Chapitre 4

Base Epsilon, Region d'Al-Anbar, Irak, 22 Juillet 2017.

Il faisait nuit sur la Base. Le chaos de l'attaque massive qui avait endommagé les lieux résonnait encore dans l'esprit de Elya. Elle était allongée sur son lit, les yeux ouverts en fixant le plafond de sa chambre sans pouvoir trouver le sommeil. Le visage sali par la poussière de ses camarades, les explosions, les fusillades, tout cela revenait en boucle dans sa tête. Son corps refusait de se détendre malgré ses efforts.

Elle décida alors de se lever. Il faisait assez sombre dehors car la lune etait couverte par de grands nuages. Elya marchait vers la fenêtre de sa chambre pour respirer de l'air frais mais une lueur attirait son attention à l'extérieur puis elle etait légèrement etonnée de ce qu'elle avait vu.

Elya : Un feu de camp ? Pensa-elle.

La jeune femme fronca légèrement les sourcils par curiosité. Ce n'etait pas habituel, à moins que le Commmandant Miller n'ait fait une exception. Elle enfila une chemise noire et des petites bottes de la même couleur et sortit de sa chambre. En sentant l'air frais de la nuit, Elya se dit qu'elle avait bien fait de porter cette chemise.

En s’approchant, elle distingua quelques silhouettes autour du feu, assises sur le sol. Les flammes crépitaient doucement sur leurs visages calmes. Ils étaient là, assis à discuter et… à griller des guimauves ? Elya ralentit un peu à cause de sa surprise par cette scène. Ce n'était pas le genre d'atmosphère qu'elle s'attendait à trouver après tout ce qu'ils avaient vécu.

Elle reconnut quelques visages familiers : le mercenaire 31, qui semblait assez silencieux et distant, son regard fixé sur les flammes. Le mercenaire 06, qui s'occupait des guimauves, il portait par ailleurs un bandage autour de ses oreilles ; et la mercenaire 05, assise un peu à l'écart, observant la scène avec son sang-froid exemplaire.

06 : Tiens, c'est 01. Tu peux venir si tu veux.

Elya s’approcha en etant attirée par l’ambiance calme. Elle s’installa sur le sol à côté de 31 en observant silencieusement la scène.

31 : Tu veux de la guimauve grillée ? Dit-il en lui tendant une branche sur laquelle il y avait une guimauve doré fondante.

Elya : Non merci. Repondit-elle simplement.

En voyant que 06 portait des bandages autour de ses oreilles, Elya ne put s'empêcher de lui poser une question.

Elya : Tu es blessé aux oreilles ?

06 : Tu peux parler un peu plus fort s'il te plait ?

Elya : Tu es blessé aux oreilles ? Reitera-elle légèrement plus fort et avec un peu d'ennui.

06 : Pas vraiment. Au début de l'attaque avant que tu nous rejoignes, un obus a failli me pulveriser et mes oreilles ont pris tarif j'ai quelques soucis d'audition. Mais d'ici quelques jours, ca devrais aller.

Elya : D'accord.

31 : Elle aussi a pris cher, et elle as reussi à tenir avec ces blessures jusqu'au bout. Elle est devenue un vrai monstre. Pensa-il en se remémorant les blessures de Elya pendant la bataille.

Alors que les les petites conversations continuèrent, d'autres membres de l'équipe s'etaient joints au feu de camp jusqu'a ce qu'ils se reunirent au complet. La majorité d'entre eux prétextaient avoir de l'insomnie mais l’atmosphère était lourde, mais il était évident que chacun ici avait besoin de ce moment pour relâcher la tension. 06 eut alors une idée qui allait en surprendre plus d'un.

06 : Je pensais à quelque chose, on devrait donner un nom à notre groupe. Vous ne pensez pas ?

Tous les regards se tournèrent vers lui en etant surpris par la suggestion.

05 : Un nom ? Serieusement ? On est pas une bande de racailles de collège 06. Dit-elle sérieusement.

06 : Je le sais bien. Mais ce serait bien que nous ayons quelque chose qui n'appartient qu'a nous. Quelque chose qui nous rappelle que nous sommes là.

0016 : Tant que ca ne change rien dans nos missions, pourquoi pas. Dit-il avec un petit sourire.

04 : Toi tu en penses quoi 02 ?

02 : Je prendrais l'avis majoritaire.

41 : Personnellement je suis d'accord, ce serait bien d'avoir un symbole qui nous représente.

Elya, toujours en retrait, observait la scène. Elle n'avait pas encore pris la parole car elle réfléchissait à ce que cela signifiait réellement. Un nom... Cela lui paraissait pas très important, ils étaient des mercenaires. Leur rôle n’avait jamais été question de fierté ou de symbole, mais d’accomplir un objectif précis.

Pourtant, alors qu’elle s’enfonçait dans cette réflexion, quelque chose l’interpella. Un nom... Elle n’avait même pas le sien à cause de cet accident d'avion, elle ne se souvenait plus de ce qu'elle etait avant d'être la personne qu'elle est aujourd'hui. Elya serra la mâchoire, son regard se perdait dans les flammes. C’était comme un vide qui s’était installé en elle dès qu’elle avait pris conscience de ca. Les souvenirs lui échappaient à chaque tentative de les saisir.

Elle essayait parfois de remonter dans son esprit, dans les cotés sombres de sa mémoire, mais tout restait flou, comme un rêve que l’on tente désespérément de souvenir au réveil. Ce n’était que des fragments, des sensations : la chaleur d’une main, une voix douce, un sentiment de joie. Mais rien de tangible. Rien qui puisse lui offrir une véritable identité, elle ferma les yeux pour essayer de se rappeler. Quelque chose, n’importe quoi.

Finalement, Elya décida de laisser tomber, c'etait trop dur. Elle essayait encore de faire la paix avec ce vide intérieur, mais c’était un combat qu’elle menait seule et peut-être sans fin.

06 : Je sais ! On pourrait s'appeller "Les Impériaux". Ca sonne bien non ?

Quelques-uns approuvèrent, d'autres levèrent un sourcil à cause de la gêne et d'autres secouèrent la tête avec scepticisme. 05 regarda Elya pour connaitre son avis, avec un simple regard cette dernière pouvait savoir ce que 05 voulait. À force de s'entrainer ensemble, elles avaient developpé une sorte de lien qui leur permettaient de communiquer juste avec le regard.

Finalement, Elya regarda tous ses camarades tout en attirant l’attention de tous puis elle prit la parole.

Elya : Si ca vous aide à tenir alors faite comme vous le sentez. Dit-elle simplement.

06 sourit de joie et d’autres acquiescèrent, même ceux qui semblaient au départ contre l’idée.

31 : Un nom, ça nous rappelle aussi qu'on est humain, que tout ça a un sens. Mais je ne crois pas mentir si je dis que certains d’entre nous ont besoin de se raccrocher à quelque chose. N'est-ce pas ? Dit-il doucement.

Elya le fixa un moment, réfléchissant à ses paroles. Il avait peut-être raison. Après tout, chacun avait sa manière de survivre à à toute cette violence. Elle-même avait eu ses propres raisons de continuer, même après tout ce qu’elle avait perdu.

06 : Tu te prends pour un philosophe petit frère ? Dit-il avec un ton humouristique.

31 : Je n'ai jamais aimé la philosophie. Repondit-il en fixant les flammes.

06 : Ouais, je l'ai bien vu sur tes bulletins de notes.

02 : Les Impériaux, alors... Pensa-il.

Le feu crépitait doucement dans la nuit sombre, éclairant les visages des mercenaires qui discutaient pendant de très nombreuses minutes. Les guimauves étaient presque terminés et l'atmosphère etait détendue. Sauf que Elya remarqua rapidement que certains de ses camarades, c'etait un petit groupe d'entre eux, ceux qui avaient été les plus silencieux depuis le début de la soirée, semblaient particulièrement préoccupés.

Leurs visages avaient une expression indéchiffrable comme si ils avaient des choses à dire mais qu’ils refusaient de partager. Elle n'etait pas la seule à l'avoir remarqué, elle décida donc d'en parler.

Elya : Quelque chose ne va pas ? Demanda-elle calmement.

0018 releva legèrement la tête comme si il venait de se reveiller, il se tourna vers Elya avant de secouer negativement la tête.

0018 : Non, rien. Repondit-il simplement.

Elya plissa légèrement les yeux pas vraiment convaincue, elle jetta un coup d'oeil à 06 et 05 qui avaient aussi remarqué l'humeur étrange de certains camarades.

06 : Vraiment ? On vient de traverser des choses terribles. Si quelque chose ne va pas, c'est le moment d'en parler. Insista-il.

Un blanc long et gênant avait commencé puis 33, qui faisait parti de ceux qui etaient silencieux, prit la parole.

33 : Non, c’est rien. Juste… fatigué.

Le silence s’installa de nouveau, plus lourd cette fois, et Elya savait que, malgré ses paroles, il y avait bien quelque chose qui les tourmentaient. Ils évitaient de croiser le regard des autres et leurs yeux etaient fixés sur les flammes. Soudain, le regard de 33 s’assombrit encore plus, et il se rememora une scène dont il fut témoin lors du ratissage du secteur...

Flashback, il y a 7 heures.

En plein milieu du désert, 33 etait avec 03 et quelques autres camarades en train de rechercher les ennemis qui s'etaient enfuis lors de l'attaque. À un moment donné, cinq hommes ennemis s'approchaient d'eux, desarmés en avançant lentement, les mains etaient levées en signe de reddition. L'un d'entre eux qui s'appellait Abu Redwan prit la parole.

Abu Redwan : On se rend. Vous ne nous ferez pas de mal, n'est-ce pas ?

03 : Mais bien sur. Repondit-elle en arabe et en souriant.

Abu Redwan et ses camarades furent soulagés. Mais aussitôt, des coups de feu rapides se firent entendre. Les cinq hommes etaient tombés en même temps, ils avaient été abattus sur place par 03. 33 et ses camarades regardèrent cette dernière avec les yeux légèrement ecarquillés, son arme etait encore fumante avec son sourire encore aux lèvres. Elle venait de tuer des prisonniers de guerre sans aucune pitié.

03 : Pourquoi vous me regardez comme ça ? Pas besoin de faire compliqué quand on peut faire simple. Dit-elle en haussant les épaules.

Comment pouvait-elle être si détachée ? Ces hommes s’étaient rendus. Ils avaient baissé les armes, ils ne représentaient plus une menace. Mais pour 03, c’était comme s'ils n'étaient plus que des obstacles à éliminer, sans la moindre hésitation.

Fin du flashback.

Elya regarda longuement 33 en cherchant à comprendre ce qu'il cachait. Mais il ne ne dit rien. Pas un mot. Son regard se portait brièvement vers 03, elle etait de l’autre côté du feu et toujours avec cette expression énigmatique. Elle ne participait pas vraiment à la conversation, mais elle écoutait avec un léger sourire toujours présent sur son visage.

C’était le même sourire qu’elle avait eu après avoir abattu des ennemis sans sommation et Elya savait que ce sourire dérangeait plus d'un autour du feu. Les autres avaient beau prétendre que tout allait bien, elle voyait bien qu'ils étaient troublés par l’attitude de 03. Mais aucun d’entre eux ne voulaient perturber l'ambiance.

Après ce moment, cela faisait 2 heures que les mercenaires etaient autour du feu en train de discuter à la fois de choses importantes et médiocres. Mais tout à coup, une petite douleur apparut dans la tête de Elya, elle toucha son front avec sa main. Elle savait que cela n’allait pas passer de sitôt et qu'elle avait besoin de calme, de silence.

Elya : Je commence à être fatigué, je vais y aller. Dit-elle avec une voix légèrement fatiguée.

08 : Passe une bonne nuit 01. Souhaita-il en mangeant une guimauve.

D’un geste discret, elle se leva en laissant les autres discuter de stratégies futures  ou simplement d’anecdotes sans importance.

Alors qu’elle se dirigeait vers les quartiers pour se reposer, elle entendit des bruits de pas derrière elle. C’était 06, Elya se retourna pour lui faire face.

06 : 01 attends. Dit-il doucement et en allemand.

Elya : Oui ? Repondit-elle en allemand.

Il sortit quelque chose de sa poche, un objet noir et qui brillait légèrement grace aux morceaux de verre qui le composait.

06 : Je voulais te donner ça. Ca pourrait t'être utile. Dit-il en lui tendant l'objet.

L'objet en question etait un viseur hybride pour un fusil d'assaut, Elya accepta volontiers le cadeau de 06 en le prenant entre ses mains.

Elya : Un viseur hybride... Merci. Dit-elle avant de le faire tourner entre ses doigts pour l'analyser.

06 : Oh  ce n'est rien... d'important. Dit-il en essayant de cacher son sourire.

Elya : Merci quand même. Répéta-t-elle avec un peu plus de sincérité.

06 se fit d’un léger hochement de tête avant de faire demi-tour pour retourner vers le feu de camp où les autres l’attendaient. Elya le regarda s’éloigner, puis baissa les yeux vers le viseur dans ses mains. C'était un petit geste, peut-être mais c'etait un symbole de confiance, une manière pour lui de montrer qu'il croyait en ses compétences, ou en sa place de capitaine.

Mais à ce moment-là, la douleur qui lui martelait la tête augmentait en intensité, elle n’avait pas l’énergie de réfléchir à tout cela mais ces heures autour d'un feu de camp lui avait tout de même donné un peu de reconfort. Elle serra l’objet dans sa main et rentra dans sa chambre avant de s'allonger dans son lit et enfin trouver le sommeil.

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