Chapitre XXIII

Alexei termina le dernier porte nom et le rangea dans le petit carton avec les autres afin qu'il ne s'abîme pas. Au même moment, une tasse de thé fut posée à ses côtés. Il se tourna vers Aiden avec un sourire reconnaissant. Ce dernier prit place près de lui dans son canapé en buvant son café, lui demandant s'il avait fini. 

— Oui… et toi ? Tu as l'air de galérer avec ton plan de table, fit remarquer le blond en regardant la feuille étalée au sol et les petits morceaux de papier à côté.

— Mm… il y a tellement d'invités, c'est compliqué de choisir des endroits où personne ne se sentira seul. J'aurais dû faire un petit mariage, comme toi.

— Tu parles d'un petit mariage ! Il n'y avait que trois invités et seulement deux sont venus ! C'était bien loin du mariage en grande pompe que j'imaginais quand j'étais petit !

Aiden ricana en regardant son meilleur ami avaler une gorgée de son thé. Il se rappelait qu'une après-midi où ils dessinaient ensemble sur le sol de sa chambre, Alexei lui avait raconté à quoi ressemblerait son mariage quand il serait plus grand. Dans son imagination d'enfant, il se mariait à une magnifique princesse et avait le droit à une cérémonie grandiose. C'était en effet bien loin de ce qu'il avait eu.

— Tu regrettes ?

— Que ça ne soit pas comme dans mes rêves ?

Le brun hocha la tête. Un rire échappa au mannequin et il reposa sa tasse en répondant par la négative. Non, il ne regrettait rien. Il était heureux avec Christian. 

Satisfait de sa réponse, Aiden termina son café. Il recommença à tenter de placer ses invités, écoutant distraitement Alexei lui raconter sa vie des derniers jours. C'était apaisant de passer des moments comme ça avec son meilleur ami, surtout à l'approche de son mariage et surtout alors que Jean avait élu domicile dans l'appartement de son cousin pour respecter leur mois d'abstinence. Quelle idée stupide ils avaient eu, encore.

— En fait, ce n'est pas ce week-end que tu vois le conseil de famille ?

Alexei se rembrunit à la remarque, plaçant le prénom d'une domina du club à côté de quelques soumis ou soumises susceptibles de lui plaire. Il adorait jouer les entremetteurs. Mais ce n'était pas ce qu'on lui avait demandé. Il releva la tête vers Aiden et répondit en retenant un soupir :

— Si, c'est ce week-end qu'il décide si je peux devenir le tuteur de Nicolas. D'après ma grand-mère, ce sera une formalité, parce qu'il a vraiment l'air bien avec nous, mais j'ai toujours un peu peur de comment ça va se passer. C'était déjà tendu la dernière fois. 

Le manager posa une main rassurante sur son épaule, la pressant doucement en signe d'encouragement. Il aimerait tellement qu'il soit enfin débarrassé de cette famille toxique qui ne faisait que lui gâcher la vie en permanence. Son meilleur ami lui adressa un mince sourire avant d'ajouter, pour détendre l'atmosphère :

— Mais je crois que Christian leur fait peur, alors je suis plutôt tranquille. 

— C'est sûr qu'il leur fait peur ! Il est effrayant ! Je ne sais même pas comment tu fais pour être marié à un homme pareil !

Il rigola en voyant Aiden exagérer sa remarque. Ils continuèrent les derniers préparatifs du mariage dans cette ambiance plus légère, blaguant de temps en temps sur leur dominant respectif. 

~~~

En sentant des caresses sur son dos, retraçant des marques de cordes plus ou moins récentes, Alexei ouvrit doucement les yeux. Christian était assis près de lui dans le lit, plongé dans une lecture, et il passait distraitement sa main sur son corps comme s'il avait été un chat lové contre lui. Il était beau, son mari, avec ses cheveux châtains qui lui tombaient dans les yeux quand il n'étaient plus maintenus vers l'arrière grâce à de la cire, sa mâchoire carrée et la légère repousse de barbe dessus. Il sourit doucement. Il aimait ses moments où il était encore trop ensommeillé pour penser à quoi que ce soit, mais bien assez réveillé pour pouvoir profiter de la vue. 

— Je sais que tu es réveillé, Kitty.

— Faites comme si je dormais encore, alors, je ne veux pas que ça s'arrête. 

— J'adorerais, chéri, mais c'est aujourd'hui que ta famille vient.

— Non, je veux pas, protesta-t-il en cachant son visage contre la cuisse du châtain. 

— Tout va bien se passer.

— Ça ne se passe jamais bien avec eux, tu le sais.

Christian soupira et referma son livre. Oui, il le savait. Pour autant, il voulait rester optimiste et se dire qu'aujourd'hui tout irait bien. Surtout pour rassurer Alexei en vérité, parce qu'il savait qu'il était son pilier dans ces moments plus que dans les autres. Il caressa doucement sa joue, effleura ses lèvres de son pouce, et chuchota : 

— Si on allait se doucher tous les deux pour gagner du temps et tout préparer ensuite ? 

Émoustillé à l'idée d'une potentielle douche coquine, Alexei se redressa. Il avait besoin de se changer les idées, et il ne pouvait définitivement pas refuser d'aller laver le corps d'apollon à ses côtés. Son mari le souleva avec un sourire, le laissant s'accrocher à lui comme un koala à son arbre, et quitta la chambre. Pour tomber nez à nez avec Nicolas, qui s'apprêtait à frapper à la porte. 

— Alexei est malade, demanda ce dernier alors que le blond rougissait dans le cou de son dominant.

— Hum… non.

— Bah alors pourquoi tu le portes ? 

Christian marqua une hésitation, pas sûr de la stratégie à adopter devant les grands yeux bleus qui le fixaient. Comment expliquer à un enfant qu'il portait son frère avec la ferme intention de lui faire des choses pour adultes dans la douche ? Non, décidément, malgré ses progrès pour discuter avec des enfants, il ne savait pas comment lui expliquer ça. Volant à sa rescousse, Alexei expliqua :

— Parce que c'est romantique de porter la personne qu'on aime à la cuisine et de lui préparer son petit-déjeuner.

— Romantique ? 

— Tu comprendras quand tu seras plus grand. Qu'est-ce que tu voulais ?

— Vous réveillez. J'ai faim. 

— Alors on va manger. 

L'enfant repartit en souriant, les laissant seuls dans le couloir. Avec une moue boudeuse, Christian soupira :

— On peut dire au revoir à notre douche.

— Malheureusement, c'est le risque quand on a un enfant, pouffa son soumis, et en plus mon mari très romantique va devoir me préparer le petit-déjeuner..

— … Je vais croire que vous avez monté un complot contre moi.

Ils rigolèrent ensemble et le châtain rejoignit Nicolas dans la cuisine. Même s'il déposa Alexei pour préparer le repas, ce dernier resta un maximum collé dans son dos, le visage entre ses omoplates. Il le laissa faire sans rien dire, sachant à quel point il en avait besoin aujourd'hui. 

Le début de journée se déroula tranquillement, même si plus l'heure avançait, plus le mannequin commençait à stresser. À quatorze frappantes, alors qu'il terminait de dresser la table dans la salle à manger, on sonna à la porte. Il sursauta et lâcha les cuillères qu'il avait dans les mains. Il resta figé dans la pièce, tentant de reprendre sa respiration. Il ne voulait pas avoir à affronter sa famille, pas maintenant. Il n'était pas encore prêt.

— Hé, Kitty… ça va aller. Je suis là. 

— Maître… j'ai peur.

— Je sais. Je vais aller leur ouvrir, termines de mettre la table.

Christian déposa un baiser sur son front et caressa les cordes cachées sous son pull et habilement nouées autour de son torse. C'était Alexei qui le lui avait demandé quand ils étaient retournés s'habiller et il s'était exécuté. Il avait compris à quel point il avait besoin de sa présence, alors si le shibari pouvait le rassurer pendant les courts instants où il n'était pas directement près de lui, il n'allait pas se gêner pour masquer quelques nœuds dessous son haut. Il se dirigea vers l'entrée et sourit légèrement en se faisant la remarque que ce serait un vrai délice quand il pourrait enfin le déshabiller. Mais ce n'était pas le moment d'y penser. 

Il ouvrit la porte, faisant face au club de retraités devant lui. Les regards hostiles qu'ils lui lancèrent leurs furent rendus au centuple. Pourtant, c'est très poliment qu'il les salua et les invita à entrer. Il appela Nicolas pour qu'ils les rejoignent et le garçon descendit rapidement de sa chambre, Historia dans les bras. Il la présenta joyeusement en saluant sa famille. 

— Qui est-ce qui t'a acheté un chat, Nicolas, demanda sa grand-mère maternelle en tendant la main pour caresser la tête de la chatte.

Historia feula et s'enfuit avant qu'elle n'ait le temps de la toucher. Christian ne put s'empêcher de rire et retint de justesse un "karma, bitch". Décidément, être avec Alexei lui donnait de biens mauvaises habitudes.

— C'est un cadeau que nos amis ont offerts à Alexei, expliqua-t-il, elle n'est pas à Nicolas.

— Oui mais c'est mon amie quand même ! Hein, Christian ?

— Étant donné qu'elle passe ses nuits avec toi, je pense qu'on peut dire que oui. Je vous en prie, entrez et asseyez-vous. 

Les vieux croulants s'exécutèrent. Au même moment, Alexei revenait avec le café et les biscuits qu'il avait préparés dans la matinée. Il salua l'assemblée et, même s'il semblait à l'aise, Christian ne put s'empêcher de remarquer qu'il passait nerveusement son pouce au creux de sa paume. Il s'approcha de lui et attrapa sa main pour le faire arrêter, la serrant doucement pour lui faire comprendre qu'il était là. Il lui fit un léger sourire pour le remercier et commença à servir leurs invités, pendant que Nicolas répondait à leurs questions sur sa vie avec eux. Innocent comme il était, il devait être loin de se douter qu'il lui faisait un interrogatoire pour savoir comment lui et son mari le traitait. Il termina par servir Christian, puis lui, avant de s'asseoir enfin. 

— Je pense que nous pouvons directement entrer dans le sujet, non ?

— En effet, nous ne sommes pas obligés de nous embêter avec des politesses, répondit son grand-père maternel.

Un silence suivit pourtant. Ils semblaient réticents à donner leur réponse. Ce fut Thérèse qui le brisa, après avoir bu son thé :

— Nous avons décidé de t'accorder la tutelle de Nicolas.

— Sans conditions, se méfia Christian.

— Sans conditions. Nicolas semble vraiment heureux avec vous. 

Alexei se mordit la lèvre pour retenir un cri de joie. Sa main attrapa celle de son mari et la serra avec force. Ils l'avaient enfin. Ils avaient leur famille. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top