Le temps des étreintes
[Reiner x Mikasa]
1046 mots.
***
Chère Mikasa,
Ce n'est pas mon genre d'écrire des lettres. Ce n'est pas ton genre de les lire. Mais face à ce que je m'apprête à faire, je sentais que je te devais ça. Je sentais que je devais te laisser au moins ça.
Je n'aurais jamais pensé rencontrer une fille comme toi. Je suis arrivé ici avec l'innocence d'un gamin, et je repars à présent avec les blessures d'un homme. Quand je t'ai vue, la première fois... Je savais qui tu étais. Je sentais, au plus profond de mon être, que nous avions fait tous ces choix pour se rencontrer, en cet instant. Quand j'ai croisé ton regard, mon âme entière s'est éveillée. Quand tu as dit mon nom, j'ai su que je n'oublierais jamais ta voix. Mon prénom sonnait différemment, avec toi. Il ne rimait plus avec malheur.
Nos étreintes nocturnes semblent s'effacer à chaque lever du jour, et pourtant, elles hantent mes journées. Quand tes lèvres accrochent les miennes, il n'y a plus de rôles. Il n'y a plus de nations. Il n'y a plus rien.
Il n'y a plus que moi. Il n'y a plus que toi.
J'aime ça. J'aime quand tes mains éraflent ma peau. J'aime quand tu me montres que tu es plus forte que moi. Mais j'aime aussi quand tu t'abandonnes à moi. Quand je serre ton corps contre mon torse. Quand nous oublions nos erreurs. Quand nous oublions qui nous sommes.
Mais ça ne dure jamais éternellement. Quand tu te rhabilles et que tu t'éloignes, les plaies de mon cœur s'ouvrent et coulent sur le sillage de nos passions. Tu me manques dès que tu quittes mes bras.
Je ne suis pas assez. Je ne le serai jamais. Tu as été claire, dès le début. « Reiner, ceci n'est qu'une distraction. Ma place est aux côtés d'Eren. » Cette phrase est ma malédiction. Tu es ma malédiction, Mikasa Ackerman. Et je passerais ma vie à la subir, si je le pouvais.
Tout cela me fait trop mal. Faire comme si rien ne se passait entre nous... Rester de marbre quand tu te mets en danger pour Eren, quand tu fais tout pour lui... C'est trop, pour moi. Je ne peux pas supporter l'idée que ton cœur aille vers lui. Je ne peux pas supporter que tu ne sois pas mienne.
Et pourtant, chaque nuit, je me glisse par la fenêtre pour te rejoindre. Malgré la douleur, je me noie dans tes étreintes, l'espace d'un instant. Pour oublier que tu n'es pas mienne. Pour oublier que tu ne le seras jamais.
Parce que c'est moi. Parce que c'est toi.
Je dois partir. Je dois quitter tes caresses qui m'écharpent la peau. Je dois mettre fin à nos baisers qui me brûlent tant. Même si ça semble si juste. Tes soupirs mêlés aux miens sont la seule lumière de mon existence, mais je dois à présent avancer dans les ténèbres.
Je suis celui qui a détruit ta vie à Shiganshina. Je suis le titan cuirassé qui a condamné ta seconde famille à la mort. Celui que tu dois combattre. Celui qui vous a tous mis en danger. Celui qui vous a tous trahis. À l'heure où tu lis ces mots, je serai loin. Je ne peux pas imaginer à quel point tu te sens trahie, déçue, dégoûtée.
Je n'étais pas sensé m'accrocher à toi. Je n'étais pas sensé m'attacher à tes rares regards. Je n'étais même pas sensé survivre au jour où nous avons détruit le mur. Mais tout cela est arrivé. Nous étions faits pour nous abîmer. Parce que c'était nous deux.
Tu seras à jamais une partie de moi. Merci pour tout. Nous nous reverrons probablement sur le champ de bataille, et à ce moment-là, tu devras faire ton devoir. Tu devras m'éliminer.
Je n'ai qu'une hâte : revoir ton visage une dernière fois avant de passer de l'autre côté.
Prends soin de toi,
Reiner Braun.
***
L'homme replia la lettre une dernière fois. Il souffla un bon coup, et reposa ses yeux sur la silhouette qui dormait à ses côtés. Les lumières de la lune reflétaient sa beauté sibylline. Elle était si belle. Reiner frôla une dernière fois sa joue, et le grognement de la soldate le fit sourire tendrement. Il ne voulait pas partir. Annie et Berthold l'attendaient, dans la forêt bordant le camp militaire. Le blond savait que le temps était compté.
Mais il ne pouvait se détacher d'elle.
Le guerrier aux yeux d'or glissa le bout de papier dans la poche de sa veste, sur le sol de l'étable. Au moins n'aurait-il pas l'occasion de subir son rejet. Cette dernière fois avait le goût amer de la passion mourante. Le goût des regrets et des mensonges.
« À la prochaine, ma petite guerrière. »
Lorsqu'il posa ses lèvres sur son front, les bras de l'endormie vinrent entourer ses larges épaules. Soudain, l'angoisse monta dans sa poitrine. Il priait pour qu'elle ne soit pas éveillée, ou qu'elle ne trouve pas sa stupide confession maintenant.
« Tu pars déjà ? Murmura Mikasa dans son sommeil.
- Je reviens, répondit doucement Braun. Ses yeux se remplirent de larmes silencieuses, qui ne coulèrent pas. Je vais chercher une autre couverture, vu que tu as volé la mienne.
- D'accord, ne fais pas trop de bruit en revenant, ronchonna la brune qui replongeait déjà dans les limbes du sommeil. »
Un petit rire vint secouer ses épaules. Il prit le temps de sentir une dernière fois son odeur. Il prit le temps d'apprécier la chaleur de sa peau. Il prit le temps de déposer un dernier baiser sur ses lèvres douces.
Reiner Braun s'extirpa d'entre les bras de son unique amour. Il demeura face à elle, pendant quelques instants. Pour ancrer cette image au fond de son âme. Pour graver les contours de son visage dans sa mémoire.
Il n'avait plus le temps. Le guerrier laissa derrière lui son cœur, ses désirs et ses rêves. Il laissa Mikasa Ackerman et ses étreintes passionnées. Il abandonna tout ce qu'il avait souhaité, pour s'abandonner à son devoir.
Pendant que trois amis marchaient dans la lueur de l'aube, une jeune femme trembla pendant que son univers s'effritait. Dans son ombre, les effluves de la trahison dévoraient les dernières traces de sa tendresse.
Parce que c'était lui, et qu'il l'avait trahie.
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