XLV
Il avait fallu patienter. Trois jours suffirent.
Ondine commit une erreur. Elle demanda à Enola de supprimer la photo qu'elle venait de prendre car elle apparaissait dessus, et lorsqu'Enola refusa car Ondine mentait (simplement pour l'ennuyer), la princesse se mit à l'insulter en lui ordonnant de la supprimer. Ce fut suffisant pour les professeurs ; Philomène, qui se chargeait des élèves à ce moment-là, mit une heure de retenue à Ondine, avant de lui dire qu'elle en informerait la directrice immédiatement, car ce n'était pas la première fois qu'elle faisait de telles choses en classe.
Immédiatement, un message fut envoyé à Elysia. L'heure suivante, ils avaient cours avec Aurélien ; en plein milieu du cours, on frappa à la porte. Elysia entra, fit un signe de tête à son petit-ami (vous avez vu, petit-ami !!!) et s'exclama simplement :
— Mademoiselle d'Okeanos, dans mon bureau.
— Pardon ? s'exclama Ondine en se levant.
— Ne me forcez pas à le répéter, Mademoiselle.
Elysia tournait déjà les talons. Aurélien, comme tous les élèves, suivit Ondine du regard, qui avait fermé son ordinateur en hâte pour le glisser dans son sac à main, avant de partir d'un pas aussi léger que d'habitude. La porte se referma quelques instants plus tard, laissant les élèves se pencher l'un vers l'autre pour murmurer des ragots.
— Sûre elle est convoquée par rapport à son pétage de câble de tout à l'heure, déclara Anaïs.
— C'est bien fait ! s'exclama Lola. J'espère qu'Elysia va la virer !
— On se reprend ! lança Aurélien en tapant dans ses mains. Allez, avancez sur votre roman, mes heures vous servent désormais à écrire avec mon aide, alors dépêchez-vous de vous y remettre !
Les élèves replongèrent rapidement sur leur ordinateur. Elysia, de son côté, traversait les couloirs, Ondine derrière elle.
— Qu'est-ce que j'ai fait pour être convoquée ? demanda la princesse. J'aimerais avoir une explication !
— Je vous expliquerai dans mon bureau.
Ondine insista, mais n'eut aucune réponse. Elysia ouvrit son bureau, et invita la princesse à s'asseoir, avant de s'installer elle-même. La directrice prit une profonde inspiration, puis déclara :
— C'est la deuxième fois en moins d'une semaine que vous vous faites remarquer, Mademoiselle. Je vous ai déjà dit, la fois dernière, que c'était un énième avertissement. Je pensais que vous aviez compris que vous ne pouviez mettre ma patience aussi longtemps à rude épreuve sans avoir de conséquence.
— Et que comptez-vous faire ? M'exclure trois jours ? Faites-le. Mon père se vengera.
Elysia lâcha un petit rire. Elle secoua la tête, comme amusée, et rétorqua :
— Non, Mademoiselle. Je ne vais pas vous exclure trois jours. Mais vous êtes renvoyée.
Ondine pâlit. Elle chercha ses mots quelques instants, la respiration rapide. C'était impossible.
— Vous n'avez pas le droit de renvoyer une princesse, cracha-t-elle.
— Je vous l'ai déjà dit, Mademoiselle, mais vous êtes ici chez moi. Je fais ce que je veux. Et je ne tolère pas une telle attitude de votre part, sachant que cela doit être la sixième fois que je vous récupère dans mon bureau depuis septembre. Vos gardes sont déjà en train de préparer vos affaires, et je passerai moi-même un appel à votre père pour lui expliquer.
Ondine hocha la tête de gauche à droite. Elle se mit debout, et s'écria :
— Vous n'avez pas le droit de faire ça ! Vous me renvoyez simplement car je suis votre cousine, et parce que je suis la fille de Nérée d'Okeanos !
— Non, répondit Elysia. Même si j'avoue que cela m'arrange que vous partiez pour cette raison, ce n'est pas pour cela que je vous renvoie. Un professeur vous attend derrière la porte pour vous escorter jusqu'à la sortie, Mademoiselle, et une voiture vous attend déjà également en direction de l'aéroport.
Ondine resta muette quelques secondes. Elle n'osait pas y croire. Elysia posait un regard si hautain sur elle, presque mauvais, qu'elle en était effarée. Elle fit quelques pas en arrière, se prenant sa chaise de plein fouet. Elysia ne pouvait pas avoir gagné, non.
— Mon père vous tuera, souffla Ondine, avant de tourner les talons.
— Bon courage à lui, s'exclama Elysia en se mettant debout à son tour. Pour cela, il faudra qu'il me trouve.
— Il vous trouvera. Tout comme il a trouvé votre père ou votre tante avant cela.
La porte claqua. Elysia prit une grande bouffée d'air, essayant de retenir sa crise de panique, et sortit son téléphone pour arrêter l'enregistrement. Elle envoya le tout par mail à Aurélien et en message privé sur Internet à son double compte, afin d'être sûre de ne pas le perdre. Ensuite, elle prit son téléphone professionnel, et appela le numéro d'Okeanos fourni dans le dossier d'Ondine, qu'elle avait enregistré au cas où. Il fallut qu'elle appelle deux fois avant que l'on décroche.
— Maison Royale d'Okeanos, que puis-je faire pour vous ?
— Je suis Elysia de Clermont. Dites au Roi que l'héritière au trône d'Okeanos veut lui parler dans moins d'une heure.
— Que... Quoi ?
Elysia raccrocha immédiatement.
Ils avaient tué son père, et ruiné la vie de sa tante.
Ils paieraient.
⁂
Une heure suffit avant qu'on ne la rappelle. Elysia attendait dans son bureau, à avancer sur son roman le plus tranquillement possible. Sa tante était passée pour discuter un peu, avant d'assister au dernier cours de la journée d'Aurélien, qu'elle adorait. La directrice de l'Académie mit le téléphone en haut-parleur, et posa son téléphone personnel avec le dictaphone allumé juste à côté. Tout était enregistré.
— Vous avez renvoyé ma fille.
Nérée, en personne. Elysia lâcha un petit rire amusé, tout en l'écoutant poursuivre :
— Cela vous amuse, alors ?
— Vous avez tué mon père.
Un silence suivit les paroles d'Elysia. La jeune femme ferma les yeux quelques secondes pour se reprendre, et susurra :
— Vous avez tenté de me tuer quand j'avais trois ans. Un de vos soldats a tiré sur ma tante, sans aucune raison, avant de fuir car il n'avait pas réussi à me tuer.
— Votre père avait sorti un fusil de chasse.
— Je me fiche de ce que mon père avait fait, le coupa-t-elle. Nous parlons de vous, actuellement. Vous avez donc tenté de me tuer, vous avez fait tirer sur ma tante qui boite depuis trente ans, et vous avez ensuite empoisonné mon père. Et peut-être même ma mère.
— Pas votre mère.
Elysia hocha lentement la tête. Elle resta muette, afin que Nérée ne lâche :
— Et que voulez-vous faire ?
— A vous de me dire ce que je suis censée faire.
— Vous taire. Et renoncer au trône.
— J'y avais renoncé, jusqu'à ce que j'apprenne que vous aviez tué mon père sous prétexte qu'il puisse mettre votre Couronne en péril. Mais Nérée, voyez-vous ce qui vous entoure ? Votre monarchie n'a jamais été aussi vacillante que depuis votre accession au trône. Vous vous êtes entrainé vous-même dans votre propre chute.
Nérée ne répondit rien. Elysia patienta une bonne trentaine de secondes dans le silence, avant de lâcher :
— Je vous propose un ultimatum. Soit, je publie l'enregistrement de cette conversation et les aveux d'Ondine au sujet de la mort de mon père sur tous les réseaux sociaux, et je les partage au monde entier. Soit, vous ne vous approchez plus jamais de ma famille.
— Et vous niez vos revendications sur le trône ?
— Moi et mes héritiers les nierons tant que vous ne nous toucherez pas d'une quelconque manière.
Nérée prit quelques instants de réflexion. Il finit par bredouiller :
— C'est d'accord.
Elysia ferma les yeux de nouveau. Elle prit une bouffée d'air, et lança :
— Je vais vous envoyer un document par mail. Je veux une signature. Cela fait office de traité de paix entre nous.
Un traité de paix est toujours une trêve.
— C'est d'accord.
Nérée raccrocha. Il avait besoin de se sentir un minimum dominant, et le simple fait d'appuyer sur le bouton avait dû le rassurer. Elysia, dès l'appel fini, coupa l'enregistrement, et l'envoya de nouveau à Aurélien et à elle-même, avant de fondre en larmes. C'était fini. Normalement, c'était fini. Tremblante, elle se recroquevilla sur elle-même, et laissa les sanglots l'envahir.
Nous ne nous attendions pas à ce que tu trouves un accord avec lui.
Les ancêtres étaient de retour. Elysia releva la tête, essuya ses larmes et balbutia :
— Il a tué mon père.
Tu l'as vengé, Elysia.
— Ce n'est pas une vengeance. J'ai mis en sécurité ma famille. Mais il n'a rien eu, concrètement. Je ne lui ai rien fait. J'ai simplement fait valoir mes droits.
Et tu as gagné.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top