Chapitre 29
Sinn lui laissa tout juste le temps de s'installer sur la selle du warex, et attrapa les rênes de sa monture pour la forcer à avancer.
— Quelle écervelée, la gronda-t-il en la foudroyant du regard. Ne t'avais-je pas dit que la mort marcherait à tes côtés ? soupira-t-il. Et tu ne trouves rien de mieux que de t'agenouiller sur le champ de bataille, ragea-t-il. Ta mort prématurée m'aurait causé quelques torts, cracha-t-il accusateur.
— Vous êtes en colère parce que vous vous réservez la primeur de mon exécution ou parce que j'ai été stupide ? marmonna Charlotte.
Sinn garda les yeux rivés vers l'horizon mais ses lèvres s'étirèrent en un rictus :
— Les deux, évidemment ! affirma-t-il.
Un silence rageur s'installa entre eux jusqu'à ce que Sinn arrête sa monture près du chariot de ses favorites.
— Tu finiras le voyage avec elles ! lui ordonna-t-il.
Le convoi reprit son chemin après avoir brûlé les morts et il fit sa dernière halte quelques heures après le crépuscule, une fois atteint la crique aux eaux vert pâle... Garelia.
Dans le chariot, Charlotte put se nettoyer le visage et tenta de retirer les morceaux de chairs et de cervelle qu'elle avait dans les cheveux, mais elle ne pouvait pas compter sur les six favorites de Sinn pour lui dire si elle avait tout retiré. D'ailleurs, Charlotte n'était pas certaine de pouvoir se sentir à nouveau propre un jour.
Le campement se monta rapidement et les guerriers réalisèrent les premiers tours de garde.
Charlotte, malgré la douleur de ses pieds, participa à l'installation du camp et principalement de la maison en toile de Sinn. Bien plus tard, la gothique refusa de manger avec les favorites de Sinn et préféra aller se coucher.
Seule sous la grande tente, la jeune femme s'installa dans un lourd et confortable fauteuil en face du lit, parce qu'elle n'avait pas envie de partager la couche de Sinn.
Épuisée et malheureuse, Charlotte espéra sombrer dans un sommeil salutaire, mais les images des cadavres éventrés et l'exécution du blessé, suivie de celle l'Ombre la hantaient. Charlotte sentait monter ses larmes et la boule qu'elle avait dans la gorge était un autre signe qu'elle allait craquer. Fatiguée de lutter, elle lâcha la bonde à ses pleurs jusqu'à avoir de gros sanglots, qui secouèrent son corps recroquevillé.
Par le passé, la jeune femme avait déjà flirté avec la dépression : à l'âge de huit ans, en perdant sa famille dans un accident de voiture, puis six ans plus tard à la mort de sa grand-mère maternelle, qui l'avait recueillie après le drame familial.
Cette fois encore, Charlotte se sentait abandonnée, mais par son propre monde et elle refusait de s'intégrer à cette nouvelle vie, parce qu'elle voulait retrouver ce qu'elle avait perdu : sa vie douillette, calme et surtout très éloignée de cette terreur sanglante, qui s'imposait dans ce nouveau monde.
Même si Charlotte ne connaissait pas Sori depuis longtemps, la cuisinière compatissante lui avait offert soutien et protection. De fait, la jeune femme s'inquiétait pour sa seule alliée et un sentiment de culpabilité aggravait son début de dépression.
Sinn entra sous sa tente très tard dans la nuit, les chandelles étaient pratiquement toutes fondues. Il trouva la jeune femme endormie dans un fauteuil, il sut avec certitude que sa posture lui vaudrait des courbatures au petit matin.
Il soupira d'agacement d'avoir affaire à une personne aussi obtuse, alors il la secoua pour la réveiller et gronda :
— Debout !
Charlotte sursauta et tenta de se lever, mais ses jambes engourdies lui firent défaut. La jeune femme retomba sur le fauteuil et la peur lui décomposa le visage.
— En plus d'être stupide, tu es aussi dure de la feuille, cracha-t-il, presque amusé par la mine de la jeune femme.
— Quoi ? répondit Charlotte en se frottant les yeux.
— Ne t'avais-je pas informée que tu partagerais ma couche ? répliqua-t-il en retirant son lourd manteau suivi de sa chemise.
— Eh bien... marmonna Charlotte.
— Déshabille-toi et viens te coucher, ordonna-t-il.
— Et si je refuse ? demanda Charlotte.
Sinn s'installa sur son lit pour retirer ses bottes. Il ne tourna pas la tête dans sa direction, parce qu'il sentit ses lèvres s'étirer en un sourire moqueur :
— Oserais-tu me défier ? lui demanda-t-il en enlevant sa dernière botte.
— Je...non... balbutia Charlotte. Enfin, je suis quoi ? votre prisonnière ?
Sinn se leva et retira son pantalon. Nu, il fit face à la jeune femme :
— Pour être franc, soupira-t-il. Je ne sais pas quoi faire de toi. Je te vois comme une invitée gênante... une épine dans mon pied, enfin pour le moment, mais les choses changeront bientôt, ajouta-t-il en avançant vers elle.
— On pourrait simplement s'entraider, vous savez ! tenta-t-elle en s'efforçant de ne pas étudier son corps musclé et nu.
— Si tu veux m'aider, ricana-t-il. Tu pourrais commencer par m'obéir et retirer tes vêtements, ajouta-t-il en la toisant de toute sa hauteur.
— Je n'ai aucune envie de coucher avec vous, s'emporta Charlotte. Je ne suis pas de votre monde, alors vos règles absurdes ne s'appliquent pas à moi ! affirma-t-elle en se levant et en tendant un index accusateur.
Sinn sourit et croisa les bras sur le torse faisant fi de sa nudité affichée.
— Je n'ai pas l'intention de te baiser, ricana-t-il. J'ai suffisamment de femelles à nourrir et à combler pour m'abstenir de cet effort. Ce qui semble m'attirer en toi, c'est le relent d'une ombre malsaine qui plane autour de ton joli corps gracile, avoua-t-il. Je ne connais pas l'identité de la personne qui t'a amenée ici, dans ce monde aux règles absurdes, mais mon instinct me souffle qu'il ou elle est malfaisant. Il ou elle viendra bientôt te récupérer, parce que te faire venir ici, lui a coûté des efforts incommensurables... cette personne ne renoncera pas à toi !
« Je l'espère sincèrement » pensa-t-elle en le regardant avancer vers elle.
— Retire tes frusques tachées de sang et viens te coucher, déclara-t-il en la toisant.
Charlotte soutint son regard déterminé, puis elle se résigna. Les mains tremblantes de peur et de honte, elle commença à se dévêtir. Satisfait, Sinn lui tourna le dos et alla s'allonger.
Elle dut rejoindre le lit sous le regard inquisiteur de Sinn. Elle se glissa sous les couvertures et se coucha sur le flanc, le plus au bord possible du matelas, pour ne pas être proche du seigneur des Kross.
— Pourquoi vous me faites ça ? demanda-t-elle en restant prostrée dans sa position.
Sinn attrapa la jeune femme par la taille pour la ramener au milieu du lit, et la coller contre lui. Il approcha ses lèvres de son oreille et lui murmura :
— Je prends beaucoup de plaisir à t'humilier parce que j'aimerais te souiller de toutes les manières possibles, avoua-t-il. N'oublie pas que tu dois avoir de la valeur pour cet ennemi inconnu.
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