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Cher Irina,

Je t'ai promis de t'écrire une lettre la dernière fois que je t'ai vu. Tu voulais absolument savoir comment était la vie au palais. Alors, je suis là. Je vais te raconter une journée complétement typique d'une vie au palais. En bref, je vais t'emmener avec moi. Cette lettre aura une place au fond de ma poche et j'écrirai lorsque je serais seule. C'est-à-dire, presque tout le temps.

Ce matin, c'est l'aurore qui m'a réveillée. Les rayons d'un pâle soleil avaient percé les rideaux soyeux de ma chambre et avaient joué sur les murs voisins. Et tu sais ce qui m'a le plus marquée ? Il est exactement comme chez nous. Rien n'a changé. Je me réconforte avec ça.

La femme de chambre est venue peu après, m'apportant mon petit déjeuner, composé d'un croissant et d'une décoction de plantes. Vraiment, ce n'est pas mauvais. Cinq minutes plus tard, j'étais descendue dans le hall, en petite tenue. Tu sais, la moulante que Liam adorait. Bref, en short noir et en brassière blanche. Aidan m'a un jour montré une salle de sport avec ses engins à gogo. Il m'a clairement signifié que si je désirais me défouler un peu, l'invitation tenait. D'ailleurs, c'est ici-même que j'écris en ce moment, assise à califourchon sur une sorte de vélo, la feuille sur ma cuisse. Pas très pratique pour écrire. Mais je ne pouvais attendre de remonter dans ma chambre, tant ça me démangeait de te parler. D'ailleurs, tu es peut-être en train de te dire que je n'ai pas à me plaindre, là où je suis, qu'il y a de la nourriture et tout le reste, mais n'oublie pas que c'est toi qui me l'avais demandé !

J'ai trouvé une sorte de haut-parleur et j'ai branché mon mp4. Et j'ai testé à peu près toutes les machines, sauf le vélo qui me fait assez mal aux fesses. J'aime bien les altères, par contre. Me concentrer pour soulever ce poids me divertis un peu de mes pensées sombres. Je repense à Liam. L'altercation qui est survenue il y a quelques jours me hante. J'ai compris qu'il ne pourrait pas m'oublier et que ça le tuerait, comme moi. Je meurs à petit feu, Irina.

Seules Arissa et toi savaient pourquoi je suis partie, pourquoi j'ai posté cette candidature. Pour venger un tort que l'on m'avait fait, mais je ne vous ai jamais raconté ce qu'il c'était réellement passé. Tu te souviens probablement lorsque je t'ai raconté comment ma famille est morte, comment le tueur s'en est pris à ma mère. Et bien, ce tueur est Aidan. Je voulais ma vengeance, voilà pourquoi je suis partie. Je me suis dit que Liam comprendrait, mais il ne le voulait pas. Selon lui, je l'ai abandonné. Ce qui est complétement faux. J'ai cru que m'éloigner de lui, me le ferait oublier. C'était faux, complétement faux. Je l'aime encore et son absence me fait terriblement mal, tu ignores même à quel point. Au début, je ne ressentais rien, lorsque je suis arrivée ici. Je me sentais si seule sans lui. Je me suis refermée sur moi-même, isolée du reste du monde. J'ai voulu tuer Aidan et j'aurais pu le faire. J'aurais combattu mes démons intérieurs. Au lieu de ça, j'ai tenté de me suicider.

Je t'imagine écarquiller les yeux, Irina. Bien évidemment, ils ne l'ont pas dit. Mais maintenant, je vais mieux, même si je suis toujours aussi paumée.

D'ailleurs, lorsque je faisais quelques exercices pour les abdos, la musique à fond, Aidan est apparu. Il m'a observée un long moment, sans que je ne me rende compte de sa présence. C'est seulement lorsque j'ai voulu changer de playlist que je l'ai vu. Tu l'aurais vu, Irina ! Si différent de cet homme rigide que l'on présente aux caméras !

Il était beau, bien sûr, mais surtout incroyablement attirant. Mais il n'était pas Liam. Et ça, ça me tuait. Aidan est un magnifique blond aux yeux bleus perçants, mais Liam... Liam. Il n'est pas lui. Il n'a pas ces cheveux noirs comme l'ébène un peu trop long, ce troublant regard vert, cette démarche féline et provocatrice. Aidan est sans défaut, parfait. Il marche avec aisance, sait quand il faut observer ou baisser le regard. Il fera le bonheur de son épouse, qui ne sera pas moi.

Il s'est finalement approché de moi, s'est assis sur une chaise voisine et m'a longuement regardée. J'ignore pourquoi mais lorsqu'il est près de moi, le trou qui s'est formé dans ma poitrine se referme.

-Vous m'espionnez ? Je lui ai demandé.

-Seulement si tu le désires.

Oui... Non. Je ne sais plus. Il s'est levé et m'a rejointe.

-Qui est ce Liam, m'a-t-il demandé de but en blanc

Je n'ai pu lui mentir. Et l'énorme trou s'est fait plus profond encore. C'était un vide abyssal.

-Mon petit ami.

-J'ignorai que vous en aviez un.

Il a soupiré. Tu devrais le voir en jogging et en tee-shirt ! Mythique !

-Liam est celui que j'aime le plus au monde. Pas d'un amour maternel, mais véritable. C'est avec lui que j'ai perdu ma virginité et je ne regrette absolument rien. Il... Il représentait tout pour moi.

Absolument tout, Irina.

-Il était ma lumière dans un monde de ténèbres, mon rempart lorsqu'il s'écroulait, ma seule raison de vie, hormis toi.

Il a enroulé mon bras, autour de mes épaules et m'a ramenée contre lui. J'ai enfoui ma tête contre son cou et ai humé son odeur. Evidemment, elle était différente de celle de Liam, mais pas désagréable. J'ai fermé les yeux, un instant... Et me suis réveillée une demi-heure plus tard, allongée sur un tapis à ses côtés. Son bras était autour de ma taille.

-Bien dormi ?

-Trop. En plus je pue !

J'ai esquissé une moue. Il a éclaté de rire.

-Inutile de vous préoccupez de ça. Tu es parfaite comme tu es.

J'ai plissé les yeux. Liam aussi me l'avait dit.

-J'ai gaspillé ta matinée.

-Si c'est pour toi, il n'y a aucun problème.

Bien sûr. Il ne restait plus que cinq sélectionnées sans me compter.

-Est-ce que je peux te poser une question, Ariane ?

Il a plongé ses yeux dans les miens.

-Est-ce que tu l'aimes ?

Il n'avait pas eu besoin de prononcer son nom.

-Oui.

-Et moi, m'aimes-tu ?

-Oui.

Ca semblait complétement loufoque, mais mon cœur était partagé entre deux hommes.

-Moi aussi, je t'...

-Ne dis pas ça, Aidan. Je t'en prie. Tu me le dis maintenant, mais tu n'auras aucun scrupule à m'éliminer.

Je me suis redressée. Nos deux corps en contact devenaient insupportable.

-Pourquoi tu dis cela ?

-Je ne suis pas faite pour être Reine. La seule chose que j'ai désiré, c'est te tuer. Et maintenant, je me retrouve emprisonnée entre les mailles du filet. Tu te permets de jouer avec nos sentiments et c'est... C'est horrible. On doit se dire constamment que nous devons être meilleures que nos rivales.

Il caresse mes cheveux, d'une manière incroyablement touchante et caressante.

-Je dois y aller, murmurai-je en prenant la poudre d'escampette.

-Attends !

Mais j'étais déjà dehors. J'ai longé des couloirs et me suis retrouvée dans les douches. L'eau chaude sur mon corps m'avait fait du bien. Mes journées commençaient toutes pas ça. Du sport et une douche. Personne ne les prenait ici. Les Sélectionnées prenaient leurs bains dans leur chambre, je préférais venir ici. C'état de grandes douches communes où n'importe qui aurait pu me voir nue. En fait, je m'en fichais. Tu sais, que je n'ai jamais été très prude. Il faisait presque noir, il n'y avait pas de lumière. La vapeur d'eau m'encerclait et se pressait contre ma peau nue. Je partirai d'ici, bientôt, Irina. Je ne peux plus y rester, tout en sachant que je serais incapable de l'aimer comme il le faudrait. Liam non plus ne mérite pas ça. Il n'a jamais mérité la façon dont je le traite maintenant.

Le reste de la journée, j'ai flâné dans les jardins, dans la bibliothèque déserte et silencieuse. C'est majoritairement là-bas que je t'ai écrite. J'ai réfléchi, tourné les différentes pièces du puzzle sans jamais rien trouver. J'ai fumé une ou deux clopes aujourd'hui, comme les journées précédentes. Tout est identique aux autres jours, seul le nombre des sélectionnées varient. Je fais partie de l'élite, maintenant. On pourrait dire que j'ai une chance de changer de vie. Je sais que je n'arriverai pas jusqu'au bout. Aidan joue avec nos nerfs, il me rend folle à batifoler de l'une à l'autre. Je me demande sans cesse pourquoi je suis encore ici, Irina. Pourquoi je ne suis pas avec Liam ? Il est clair que je ne gagnerais pas. Et je ne le désire pas. Mais Elinor aurait voulu gagner, je le sais. Elle l'aimait d'un amour sincère. Ce que je suis incapable de faire. J'aurais dû troquer ma place contre la sienne. A la prochaine, c'est ce que je ferais, si ce n'est moi qui m'en vais. J'aurais au moins fait quelque chose de bien, depuis que je suis ici.

-Ariane !

C'était la voix d'un homme.

-Pouvions-nous marcher quelques pas ? Me demanda-t-il d'une voix incertaine.

Il semblait fatigué, usé. J'ai acquiescé. Pourquoi pas, après tout. Un peu de compagnie ne m'aurait pas fait de mal.

-Je m'interroge, Ariane.

-A quel sujet ?

-Mon fils vous aime toutes, et je sais à quel point ce choix est difficile pour lui. Penseriez-vous le rendre heureux ?

-Pour être honnête avec vous, je l'ignore totalement. Aidan est un homme bon et censé, mais je ne pense pas être la femme qui lui faut.

-Pourquoi dîtes-vous cela ?

-Il reste cinq autres sélectionnées qui l'aiment profondément, quant à moi...Je ne sais plus vraiment où j'en suis, point de vue sentiment.

-Je connais ça. Durant ma propre sélection, les sentiments m'ont égaré. J'étais perdu, totalement déboussolé.

Je me souviens avoir pincé les lèvres.

-Je sais qu'Aidan vous aime.

-Cela ne suffit pas pour être une bonne épouse, avais-je protesté. Il faut qu'il y ait de l'amour dans une relation, plus que l'attirance ou de la passion, il faut être prêt à donner sa vie pour sa moitié, pas seulement son cœur.

-Vous réflexions sont sincères et vraies. Penseriez-vous donner une reine digne d'Illéa ?

-Je viens du Caste 7, ma famille a été décimée, mon honneur a été brisé. Il ne me reste plus rien de noble pour gouverner Illéa.

Il m'a observée.

-Pour gouverner un pays, il faut être sage, et surtout avoir un cœur. Vous avez ce cœur. Même si vous manquez de confiance, moi, je crois que vous pourriez être amplement capable d'en être sa tête. Vous savez reconnaitre vos manques et vos défauts, c'est la principale vertu d'une reine.

Nous avons encore marché. J'ai découvert une autre facette de ce roi. A l'opposée de ce que je croyais. A présent, je trouvais une nette ressemblance entre le père et le fils.

Oh, Irina. J'aimerai tant que tu sois là, que tu puisses me tenir la main comme tu le faisais autrefois lorsque nous étions gamines. J'ai l'impression que le poids du monde pèse sur mes épaules. Liam, Aidan, le pouvoir, la vengeance, le sacrifice... C'est un fichu cercle vicieux. Mes sentiments divergeaient dans tous les sens. Et tu n'es pas là. Liam non plus. J'aimerais pouvoir m'excuser auprès de lui, lui dire que mon cœur lui appartient toujours, que lorsque je rentrerai, je me serai débarrassée des démons intérieurs et je pourrais me consacrer entièrement à lui, à son amour, à nous deux.

J'aime Liam. Mais j'aime aussi Aidan.

J'ai marché le reste de la journée, ai contemplé le lac et ne suis rentrée que tard le soir. J'ai à peine mangé, mais je me sentais rassasiée. Je me suis couchée et je parcourus ces quelques lignes. Maintenant, c'est clair, aussi limpide que l'eau de roche.

A présent, je sais ce que je veux.