Chapitre 33
Le soir était arrivé. La journée avait été interminable, et Korie avait vraiment besoin de se changer les idées. Il avait besoin de faire la fête, qu'importe qu'on ne soit que lundi.
Korie sortit de sa chambre sur la pointe des pieds. Il regarda longuement de gauche à droite ; pas de parents en vue. Il s'avança aussi vite et silencieusement que possible vers l'entrée.
Un bruit soudain le fit sursauter et il releva la tête pour observer derrière lui. Son robot Hideux était là, au milieu de l'aller, à l'espionner. Korie porta un doigt à ses lèvres, puis continua son chemin. Plus de peur que de mal...
*
Il lui fallut quinze minutes en taxi pour arriver à destination, où il avait donné rendez-vous à Tobias et Levis ; devant une petite épicerie, au beau milieu de Manhattan. Ce n'était pas tant l'épicerie que son emplacement qui intéressait Korie, mais le fait qu'elle était sur la même rue que son pub préféré.
Tobias et Levis étaient déjà là, les bras croisés et regardants dans tous les sens.
— Salut, fit Korie en s'approchant. Vous m'attendiez depuis longtemps ?
Il baissa les yeux sur son téléphone. Il était minuit pile, exactement comme prévu.
— On vient à peine d'arriver, dit Tobias. C'est que Levis qui n'arrête pas de chialer.
— J'ai même pas envie d'être là ! s'exclama Levis. On est lundi, y'a des cours demain !
— Techniquement, nous sommes mardi depuis déjà presque une minute, répondit Korie d'un ton désinvolte.
La petite crise de Levis ne l'impressionnait pas le moins du monde. Il commençait à avoir l'habitude, avec lui.
— En plus, je tiens à ajouter que tu n'as jamais dit non ! Tu peux encore retourner chez toi, je t'en empêche pas.
Levis ouvrit la bouche, mais ne trouva rien à dire, se contentant de grimacer. Korie sourit en réponse ; ça ne faisait que confirmer sa théorie. Levis avait envie d'être là, seulement, il ne voulait pas que sa ce sache. Il se donnait le rôle du désintéressé alors que ce n'était même pas le cas.
Korie leva le menton d'un air supérieur et s'engagea sur le trottoir. Les deux garçons le suivirent, l'un à gauche et l'autre à droite.
— Je le savais, dit simplement Korie.
— Prétentieux, fit Levis d'un ton faussement dédaigneux.
— On va où, sinon ? intervint Tobias.
— Dans l'un de mes pubs préférés de la ville. Ils sont pas trop regardant sur les fausses cartes d'identité. En fait, je crois que les agents de sécurité sont un peu idiots... Ou bien qu'ils n'en aient rien à faire, tant qu'ils se font un peu de profit.
Levis et Tobias s'échangèrent une œillade au-dessus de Korie, qui lui fixait la route droit devant. Ils s'étaient doutés que c'était dans les plans de Korie, mais ils avaient eu espoir de se tromper. Ce n'était malheureusement pas le cas.
— On n'a pas de fausse carte d'identité, lança timidement Tobias.
— Pas grave, je peux arranger ça avec mon téléphone. Ça va me prendre qu'une minute.
— On pourrait pas, juste... continuer à marcher, se promener tranquille, sans nécessairement faire quelque chose d'illégal et d'ingérer des produits illicites ? dit cette fois Levis.
— Mais... ce serait un peu ennuyant, dit Korie en faisant la moue.
— Peut-être... mais l'avantage serait que c'est pas illégal de le faire.
— Quand même ennuyant.
Levis lâcha un long soupir théâtral avant de se tourner face à Korie et de le prendre par les épaules. Korie s'arrêta de marcher, étonner par le geste.
— Korie, tu as quinze ans...
— Bientôt seize, répliqua aussitôt Korie.
— ... essaie donc d'être un ado de quinze ans normal, pour une fois. À quinze ans, on va pas dans un pub un lundi soir !
— Ouais, on y va le samedi, fit Tobias.
Levis lui lança un regard noir, avant de revenir à Korie.
— Et pense à Kingston. Si tes parents apprennent que tu es sortie, pour aller dans un pub, tu seras déjà de l'autre côté de la frontière avant même de comprendre ce qui se passe. Mais si tu ne fais rien de mal, rien que marcher tranquille avec des amis pleins de bons conseils comme Tobias et moi, je suis sûr que ta sentence sera beaucoup moins grave.
Korie soupira en détournant le regard. Kingston était toujours une menace suffisante pour le faire flancher, même s'il avait vraiment envie de décompresser.
— Tu proposes quoi, alors ?
— Comme j'ai dit. On marche simplement.
— Moi, j'aime pas marcher, lança platement Tobias.
— La ferme, petit blond ! C'est marcher, ou se bourrer la gueule un lundi soir, et t'as pas à choisir. Je sais déjà ce que tu préfères, de toute façon. Pauvre toi, tu t'es laissé influencer par le gosse de riche.
— Mais j'ai influencé personne ! répliqua Korie en fronçant les sourcils.
— Ah, si seulement...
Korie et Tobias échangèrent un regard, l'un autant perplexe que l'autre. Levis semblait décidé à faire ce qu'il voulait de cette soirée, avec ou sans le consentement de ses amis. Et surtout, il voulait, pour une fois, empêcher Korie de se bourrer la gueule comme une merde et donner une raison de plus à ses parents de l'exiler au pays des ours polaires. Bien sûr, il ne l'aurait jamais avoué à voix haute, mais il commençait un peu à apprécier Korie, et il n'avait pas envie qu'il parte aussi soudainement qu'il était arrivé.
Devant le silence qui s'installait, Levis se mit entre Tobias et Korie et passa ses bras sur leurs épaules avant de se continuer à marcher à grandes enjambées. Tobias lâcha un grognement plaintif et Korie un long soupir résigné.
— J'imaginai pas ma soirée comme ça...
— Je t'avais déjà dit, pourtant. Korie, tu n'es pas devin.
— Je sais, je sais, fit Korie en levant les yeux vers le ciel nocturne. Où on va ?
— Nulle part. On marche.
Korie soupira à nouveau, un peu plus fort que la première fois. Ils marchèrent donc sur les trottoirs de la ville, sur cette petite rue qui abritait le pub préféré de Korie. Au bout de deux-cents mètres, Korie en apercevait déjà l'enseigne au néon bleu clignotante. Il vit les lumières et l'ombre des gens à l'intérieur par les fenêtres, et il baissa la tête d'un air résigné en continuant son chemin. Levis lui tapota le dos avec une fausse compassion qui fit pouffer de rire Tobias.
— Maintenant, parle-nous de ce qui te tracasse autant.
— Mais tu te prends pour mon psy, ou quoi ? s'irrita Korie en se dégageant du bras de Levis sur ses épaules. D'habitude, t'en as pratiquement rien à faire, de mes problèmes. Mais là... t'es bizarre. En un bon sens, mais bizarre quand même.
— Je crois qu'il a ses règles, en fait, dit Tobias.
— Oh, mais tu fais chier, toi ! répliqua Levis.
— Ah, le revoilà dans son état normal.
Korie pouffa de rire sous le regard frustré de Levis, alors que Tobias sifflotait d'un air innocent, les yeux tournés vers le ciel. La scène suffit à faire descendre un peu de la pression qui pesait sur ses épaules, mais ce n'était pas assez pour qu'il se sente vraiment bien. Rapidement, son sourire disparut à nouveau. Korie enfouit ses mains dans ses poches et continua de marcher à petits pas. Il garda le silence un petit moment, avant de lâcher enfin ce qui le tourmentait autant.
— Vous vous souvenez, ce matin, de mon... léger accrochage avec Bella ?
— Comment oublier, t'étais couvert de lait au chocolat de la tête aux pieds, pouffa Tobias.
— Ouais, fit Korie d'un rire jaune. En fait, elle disait que, si Emma s'intéressait à moi, c'était uniquement pour mon fric.
— Non, mais t'es sérieux ? s'exclama Levis. Et c'est Bella qui le dit !
— Justement ! répliqua Korie en levant les bras au ciel, comme en évidence. Elle doit forcément savoir de quoi elle parle !
— Ou bien, au contraire, elle veut te faire douter par vengeance, dit Tobias. Elle veut t'empêcher de t'approcher d'Emma pour te garder à elle seule.
Korie pouffa d'un rire dédaigneux en secouant la tête de gauche à droite. Plus jamais il ne retournerait avec Bella ; elle avait été, sans conteste, l'une de ses plus grandes conneries... en excluant bien sûr les beuveries. Le jour où il irait vers elle, avec ou sans chantage, était très, très loin. De ça, Korie pouvait en être sûr.
— Mais si elle avait tout de même raison ? dit Korie d'une minuscule voix.
— Je connais un peu Emma, dit Levis. Pas au point de prétendre que c'est mon ami ou que je sais tous ses petits secrets, mais assez pour que, s'il se trouve que Bella a dit vrai, je serais très, très étonné. Elle n'est pas du genre à s'intéresser à l'argent.
— Mais tu viens de dire que tu la connais pas assez pour savoir ça !
Levis ne put répliquer. Il était démuni, et lui autant que Tobias ne savaient plus quoi dire pour l'aider. Ils marchèrent encore un peu sur les trottoirs, avant d'être forcés de s'arrêter à un feu vert. Quelques voitures passèrent devant eux, les vitres ouvertes et laissant échapper de la musique hip-hop comme dans les années quatre-vingt-dix.
— Arrête de te tracasser, dit Tobias. Fonce et tu verras bien.
— Enfin, il peut pas vraiment foncer, avec Valérie dans le décor, ajouta Levis.
— Alors... continue de lui parler par téléphone dans le dos de Valérie. Et ensuite, tu verras bien !
Korie fit un petit grognement approbatif, sans vraiment y croire. Il se sentait foutu.
— Invite — là au resto, dit Tobias. Mais genre, un resto minable, comme un fast-food. Et si ça se passe bien, tu sauras que ce sera pas grâce à ton argent.
— Ni au repas, dit Levis. Rien que grâce à toi.
— Je vais pas l'inviter dans un fast-food ! s'énerva Korie. Vos conseils sont vraiment de la merde.
— Alors pourquoi tu nous écoutes ?
— Parce que vous arrêtez pas de parler !
Levis et Tobias échangèrent un regard lourd de sous-entendus. Enfin, Levis remit son bras autour des épaules de Korie et l'entraina avec lui sur les trottoirs. Korie commençait à en avoir marre. Il avait envie de retourner chez lui et dormir pour le reste du siècle.
— Oublie tout ce qu'on a dit, si ça peut te faire plaisir. Mais s'il y a un seul conseil que tu devrais vraiment écouter, c'est : ignore Bella. Elle essaie uniquement de te garder pour elle. Et tu veux pas ça, hein ?
— Non, grogna Korie.
— Alors, fais tout le contraire de ce qu'elle te dit. Et donc, rapproche-toi d'Emma. Si tu l'aimes autant que tu le prétends, bien sûr. C'est le cas ?
Korie hocha la tête. Oui, c'était le cas. Il était incapable de s'arrêter de penser à Emma, à son sourire, à ses magnifiques yeux gris. Si ce n'était pas l'amour, c'était au moins un terrible coup de foudre.
— T'as raison, avoua enfin Korie.
Il soupira, puis s'arrêta de marcher. Levis et Tobias l'imitèrent, dévisageant Korie qui semblait perdu dans ses songes.
— T'as raison, répéta-t-il, cette fois avec plus de conviction. Dès demain, je passe à l'action.
Tobias et Levis applaudirent en criant des hourras. Malgré le ridicule de la situation, Korie était sûr de lui. Il ne restait plus qu'à voir si ce sera toujours le cas demain.
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Eh oui, ça doit faire bizarre, un chapitre qui arrive comme ça, de nulle part. J'ai vérifié ; celui d'avant datait du 22 août 2019. Ça faisait pas un an... Mais c'était pas loin.
Ceci est un retour en force. J'ai pas l'intention de m'arrêter tant que l'histoire sera pas terminé !
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