Chapitre 10: part 2

Roxane

- Tu es bien sure de toi ? Me redemande Thibault

Ma bouche est sèche, mes certitudes sont de moins en moins nettes, mais je sais que je dois le faire. J'attrape sa main et la serre, je ne sais pas lequel de nous deux j'essaye de rassurer avec ce geste. J'ai peur, terriblement peur, parler des Enfers, une chose, y retourner maintenant, c'est tout autre chose.

- Tu n'es pas obligée tu sais...

Thibault me dit ce que je veux entendre et non ce que je dois faire. On sait tous les deux que je dois aller en enfers. Asmodée doit nous aider, l'idée même qu'il fasse quelque chose de ce genre me met mal à l'aise. Suis-je vraiment assez importante pour qu'un des princes des Enfers m'aide ?

Je ne sais pas trop quelle réponse j'attends, je ne sais même pas ce que j'attends des Enfers. Est-ce que j'ai proposé d'y aller pour me prouver quelque chose ? Pour leur prouver que ce lieu ne me fait rien ? Je ne comprends mes actes qu'après les avoir faits, et on peut aisément constater le bordel qu'est ma vie.

- Je sais... lui souris-je faiblement

Il était là, dans son fauteuil roulant et mon cœur ne faisait que se serrer. La dernière fois, il avait perdu l'usage de ses jambes, qu'allais-je lui rentrer cette fois ?

- Tu es prêt ? Lui demandais-je

- Arrête de t'inquiéter pour moi. La dernière fois... Je dois te dire que je ne t'en voulais pas, je me suis mis en retrait seulement parce que c'était trop dur pour moi. Je peux marcher, tout le monde le sait, mais je n'y arrive pas pour autant. Alors, me voir marcher, même si c'était grâce à toi... Je n'ai pas su gérer mes émotions...

Je n'ai rien à répondre, il ne veut pas de réponse. C'est un accord silencieux entre nous, il m'excuse pour le mal occasionné. C'est quelque chose d'avoir pris contrôle de l'esprit d'Adam, d'avoir voulu lui faire du mal, mais entrer dans un esprit n'a rien d'agréable. Je me sens tellement illégitime, je viole l'intimité de quelqu'un.

J'ai effacé tellement de souvenir à Ilan, des choses dont il ne se souviendra jamais car elles ont été effacé trop longtemps. Heureusement j'ai pu lui restituer suffisamment de choses pures que tout est un sens. Mes doigts s'approchent du front de Thibault et je sais que je vais avoir mal. Le forcer à faire ce que je désire m'oblige à constater sa condition.

- N'aie pas peur Rox, parce que moi, je n'ai pas peur

Son sourire m'accueille avec gentillesse. Alors mes doigts se posent et appuient sur le milieu de son front. La douleur monte dans mon corps, cette douleur qui est presque devenue une ancienne amie. Je me sens toute flagada, l'esprit de Thibault s'ouvre à moi et en même temps je l'empêche de me communiquer ce qui ne me concerne pas.

Lorsque je me sens suffisamment ancré pour avoir un effet sur son esprit, il se détend, sachant pertinemment que cela sera moins douloureux pour nous deux s'il est d'accord avec la manipulation de son esprit. Alors, ma voix s'élève entre nous, elle est plus grave et plus rauque

- Le poids sur tes jambes a disparu, lèves-toi et marche !

Je garde le contact physique avec lui jusqu'à ce que ses mains prennent appuie sur les accoudoirs du fauteuil et que son corps s'en éloigne petit à petit. Je retiens ma respiration, j'aimerais tellement qu'il puisse remarcher sans mon aide, sans artifices, sans souffrance.

Lorsqu'il est debout, je pose mon front contre le sien, je scelle pour un temps sa condition. En éloignant ma tête et mes doigts de lui, je ressens le picotement qui s'intensifiera jusqu'à ce que je ne sois plus capable de maintenir notre connexion. Le lien que nous entrainons me permet d'être plus forte avec lui, de maintenir l'illusion plus longtemps, mais cela finira par cesser, nous le savons tous les deux.

- Alors maintenant, mademoiselle. Comment se rend-t-on en Enfers ? Rigolait Thibault

Il avait l'impression que je connaissais parfaitement le chemin, mais ce qu'il ne savait pas, c'était que la seule fois où je m'y étais rendue, c'était en m'accrochant à Asmodée. Il fallait maintenant utiliser un trajet un peu moins orthodoxe.

- Il faut se rendre dans un cimetière, on doit être enterré

Le petit sourire de Thibault disparut à la seconde même où mes mots s'échappèrent de ma bouche

- Tu déconnes ? Me suppliait-il de regard

- Je suis désolé, mais si j'appelle Asmodée, cela sera ici et tu ne le verras pas. Je serais trop vulnérable, si on va en Enfers, on pourra essayer de chopper des infos dans d'autres Royaumes que celui d'Asmodée si il ne veut pas nous aider.

- J'espère que tu sais ce que tu fais... rigolait-il jaune

- Moi aussi... J'aimerais vraiment... dis-je assez bas pour qu'il ne m'entende pas

Avant de partir, Thibault embrassa sa femme. Le visage de Chloé trahissait la peur et je me refusais de croiser son regard. Je n'avais rien à lui promettre, je savais à quel point les Enfers n'étaient bons pour personne. J'étais trop égoïste pour empêcher Thibault de me suivre mais aussi pour mentir à Chloé.

Je préférais me jeter dans les bras de Bastien, il ne me fit rien promettre. Il me serrait assez fort pour me faire comprendre qu'il savait que cela pouvait être des adieux. Maëlys pleurait, c'était assez rare pour que mon cœur se brise en voyant ses joues recouvertes de larmes.

- Cette fois-ci Roxane, je ne te pardonnerais pas ! Ne meurs pas je t'en supplie

Je restais muette, j'attrapais ses épaules et resserrais mon étreinte. Je n'avais pas peur de mourir en Enfers, j'avais peur de perdre Thibault. J'allais m'en sortir, mon sang venait en partie de là-bas.

Lukas était déjà partie avec Daphnée, son appel m'avait passablement énervée, mais je devais être honnête. Sans lui, j'avais peur. Thibault n'était pas Lukas, j'étais plus habituée à ce genre d'escapade avec lui.

Thibault attrapa ma main comme pour faire taire mes inquiétudes. On grimpa alors dans une voiture et il conduit jusqu'au cimetière le plus près.

L'atmosphère entre nous était moins tendue que ce qu'elle aurait dû. On se dirigeait tout de même vers les Enfers, volontairement. Quel genre de personne étions-nous ? Tout le monde rêve de paradis, mais pas nous.

- Détends-toi Rox,

- Et toi tu es trop détendu ! lui assénais-je

Il rigola à gorge déployée et réussit à diminuer mon stress. Lorsqu'il gara la voiture près du cimetière, le soleil commençait à décliner

- C'est tellement glauque, soupirais-je

- Il vaut mieux que personne ne nous vois nous enterrer vivant si tu veux mon avis

Je n'avais jamais vu Thibault aussi calme, c'était tout à fait perturbant. A ce moment-là, il aurait dû être insupportable, mais il ne l'était pas.

On sortit de la voiture, on passa les grilles et je partis chercher une pelle dans la petite salle de recueillement. On choisit une zone où personne n'avait encore été enterré, je n'avais pas vraiment envie de trouver des os ou quelque chose du genre.

J'entrepris alors de creuser, Thibault voulait d'abord le faire, mais je préférais me salir les mains. Déjà pour me garder concentrer, cela m'empêchait de trop cogiter à ce que l'on s'apprêtait à faire. Avais-je seulement le droit d'aller en Enfers comme ça ?

- Roxane ! M'arrêta Thibault. Arrête-tu as assez creusé pour au moins cinq bonnes personnes ! Je sais que j'ai pris un peu de poids mais je ne pensais pas autant...

Son sourire irradiait dans la nuit

- Thibaut, je t'invite à me rejoindre dans la tombe, rigolais-je

- Comment refuser une si belle proposition hein...

- Tu le peux encore Thib, je ne t'obligerais jamais à venir tu le sais ? Tu peux m'attendre ici, je ne t'en tiendrais jamais rigueur, j'espère que tu le sais...

Il sauta à pied joint dans le trou avec moi, sa réponse était claire et bizarrement mon cœur s'en trouva plus léger.

- Allonges-toi, je vais ramener la terre sur nous...

Il obéit et je commençais à ramener la terre.

- Lorsque la terre pourra entrer dans nos bouches. J'attraperais ta main et je réciterais le cantique. Le lien entre nous permettra la transportation de nos corps

Thibault ferma les yeux, sa cage thoracique s'élevait dans un rythme irrégulier, ce qui était tout à fait normal. Qui pouvait consciemment s'enterrer vivant ?

- Où as-tu trouvé le cantique ? Me demanda-t-il

Je marquais une pause, j'avais honte ou seulement peur

- Je me suis renseignée... sur... tout ça, au cas où tu sais... Si je voulais aller en Enfers...

- Tu as bien fait... dit-il avant de se taire

Thibault comprenait que je n'avais pas tellement envie de parler de mon lien avec les Enfers. Je ne savais pas déjà quoi y penser, je ne pouvais pas donc le faire comprendre à quelqu'un d'autre. Il respectait mon silence, et je l'en remerciais.

Je n'étais pas totalement chez moi ici, mais je savais pertinemment que je ne le serais pas là-bas non plus. Je m'étais sentie chez moi avec Lukas, il me fallait trouver une autre accroche.

Je posais un tas de terre sur les jambes de Thibault, cela allait suffire pour nous étouffer, putain, j'espérais vraiment que j'allais réussir et non nous tuer tous les deux. Je m'allongeais à côté de Thibault enfonçant ma tête dans la terre déjà présente.

- Ça va commencer, le prévins-je

Il attrapa ma main, et de celle valide je ramenais la terre sur son visage, avant de m'allonger et de faire la même chose. C'était totalement déstabilisant d'essayer de me tuer, sans la volonté de mourir.

Il ne fallut que quelques secondes avant que nos réserves d'oxygène ne soient épuisées. La terre s'immisçait dans mon nez, dans ma bouche, plus je voulais crier plus je la sentais rentrer. Je serrais de plus en plus fort la main de Thibault, mais je sentis sa poigne faiblir. Il fallait que la porte des enfers s'ouvre avant que nous ne soyons totalement morts. Je ne pouvais plus parler, mon mental devait suffisamment être puissant.

J'arrêtais alors de lutter, contre ma mort. J'acceptais la faucheuse à mes côtés. Lorsque je pus sentir ses doigts se promener sur mon corps, je criais mentalement ces quelques lignes que j'avais lues.

J'avais peur de les utiliser, mais là, elles allaient me sauver. N'était-ce pas drôle que les Enfers nous sauvent la vie ?

Je sentis la mort s'arrêter un instant, me contempler. Elle ne devait pas souvent rencontrer des individus rêvant d'aller sous Terre. Je ressentis le léger sourire sur son visage, et ses bras m'entourèrent. C'était chaud, presque rassurant, très loin de toutes les prémices de la mort que j'avais pu connaître.

J'étais plutôt calée dans le sujet, mais là, j'étais agréablement surprise. Je ne sentais plus la terre dans mes poumons, je n'asphyxiais plus. Comme une renaissance, ce trajet pour arriver en Enfer était moins douloureux que de s'attacher à l'âme d'Asmodée. Lorsque l'enveloppe se détacha de mon corps, une froideur terrible me saisit. Je roulais sur un sol recouvert de pavé. J'avais veau ouvrir les yeux, je ne voyais rien, il me fallut plusieurs minutes pour qu'ils s'habituent à l'obscurité.

La faucheuse était partie, mais elle n'avait pas oublié d'emmener Thibault avec moi. J'étais fière d'avoir réussi, mais en même temps, accéder aux portes des Enfers était encore la plus simple des étapes.

- Thib ? Ça va ? le secouais-je

- Merde... souffla-t-il. Cela paressait si vrai... Où sommes-nous ?

Sa voix trahissait ses émotions, j'étais moi-même dans un état bizarre alors que ce n'était pas la première fois que j'étais aspirée par les ténèbres, il était tout à fait normal que Thibault, le roi, ne se sente pas à sa place.

- Nous sommes à l'entrée, il va falloir traverser le Styx pour arriver au royaume D'Asmodée...

- Combien y-a-t-il de royaumes ?

- Il y a sept royaumes avec chacun un prince, comme Asmodée. On peut tomber nez à nez avec Lucifer, Satan, Belzébuth, Belphégor, Léviathan, Mammon ou mon grand-père.

- Ce sont toutes des identités différentes ? Dit-il avec une certaine difficulté à parler

- Oui, je ne le savais pas non plus. La plupart d'entre nous ne font pas de différence, un démon reste un démon après tout. Mais lorsqu'on s'y penche un peu, ils sont différents... Et selon le pays, tu trouveras des noms différents...

- Mais Lilith ? N'est-elle pas la représentante d'un royaume ?

- Je ne sais pas... Je ne crois pas, les démons sont nombreux, mais ces sept-là, sont des princes. Lilith doit être un démon supérieur sans pour autant être à la tête d'un royaume.

- J'ai peur Rox, avoua-t-il

Mes yeux se posèrent sur lui un instant, il avait évidemment le droit d'avoir peur, il avait même raison. Tout ça, ce n'était pas anodin, les Enfers étaient faits pour les morts et non pour nous. Personne n'était censé quitter les Enfers.

- Reste derrière moi, réussis-je seulement à lui répondre

J'attachais mes cheveux en une queue-de-cheval, cela laissait apparaitre la couronne symbole de l'élite. Les démons supérieurs, choisissaient les enfants qui possédaient des dons, ils m'avaient choisi.

J'espérais qu'ils ne soient pas assez bêtes pour tuer un individu qu'ils avaient sélectionné. Le bruit d'un cours d'eau nous guida dans les ombres. Les pavés étaient froids, recouverts de sang séché et l'ambiance était pesante. Thibault attrapa mon bras lorsque mon pied rencontra un vide.

- Attention ! Cria-t-il

Le Styx était devant nous. C'était une chose de parler du fleuve des enfers mais, c'était autre chose de le voir. L'eau était translucide, cela aurait pu être magnifique, si le fond du fleuve était visible. Au lieu de ça, des centaines de squelettes remontaient à la surface. L'envie de vomir qui me prit, me fit paniquer, il devait y avoir erreur. Je ne pouvais pas venir d'un lieu aussi répugnant.

La main de Thibault se posa sur mon épaule, son soutien silencieux me fit reprendre mes esprits. Une petite barque était accostée de notre côté. Une ombre y était assise. Je ne pouvais pas assurer que c'était une humaine, ou même que la chose était vivante. Il y avait une longue cape, avec une capuche.

Le vêtement avait dû être beige au début, si seulement il y avait eu un début. La toile était recouverte de poussière et de sang coagulé. Je n'avais pas du tout envie de m'approcher de cette chose, mais c'était l'étape suivante, je ne pouvais pas m'en détourner.

- Bonjour ! Criais-je à l'intention de l'ombre. Nous aimerions nous rendre au royaume d'Asmodée !

Un rire lugubre s'éleva au-dessus de la chose

- Rares sont les vivants à s'inviter sur ces terres...

- Pouvez-vous nous y conduire ? Demandais-je

Je n'avais aucunement envie de déblatérer sur le pourquoi de notre présence avec cette chose.

- Qui pourrait vouloir allez là-bas...

La réponse n'en n'était malheureusement pas une... Très clairement, nous n'allions pas voir mon grand-père par pure bonté d'âme. Il nous fallait des informations et j'étais prête à beaucoup pour cela.

- Ramenez-moi à la maison ! Dis-je d'un ton sec

- La faucheuse ne récupère personne, vous avez quitté le monde des vivants...

Je rigolais avec la même intonation sinistre que lui

- Mon ami, les Enfers sont ma maison...

Mon aisance à prononcer cette phrase glaça mon sang. J'étais surprise par ma facilité de mentir et dégouté car ce n'était pas un mensonge.

- Monter... Dit seulement la chose

J'attrapais le poignet de Thibault et ne me fis pas prier. Mon estomac se retourna lorsque tout mon corps se retrouva sur cette barque. Les cadavres touchaient les parois de notre bateau de fortune. La barque avança, lentement mais surement.

Les Enfers nous coupaient toute notion du temps, j'étais incapable d'estimer notre petite croisière à travers les corps, les hurlements sourds de la mort et cette odeur si spécifique des corps en putréfaction. Lorsque la barque s'arrêta, la chose se tourna vers moi. Sa capuche cachait son visage, son corps. Seules ses mains étaient visibles, de longs os tenants comme par magie, sans ligaments ou tendons.

- Vous avez vos invitations ? Demanda-t-il avec cette fois qui glaçait mon corps

- Nos invitations ?

Le bruit dérangeant qui sortait de sa bouche repris de plus belle. Je n'aimais pas que l'on me prenne pour une conne, loin de là, et encore moins par une espèce de mort-vivant.

- Mon sang vient d'ici ! Je n'ai pas besoin de l'autorisation de personne pour pénétrer dans mon royaume ! Haussais-je le ton

- Bien... Ma dame.

Il me tendit une sorte de petit couteau, assez dégueulasse pour me refiler le tétanos ou une putain d'hépatite, mais j'étais sure qu'il n'y avait pas de désinfectant aux portes de Royaumes démoniaques.

- Approchez-vous de la porte, faites couler votre sang. Si l'affiliation est vraie, elle s'ouvrira.

Je hochais la tête

- En faisant ça, vous revendiquez votre droit sur les Enfers. Ils sauront tous qui vous êtes, de quelle famille... Vous deviendrez une héritière de ces Royaumes...

Je remerciais presque la chose de me prévenir, je ne pouvais pas faire demi-tour, mais je connaissais désormais le prix de notre passage. Je me levais et quittais la barque pour poser les pieds sur un sol de pavé. Thibault me suivit de près et la barque s'éloigna directement.

- Hey, comment fait-on pour vous rappeler, lorsqu'on en aura fini ?

Je devais avoir quelque chose sur mon visage, puisque la chose explosa littéralement de rire. Comme si j'avais dit une connerie dix fois plus grosse que moi.

- Personne ne repart... Si les héritiers vous laissent en vie... Il vous faudra l'autorisation d'Asmodée pour partir...

« Putain », criais-je plus pour moi que pour les autres. Comme si Asmodée allait me laisser partir comme cela, le prix de la dernière fois me restait au travers de la gorge.

- Il ne peut plus rien te prendre... Essayait de me rassurer Thibaut

- Oh ça, je ne m'en ferais pas pour lui. Il sait être imaginatif ce fils de pute ! Crachais-je

J'attrapais le couteau que j'avais rangé dans ma poche

- Espérons que le tétanos aura raison de moi plus vite que lui...

Je ne comprenais jamais pourquoi il fallait son sang pour prouver les choses. Personne ne pouvait juste me croire quand je parlais d'Asmodée ? Je n'aimais pas m'ouvrir la main, la douleur c'était une chose, mais en plus, je prenais toujours le risque de choper une infection. Je serrais fortement les dents en sentant les crochets du couteau trouver ma peau.

C'était putain de douloureux. Des frissons parcoururent mon corps lorsque le liquide chaud commença à couler le long de ma main. Une goutte tomba sur le sol, le bruit si fort de la chute prouva à quel point cet endroit était silencieux, mort.

Je plaquais ma main contre la porte en fer forgé devant nous, tant qu'à saigner, il fallait que cela soit utile. La sensation fut désagréable. Comme si la porte avait une bouche avec des crocs, cela aspirait mon sang, mon âme par la même occasion. Je me sentais mise à nue, détaillée, chaque millimètre de ma peau était passé au crible. Le bourdonnement dans ma tête fut horrible, des millions de hurlements.

Des visages, ceux de ma mère et de mon frère, celui de ce lâche de père, de ce grand-père dont je n'avais jamais voulu. Je voyais l'Académie, mes amis, le visage tuméfié d'Eden, celui effrayé d'Adam. Le malaise en moi montait en flèche, je n'avais rien d'une sainte, mais j'essayais, j'essayais fort. Puis, plongée dans le noir, des dizaines de paires d'yeux jaunes me fixaient. Des chuchotements à peine perceptibles résonnaient dans ma tête, jusqu'à devenir omniprésent. Je n'arrivais plus à en faire abstraction.

« Meurtre, soif, sang, vengeance, concurrence, humaine, élite, tué là, trônes, Enfers, Asmodée, sœur, cousine, mort ». Il ne fallait pas être un génie pour comprendre qui étaient là, tapis dans l'ombre. C'était donc eux, cette famille dont je n'avais pas connaissance, celle que je ne voulais pas. Mon sang ne mentait pas, ils le savaient.

Mon sang était fait de la même constitution que le leur, mais en plus de cela, ma mère était une humaine. J'appartenais aux royaumes de la mort, mais j'étais en vie. Les dons me venaient des Dieux, de tous les Royaumes. Mon arrogance s'immisça dans mes lèvres, le sourire qui se créait pouvait aisément causer ma perte. Mais j'en avais marre, la peur n'était pas la solution, je ne voulais pas régner sur la mort.

J'avais déjà suffisamment de mal à rester en vie. Les regards n'avaient rien d'amicaux, mais tant pis pour eux. J'étais là, j'existais et j'avais la même légitimité qu'eux.

- Ça suffit, hurlais-je

Mes yeux s'ouvrirent sur cette porte ouverte. C'était là, où plusieurs années plus tôt, j'avais retrouvé Lukas. Ici, les charmes d'Asmodée n'avaient aucun impact sur moi. Mon cœur se détacha de ce voile de souffrance qui l'étouffait depuis déjà trop longtemps. Je trébuchais sous le poids de mes sentiments pour lui. J'étais à bout de souffle, la douleur se mêlait à la joie, les larmes coulaient sur mes joues cramoisies.

- Ça va aller, me souleva Thibault

Pour lui, j'allais mal à cause de ce lieu. Je n'allais pas le détromper, j'allais déjà m'effondrer en quittant ce royaume. Je ne pouvais choisir un royaume où je pouvais aimer Lukas, mais sans Lukas. Fallait-il encore vivre dans un monde où je ne l'aimais pas, mais où il était présent. J'attrapais la main de Thibault, et on sauta.

Dans un sens littéral, on se jetait à corps perdu dans ce royaume de malheur, et métaphoriquement, il nous fallait maintenant des réponses.


Hey à tous, je sais... cela fait longtemps... J'ai été vachement prise avec les oraux de langues etc... mais surtout, j'avais une panne. Le syndrome de la page blanche comme on dit... Je n'étais plus sûre de ce que je voulais que Roxane et Lukas racontent. Je ne dis pas que je sais tout maintenant, mais pour au moins quelques parties je sais ce que je veux. Donc voilà, j'espère que cela va vous plaire. 

Elise <3



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