Phase 2.4☞Amber Clivertson
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Cela faisait maintenant une semaine que le bal avait eu lieu et je n'avais que très peu recroisé Aidan depuis. En effet, la gestion du royaume d'Illéa était beaucoup plus importante.
Mily avait préparé une tenue spécialement pour cette occasion. Je lui avais demandé une robe assez simple. Je ne savais pas si mon père venait, et si oui, comment il allait réagir face à cet événement, ni même mon frère. J'appréhendais négativement les retrouvailles. Je n'avais aucune idée de comment cela se déroulerait. Est-ce que j'allais marcher, calmement, dignement, maladroitement vers ma famille. Est-ce que j'allais courir dans les bras de mon frère, ou bien finir, surprise, dans l'étreinte hésitante de mon père sûrement ému. Tant de questions sans réponse qui tournaient en boucle dans ma tête, depuis ce matin.
Quelques jours plus tôt, j'avais exprimé le besoin d'envoyer une lettre urgemment. Des domestiques avaient fait passer celle-ci afin qu'elle parte au plus vite dans le Massachusetts. Elle était bien évidemment destinée à mon père.
Papa,
Le temps passe et je ne te vois plus... Vous êtes enfin autorisés à me rendre visite dans les jours à venir. J'espère que je te retrouverai à la porte du Palais pour m'accueillir, avec Steven. Préviens-le aussi s'il te plaît, j'aimerais passer ce moment avec vous deux à mes côtés. Pendant ces jours d'absence, tu me manques de plus en plus. Je repense à notre vie heureuse avant. Je regrette tellement de ne pas avoir pu éviter l'inévitable. Je ferais tellement pour qu'un jour j'entende de ta propre voix que tu me pardonnes. Que c'est trop tard pour revenir en arrière et qu'il faut avancer pour survivre ensemble, comme me le disait Steven. Que l'on redevienne complices comme avant. Que tu ne clives pas le sujet. Que tu m'adresses à nouveau la parole sans hurler de rage. Que je sois à nouveau ta fille, comme je l'étais avant...
Je n'ai jamais voulu ce qui est arrivé, tout comme toi. Ne crois-tu pas qu'il soit temps de passer à autre chose... De vivre à nouveau...
Aidan voudrait faire ta connaissance. Je t'en supplie, Papa comprend moi, oublie tes rancœurs et ouvre-moi tes bras comme tu l'as toujours fait dans mes souvenirs, tristes ou heureux.
Je t'attends au Palais, ta seule et unique fille, Amber.
En l'écrivant, des larmes m'étaient montées aux yeux, glissant sur mes joues. Je la mis ensuite dans une enveloppe, que je fermais soigneusement. Derrière, j'inscrivis : "Papa, si tu reçois cette lettre, ouvre-la s'il te plaît. C'est important ! Écoute-moi pour une fois et ne la déchire pas... Amber.".
Animée par un minime espoir que mon père soit là, je descendis les escaliers et me rendis vers les jardins. Je découvris la réception organisée par la Reine, composée de hauts chapiteaux blancs et d'allées fleuries. L'ambiance était assez conviviale. Je remarquais Ella accompagnée de sa famille, mais je préférais la laisser pour qu'elle profite un maximum aujourd'hui.
J'étais fascinée par la préparation de chaque détail de l'événement. La Reine était à quelques mètres de moi. Je décidais, dans un élan de courage, de m'approcher d'elle, lentement.
- "Bonjour votre Majesté." M'exprimais-je, une révérence succédant mes paroles.
- "Bonjour Amber, pourquoi n'êtes-vous pas avec votre famille vous aussi ?"
- "Eh bien, je crois qu'ils ne sont pas encore dans l'enceinte du Château."
- "Vous devez être pressée, n'est-ce pas ?"
- "Oh oui, très ! Et vous voyant seule vous aussi, j'ai pensé que nous pourrions échanger quelques mots."
- "Vous êtes bien observatrice. Et cela me touche beaucoup qu'en ce jour vous pensiez encore à ma présence."
- "Oh ce n'est rien Majesté. Au fait, et vous, votre famille ? Vous ne devez pas la voir souvent à part lors de grands événements, comme la dernière fois au bal. Ce n'est pas trop dur pour vous ?"
- "C'est un choix mais c'est vrai que parfois certaines personnes me manquent et je n'y peux rien. De plus, j'ai des responsabilités à tenir et je n'ai pas forcément le temps, vous savez. Mais on s'y fait !"
- "Excusez-moi, j'ai l'impression d'être indiscrète, sûrement car cela ne me regarde pas."
- "Ce n'est rien, ne vous en faites pas. Au contraire, pour une fois que je peux en parler librement. Mes proches ont très vite compris que mon mode de vie allait changer du tout au tout après la Sélection de mon époque. À ce moment-là, ils m'ont tous soutenu, et cela a resserré les liens familiaux entre nous."
- "Puis-je vous demander si vous regrettez votre inscription à la Sélection que vous avez gagnée ?"
- "Pas une seule seconde !"
- "Je ne vais pas tarder, veuillez m'excuser. Ce fut un plaisir de vous parler comme ça. Bonne journée !"
- "À moi aussi. Appréciez les moments avec votre famille !"
Après cette courte discussion, je m'en allais dans les grandes allées pleines de verdure. Je marchais, seule, passant devant certaines Sélectionnées et leur famille qui venaient d'arriver et qui bavardaient dans les jardins du Palais. Je les observais, puis, continuant à marcher droit devant, je me posais sur un muret, fixant l'horizon qui s'étendait infiniment devant mes yeux. Un brouhaha couvrait les conversations de chacun. Derrière moi, une main se posa délicatement sur mon épaule. Je découvris Aidan, qui me dominait de toute sa hauteur.
- "Amber, je te cherchais !"
- "Ah oui ? Qui a-t-il ?"
- "Oh, pas grand-chose ! Un certain jeune homme prétend que vous le connaissez, je crois bien qu'il s'appelle Steven !"
- "Vraiment ?! Où ?!!" Lui répondis-je, toute excitée.
Il se pencha vers mon oreille.
- "Là..." Me chuchota-t-il, avant de s'éloigner un peu plus loin.
Je me retournais et tombais face à un Steven aussi impatient que moi. Je me levais et me mis à courir aussi vite que ma robe me le permettait vers mon frère. Je sautais dans ses bras musclés qui me portèrent instantanément, terminant dans un long câlin aussi émouvant que possible. Il me reposa finalement et me fit face.
- "Alors ? Comment tu vas p'tite sœur ?"
- "Bah écoute, ça va, ça va ! Et toi ?!"
- "Pareil, même si ce n'est pas facile tous les jours avec Papa. Mais tu sais, depuis ton départ, il est tourmenté, il se pose énormément de questions. S'il a bien fait de t'envoyer ici, par exemple."
- "Tu sais s'il a lu ma lettre ?!"
- "Oui, c'est moi qui l'ai poussé à le faire. En tout cas, je peux te dire que tu l'as bouleversé, que ce soit en mal ou en bien."
- "Vraiment ?! J'aimerais tellement que ce soit plus simple... Mais apparemment, certains actes sont impardonnables. "
- "Eh ! Oh ! Soit positive, OK ?! Il faut toujours un coupable et parfois ce n'est pas à la bonne personne à qui l'on en veut. Donc ne te prend plus la tête avec ça à l'avenir, c'est clair ?! Ça va s'arranger plus vite que tu ne le crois, fait moi confiance."
- "Si tu le dis alors, d'accord."
- "Oui ! Bon sinon, tu arrives à supporter le luxe de l'endroit ?"Me dit-il d'un ton ironique.
- "Oh oui, je m'y suis habituée."Répondis-je, amusée.
- "Et ça te plaît ?"
- "Je pense que oui, à force d'être encadrée de cette façon."
- "Eh bien tant mieux pour toi, et tu sais quoi ?!"
- "Oui ?"
- "J'espère que tu vas gagner cette Sélection, je suis avec toi !"
- "Merci pour ton soutien.
Un court silence se fit, puis je lâchais finalement ce qui m'angoissait depuis bien longtemps.
- "Du coup, il n'est pas venu..."
Il baissa le regard vers le sol et resta silencieux.
- "Steven ?!"
Il ne répondit toujours pas, mais je croyais apercevoir un sourire sur le coin de ses lèvres. Je ne comprenais pas ce qui arrivait.
- "Tu as regardé autour de toi ?" Me lança-t-il soudainement, d'un air taquin.
- "Pourquoi ? Je devrais ? Tu sais que je déteste les devinettes Steven ! Dis-moi ce qu'il y a ?"
- "Regarde !!"
Je balayais les jardins du regard, incapable d'imaginer ce que je m'apprêtais à confirmer. Soudain, mon pouls s'accéléra, ma vue se troubla de larmes, mes jambes devenaient frêles, mon corps entier tremblait à cause des sanglots, ma voix était éteinte, et mes mains se précipitèrent sur mon visage. Il était là dans la foule agitée, parlant avec Aidan.
- "Pa..pa......Papa... Papa !!"
Ma voix saccadée le fit se retourner, ainsi que le Prince. Il me fixait, comme paralysé à ma vue.
- "Am....Amber ! C'est bien toi !"
- "Oui ! Je suis si heureuse de te voir !"
- "Moi aussi, si tu savais ! Je tiens à te dire que j'ai lu ta lettre, elle m'a ouvert les yeux. Je veux que notre querelle devienne du passé, que cela soit derrière nous. On oublie tout et on recommence, pas comme avant mais à notre manière. Mais n'oublie pas que je t'aime. Pardonne-moi !"
- "C'est fini Papa, maintenant on reste toujours ensemble, d'accord ?!"
- "Oui d'accord !"
Nous avons rejoint Aidan et Steven qui parlaient entre eux.
- "Prenez soin de ma p'tite sœur Monsieur !"
- "Ne vous en faites pas pour ça !"
Puis, nous nous étions promenés dans la cour et les jardins du Palais tout l'après-midi. Je n'avais pas vu le temps passer et malheureusement toutes les bonnes choses ont une fin. Ma famille devait rentrer et je ne pouvais pas faire autrement. Je laissais donc partir à contrecœur mon père et mon frère comme ils étaient venus. Des "au revoir" de la main et des pleurs accompagnaient les paroles touchantes de mon père.
- "À bientôt ma fille !!"
- "À bientôt Papa !!"
Je remontais lentement dans ma chambre encore le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux. J'aurais voulu que cette journée dure plus longtemps. C'était un souvenir que je n'étais pas prête à oublier.
Mily était dans ma salle de bain, en train de ranger un tas de linge de maison. Je la saluais et lui demandais cordialement de me laisser seule, ce qu'elle fit sans rien ajouter.
Après cette journée éprouvante, je me posais sur mon lit, m'allongeant sur le dos. Je regardais le plafond, statique. Il était 16 heures pile. Je pris le médaillon de ma mère entre mes doigts et l'ouvris. Je contemplais la photographie découpée, comme replongée dans mon enfance.
Un bruit de vitre brisée me fit sursauter. Je refermais instinctivement le médaillon. À part moi, Ella était la seule à avoir déjà vu le contenu de celui-ci.
Je me relevais rapidement et avançais prudemment vers ma fenêtre, repensant à l'attaque terroriste comme un flash. J'aperçus une pierre grise dans les débris de verres éparpillés au sol. Étonnée, j'enjambais ceux-ci et ouvrais la baie vitrée, ce qui fit tomber le reste des éclats.
Je me retrouvais sur mon balcon, assez désorientée. M'appuyant sur le garde-corps en pierre, j'étais plus que surprise d'apercevoir en contrebas Aidan, les mains sur la tête. Je l'entendais lancer des "Oups !!" dans la cour, gesticulant de gauche à droite, angoissé. Amusée par la situation, je lâchais un petit rire discret. Au même instant, Aidan descendit ses mains le long de son corps et leva ses yeux vers moi. Ses yeux, si brillants, me figèrent instantanément quand ils se plongèrent profondément dans les miens. Un sourire, comme ceux qu'affichent les enfants coupables prenant un air innocent pour se justifier de leur bêtise, apparut sur son visage.
- "Ça n'aurait pas dû se passer comme ça. Je crois que j'ai fait une gaffe."
Je pris un air offusqué, même si l'envie de rire m'était très grande.
- "Et comment ça devait se passer ?!! J'aurais pu me trouver derrière la fenêtre et être blessée !"
- "Je suis navré Amber, pardonne-moi !"
Je ne pouvais retenir mon enthousiasme plus longtemps.
- "Mais oui, ce n'est rien !! Aidan, tu sais que la prochaine fois tu peux venir jusqu'à ma porte si tu as envie de me parler."
- "Oui, j'y penserai la prochaine fois !"
L'atmosphère se détendit petit à petit, avec nos rires entremêlés.
- "Aidan ?!"
- "Oui ?"
- "Pourquoi as-tu brisé ma fenêtre ?"
- "Je n'ai pas fait exprès !"
- "Non ! Pourquoi ?! Tu as bien lancé une pierre pour quelque chose."
- "Pour te parler de quelque chose, plutôt du type secret."
- "C'est sûr que c'était plutôt discret !" Dis-je amusée.
Il s'approcha un peu plus près du balcon, presque en dessous de moi. J'attendais, curieuse, ce qu'Aidan voulait m'annoncer.
- "Je pense que ça va te plaire !"
- "Arrête de me faire patienter Aidan !" Lui lançais-je, un sourire impatient sur les lèvres.
- "Je t'invite à un dîner galant, ce soir.
Mais, en dehors du Palais. Donc, on n'a pas le droit. Mais, on va le faire quand même."
Mon visage s'éclairait à l'annonce de cette nouvelle.
- "C'est vrai ?! C'est super !! À quelle heure ?!"
- "Oui, bien sûr !! Eh bien, pourquoi pas à 20h ? Je viendrais te chercher discrètement quand il fera assez nuit."
- "Je suis déjà impatiente d'y être."
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Juste après la nouvelle d'Aidan, je demandais à Mily de me laisser une des plus belles robes de sa confection dans ma chambre. Me questionnant pour savoir qu'elle en était la raison, je lui répondis que j'étais dans l'impossibilité de lui répondre. Mily n'insista pas plus et acquiesça.
Quand j'atteignis ma chambre, je trouvais la robe étendue sur le lit. Je la trouvais parfaite pour l'occasion. Cette fois-ci, le Prince apparut devant ma porte, prêt à partir dans notre escapade secrète.
- "Tu es prête ?" Me murmura-t-il.
- "Oui c'est bon. On peut y aller."
Nous nous faufilions dans les couloirs, tous les deux comme des voleurs, esquivant les gardes postés à chaque coin du Palais. À l'entrée du hall, un garde suspicieux s'approcha de nous.
- "Vous avez besoin d'aide votre Altesse ?"
- "Non merci, vous pouvez retourner à votre poste."
Nous nous engouffrions dans un autre de ces couloirs identiques.
- "On va passer par une des portes de derrière, ce sera plus simple." M'expliqua-t-il.
Nous arrivions enfin à l'extérieur, non sans effort. Le trajet jusqu'au restaurant où Aidan avait décidé de m'emmener se passa sans encombre. On nous installa confortablement sur des fauteuils rouges, l'un en face de l'autre. Un serveur prit notre commande, puis Aidan exigea du champagne pour cette soirée. Tout au long du repas, nous discutions ensemble.
- "Tu es magnifique ce soir Amber !" Chuchota-t-il avec un ton provocateur.
- "Merci, tu n'es pas mal non plus Aidan, tu sais." Lançais-je, amusée.
- "Seulement "pas mal" ?"
- "Tout dépend de l'interprétation !"
- "Ah oui ? Et comment devrais-je l'interpréter ?"
- "Que tu es très séduisant !"
- "C'est étonnant de t'entendre faire des compliments francs, pour une fois !"
- "Ce n'est pas parce que je ne les dis pas que je ne les pense pas, au contraire !"
- "Je m'en souviendrai."
Le repas était terminé. Il me fixait intensément, sa main sur la mienne. Nous sortions du restaurant après ce moment plus qu'agréable. Nos mains enlacées, il était face à moi.
- "Amber !"
Je levais la tête vers son visage. Il attira mes hanches plus près de lui, et embrassa mes lèvres passionnément. Ce baiser enivrant était exceptionnel. Je me laissais transporter par cette sensation irrésistible. L'étreinte se resserra, nos souffles saccadés nous obligeant à arrêter.
- "Aidan, je crois que je suis en train de tomber amoureuse de toi." Lui lançais-je droit dans les yeux, le sourire aux lèvres.
Le retour se déroula parfaitement bien, nous obligeant à nous séparer pour la nuit.
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