Chapitre 8
Deux longues semaines s'étaient écoulées et la situation des deux compères restait précaire, surtout pour Charlotte qui se sentait piégée et en danger dès qu'elle s'éloignait de la maître queux.
Aux yeux des autres, Sori, excellente cuisinière, gesticulait pour se faire comprendre du jeune et mystérieux commis, qui obéissait sans jamais dire un mot. En réalité, la Kross veillait à ce que Charlotte soit toujours sous sa surveillance en la gardant le plus loin possible des guerriers et des curieux. La maître queux savait que la présence de « l'étranger » était une source d'angoisse pour ses compatriotes, car personne n'ignorait que la magie l'avait mis sur le chemin de leur seigneur, et « il » rappelait que la mort était proche pour tous les superstitieux.
Au beau milieu de toute cette folie, Charlotte n'avait qu'une amie, et elle n'avait pas eu à se forcer pour apprécier la Kross. D'ailleurs, leur tandem fonctionnait de mieux en mieux à mesure que le temps passait, même si elles parlaient très peu y compris la nuit, car elles avaient peur d'être découvertes et dénoncées à Sinn.
En fait, Sori affirmait qu'elles devaient être surveillées et elle soutenait que le seigneur des Kross était réputé pour son caractère colérique, alors s'il devait apprendre que son personnel lui avait menti et caché des informations qu'il aurait pu utiliser ou non, ça le mettrait dans une fureur meurtrière.
Au début, Charlotte avait minimisé ces dires, même si elle avait manqué de peu d'être attachée à un chevalet de torture, le soir de son arrivée. Par la suite, la gothique avait pu constater qu'il était vraiment lunatique, au point qu'elle en avait même supposé que si ce rapport de causalité était réel, il fallait tenir compte que la planète avait deux lunes... autant dire que le Kross pouvait être un danger mortel.
Le fait le plus marquant pour Charlotte avait été d'assister, de loin, à une crise de colère du seigneur des Kross : l'une de ses favorites avait regardé un peu trop longtemps l'un des guerriers. Jaloux ou simplement possessif, Sinn avait fouetté la jeune femme avec son ceinturon, puis il avait menacé de trancher les parties génitales du guerrier s'il approchait de trop près de la jeune beauté en question.
Après cette scène spectaculaire, Charlotte n'avait plus eu de doute sur les sombres pensées qui traversaient l'esprit de Sori chaque fois qu'elle la surprenait figée devant ses marmites, le regard dans le vide, le teint blême, et silencieuse.
Certaines nuits, sous leur tente, alors que Sori écrivait consciencieusement des lettres à ses proches pour leur donner des nouvelles qu'elle affirmait bonnes, Charlotte l'observait et la vision de son dos et de ses épaules voûtées par le poids de leur mensonge, l'accablait de culpabilité.
Malgré tout, éveillée ou endormie, Charlotte faisait aussi des cauchemars car son avenir était plus qu'incertain. D'ailleurs la jeune femme avait tenté de lancer la conversation sur ce qui se passerait une fois arrivées au Piton de la Dame Blanche, mais à chaque fois Sori avait coupé court en lui déclarant d'un geste nonchalant « nous verrons bien, mais je prie ardemment les Onis, pour nous deux !»
Tout comme elle ignorait comment fonctionnait l'envoi des missives de Sori, Charlotte ne voulait pas savoir ce qu'étaient les Onis, et de toute façon elle doutait fortement qu'ils puissent leur venir en aide. En fait, la peur que lui inspirait sa situation, mêlée à son profond désir de retrouver la vie qu'elle avait quitté, l'accablaient au point qu'elle refusait d'en apprendre plus que nécessaire sur ce monde qu'elle haïssait.
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