Chapitre 37
- « Tu es sûre de toi ? » me répète pour la millième fois ma mère, après lui avoir annoncé que je n'ai pas envie d'aller faire les magasins en Atlantide, ce qui est inhabituel : en général, j'adore choisir les cadeaux que je déposerai dans le bonnet de chacun de mes amis.
- « Maman... Je préfère rester à la maison, Astrale se débrouillera très bien sans moi. Je n'ai qu'à cuisiner des pâtisseries. »
Voyant qu'elle hésite, je rajoute :
- « J'ai mal à la tête depuis les examens. Je suis épuisée. »
Enfin, après un soupir interminable, ma mère accepte enfin. Elle m'annonce ensuite qu'elle est invitée, avec mon père, à déjeuner chez des amis. Elle pensait que je mangerai avec Astrale dehors, mais finalement...
- « Je peux toujours l'inviter pour le déjeuner, ou bien j'irais chez elle. » J'accompagne ma proposition d'un regard presque implorant, pour qu'elle me laisse un peu tranquille : j'ai des choses importantes à faire.
- « Si tu insistes tant, je suis d'accord. On devrait rentrer en fin d'après-midi. »
J'esquive habilement le bisou qu'elle essaie de me donner, avant de me retrouver seule dans ma chambre. Ou plutôt, seule avec le parchemin encore cacheté que j'ai découvert ce matin. J'ai du mal à le croire, mais mon cousin m'a enfin répondu.
Mes mains deviennent moites à l'idée de lire le contenue du message. Et s'il refusait de me voir ?
Je sais que je n'ai qu'à l'ouvrir pour savoir ce qu'il contient, mais j'hésite à appeler Astrale... elle doit déjà être en ville, ce n'est pas une super idée. Décidée, je fais sauter le seau. Avant de lire le long message écrit à l'encre noire, sans aucun soin. À croire qu'il n'a même pas le temps d'écrire un simple message.
« Kora, je n'arrête pas de le répéter, mais je suis vraiment occupé. L'organisation a un peu de mal à suivre tous les évènements. Je peux te proposer de te voir cette après-midi, pendant peu de temps malheureusement. Mais tu devras te débrouiller pour trouver un cristal de saut vers les territoires neutres : je ne peux, pour l'instant, pas aller dans les cités perdues. J'espère que tu me comprendras. Rendez-vous à Val-Fougère, près d'un gros arbre, tu ne pourras pas le louper. À toute à l'heure. »
À Val-Fougère ? Je n'ai aucun moyen d'y aller, mais autrement ç'aurait été bien trop simple... Je me dépêche d'héler Astrale, en espérant qu'elle soit rentrée chez elle. J'ai une idée.
...
Dès que j'entends les coups frappés contre la porte, je fonce l'ouvrir sur une Astrale déjà grelottante. Je suis toujours amusée de voir à quel point elle est frileuse.
- « Pourquoi tu n'as pas voulu venir avec moi, en Atlantide ? » me demande-t-elle une fois à l'intérieur. « Tu ne m'as rien expliqué lorsque tu m'as hélé. »
- « Ruy m'a répondu. » Dis-je simplement.
Elle ouvre de grands yeux ronds, abasourdi. Mais rapidement, un voile de colère vient obscurcir son regard.
- « Après tout ce temps ? »
Je ne réponds pas. Ça ne servirait à rien, de toute manière.
- « Tu n'as pas faim ? » demandé-je à mon amie, pour échapper au silence pesant qui s'est installé.
- « Oh que si. Qu'est-ce qu'on mange ? »
Après s'être installé à la grande table de la salle à manger, je montre le mot de Ruy à mon amie. Elle doit l'avoir lu au moins cinq fois avant de me le rendre.
- « Tu vas y aller ? »
- « Évidement ! J'attends ça depuis plusieurs semaines ! »
- « Dans ce cas, je t'accompagnerai. »
Je plonge mon regard dans ses yeux océan, un frisson glacé me remontant le long du dos.
- « Tu es sûre de vouloir te monter ? Te prendre part à tout ça ? »
Elle acquiesce gravement, mais je continue.
- « Si Ruy te voit, tu ne pourras plus faire demi-tour. Tu seras obligé de garder ce secret. Et tu sais aussi bien que moi que cette organisation n'est surement pas aussi blanche qu'elle ne le laisse croire. »
Une nouvelle fois, Astrale hoche affirmativement la tête, comme si je venais de poser une question. Je comprends bien qu'elle est décidée, mais je m'inquiète vraiment.
- « Tu portes ce poids depuis bien trop longtemps, Kora. Il est grand tant qu'on partage, tu ne penses pas ? Avancer seul c'est bien plus dur qu'à deux. Je sais que tu n'as pas l'habitude de faire confiance, ni de croire en quelqu'un. Mais aujourd'hui, rien qu'une fois, je te le demande : crois en moi. Et puis, ça fait un bail que je ne suis plus blanche dans l'affaire. »
Je sens mes yeux me piquer. Du revers de la main, je cueille une larme au coin de mon œil. À croire que je suis une fille sensible.
- « Alors c'est d'accord. On a rendez-vous dans un peu moins de deux heures ! »
- « Je peux nous trouver un éclaireur vers les territoires neutres. Ma mère en a un tas ! »
Je soupir de soulagement. Un problème de moins.
- « Tu pourras aller le chercher maintenant ? »
- « Oui, je pense... Mais j'ai peurs que le tiroir ou elle les range ne soit bloqué par un quelconque gadget de technopathe. »
- « Il faut voir pour savoir », dis-je philosophiquement, accompagnant ma remarque de clin d'œil.
SI j'avais su, à cette époque...
Je tourne en rond dans ma chambre, attendant le retour d'Astrale. Tous les ongles de ma main droite sont rongés jusqu'au sang, et je m'attaque actuellement à la main gauche. Je ne suis pas stressé du tout, voyons. Elle ne devrait plus tarder, à présent. Du moins j'espère.
J'ai enfilé une cape noire légère, avec une capuche, pour m'abriter des vents de la forêt des gnomes. J'ai aussi enfilé une paire de bottines noires en cuir souple, ainsi qu'une robe bleu marine resserrée à la taille avec des collants gris : une tenue pour marcher, puisque le lieu de rendez-vous est plutôt vague.
Lorsqu'enfin la porte de ma chambre s'ouvre, ma meilleure amie tient fièrement l'éclaireur au cristal jaunâtre dans sa main. Je ne lui demande même pas de raconter la manière dont elle l'a pris, bien trop stressé. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de sourire de satisfaction à l'idée de bientôt avoir de vraies réponses.
- « J'en fais quoi ? » me demande ironiquement Astrale.
- « Tu es prêtes à y aller ? »
- « Oh que oui... »
Sur ces mots, elle brandit l'éclaireur à la lumière du soleil, qui s'engouffre par la fenêtre, venant tamiser le sol d'éclats dorés. Je sens toutes les cellules de mon corps frémirent, avant de laisser la chaleur m'emporter vers... vers la vérité, suis-je tenté de croire.
Je sens la dureté du sol sous mais pieds, avant même de m'apercevoir que nous sommes arrivés. Le foret est animé de chants d'oiseaux, de bruissements de feuilles et du murmure du vent, baignant dans une douce lumière blanche. C'est de loin la plus belle forêt que je n'ai jamais vue.
J'ignore totalement vers quelle direction aller, mais déjà les branchages les plus proches frémissent, avant de s'ouvrir sur deux silhouettes drapées dans de grands manteaux noirs. Je reconnais directement l'œil blanc dessiné sur leurs manches, pour l'avoir déjà vu comme seau sur les messages de la part de Ruy.
L'un des deux hommes baisse sa capuche, dévoilant le visage de mon cousin ; mais le second reste encapuchonné.
- « Je vois que tu n'es pas venue seule... » lance-t-il en désignant Astrale.
- « Toi non plus, au cas où tu n'as pas remarqué. Ou alors fais attention, il y a un elfe bizarre derrière toi ! »
Un petit rire s'échappe des lèvres de Ruy, quoi que légèrement forcé.
- « Qu'est-ce que tu veux savoir, Kora ? » me demande-t-il finalement.
- « Je veux connaitre la vérité. »
- « C'est un peu vaste. » ricane l'autre elfe, d'une voix qui me parait presque comme étant familière. Mais je dois certainement me tromper.
- « Tu pourrais être un peu plus précise ? »
Je jette un regard à Astrale, qui n'a pas encore ouvert la bouche. Elle m'encourage d'un petit signe de tête, mais je vois bien qu'elle n'est pas très à l'aise.
- « J'aimerai savoir ce qu'il s'est passé avec Dex et Sophie. Pourquoi ont-ils été enlevés ? » lâché-je.
Ruy reste silencieux un instant, comme si il réfléchissait à ce qu'il pouvait le dire, sans que j'en sache trop ; ce qui ne fait que renforcer ma méfiance.
- « C'est un coup du Cygne Noir. »
- « Je ne te crois pas. Je ne suis pas idiote. J'ai compris depuis longtemps que les Invisibles sont coupables de ce rapt. Ce que je veux savoir, c'est pourquoi ? »
Je ne lâche pas Ruy du regard. Et je vois qu'il hésite. L'elfe encapuchonné à côté de lui se penche pour lui murmurer quelque chose au creux de l'oreille ; je n'entends pas distinctement ce qu'il lui dit, ce qui ne m'empêche pas mon cœur de se serrer. Un long frisson glacé remonte dans mon dos, me forçant à resserrer ma cape sur mes épaules.
C'est là que mon cousin prend la parole, d'une voix grave que je ne lui connais pas.
- « Si tu veux vraiment savoir, tu dois nous rejoindre, Kora. Tu dois rejoindre les Invisibles »
— Fin du tome 1
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