Chapitre 5: part 2
Roxane
Camélia nous accompagna voir quelques jeunes filles, avec qui il aurait pu passer la nuit. Elle croyait encore en lui et moi et pourtant, elle savait pertinemment qu'il passait ses nuits avec des filles aux mœurs légères.
Camélia était surprenante, toujours un peu plus. Je m'occupais de Tristan pendant qu'elle est Bastien faisait le tour des lits où il aurait pu se cacher. Je n'avais aucune envie de voir tout ça, je voulais ressentir une jalousie viscérale, quelque chose de douloureux. Mais la douleur, je me la créais toute seule, imaginant ce que je devais ressentir
- Papa...
Dit à voix basse Tristan en me fixant avec ses yeux, j'étais assise dans le couloir et le bout de choux était debout. Il se tenait à mes doigts pour ne pas perdre l'équilibre et je le regardais, je le détaillais.
- Je sais, il te manque
Il tourna la tête de gauche à droite, il était si petit, si fragile, je voulais le serrer contre mon cœur et ne plus le laisser s'éloigner. La vie était trop dangereuse pour un petit garçon
- Papa aimé toi...
Je ne savais pas si c'était une question ou une affirmation, je ne comprenais même pas d'où lui venait cette idée. Il ne me connaissait pas et moi non plus, nous étions deux personnes qui aimaient ou avait aimé les mêmes personnes.
- C'est difficile, rigolais-je
Mes paroles semblèrent lui passer au-dessus, il n'en avait déjà plus rien à faire. Il se tortillait avec ses petites jambes, il dansait ou tout du moins il essayait. Je me mis à rire toute seule et il s'arrêta d'un coup, il se planta devant moi et se laissa tomber dans mes bras.
Je l'étreignis et me remuais comme il le faisait il y a encore quelques secondes. Il sentait le bébé, cette odeur sucrée et douce de lait, de talc et d'amour. Il réchauffait mon être, je ne voulais plus le laisser partir.
- Roxane ! Cria Bastien au loin
Il courait, Camélia aussi, leurs visages étaient fermés. D'un coup, je me préparais au pire, leurs mots allaient devenir une sentence.
- On a un problème... Annonça-t-il essoufflé
Je me relevais le garçonnet toujours collé contre moi
- Quelqu'un la vue... S'époumonait Camélia
- C'est une bonne chose non ? Demandais-je septique
Mes deux amis se regardaient, ils s'inquiétaient de ma réaction. Lukas restait Lukas, j'étais toujours prête à mourir pour lui sauver la peau, c'était peut-être de ça dont ils avaient peur.
- Une des filles la vue se faire trainer, inconscient dans les jardins de l'Académie...
J'explosais de rire, mon cerveau n'arrivait plus à ingurgiter le stress. Je sentis quelque chose se fissurer dans mon âme, je l'imaginais affamé, tué ou torturé loin de nous. Mes jambes me lâchèrent et le poids de mon corps tomba d'un coup.
Je ne pouvais pas me retenir avec mes mains, elles tenaient Tristan fermement pour lui éviter de se faire mal. Quelle conne ne réagissait pas en voyant quelqu'un se faire traîner inconscient.
- Pourquoi n'est-elle allée voir personne ? Demandais-je toujours à terre
- Elle pensait que... Pour elle... c'était un frère jaloux, qui voulait juste régler ses comptes avec Lukas
Je détestais tout ça, ce silence qui d'un coup se créa et la peur qui augmentait encore. J'étais constamment tétanisée, je me sentais suivie, surveillé, mais je n'étais pas la seule en danger. Lukas était plus faible qu'avant, il était différent, il n'allait pas se battre pour la vie.
- Un frère... A-t-elle vue celui qui a fait ça ? Lançais-je comme une bouteille à la mer
Camélia se mordait la lèvre et Bastien s'assit à côté de moi, passant son bras dans mon dos
- Je suis une grande fille, lui dis-je assez froidement
- Je sais, je fais ça pour moi. Je n'ai pas la force de perdre quelqu'un d'autre
Son ton était sincère et sa voix trahissait sa détresse. Je passai Tristan à sa mère et attrapai Bastien, je me collais à lui le serrant tout fort contre mon cœur.
- On pense que.... Commença à articuler Camélia. Un garçon blond...
- Martin ! Cracha-t-il
Les évènements d'il y a deux ans surgirent dans ma tête, ils s'insinuaient lentement mais sûrement. Je revivais cette soirée où un coup d'Etat s'était transformé en boucherie. Cette nuit où il m'avait été retiré, où j'avais perdu l'amour de ma vie. Ma rage montait dans mon corps, mes veines bouillonnaient.
Asmodée devait être plié, mais moi, je ne pensais qu'à sauver Lukas et éviscérer Martin. J'avais calmé mes ardeurs de vengeances, préférant m'exiler, mais cet enfoiré avait misé sur le mauvais cheval. J'allais le tuer, il pouvait en être sûr, mais je prendrais mon temps. Il aurait le temps de se voir décrépir, d'implorer une mort plus clémente, il verrait plus de sang en dehors de son corps de bâtard qu'à l'intérieur.
Les idées lugubres étaient dans ma tête, j'avais tant d'idées pour le faire souffrir, je voulais l'entendre hurler à la mort. Voir la peur dans son regard, sentir sa peau renoncer à la vie. Je désirais voir chez lui toute la douleur qu'il avait suscitée chez moi.
- Allons voir Chloé... Dis-je en enlevant de mon visage le masque que j'avais voulu montrer
La soif de sang était présente mais elle venait de croitre de manière exponentielle. Je n'allais pas refaire la même faute, Martin ne s'en sortirait pas vivant.
- Je voudrais venir avec vous... mais
- Reste avec le bébé, souris-je à Camélia en les serrant tous les deux dans les bras
- Papa... répéta Tristan
- Je vais te ramener ton papa, promis, dis-je en embrassant le né du petit garçon
Bastien sur mes pieds on se mit en route vers notre Reine.
- Tu ne devrais pas faire de promesse que tu pourrais ne pas tenir...
Il s'inquiétait pour moi, il cachait sa peur pour Lukas. D'un coup, il me revoyait lorsque Lukas n'était plus avec nous. Cela avait été des mois noirs, j'essayais d'oublier cette période de ma vie, il n'y avait rien à garder, trop de pleurs, de cris.
- Je ne laisserais personne me le retirer... Je l'ai laissé une fois, rien ne pourrait m'empêcher de le ramener. Je peux passer ma vie à m'engueuler avec lui à cause de nos différends, il n'y a pas de problème. Mais s'il est loin de nous, je veux que cela soit son choix non celui d'un fils de pute
Je tendis ma main à Bastien et il tapa dedans, on allait y aller et on allait le ramener.
On gravit les marches, Chloé était bien dans son bureau. Je me dirigeais vers elle quand Bastien allait voir Thibault pour le tenir au courant de nos projets.
- Roxane ? Sourit Chloé en m'apercevant
- Nous avons besoin d'une autorisation de sortie, dis-je sans passer par quatre chemins
- Qui nous ? Pourquoi ? Que se passe-t-il ?
- Bastien et ceux qui voudront... Lukas c'est fait avoir, Martin est revenu
Mon amie frappa son bureau de verre avec sa main, j'étais sure qu'elle devrait souffrir mais elle ne montra rien.
- Putain de merde. Je le savais putain, cet enculé n'allait pas nous lâcher. Allez le sauver ! Je ne me le pardonnerais pas si tu avais fait tout ça pour rien...
- On ne parle pas de moi Chloé, mais de ce qu'il a déjà vécu ! Il est mort et maintenant kidnappé
- Ouais... fin c'est pareil. Ça serait bête que tu aies passé un accord avec Asmodée si Lukas meurt... En plus, j'ai engagé Daphnée pour ça. Elle devait le suivre et le protéger à n'importe quel moment, ruminait-elle
- Je partirais dès que nos affaires seront prêtes... avouais-je
- Je dis à Daphnée de venir avec vous... dit-elle en tendant sa main vers un téléphone
Je courrais pour pousser sa main
- Je préfèrerais que non... Je ne sais pas ce que je ferais à Martin... Je préfère n'avoir près de moi que des personnes de confiance...
- Faites attention Roxane, on ne sait pas ce qui se passera quand il jugera que tu seras prête...
- Je sais, dis-je la gorge sèche
Elle acquiesça, elle n'était pas ravie que je parte comme ça. Mais cela n'aurait pas été bon pour elle non plus si Daphnée me voyait faire une crise de violence. Daphnée devait me tuer si j'allais trop loin, mais là si j'allais trop loin ce n'était pas grave.
La porte du bureau s'ouvrit en grand, Thibault roulait jusqu'à nous avec Bastien tentant de le rattraper.
- Mamour, je vais avec eux
Un gros blanc s'installa, Chloé était surpassée, énervée
- Hors de question ! Tu es convalescent
- Je le suis depuis deux ans ! Hurla-t-il plus fort quelle
Bastien et moi étions mal à l'aise, nous ne devions pas assister à ça.
- Je vais aller sauver Lukas. Je ne te laisse pas le choix, il est devenu mon ami, cet enfoiré compte pour moi, quel homme serais-je si je ne me battais pas pour lui ! S'emporta-t-il
- Bien, concéda Chloé. Mais revenez-moi tous vivant et avec Lukas, compris ?
Mes comparses offrirent leur plus beau sourire quand je ne pris la peine que de lui offrir un petit sourire.
- Retrouver-moi ici dans une heure... Dis-je aux garçons en sortant du bureau
- Roxane... On ne sait pas où aller...
- Ne vous en faites pas... Dans une heure j'aurais cette information, souris-je
Ils ne posèrent pas plus de questions et je les en remerciais. Comment pouvais-je expliquer qu'un démon supérieur me donnait tous les détails nécessaires pour perpétrer des meurtres. Asmodée se rendait compte quand je n'arrivais plus à gérer mes accès de colère.
Il me tendait comme le serpent avait tenté Eve, me communiquant tous les détails, le lieu, les faiblesses de mes victimes potentielles. C'était insupportable de se battre contre lui, mon esprit était inondé de tout ce que je pouvais faire subir à ces gens, la plupart du temps innocents. J'allais devoir le laisser communiquer avec moi cette fois, j'avais en quelque sorte besoin de lui et cela m'effrayait encore plus.
Je courrais jusque dans la salle de Clarissa, elle était bien ici, avec des gens de son âge. Elle c'était fait des amis, mais elle restait ma protégée, nous étions une famille l'une pour l'autre. Elle venait d'entamer sa formation, l'élite, un régiment qu'elle avait dû refuser pour se sauver la vie. Ses dons causeraient sa mort, il fallait donc éviter de les utiliser.
Je frappais à la porte et ouvris
- Excusez-moi, je dois parler à la jeune Clarissa, dis-je au professeur
- Mademoiselle Roxane, quel plaisir de vous revoir
J'offris un sourire gêné, encore un professeur dont je ne me souvenais pas. Bizarrement, depuis que Chloé était devenue reine, il était conseillé d'entrer dans mes petits papiers. Je n'en avais malheureusement rien à faire, je n'étais pas là pour ça. Clarissa se leva et me suivit en dehors de la classe, il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour voir que je n'allais pas bien.
- Que se passe-t-il ? Me demanda-t-elle
Je lui racontais la disparition Lukas et nos rapports avec Martin, la jeune fille était toute rouge, énervée comme jamais.
- Vas-y, ramène le et... tu sais quoi faire de l'autre, me sourit-elle consciente que la seule issue pour Martin était la mort
Clarissa me surprenait toujours par sa maturité, sa facilité à s'adapter. Elle n'avait jamais ronchonné, se contentant de ce qu'on lui donnait. Elle ne parlait que très rarement à Lucinda ou à ses frères, elle se sentait obligée de m'en parler à chaque fois. Elle voulait que je la pousse à retourner vers eux, à leur pardonner, mais je n'en étais pas capable.
J'avais eu si peur le jour où je pensais qu'elle allait mourir, ses yeux, son teint, elle était mourante et une partie d'elle était vraiment morte. Clarissa n'avait pas besoin que je lui rabâche sans cesse le danger que ses dons étaient pour elle. Elle le comprenait, ses séjours à l'hôpital en étaient la preuve.
La jeune fille me sauta au cou, elle m'enlaçait et moi je respirais son parfum. Elle était la petite sœur que je n'avais pas eue, la seule à apporter un peu de stabilité régulière dans ma vie. Tout le monde pensait qu'elle avait besoin de moi, mais en réalité, c'était l'inverse. J'avais bien plus besoin d'elle que d'elle de moi.
- Je t'aime Roxane,
- Moi aussi Clarissa, occupes-toi bien de tout le monde quand je ne serais pas là
J'essuyais du bout du doigt une larme qui coulait le long de son visage de porcelaine, ses cheveux blonds lui donnaient un côté naïf qu'elle avait malheureusement perdu depuis bien longtemps.
Elle savait, elle comprenait pourquoi je devais partir. Nos doigts se touchèrent jusqu'à ce que je m'éloigne trop, elle retourna à son cours dans le silence et moi je partis retrouver une chambre qui m'avait manqué.
Il fallait toujours que les choses soient graves pour que je me décide enfin à faire le nécessaire. J'avançais vers la chambre que j'avais partagée avec Maëlys, même si elle ne le revendiquait plus, elle faisait partie de notre petit groupe.
Elle était libre de ne pas venir, mais je me devais de la tenir au courant, de lui montrer que nous ne lui sommes pas supérieurs. Maëlys avait besoin de l'estime que malheureusement personne ne pouvait lui donner tant qu'elle restait entourée d'élitistes. J'allais droit au but, je ne devais pas penser, ni même réfléchir, c'était trop risqué. Je frappais à la porte et quelqu'un m'ouvrit.
- Bonjour, je cherche Maëlys, souris-je poliment
La jeune fille rougit instantanément
- Elle n'est pas là... chuchota-t-elle tout bas
- Pardon ? Demandais-je n'entendant pas un mot
- Elle a fini sa formation, sa chambre n'est plus ici, dit quelqu'un derrière elle
Ah merde, j'avais complètement oublié que Maëlys n'était plus une novice. Deux ans putain, j'avais loupé bien trop de choses.
- Savez-vous où elle est maintenant ?
La jeune fille derrière la première me tendit un bout de papier où elle avait griffonné un numéro. Je les remerciais et courrais en direction des appartements qui correspondaient à la bonne dizaine. C'était à l'opposé des appartements pour élitistes.
La ségrégation à cause des régiments était tout bonnement dégueulasse, j'avais fait des choses bien moins recommandables que ces gens et pourtant, j'avais bien plus de privilège. Je vérifiais une bonne dizaine fois que le numéro sur la porte était le même que sur la porte. J'espérais vraiment que Maëlys soit là, je n'avais plus le temps de lui courir après dans toute l'école.
Je me souvenais que Bastien m'avait raconté que son travail avait été créé de toutes pièces, j'espérais que les horaires soient assez cool pour qu'elle puisse encore être chez elle à cette heure. Je frappais quelques coups à la porte.
- J'arrive, entendis-je à travers la porte
Une peur se souleva de mes épaules. Elle était là, j'allais pouvoir lui parler. Lorsque mon ancienne meilleure amie ouvrit la porte, elle arborait un sourire gracieux mais quand elle se rendit compte que c'était moi, il disparut instantanément.
- Roxane, dit-elle sèchement
- Je vois que tu es heureuse de me voir, essayais-je de détendre l'ambiance
- Que veux-tu ?
Visiblement, elle n'avait pas du tout envie de détendre quoi que ce soit.
Je pris mon courage à deux mains, je lui racontais pour Lukas. Je voulais aussi me justifier pour mon départ, mais il n'était pas très intelligent de remuer tout ça à ce moment. Je m'apprêtais à tuer Martin, je devais éviter d'atteindre un seuil de non-retour.
Je devais faire attention à ce que j'allais faire, je préférais encore voir mes amis me détester que les voir me soutenir dans mes conneries. Maëlys resta muette, elle réfléchissait, elle prenait conscience de l'impact de mes mots. L'expression dans ses yeux passa de la colère, à la tristesse.
- Et donc quoi ? Tu voudrais que je me joigne à votre groupe de bras cassés ? Rigola-t-elle
Elle se moquait de moi, je savais qu'elle voulait venir, mais elle ne trouvait pas la force de surpasser son ressentiment. Elle m'en voulait trop.
- Fait comme tu veux Maëlys, je suis venue te tenir au courant de nos plans. Aller le chercher, le ramener et reprendre nos guéguerres si c'est ce que tu veux...
Son sourire suffisant disparut de ses lèvres
- Pourquoi fais-tu ça ? Me demanda-t-elle
- Quoi ?
- Pourquoi vas-tu le chercher ?
Je rigolais à m'en déboiter la mâchoire. Elle posait sérieusement la question, comme si j'avais pu l'abandonner.
- Lukas a été mon ami avant que je ne tombe amoureuse de lui, je n'abandonne pas un ami...
- Pourtant nous, tu n'as eu aucun mal
- Tu n'en sais rien ! Criais-je d'un coup. Juge-moi autant que tu veux, mais ne pense pas savoir ce que je ressentais, jamais ! Tes pires cauchemars ne seraient pas à la hauteur de la vérité
- Blablabla, mademoiselle Roxane qui a toujours les pires expériences. A croire que nos vies sont roses à côté de la tienne. Mais non Roxane, tu penses être la seule à souffrir ? Eh bien trompes toi
Elle claqua sa porte sans un regard de plus. Elle n'allait pas nous accompagner, elle n'était pas encore prête à se délester du poids de tout ça. Je restais planté devant cette porte quelques instants pour prendre la mesure de ses mots.
Elle avait raison et tellement tort que s'en était douloureux. Je ne pensais pas être celle avec la pire vie, mais oui, je pouvais prétendre au fait que la mienne était pire que la sienne. Je n'avais aucun mal à me dire que ses nuits étaient rythmées par la tristesse, mais les miennes étaient habitées par la peur.
Mais je n'avais pas seulement peur pour moi, j'étais pétrifiée à cause de ce que je pouvais faire aux autres. Je pouvais les tuer sans m'en rendre compte, le sang d'Asmodée coulait en moi.
Je retournais mon appartement pour me préparer un petit sac avec seulement le nécessaire. Puis, il fut le temps de converser avec mon grand-père. L'idée me donnait la gerbe, mais je faisais cela pour Lukas.
Je ne savais pas ce qu'il avait déjà enduré, je ne voulais pas le laisser une seconde de plus avec Martin. S'il lui avait fait du mal, jamais je ne pourrais me le pardonner.
J'attrapais le tee-shirt de Lukas, son odeur avait encore un effet sur moi, une odeur de nostalgie mais c'était déjà mieux que rien. J'entourais mon cou avec le tissu, je remplissais mes poumons avec cette odeur. Je m'allongeais sur mon lit et je repensais à la rage qui coulait dans mes veines.
Je me voyais, les mains autour du cou de Martin, il n'y avait rien d'autre que nous deux. Ses yeux me fixaient, ils étaient défoncés rouges et gorgés de sang et moi, je me sentais perdre pied. Je devais totalement perdre le contrôle pour entendre la voix d'Asmodée dans ma tête. Heureusement que j'étais seule dans mon appartement, je ne savais pas à quoi je ressemblais et je n'avais aucune envie que quelqu'un le sache.
Je me sentais renoncer à mes sentiments, je torturais Martin non plus parce qu'il nous avait tous fait du mal, mais seulement parce que j'aimais la sensation qui se déversait dans mes veines. Je prenais plaisir à lui faire du mal, à sentir sa vie s'écouler le long de mes doigts. Je m'effrayais moi-même, je prenais tellement mon pied.
« Continue, chuchotait la voix, ne t'arrête pas mon trésor. Ressent la vie qui s'enfuit, prend-lui avant qu'il ne prenne la tienne. Roxane tu es née pour faire ça, tes doigts sont faits pour abréger la vie. N'aie pas peur de suivre ton destin, tu es fait pour l'enfer. Lukas a besoin de toi, tu le sais... Mais l'amour t'aurait pétrifiée, tu aurais été incapable d'agir, regardes-toi. Tu es magnifique, tes yeux se gorgent de son sang, tes poings vont ôter la vie à celui qui a menacé la vie de Lukas. Et ça, tu ne peux le faire que grâce à moi, l'amour te rend faible. Cette fois tu vas le sauver, tu éviteras que son sang soit coulé. Tu en es capable cette fois et la seule différence avec il y a deux ans, c'est que désormais, tu es libéré du poids que ton cœur représentait... »
Sa voix était mielleuse mais rugueuse, elle râpait mon âme comme du papier de verre. Je perdais les pieds, je pouvais le voir en moi, il était là, psychiquement. Lui et moi étions si proches au fond, il avait habité mon corps comme j'avais habité sa vie.
Il me connaissait mieux que quiconque, de mes désirs secrets à mes peurs. Il savait que j'avais peur de lui, et il en jouait. Ce connard n'avait qu'un but, me rendre comme lui, et il était sur la bonne voie pour y parvenir.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top