Phase 3.2☞Ariane Thompson

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Un regard d'acier, brûlant et glacial à la fois, pénétrant et vous pétrifie sur place. La méduse des armes. Un joli surnom. Parfait à mon image.

L'image que le reflet me renvoie est le même que celui que j'imaginais. Cette femme qui se tient devant moi n'est pas la Ariane ayant quittée le caste 7, mais une jeune femme d'autant plus forte, enjôleuse.

Aidan nous a révélé à toutes que nous devons présenter notre talent devant le pays entier. Je n'aurais pu espérer meilleure occasion. Le pays ne me connait pas assez, cette fois il changera d'avis.

-Votre robe, miss.

Un homme du personnel de la loge me tend une robe noire, longue, sexy. Mais trop longue.

-Parfait.

Je la lui prends des mains et la coupe jusqu'à la mi-cuisse. Maintenant, elle est parfaite. Je la troque contre mes fringues, déniche mes anciennes bottes, me revêtis de ma veste en cuir. Comme à la première rencontre avec Aidan, mes couteaux retrouvent leur place sur ma cuisse et je me sens mieux. Deux, trois dans ma veste, une pointe dissimulée dans les talons de mes bottes. Il ne manquerait plus que Liam. Cette histoire me rappelle notre première virée en moto.

-C'est à vous, miss.

Je lui décoche un clin d'oeil et sors de la modeste loge décorée seulement d'un siège et d'un miroir. Rien d'extravagant.

Les filles sont toutes bien habillées, parées de leurs plus belles robes aux diverses couleurs. Avec ma veste en cuir, mes bottes, les pointes de mes poignards dépassant de ma robe. Je lance un coup d'oeil destiné à leur souhaiter bonne chance avant que les portes ne s'ouvrent. Puis, je repère Julia, je m'avance vers elle.

-Espérons que les présentatrices ne vont pas poser trop de questions.

Honnêtement, je m'en fiche pas mal du nombre de questions pertinentes. Julia est joliment vêtue dans sa jupe rose et haut blanc, elle est à son image.

-Tu as raison surtout des questions un peu dérangeantes, mais nous sommes là pour nous amuser, profitons !

-Amuser? Bien sûr qu'on va s'amuser !

Elle n'en n'a même pas idée...

Je croise les bras sur ma poitrine, lui lance un regard diabolique.

-Que vas-tu montrer pour les talents? Quelque chose d'original, j'espère ! Je continue d'une voix douce.

-Hahaha! J'avais pensé à patiner mais version assez caliente. Et toi?

-Oh, c'est vrai tu es une patineuse !

Je me penche légèrement.

-Quelque chose de dangereux et de pas très apprécié...

-Mmm, j'ai hâte de voir ça, je crois que tu vas te faire tirer les oreilles. Petite joueuse.

-S'ils me tirent les oreilles, ils seront gentils. Un peu trop gentils.

-Non, on ne va pas te couper la tête. Tu comptes pour Aidan.

-Moi compter pour lui? Il se rapproche de moi seulement pour éviter d'avoir ma lame dans le cou !

-Alors pourquoi es-tu encore là?

Il cherche à le voir le bon en chacun de nous. Mais rien n'est bon en moi.

Je m'engouffre en première et les vives lueurs m'éblouissent autant que les hurlements du public. Je sens leurs regards sur mes jambes nues, mon corps trop découvert pour être décent. Je leur envoie un sourire que je veux carnassier et salue la foule en délire. Ma robe se retrousse sur mes jambes et laisse apparaitre la lame acérée des couteaux.

Je m'assieds sur un siège croisant les jambes, à mon aise. Je suis la première à passer, à devoir me jeter à l'eau. Alors qu'Elisabeth prend son micro, souhaite la bienvenue à toutes et à tous, Aidan me dévore du regard.

-Bonjour, très chères Sélectionnées ! Je vais en premier m'adresser à Ariane.

A la mention de mon nom, ma tête se relève d'elle-même.

-Comment dire, Ariane? Tu es...

-Sublime. Complète sa camarade du nom de Bethany.

-Sublime n'est pas le mot que je choisirai pour me décrire, je corrige automatiquement.

Je me relève et fais quelques pas. Les couteaux chatoient sous la lumière des projecteurs.

-Que direz-vous de dangereuse? Je reprends d'une voix grave détachant chaque syllabe des autres, trainant sur le dernier mot afin qu'il produise plus d'effet.

Elisabeth acquiesce.

-Pourquoi une tenue si...

-Provocante? Je la coupe. Pour la simple et bonne raison que je ne cherche pas à être un jouet. Je veux montrer au monde que je suis... Moi. Tout simplement moi. Avec mes qualités et mes défauts. Aussi la Sélection ne montre que les qualités des candidates pas les défauts. Mais il faut en avoir pour gouverner.

-Et ces couteaux?

-Ils font partis de ma vie. Jamais je n'ai pu m'en débarrasser.

Je ferme les yeux afin de mieux encore visualiser le rubis qui colorait la lame scintillante. Une prédatrice, voilà ce que je suis.

-Durant votre bonne action, nous avons entendu Liam, votre ex. Que représente-t-il pour vous?

Je coule un coup d'oeil vers Aidan. Il attend visiblement ma réponse. Mais comment savoir si ce que j'ai dit est la vérité et non une mascarade?

-Liam...

Même la mention de ce nom me fait mal. Inconsciemment, je ferme les poings. Alors, je reporte mon attention sur les caméras. Parler à un stupide objet ne devrait plus me faire grand chose, mais ne pas l'avoir devant moi, ne pas avoir devant ses yeux verts, me donnent un élan de courage.

-Liam, si tu m'écoutes-et je sais que tu le fais- sache que je n'ai jamais souhaité t'abandonner. Tu sais très bien pourquoi je suis ici. Ni pour l'amour, le pouvoir et le fric. Je suis ici pour combattre mes démons intérieurs. Je te l'ai dit et tu n'as pas accepté ma raison. Je suis partie contre ton gré. Mais comme tu le dis si bien, sinon je ne serais pas celle que je suis. J'avais besoin d'y aller et je n'ai jamais cru pouvoir survivre à cette Sélection, et pourtant, je suis encore présente parmi cinq et à chaque fois je passe entre les mailles du filet. Je... Je ( ma voix se brise ). Il n'y a qu'une chose que je puisse te dire, Liam. Je t'aime plus que tout au monde. Tu es la seule chose qui fait encore batte mon coeur. No te rindas. N'abandonne pas, Liam.

Le public a retenu son souffle. Le rouge me monte aux joues.

-Liam est celui auquel j'ai donné mon coeur.

Je ne regarde pas Aidan. Je ne VEUX PAS le regarder.

-Bien, soupire Bethany. Passons à la présentation de ton talent. Qu'avais-tu prévu?

-Une surprise. Mettez en place les hologrammes.

Le milieu du plateau se vide et un hologramme prend place. C'est un jeune homme. Je dois bien reconnaitre qu'il est presque réaliste, seul son regard est dénudé de vie. Aidan. C'est le clone d'Aidan! Le vrai écarquille les yeux.

-Qu'allez-vous nous présenter?

-Je ne dispose d'aucun talent dont je puisse être fière. Je ne sais ni chanter, ni danser, ni quoi que ce soit dans ce genre de choses. La seule chose que je suis sûre de réussir est un combat. Alors, je vais vous montrer comment je me bats.

Le prototype est enclenché. Il est piloté à distance. Si j'ai bien compris, c'est une sorte d'exercice pour les forces du pays.

Je m'empare du couteau attaché à ma cuisse droite. Etant plus petite, si je frappe la première j'ai une chance de la remporter.

Alors, je m'élance.

Je lutte au corps à corps, sans même réfléchir à ce que je fais. C'est naturel, et contrairement à ce que l'on pourrait croire, les coups de poings sont bien réels. Demain, je me réveillerai avec une bonne dizaine de bleus, pour ne pas changer.

C'est une danse. Un pas à gauche, deux à droite. Coup de jambe. Tordre le bras, empoigner ses cheveux. Le trainer. C'est brute et mal à dire, mais je me défoule à le tabasser. C'est rassurant de se retrouver en terrain connu!

Puis, soudain, je culbute, et me retrouve à califourchon sur son torse, la lame en travers de sa gorge.

Le public retient sa respiration. C'est tellement exaltant. Je l'ai suspendu à mes lèvres. On pourrait entendre les mouches voler. Moi, j'entends son cœur programmé qui bat dans sa poitrine virtuelle. Ses yeux ne reflètent rien. Dans à peine une heure, il sera comme neuf.

Et je tranche sa gorge. Le sang gicle et le prototype disparait. Je suis, pantelante, le souffle court mais fière de moi. Les caméras zooment sur mon visage, puis je le vois apparaitre sur l'écran géant derrière les Sélectionnées. Tous sont choqués, car non, je ne suis pas une de ces petites choses fragiles dont il faut s'occuper à longueur de journée. C'est pour ça que ça ne collera jamais entre Aidan et moi. J'ai besoin d'indépendance, de me sentir libre et d'en faire qu'à ma tête. Aidan a besoin de cajoler une femme, de la serrer contre lui. Il a besoin d'un soutien, un pilier, une femme qu'il pourra embrasser le soir avant de s'endormir lové dans ses bras. Moi, je veux ma liberté, je veux vivre au jour le jour sans m'inquiéter du lendemain.

Mes cheveux ressemblent à un tas de foin, mais entourent ma tête d'un halo sinistre. Mon teint est si pâle que je ressemble à une lune figée haut dans le ciel prise au piège par les volutes nocturnes. Mes yeux sont plus vivants que jamais, réfléchissant mon triomphe. Mes lèvres esquissent un rictus.

Je me lève, lentement. Le temps me semble ralenti. Le couteau virvolte entre mes doigts, les pointes à l'arrière de mes bottes sont dehors, je m'en suis servie pour me libérer de l'emprise du prototype.

-Ecoutez-moi tous, je clame.

A nouveau un silence glaçant prend place sur l'assemblée.

-Ne voyez pas en moi une reine idéale pour gouverner votre peuple. Je pourrais apprendre, évidement. Je suis toujours présente ! Vous ne voyez donc pas que là est votre erreur ? Et toi, Aidan? Pourquoi suis-je encore à tes côtés. Tu sais aussi bien que moi quelle genre de reine, je serais ! Et vous, peuple d'Illéa? Pourquoi me laissez-vous ici? Telle une araignée, je tisse ma toile.

Je respire difficilement. Qu'Est-ce que je fais?

-Malgré tout ce que vous tentez de me faire subir, je reste moi! La Ariane que j'ai toujours voulu être n'existe plus. A présent, vous voyez qui je suis réellement. Pourquoi j'agis comme cela? Parce qu' Illéa déteste le mensonge ! Vous n'avez pas le droit d'être dans mensonge, alors, je vous montre la vérité. Je vous montre quel est mon réel visage.

Je suis à bout de souffle. Je vais me rasseoir sans plus de cérémonie. L'entretien est terminé.

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