Phase 1.6☞Secret • Iris Courtney

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I R I S

Une semaine après la visite du château avec Aidan, je suis toujours en possession du livre. Je lis un peu chaque jour, avec ma pratique de l'italien. Quand je ne comprends pas un mot, je vais dans la salle des Sélectionnées et je prends un dictionnaire qui traduit le latin. Plus j'avance dans ma lecture, plus elle devient bizarre et surprenante. Par exemple, il y avait une phrase : "Ecce crucem significare quod Pallentes imperitiam, suspendentes in ligno." Une fois traduite était : "Regardez ce crucifix, que symbolise-t-il? L'incompétence blafarde qui pend sur un arbre." Il faudrait qu'Aidan et moi parlons, à propos de ce livre.

Samedi, vers le milieu d'après-midi, j'étais encore plongée dans ma lecture. Et, encore une fois, une phrase dont le sens m'échappe, apparaît dans le livre. Je devrais aller au Boudoir, prendre le dictionnaire. Je laisse un mot sur la table, à l'attention d'Amara, lui indiquant que je suis partie au Boudoir, prendre un livre. Je cache le livre dans sa cachette : une trappe dans le sol, dissimulée par le lit. Je mets un léger gilet blanc sur mes épaules, puis je pars vers la salle, où les Sélectionnées prennent un thé, ou autres boissons. Elles ne sont guère beaucoup, mais chacune me dévisagent quand j'entre dans la pièce. Je me dirige vers la bibliothèque réservé aux Sélectionnées, et je prends mon livre. Lorsque je me retourne, Anna Smith est derrière moi, les bras croisés. Elle affiche une mine énervée, et me toise de la tête aux pieds. Sans prononcer un mot, elle me prend le livre des mains, puis l'ouvre et le feuillette.

-Rends-le moi! J'en ai besoin, supplié-je presque.

Elle me regarde dans les yeux, et affiche un sourire mesquin.

-J'en ai besoin aussi, figure-toi...

-Pourquoi tu me le prends des mains? Tu pouvais pas le prendre avant que j'arrive, ou après que j'ai fini de l'utiliser?!

Elle rigole, d'un rire qui ferait d'elle une folle à interner. Puis, elle se retourne, le livre en mains. Elle sautille joyeusement, contente d'avoir accompli la mission de me mettre des bâtons dans les roues.

-Au fait, Iris...

Elle revient vers moi, un sourire en coin.

-Je sais tout ce qui se passe dans ce Palais, tout ce que tu fais. Je sais pourquoi tu as besoin de ce livre, et je connais ton passé.

Je serre les poings, avec la folle envie de la mettre K.O. au sol. Elle s'approche lentement de mon oreille et me chuchote ces mots:

-En plus de ça, je connais Lorenzo Gilbert. Il m'a pas mal parlé de toi. Donc fais attention à ce que tu fais, joli cœur, sinon je pourrais bien tout dire. Et très bientôt. Si ce n'est pas moi, ce sera Lorenzo.

Je deviens livide. Elle connait mon secret. Elle marche à présent autour de moi.

-Tu sais, nous sommes des moustiques, lui et moi. Nous tournons, nous tournons et au bout d'un moment, on pique, dit-elle en me piquant avec son doigt en même temps qu'elle prononce le mot "pique".

Elle s'éloigne en marche arrière, en montrant le livre.

-J'imagine que du coup, ça ne te dérange pas que je t'emprunte le livre, un court moment?

Puis elle quitte la pièce. Je reste sur place quelques secondes immobile puis, je sens une main se poser sur mon dos. C'est Jude.

-Ça va, Iris? T'as l'air... Choqué?

-Oui, oui, ça va, dis-je remontée et en marchant vers la sortie.

Je pousse la lourde porte du boudoir, et la claque ensuite. Je remonte les escaliers, poussant des jurons de temps à autre. En arrivant devant ma porte, je découvre un mot accroché à ma porte. "Iris Courtney est une... ツ". Je l'arrache rageusement de la porte, et le déchire en mille morceaux.

-... Une groooosse pute.

Je serre les poings.

-Lorenzo...

Je me retourne et tente de lui donner un coup dans la mâchoire. Il arrête mon poing avant même qu'il atteigne sa tête.

-Méchante fille, dit-il sarcastique.On t'as jamais dit de ne pas agresser les gens?

-VAS TE FAIRE FOUTRE, SALE FILS DE PUTE!

Il rit, et je lui balance mon pied dans ses parties intimes, de toutes mes forces. Il s'écroule par terre, je lui ouvre sa bouche et lui fourre les papiers dedans.

-Maintenant que t'es en mesure de ne pas parler, entre souffrance et objet obstruant, tu vas m'écou...

Aidan surgit soudain dans les couloirs.

-Que se passe-t-il ici, demande un Aidan bouleversé.

-Je... Cet officier m'harcèle depuis mon arrivée ici, Votre Altesse...

Lorenzo crache les papiers présents dans sa bouche et se relève difficilement.

-Votre Altesse Royale, savez-vous que cette jolie et jeune demoiselle ici présente, était autrefois une prostituée? Et, Dieu sait à quel point elle aimait ça! Elle aimait quand je venais la voir.

Mon cœur rate un battement, je crois que je vais m'évanouir, mais la rage s'empare de moi.

-ESPÈCE D'ENCULÉ TU CONNAIS PAS MON PASSE OK? TU NE SAIS PAS POURQUOI J'AI FAIS CA! Vas crever parmi les rats, sale pourriture.

Je pousse Lorenzo afin de rentrer dans ma chambre puis je me jette dans mon lit. Je verse toutes les larmes que mon corps peut fournir.

-Iris, puis-je entrer?

Je ne réponds même pas à Aidan. Mais, il rentre tout de même. Je le sens s'asseoir au bord du lit, et me frotter le dos.

-Iris, nous pouvons en parler, si vous voulez, dit-il d'un ton rassurant.

-Je veux quitter la Sélection, j'annonce la tête enfouie dans les coussins.

Aidan me prend les épaules et je me retrouve face à face avec lui. Il me pointe son index sous le nez.

-Mademoiselle Courtney, je vous interdis de quitter la Sélection! Vous êtes beaucoup trop importante pour moi.

-Mais je suis trop honteuse! Vous croyez que ça le fait qu'une Sélectionnée était une pute avant?! Non, je ne pense pas, dis-je en m'emportant un peu trop.

Aidan soupire, et me prend la main.

-Iris, vous avez dit à cet officier qu'il ne connaissait pas votre passé, mais quel est-il?

Je sèche mes larmes et respire un grand coup.

-A l'époque, je devais avoir quinze ans, quand je l'ai connu. Il s'appelait Camron. J'étais folle amoureuse de lui, et c'était réciproque. Nous étions très jeunes, mais nous nous voyons déjà heureux, des années plus tard, avec des enfants et mariés. Le problème... C'est qu'il était un Huit. Mon père l'a appris, et a aussi appris que j'étais enceinte de lui. Bien-sûr, c'était un accident l'enfant, mais je l'aimais. Mon père m'a donc emmené de force à l'hôpital "m'enlever cette vermine venant de ce salopard de Huit", comme il disait. Puis ensuite, il m'a jeté dehors. Les mots venant de mes parents puis de mes grands-parents étaient horribles... Ensuite, j'ai vécu quelques mois dans la rue avec Camron, dans des cartons. Jusqu'au jour où... Il est mort. Un connard lui a tiré dessus, puis il est parti. Vous savez comment ça se passe entre clochards? Bagarres de rue... Je suis restée impuissante devant mon grand amour, je le regardai mourir. Je lui prenais la main, lui disant que tout se passera bien. Ses derniers mots ont été "Je t'aime tellement, prends soin de toi". J'étais devenue une sans-abris, donc je n'avais pas d'argent. Je me suis prostituée, afin d'avoir de l'argent et reprendre une vie normale. Et, Lorenzo, était l'un de mes clients. Il venait très souvent... Voilà, maintenant vous savez tout...

Je tourne le dos au Prince, et je vais sur le balcon de ma chambre, pour prendre un bol d'air frais. Mes larmes continuent de couler, mais je n'en fait pas grandement attention. Je regarde la forêt au loin. Elle est si jolie. Je n'ai qu'une seule envie, m'évader. La tête d'Aidan, se posant sur mon épaule me sort de mes pensées.

-Iris, ne partez pas. Ce secret restera entre nous, promis. Les candidates ne sauront rien, ni ma famille, ni la télé. Je ne vous en veux pas vis à vis de votre passé. Je suis justement scandalisé de savoir que mon peuple vit de telles atrocités. Mais vous, si vous saviez mon secret...

Je me tourne vers Aidan, lui prend sa main, et je pose ma main libre sur sa mâchoire.

-Je reste, alors. Mais... Anna Smith est au courant, et elle était de mèche avec Lorenzo. J'ai bien peur qu'elle raconte à tous mon passé.

-Je m'occuperai de son cas plus tard...

J'acquiesce et je regarde encore une fois la forêt.

-Elle est belle, n'est-ce pas? me demande Aidan, d'un ton doux.

-Très belle...

-Enfant, je partais des journées entières dans ce bois. Je prenais un sac contenant des sandwiches, et je partais à cheval.

Je souris, l'imaginant dans les bois, et à cheval. J'entends un "bip bip" signifiant le bruit d'un bippeur. Aidan fronce les sourcils et soupire.

-Père veut que je le rejoigne dans son bureau.

-Oh... J'aimerai tant que vous restiez...

-Moi aussi, mais... Je ne peux pas...

J'affiche une triste mine, et il me prend le visage dans les mains. Il dépose un doux baiser sur mon front et me regarde ensuite dans les yeux.

-A plus tard, Iris.

Puis il part.

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