Riyès restait taraudé par une idée : puisque l'Alchimiste était mort, peut-être que Brume serait en mesure d'obtenir des visions utiles, si Riyès lui amenait l'étrangère. Après tout s'il s'était livré à une confidence, peut-être qu'il lui en avait fait d'autres.

Le Kross prit sa décision. Il guida les warex par le licol jusqu'à l'entrée du moulin.

Riyès détacha la suppliciée, mais il hésita à la soulever pour ne pas lui faire mal. N'étant pas sûr de la marche à suivre, il saisit les vêtements vides de l'alter ego et lui tendit :

— Il faut vous habiller, déclara-t-il en fixant la jeune femme qui pleurait.

— Vous m'emmenez ? sanglota-t-elle.

— Je dois apporter les journaux de l'Alchimiste au piton de la Dame Blanche, répondit-il. Elle aura peut-être des visions pertinentes en vous voyant. Brume connaît aussi de bons Al... de bons soigneurs, se reprit-il.

Charlotte qui était quasiment nue, chercha à se lever. Le moindre mouvement lui faisait atrocement mal, mais elle ne voulait pas que le Kross change d'avis, et qu'il la laisse seule.

— J'ai besoin d'aide, avoua-t-elle, d'une voix éraillée et affaiblie par les hurlements.

Riyès l'aida à s'installer au sol et à se vêtir.

— Je dois aller chercher un peu de nourriture, expliqua Riyès. Je vais revenir vous chercher !

— C'est promis ? lui demanda-t-elle, inquiète d'être abandonnée.

— Promis, affirma-t-il, confiant.

Le voyage jusqu'au piton de la Dame Blanche devait prendre six jours, mais l'état de santé de l'étrangère forçait Riyès à réévaluer constamment le chemin à emprunter.

Chaque soir, le Kross craignait que la jeune femme ne passe pas la nuit. Au matin, il se réveillait soulagé de voir qu'elle respirait encore. Il faisait de son mieux pour prendre soin d'elle, mais il ne voulait pas perdre de vue sa mission : déposer les journaux et Charlotte au piton de la Dame Blanche, puis retrouver Sinn, pour lui donner les informations qu'il avait glanées.

Huit jours après avoir quitté l'antre de Daryl, Charlotte chevauchait toujours installée devant Riyès sur son warex. Elle n'était pas assez forte pour avoir sa propre monture.

Chaque jour, Charlotte pouvait lire l'inquiétude sur le visage du guerrier, qui tentait de rejoindre la demeure de Brume, mais sa présence et son état le ralentissait. D'autant plus que le froid et la neige, qui restaient de saison, ne se privaient pas pour le freiner dans sa mission.

Durant cette huitième nuit, Riyès expliqua à Charlotte qu'ils allaient devoir prendre un chemin difficile le jour suivant, ce qui leur ferait gagner trois jours de voyage. Le Kross espérait que cette idée lui redonne des forces, parce qu'il n'était pas sûr qu'elle survive à une expédition plus longue.

Du reste, un lien profond se créa entre eux deux, et la jeune femme voulait absolument lui prouver qu'elle était plus forte qu'il ne le pensait, elle voulait aussi l'aider dans sa mission, puisqu'elle n'avait aucun moyen de retourner dans son monde.

L'ascension de cette petite montagne fut plus longue et plus difficile que prévu, mais Charlotte resta accrochée au warex que le Kross guidait par le licol. Riyès se retournait sans cesse pour vérifier qu'elle tenait bon, il l'encourageait en lui déclarant que de l'autre côté il ferait moins froid, et qu'ils atteindraient très vite la demeure de Brume.

C'est au crépuscule qu'ils arrivèrent au pied de l'autre versant de la montagne, où trois hommes dans un chariot les attendaient.

Suspicieux, Riyès tira son glaive de son fourreau et guida les warex vers les inconnus.

Les trois hommes ne montrèrent aucun signe hostile, l'un d'eux avança vers Riyès et lui expliqua que Brume avait eu une vision. L'Oracle savait qu'il allait avoir besoin d'assistance, alors elle lui avait envoyé trois Alchimistes.

Une fois les présentations faites, Riyès et Charlotte furent invités à s'installer dans le chariot, de lourdes couvertures les y attendaient, et les premiers soins furent donnés à la jeune femme.

Riyès se sentit soulagé en comprenant qu'elle était entre de bonnes mains, mais il avait encore beaucoup de choses à faire avant de pouvoir souffler.