debout parti... Sans elle. Elle s'effondra au sol, dans un « boum » effrayant.

  — Merde ! s'écria Adrien en accourant. Tu vas bien ?

  Adrien aida Anaïs à se mettre debout, avec le soutien d'Ondine. La jeune femme tentait de retenir ses larmes de douleur ; Victoria grinça :

  — Faut l'accompagner à l'infirmerie. Il est tard, en plus, il va falloir qu'on aille manger.

  — OK, accompagnons-la, proposa Sarah. En plus, tu dois avoir trop mal au genou, Anaïs, on dirait que tu saignes !

  — Je savais bien que le skate, c'était pas pour moi, marmonna Anaïs, en s'appuyant sur ses amies.

  Adrien attrapa son skate sous le bras, et ils repartirent tous en direction du château. Des policiers, accompagnés par les soldats d'Okeanos, faisaient des rondes dans le parc, afin de protéger le château de potentiels journalistes ou agresseurs. Ondine sourit à un de ses gardes, avant d'entrer dans l'Académie. C'était assez animé, d'après les discussions et rires que la jeune femme parvenait à entendre. Ils arrivèrent dans le couloir principal du rez-de-chaussée, qui desservait presque tous les autres couloirs. Ils le traversèrent, puis atteignirent l'infirmerie, située au fond à gauche.

  Après avoir attendu Anaïs, qui fut rapidement soignée par l'infirmière, ils partirent tous manger. Ils se lavèrent brièvement les mains dans les toilettes communes, non loin de l'infirmerie, puis s'installèrent à table. Ondine poussa un nouveau soupir soulagé : elle se sentait en sécurité, au cœur de l'école ; et, étonnamment, encore plus en apercevant sa cousine à table. Elle se sentait moins seule, car quelqu'un de son sang était là. Et, malgré les conflits entre leurs familles, Ondine aurait rêvé d'avoir une cousine avec qui parler écriture et littérature.

  Cependant, la vie était plus compliquée. Elle avait un rôle à remplir, et des missions à accomplir, pour ses parents. Tant pis. Son royaume et ses parents passaient avant ses propres désirs.

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