Pas besoin de fromage pour rendre hommage

Nouveau chapitre écrit pour l'un des mini-défis du manoir VanDerPad ! Cette fois-ci, le but était de caser une phrase, qui, prise hors contexte, n'avais absolument aucun sens. J'ai donc réutilisé cette super-phrase de Shéogorath pour une scène assez émouvante... et, cette fois, le point de vue n'est pas celui de Klothild. Je réécrirai le chapitre de son point de vue, à l'occasion... en attendant, bonne lecture !

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Le hall du Palais des Rois résonnait du silence inhabituel qui l'envahissait. Pourtant, de nombreuses personnes se tenaient debout le long des murs, la plupart vêtues d'habits nobles. Toutes affichaient une mine grave, certains même attristée. Non loin de l'entrée, un bosmer pleurait sans bruit. Une autre bosmer, plus âgée, se tenait de l'autre côté de l'allée et le fixait avec un regard noir. L'altmer à ses côtés ne semblait guère plus aimable avec le pauvre elfe tourmenté.

A ses côtés, une nordique triturait nerveusement la laine de ses gants. Vêtue d'une lourde armure d'acier, une hache dans le dos, elle détonnait presque dans le décor. D'autres guerriers, pourtant, assistaient aussi à la cérémonie. La plupart avaient passé des tenues civiles, mais certains avaient préféré enfiler une armure d'apparat. Les armes décoratives rutilaient à la taille des combattants et des nobles, mais personne, en ce jour, n'avait prévu de s'en servir.

Soudain, un cri résonna à l'extérieur. Un mot, un nom, prononcé à l'unisson par des dizaines et des dizaines de voix rocailleuses. Trois syllabes, qui emplirent l'air et firent trembler la terre. Fahliilyol. Le thu'um s'éleva, en dernier hommage à celle qui avait autrefois répondu à cette appellation.

Un murmure parcourut la salle. Les nordiques présents, grands, petits, hommes et femmes, fredonnaient à voix basse alors que des coups réguliers frappés sur un lourd tambour résonnaient entre les murs de pierre. La clameur s'éleva, gagna en puissance, se transforma finalement en chant solennel. Les elfes joignirent d'instinct leurs voix à celles des hommes, et, bientôt, un lourd cercueil fut apporté dans le bâtiment. Taillé dans la pierre, il était encore ouvert et révélait aux yeux des invités une jeune femme elfe d'environ trente ans, vêtue d'une armure noire. Ses cheveux d'or encadraient un visage à la blancheur éloquente, et coulaient sur ses épaules telle une cascade pure. Ses paupières closes voilaient deux iris dorés, ses traits gracieux étaient si calmes qu'elle semblait dormir. Ses mains reposaient sur une épée fine, dont la lame étincelait. Un étrange pendentif en forme d'étoile stylisée reposait sur sa poitrine.

Pour le bosmer, la vision de ce corps étendu ainsi, immobile, fut insoutenable. La nordique à ses côtés dut le retenir, car ses jambes se dérobèrent. Son visage était décomposé par le chagrin. Elle imaginait avec peine sa peine, et celle de la femme elfe face à elle. Celle-ci venait de se blottir dans les bras de l'altmer, qui observait, impassible, la défunte s'éloigner vers le centre de la pièce. Leurs larmes gouttaient sur le sol de pierre, silencieuses au milieu des voix des nordiques.

Enfin, après de longues minutes d'un chant majestueux et empli de tristesse, les voix se turent. Un homme s'avança vers le cercueil posé sur une table de pierre prévue pour soutenir son poids. Noble, âgé, il contempla les traits de la jeune femme décédée. Une couronne d'os ornait son front, et son attitude respirait la royauté. Sa voix s'éleva dans la pièce, forte et claire comme dans sa jeunesse :

— Fahliilyol. Malgré ton sang d'elfe, tes exploits resteront à jamais gravés dans le coeur et la mémoire des nordiques. Tu nous as sauvés de la destruction, tu nous as libérés de l'Empire. Grâce à toi, Bordeciel est désormais une terre libre et fière, unifiée et pacifiée. Tu as redonné l'espoir à ceux qui n'en avaient plus. Tu as su unir nordiques et dragons. Et tout cela malgré ta nature d'elfe. Tu étais exceptionnelle. Puisse Sovngarde t'accueillir en sa nuit. Puisse Ysgramor reconnaître en ton âme la fougue des nordiques, et en ton coeur la force des dragons.

Il baissa la tête un instant, puis releva ses iris bleus vers la foule face à lui.

— Amis, frères, nous voici réunis pour rendre un dernier hommage à celle qui fut notre guide, notre lumière durant la guerre civile. Sa vie fut courte, pour une elfe, mais riche en exploits. Elle est morte de la manière la plus noble qui puisse être, l'épée au poing, pour défendre Bordeciel d'une nouvelle menace. Que ceux qui souhaitent lui adresser un dernier adieu s'avancent.

— Elle est surtout morte parce que cet imbécile n'a pas été foutu de la défendre... siffla pour elle-même la femme elfe.

Les larmes aux yeux, elle fit quelques pas pour rejoindre la colonne qui se formait. De nombreuses personnes semblaient attristées par sa mort, et attachées à elle. La première à parler après le roi fut une dunmer. Elle n'écouta pas son discours. De toute façons, sa voix était si fluette qu'elle n'aurait pu l'entendre. Un homme lui succéda, âgé d'au moins une cinquantaine d'années, aux cheveux roux en partie décolorés par la vieillesse. D'autres humains passèrent après lui. Un elfe ou deux aussi, puis ce fut le tour de la bosmer. Elle contempla un long moment le corps de la jeune femme, fut happée par ses souvenirs. Elle entendit son rire insouciant, la revit courir, cheveux au vent, dans l'épaisse couche de neige autour de son manoir. Elle sentit le parfum léger de pins et de lys qui la suivait partout, se remémora son expression sérieuse lorsqu'elle tenait son arc ou son épée et s'apprêtait à s'en servir. Elle trouva étrange qu'elle ait été vêtue de son armure. Une robe délicate aux motifs ouvragés aurait été bien plus adaptée. Elle savait pourtant que la défunte aurait souhaité que l'armure et les armes l'accompagnent dans la tombe. L'une de ses dernières volontés avaient été respectées, de toute évidence.

— Ellëana, souffla enfin la femme d'une voix tremblante. Ma fille. Comme je regrette de ne pas avoir passé davantage de temps avec toi... Tu n'aurais pas dû mourir. Berendil aurait dû te défendre, protéger ta vie au péril de la sienne. Mais il ne l'a pas fait. Par sa faute, te voilà morte... 

— Il n'y est pour rien, la coupa la femme nordique avec humeur. Elle est partie combattre ce pyromancien sans prévenir personne, alors forcément, le temps qu'on la rejoigne, elle était à l'agonie...

— Il aurait dû s'en douter ! explosa l'elfe. Il savait qu'elle mettrait sa vie en danger d'une manière ou d'une autre. Que cette histoire de pyromancie allait l'attirer, qu'elle allait forcément intervenir.

— Doucement, Arennalia, intervint son compagnon altmer. Il n'y a pas lieu de s'énerver. Même si je comprends ta colère, ce qui est fait est fait, et Fahliilyol est morte, désormais. Berendil doit se sentir coupable. Et vous, ajouta-t-il à l'attention de la nordique, il n'est pas nécessaire d'envenimer la situation.

— Pas besoin de fromage pour rendre hommage, confirma un vieux nordique. Fahliilyol aurait sans doute aimé que ses funérailles se passent sans accrochage entre vous.

— Si vraiment vous voulez vous entretuer, attendez au moins la fin de la cérémonie, confirma le roi.

— Pardon, Seigneur Ulfric, souffla la nordique, les yeux baissés sur ses pieds.

— C'est surtout à Fahliilyol que tu devrais des excuses, Hache-Sanglante.

La nordique s'approcha du cercueil. Elle s'agenouilla auprès de celui-ci, et souffla :

— Pardonne-moi, moucheron. Je ne voulais pas te manquer de respect, ni même troubler ton repos. Puissent les Divins veiller sur toi, et puisses-tu trouver le repos éternel aux côtés d'Ysgramor.

L'altmer et le bosmer furent les derniers à lui rendre hommage. Son père, et son bien-aimé. Après cela, le cercueil fut refermé et emmené jusqu'à la sortie. Les elfes et la nordique le suivirent. Dehors, d'immenses dragons s'étaient posés sur les toits, les murs et dans l'enceinte même de la ville. L'un d'entre eux paraissait bien plus âgé que ses confrères : L'une de ses cornes avait été brisées, et de nombreuses cicatrices ornaient ses écailles dorées. Ses ailes étaient déchirées par endroits, malmenées par le temps et les combats. Il baissa la tête jusqu'aux porteurs du cercueil, qui le déposèrent avec précaution au sol. Le bosmer s'approcha une dernière fois de celui-ci, alors que le dragon s'élevait au-dessus du sol. Il attrapa le sarcophage désormais scellé avec précaution, puis s'envola. Lui seul pouvait l'emmener là où la défunte voulait reposer. Au sommet de la plus haute montagne de Bordeciel, là où la neige éternelle et la puissance de la magie la protègeraient.

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