Chapitre 8: part 1
Lukas:
Elle était là, elle me regardait silencieusement comme si elle n'osait pas m'interrompre. Ou bien avait-elle peur de moi ? J'aimais l'idée de l'intimider, de lui rendre les choses un peu plus compliqué.
Je n'étais pas n'importe quel guignol sur qui elle pouvait crier sans se contenir, j'aimais la douceur avec laquelle elle s'approchait de moi. Comme si elle avait peur que je disparaisse, j'avais pour ma part envie de lui sauter dessus, de lui susurrer bien des choses à l'oreille.
Chaque fois que je sentais sa présence, j'en oubliais la douleur qui m'abreuvait. Parler de sexualité n'était plus concevable, ils avaient beau m'avoir drogués aux antidépresseurs mon cerveau n'avait pas voulu mettre de côté les agissements de Martin.
Je me sentais sale et rien ne pouvait le changer, bien sûr on m'avait conseillé de parler mais c'était loin d'être mon fort. Penser à Roxane était la seule chose qui pouvait me changer les idées, la douleur qu'elle éveillait chez moi était la seule chose d'agréable ces derniers temps.
Elle s'assit au bord de mon lit, elle glissa ses doigts le long de mon bras droit, je sentais des petits picotements électriques parcourir tout mon corps. Je n'étais plus dans le coma depuis quelques jours déjà, pourtant les médecins ne voulaient pas me laisser partir.
Cela commençait à faire presque deux mois que j'étais là, personne ne semblait enclin à ce que je retrouve ma vie d'avant, enfin... je en savais pas si je parlais de celle avant le départ de Roxane ou celle d'après.
- J'aurais besoin que l'on parle... disait-elle incertaine de mon éveil
Je voulais de tout cœur lui parler, j'avais tant de chose à vérifier à lui dire. Mais j'avais peur, avais-je la force d'entendre ses mots ? J'avais beau tout savoir, elle ne s'était pas adressée à moi, je me cachais encore derrière cet espoir d'avoir rêvé.
Roxane ne pouvait pas me faire plus de mal, mais je pouvais encore tomber plus bas. Il était commun d'admettre qu'une fois tombé on ne pouvait que se relever, mais il fallait croire que j'étais assez doué pour creuser.
- Lukas ? Je ne sais pas si tu m'entends... Enfaite-je ne sais rien... je ne connais pas ton état de santé et au fond je préfère ne pas le savoir. S'il devait t'arriver quelque chose, elle souffla bruyamment, je ne donne pas chère du reste de mon âme
Ses mains s'éloignèrent de moi, mon épiderme la réclamait, je me sentais rattaché à la vie à travers elle. Je saisissais le bout de ses doigts aussi rapidement qu'il me l'était permis. J'attrapais ma bouée au milieu de la tempête.
Je n'eus pas besoin de la voir pour imaginer son petit sourire, celui qui faisait naître une fossette au coin de ses lèvres.
- Es-tu d'accord pour que l'on ait une conversation, tous les deux ? Demanda-t-elle fébrile comme si j'avais la force mentale de lui dire non, j'étais tellement faible face à cette fille
J'ouvris lentement les yeux, la lumière m'aveuglait mais je ne pouvais plus rester terré ici. J'avais besoin d'une véritable lumière, les néons de l'infirmerie finiraient par me tuer. Je voulais sentir le souffle du printemps sur ma peau, pouvoir contempler quelque chose de beau.
Je me redressais en poussant quelques grognements, cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas bougé.
- Peux-tu me passer mes vêtements... s'il te plaît
Je ne reconnaissais pas ma voix, elle paressait si lointaine. Roxane aussi fut perturbée un instant, puis elle s'excusa pour son moment de flou et alla chercher mes vêtements dans la penderie.
J'en avais ras le cul de cette chemise à l'odeur de Bétadine. Je n'osais pas la regarder, je devais être tout aussi intimité, je me sentais tellement diminué et faible. J'étais dans une position beaucoup trop vulnérable, elle pouvait ne faire qu'une bouchée de moi. Elle posa mes vêtements près de moi, son visage était tiré, terne.
A ce moment précis, elle n'était pas très jolie, elle s'inquiétait trop ou bien elle n'avait pas dormi. Au fond je devais m'en ficher, elle n'était plus ma petite amie, ce n'était pas mon problème si elle ne dormait pas ou si elle était mal n'est-ce pas ?
- Tu peux te retourner ? Demandais-je
- Ah, oui, mince, pardon, s'excusa-t-elle confuse
C'était drôle, autant de son côté que du mien. Depuis quand étais-je devenu pudique ? Surtout devant elle, elle m'avait vu bon nombre de fois sans rien sur le corps et pourtant là j'étais gêné à l'idée qu'elle puisse me voir.
Les choses avaient changé, que l'on fasse semblant ou pas, elle n'était plus la jeune fille âgée de 15 ans et je n'étais plus le connard qui ne voulait pas s'accrocher. A croire que j'avais réussi à tomber amoureux alors que je ne le voulais pas et maintenant que je voulais seulement que les choses redeviennent normales, tout était différents.
Bien joué Lukas, j'avais le chic pour ne pas vouloirs les bonnes choses au bon moment. Roxane se leva et sortit de la chambre pour que je puisse me changer. C'était bizarre qu'aucune infirmière ne se soit précipitée sur ma personne, mais je n'allais pas me plaindre. J'en avais plus que marre d'être materné, j'étais un grand garçon.
Je retirais mon cathéter, enlevais ces sortes de ventouses poser sur mon torse et me levais. Evidemment, j'étais allé trop vite et je me rattrapais de justesse au chariot.
- Ça va ? Demanda Roxane
J'essayais de lui répondre par un son rassurant, mais je ne savais plus trop ce qui la rassurait. Je me regardais pour la première fois depuis des semaines dans le miroir, j'étais amaigri, ma peau avait une teinte grise vraiment pas flatteuse.
Les poches sous mes yeux s'étendaient bien plus qu'à l'origine, il était clair que j'avais une sale gueule. Je ressemblais à un cadavre putain. Je m'habillais lentement mais sûrement, j'essayais de passer outre la douleur dans mes membres.
Je devais rester concentrer, pour éviter de trop penser. Je restais bloqué sur mes chaussures. Je ne savais plus comment fermer mes chaussures et les lacets ressemblaient à s'y méprendre au fouet qu'avait utilisé Martin. Je m'effondrais sur le sol, complètement tétanisé, je n'arrivais plus à respirer et je revivais en boucles les coups déchirant ma peau.
Je ne sais pas ce qui l'interloqua en premier, le bruit de mon corps contre le sol ou ma lenteur. Roxane déboula en courant dans la chambre, j'étais en panique sur le sol.
- Lukas, ça va c'est moi, dit-elle en posant sa main sur mon épaule
- NE ME TOUCHE PAS ! Hurlais-je
J'avais tellement mal, elle retira sa main et s'éloigna un peu de moi avant de s'assoir sur le sol devant moi
- Je vais rester avec toi, sache-le. Je resterais jusqu'à ce que tu ailles mieux, souriait-elle alors que mon regard restait fixé sur les lacets
Je ne pouvais pas répondre, ma gorge était bloqué, obstrué. Je revivais tout en boucle, j'entendais mes cris, mes prières et rien. Il n'y avait que le bruit fracassant du cuir sur ma peau et la voix de Martin s'extasiant devant mon sang.
- Lukas, regarde-moi je t'en supplie...
Sa voix paressait si lointaine, elle n'était pas là, et moi j'étais là-bas. Dans cette cave, seul. Je criais aussi fort que possible, j'avais fait de mon mieux pour ne pas faire de bruit devant lui, mais maintenant, qui m'en empêchait ? Roxane attrapa ma main assez vite pour que je n'aie pas le temps de lui crier dessus.
- Lukas, c'est moi d'accord. Je suis avec toi, à l'Académie, tu es sain et sauf. Tu n'as plus à t'en faire, je vais régler toute la situation.
Je restais impassible, comme si je ne la voyais pas. Elle tira sur mes lacets, je restais immobile, prisonnier de mes souvenirs. Roxane n'avait pas peur que je lui donne un coup, elle savait qu'elle pouvait me foutre une racler.
Elle se rapprocha de moi jusqu'à ce que sa rotule soi en contact avec ma cuisse. J'aurai dû hurler, la supplier de rester loin, mais ce contact-là, il n'avait rien à voir avec ce que Martin avait fait. Roxane était là pour m'aider, peut-être même pour se faire pardonner.
Son geste était tendre, elle ne me forçait pas à lui parler, elle faisait seulement ce qui lui semblait nécessaire et intelligent de faire. Elle laça mes chaussures puis s'éloigna un peu pour me laisser de l'espace et du temps.
- Merci, réussis-je à articuler au bout d'un moment
Lorsque j'eus pris une assez grande respiration, je fermais les yeux et tournais la tête vers elle. Je ne voulais plus voir mes chaussures, elle me tendit sa main et j'hésitais avant de la saisir pour me lever. On se jaugeait un instant, ne sachant plus comme se comporter en présence l'un de l'autre. Elle avait tant changé et j'étais devenu une ombre que moi-même je ne supportais pas.
- On peut aller faire un tour ? Demandais-je
Elle hocha la tête, de toute façon que j'ai le droit ou non, Roxane n'allait pas me dire non. Elle s'en fichait bien de l'avis des médecins, elle cherchait seulement à ce que j'aille mieux, elle gardait ses bras tendus à chaque instant au cas où il fallait m'attraper.
- Tu as une sale tête, lui dis-je au tournant d'un couloir
Elle rigola
- Pardon ? C'est toi qui dis ça ? En plus tu ne m'as même pas regardé, comment peux-tu le savoir ?
- Je sais tout, répondis-je avec un faible sourire. Pourquoi as-tu cette tête ?
Elle se frottait les mains et se mordait les lèvres, elle n'avait pas changé de mimique et s'en était presque rassurant. J'arrivais toujours à lire en elle.
- On m'a repêché cette nuit...
- Comme un poisson ? Rigolais-je
- Oui... dit-elle mal à l'aise. On peut dire ça...
- Pourquoi étais-tu dans l'eau ?
Un silence s'instaura
- Je crois qu'il aurait suffi de quelques minutes de plus et je serais morte...
- Ah... Mais ça ne me dit toujours pas ce que tu faisais dans l'eau... dis-je avec un ton monotone
- Toi... dit-elle avec une toute petite voix, pour que je ne l'entende pas
Mais Roxane se trompait, j'avais développé mon ouïe avec tout ce temps les yeux fermés
- Comment as-tu pu te noyer à cause de moi, alors que j'étais dans un lit médicalisé...
Une larme silencieuse coula le long de sa joue et je fus tétanisé, je ne savais pas comment réagir avec elle. J'avais peur de faire des gestes déplacés et en même temps je ne voulais pas qu'elle me prenne pour une armoire à glace.
- J'ai eu des hallucinations, j'étais à la rivière, là où on s'est rencontrés. J'étais bouleversée, et j'ai cru te voir
- Alors tu m'as giflé et tu es allée te cacher dans l'eau ? La coupais-je avec un ton hautain
- Non, dit-elle calmement. C'était comme si nous ne nous étions pas quitté, comme si tu n'étais pas mort, que je n'étais pas partie. Ton corps appelait mon corps et je priais pour que ce moment ne s'arrête jamais... Mais petit à petit tu es devenu flou, tu n'étais rien qu'une illusion et je me suis retrouvé là, sous l'eau. Je n'avais aucune envie d'en sortir, je ne voulais pas te revoir dans ce lit et je ne savais pas si j'avais envie de devoir vivre sans toi... Alors je n'ai pas bougé
Mon visage se couvrait d'un voile horrifié
- Je n'ai pas essayé de me suicider ! Me calma-t-elle rapidement. J'étais juste dans l'eau et je n'ai rien fais. Je ne me suis pas rendu compte que j'étais sous l'eau, je crois bien que j'ai même mis du temps à comprendre que j'étais en train de m'asphyxier. Je n'avais pas pour but de mourir, mais j'étais fatiguée de vivre alors je m'en suis remise à ma bonne étoile quoi...
- Comment se fait-il que tu ne sois pas morte ? Demandais-je perturbé
Elle m'offrit un regard brillant
- Pour plusieurs raisons que je vais devoir te compter. Mais surtout, je pense que Bastien a entendu quand j'ai sauté par-dessus ma fenêtre et il a dû me suivre. Mais j'étais trop profonde pour qu'il puisse faire quoi que ce soit, il a appelé les secours. C'est Thomas qui m'a réanimé
Mon visage se tordit en entendant son prénom, je n'y pouvais rien c'était une déformation professionnelle. Autant j'étais devenu ami avec Thibault, autant je n'aimais pas l'autre tecno. Ma grimace fit rire Roxane, à croire que tout n'était peut-être pas si différent
- Il t'en arrive des choses quand je ne suis pas là... Dis-je sans vraiment réfléchir
Son visage se ferma, je ne disais pas ça pour le lui reprocher, ou alors peut-être que si. Je n'étais pas vraiment clair avec moi-même.
- Je suis désolé, dit-elle
- Je sais, dis-je simplement pendant que l'on se dirigeait vers les jardins
Tout le monde nous fixait dans les couloirs, j'avais envie de tous les frapper mais je savais que cogner se m'enlèverait pas le poids sur ma poitrine. La chaleur du soleil me fit un bien fou, j'avais l'impression de sortir de l'hibernation.
Je n'appréciais pas les regards de toutes ces jeunes filles, je me sentais pris au piège de mon propre jeu. Il y en avait bien une qui allait venir me parler et c'était bien la dernière chose que je voulais.
J'arrivais à accepter la présence de Roxane autour de moi, mais cela ne voulait pas dire que j'étais prêt à ce que quiconque me touche ou ne s'approche de moi. Roxane me montra un banc dans un petit coin reculé, je ne savais pas si elle avait choisi le côté reculé pour moi, ou pour elle.
On s'assit et je fermais les yeux un instant, juste pour sentir la vie tout autour de moi. Je savais déjà ce qu'elle allait dire, mais j'avais besoin de l'entendre savant pertinemment l'effet que ça allait me faire.
- Je n'ai pas été totalement honnête avec toi ces derniers temps...
- Ces derniers temps ? Dis-je en feignant d'être surpris
- Depuis que je suis partie... avoua-t-elle
- Alors tu vas enfin le faire... Tu vas m'expliquer le pourquoi du comment ?
Elle hocha la tête, ses yeux étaient déjà tout humides. J'imaginais bien que ce n'était pas facile à dire, elle devait être terrorisée. Elle ouvrit la bouche et l'histoire commença à se dérouler. On revenait à ce jour fatal où j'étais mort.
Aucun de nous n'était à l'aise en parlant de cela. Elle me raconta la dépression qui l'avait frappé, lorsqu'elle était partie tout le monde m'en avait parlé. M'assurant qu'elle ne pouvait vivre loin de moi et qu'elle reviendrait, évidemment, elle n'était pas revenue. Roxane parlait, ses mots me touchaient en plein cœur, c'était douloureux de l'entendre parler de nous, de cet amour.
- J'étais prête à tout pour te ramener, j'aurais pu vendre mon âme, pactiser avec n'importe qui capable de te ramener, elle rigola. C'est d'ailleurs ce que j'ai fait
Elle parla pendant des heures, m'expliquant chaque instant, chaque avancée dans sa quête pour me ramener. J'avais manqué tant de chose... Elle me parla de Clarissa, de ma famille, elle n'oublia rien, elle était beaucoup plus exhaustive qu'avec Bastien.
J'appréciais cette franchise même si je la trouvais un peu tard, cela faisait plus de quatre moi qu'elle était revenu, et il avait fallu qu'on encoure encore bien des malheurs pour qu'elle parle. Je me demandais simplement, pourquoi maintenant ? Qu'est-ce qui l'avait poussé à m'en parler maintenant plutôt que durant sa fuite ou à son retour.
- Clarissa t'a ramené, enfin, ce n'était pas vraiment toi. J'ai voulu y croire au début, je voulais tellement que cela soit toi. Elle sanglotait et je n'avais aucune idée de ce que j'étais censé faire. Mais plus le temps passait et plus mon cœur me criait que ce n'était pas toi, je m'accrochais à ce corps comme au dernier espoir que j'avais de t'avoir près de moi. J'avais besoin de toi plus que de personne, je me sentais si seule, j'étais désemparée, une épave. Puis Clarissa m'a parlé de ce qui était arrivé à ceux qu'elle avait ramenés, ce retournement de situation, de comportement. De plus, je savais que le démon était là, qu'il rodait, son emprise sur moi se faisait plus grande chaque jour. Je devais mettre des priorités, j'avais préféré mettre de côté cet autre toi pour m'occuper de l'autre. Enfin bon... on peut tous dire qu'une fois de plus, c'était une belle erreur à croire que je les accumule.
Elle tremblait, elle n'allait pas bien mais d'un côté me parlait la déchargeait, elle avait peur de ma réaction et en même temps je voyais bien que ses secrets la rongeaient. Elle reprenait l'histoire, m'expliquant que le démon et mon remplaçant n'étaient au final qu'une seule et même personne.
Elle m'expliqua l'accident qui avait couté ses jambes à Thibault, le fait qu'elle avait peur qu'il soit mort. Puis elle s'effondra en m'expliquant s'être accroché à l'esprit du démon en elle. Il était trop faible pour rester dans notre dimension, et elle voulait négocier mon retour avec un Dieux, que cela soit un bon ou un mauvais. C'est comme ça qu'elle a atterri dans le royaume d'Asmodée.
Petit à petit son récit rejoignait celui qu'elle avait raconté à Bastien. Elle parla de son kidnapping, de sa rencontre avec Vincent, s'il s'appelait vraiment comme ça. Elle pleurait, elle tremblait, mon cœur se brisait à mesure que je l'entendais parler.
- J'ai compris qui était Asmodée pour moi... Que mon père, enfin tu vois, qu'il ne voulait pas que je le retrouve je ne sais même plus vraiment pourquoi. Je savais que si Asmodée vraiment ma coopération, je pouvais négocier. C'était ce qui était prévu dans ma tête, je le laissais rester en moi pour voir la vie sur Terre et tu revenais avec moi. Mais Asmodée avait d'autres projets, dit-elle lorsque sa voix se cassa
La fin de l'histoire fut la plus terrible autant pour elle que pour moi, elle avait accepté l'accord avant même d'en comprendre toutes les spécificités parce qu'elle était prête à tout... pour que je revienne... pour que l'on se retrouve.
J'étais bien revenu, mais nous ne nous étions pas retrouvé, elle était partie. J'arrivais à comprendre son départ, je lui en voulais toujours de ne m'avoir rien dit.
- Lorsque je me suis réveillée, j'ai compris ce que je venais de perdre, que c'était toi la seule chose qui m'empêchait de devenir comme il le désirait. Je n'ai pas supporté de te voir, t'entendre et te sentir sans ne rien ressentir. J'avais tellement bataillé et attendu pour te retrouver, et je me retrouvais vide devant toi... J'aurai dû comprendre ce que ses mots voulaient dire, mais je ne voulais comprendre que ce qui m'arrangeait. J'étais peut-être naïve de croire que ce grand-père ne voulait que mon bien. Il pense le vouloir, mais lui et Vincent n'ont pas conscience que je ne demandais pas tout ça, je te voulais toi, et rien de plus. Je ne pouvais pas rester en étant consciente de ce que j'avais perdu
Je l'ai pris dans mes bras, elle n'avait pas fini de parler et peut-être que cette accolade la dégoutait. Mais je ne faisais pas cela pour elle, je le faisais pour moi, pour le Lukas qui avait perdu la tête avec toutes ces conneries, celui qui s'était senti trahi par tous, sa famille et celle qu'il aimait.
- Je me suis enfuie en prenant Clarissa avec moi, je ne pouvais pas la laisser. Elle était devenue tellement importante pour moi, en prenant soin d'elle j'avais l'impression de ne pas t'avoir totalement abandonnée je devais l'admettre. Je n'ai pas cessé de penser à toi, de chercher un moyen de combler ce vide. Mais Asmodée savait ce qu'il faisait, il n'existe pas de moyen de retrouver ce que j'ai perdu. Je préférais partir plutôt que de te dire, que oui, j'étais folle amoureuse de toi, mais que cet amour avait été pris. Je ne savais pas comment te regarder après cela, vivre avec toi à mes côtés, consciente de ce que je ressentais mais ne ressentant plus rien. C'était trop, comme si j'avais en permanence une énorme côte de bœuf appétissante près de moi, sentant ma salive monter et mon ventre gargouillé, mais que dès que j'osais m'approcher d'elle je ne ressentais qu'un énorme vide
Je n'arrivais pas à croire qu'elle me comparait à de la viande mais cela me fit rigoler. Je me mis à rire à gorge déployée. Peut-être était-ce un rire nerveux, peut-être pas, mais la conclusion était la même, je rigolais.
- Mon Dieu, mais ça te fait rire ? S'offensa-t-elle
- J'ai imaginé tellement de scénarios horribles, que je sens un poids s'enlever de mes épaules... articulais-je
Elle me regardait de travers, comme si je venais de dire une connerie sans nom. Je me fichais de ce qu'elle pensait à ce moment, j'avais le droit de commencer mon deuil de la façon de mon choix. Elle avait eu deux ans tranquilles pour faire le deuil, elle pouvait bien me laisser rire un instant.
- Tu savais n'est-ce pas ? Demanda-t-elle au bout d'un moment
Je hochais la tête
- Il est possible que je vous aie entendu quand tu as parlé à Bastien... avouais-je
Elle fronça les sourcils, mais se détendit rapidement
- Tu m'en veux ? Demanda-t-elle
Mon rire s'arrêta net, sa question me perturba parce que je n'en avais aucune idée. Je lui en voulais à mourir et puis d'un côté, elle avait fait tout ça dans le seul but de me ramener, parce que la vie lui semblait trop dure à vivre sans moi.
Je ne savais pas si j'aurais préféré rester mort, peut-être que je me serais habitué aux enfers, qui sait... En même temps, maintenant j'étais en vie mais sans elle. Les évènements se bousculaient dans ma tête, c'était un dénouement que je n'avais pas envisagé il fallait être honnête.
- La question n'est pas de savoir si je t'en veux ou pas, souris-je timidement
- Alors quelle est la question ?
- Es-tu vraiment sûre qu'il n'existe aucun moyen pour récupérer ce qu'il t'a prit ? Demandais-je
Elle ne répondit pas tout de suite, pesant ses mots.
- Honnêtement, je ne crois pas. J'ai vraiment cherché, mais tu sais Asmodée est dangereux alors je ne veux pas qu'un de vous essaye quoi que ce soit. Bastien a promis de ne pas se mettre en danger ou de chercher de solution et j'espère que tu en feras de même. Je suis la seule à pouvoir l'affronter psychologiquement alors qu'il me terrifie. Après j'imagine qu'il y a toujours un moyen, mais c'est bien trop dangereux, qui sait ce que l'on pourrait perdre. Asmodée ne fait rien gratuitement
- Papi n'est pas du genre à faire des cadeaux ? Souris-je
Elle me frappa assez violemment
- Ne dit pas ça !
- J'aimerais savoir, avouais-je. Pourquoi me dis-tu tout cela maintenant ?
Elle fixa ses pieds
- Parce que j'ai peur, et que tu es le seul dont l'avis m'importe assez pour me faire changer d'avis... avoua-t-elle
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