Concentré, Nicolas déposa devant Christian la tarte au pomme qu'il avait recouvert de bougies et que son grand-frère avait allumées. Ce dernier le suivait d'ailleurs de près, veillant à ce qu'il ne tombe pas pendant le trajet entre la cuisine et la salle à manger. Quand il eut réussi à poser le gâteau, alors que les autres terminaient de chanter, il vit Christian ouvrir les bras avec un air un peu gêné et marmonner :

- Tu veux les souffler avec moi ? Il y en a vraiment beaucoup...

- Oui !

Le petit blond monta sur ses genoux en souriant et il l'aida à s'asseoir correctement. Alexei leur cria d'attendre qu'il les prenne en photo avant de souffler les bougies et il entendit le châtain grommeler dans sa barbe. En relevant la tête vers lui, il remarqua qu'il essayait de fuir l'objectif en faisant la moue, toujours avec son air gêné. Il rigola légèrement, souriant de plus belle quand son frère annonça qu'ils pouvaient souffler les bougies.

- On y va à trois d'accord ? Un... deux...

- Mais attends ! Il faut faire un vœu avant !

- Un... vœu ?

- T'as jamais fait de vœu en soufflant tes bougies ?

- Si... mais ça fait longtemps. Laisse-moi y réfléchir d'accord ?

Christian releva les yeux sur les personnes réunies autour de la table. Sa famille. Un sourire apparut sur ses lèvres. Il souhaitait pouvoir vivre encore des milliers de moments comme celui-ci avec sa famille.

- C'est bon, je suis prêt. J'ai fait mon vœu.

- D'accord ! Un... deux... trois !

Christian souffla en même temps que Nicolas. Ils éteignirent toutes les bougies d'un coup et le plus jeune se réjouit en disant que son vœu serait exaucé. Tandis que Morgane prenait le gâteau pour le découper, Alexei amenait les cadeaux devant lui. Il se sentit gêné que ses amis aient pensé à lui en faire, alors qu'il n'avait rien demandé et qu'il n'était pas très expressif sur ses goûts. Nicolas attrapa un petit paquet grossièrement emballé et le tandis vers lui en expliquant :

- Il faut que tu commences par celui-là ! C'est le mien !

- Ce n'est pas très poli de commencer par soi, Nicolas, le reprit gentiment Alexei.

- Ce n'est pas grave, au moins je sais par où commencer. Merci, Nicolas.

Le gérant du club attrapa le paquet et l'ouvrit soigneusement. Il découvrit, recouvert par du papier de soie pour le protéger, un attrape-rêve sûrement fait main par le jeune garçon. La surprise le laissa sans voix. Il repensa à la soirée où il lui avait confié qu'il utilisait de quoi chasser les mauvais rêves quand il était plus jeune, et il fut touché qu'il s'en rappelle. D'autant plus qu'il lui avait fait cette confidence la première fois qu'ils s'étaient vraiment parlés, alors que Alexei dormait profondément. L'idée ne pouvait donc venir que du petit blond. Il le reposa précautionneusement et ébouriffa ses cheveux.

- Merci, Nicolas. C'est un très beau cadeau.

- Tu feras plus de mauvais rêves non plus comme ça, expliqua-t-il en rougissant de joie et de fierté.

- C'est sûr... tu veux bien choisir le prochain cadeau ?

Nicolas hocha la tête et se saisit d'un épais paquet rectangulaire. Le châtain reconnut sans difficulté l'écriture de Morgane sur le papier cadeau et sourit à la veille femme qui avait toujours fait de son mieux pour veiller sur lui et son cousin. Le paquet contenait deux livres, de belles éditions de L'Iliade et L'Odyssée, ses épopées préférées. Il la remercia et promit à son jeune beau-frère de lui lire un peu tous les soirs pour lui faire découvrir.

Un nouveau cadeau atterrit entre ses mains, un long étui fermé par un ruban rouge dans lequel était coincé un morceau de papier. Il s'en saisit, devinant qu'il venait de Jean, Aiden, Aaron et Hugo en lisant son contenu, "La suite quand les yeux innocents se seront couchés, il paraît qu'on a pas le droit devant lui :p". Il ricana légèrement et ouvrit l'étui, révélant une belle cravate en soie bleue brodée d'or. Il savait parfaitement de quoi la suite allait être composée et il sourit de plus belle en lançant un regard vers Alexei qui rougissait en toussotant.

- Le dernier, c'est celui de Alexei, s'exclama Nicolas en lui tendant le dernier paquet.

- Vraiment ? J'ai hâte de savoir ce que c'est alors, sourit Christian en retirant le papier cadeau.

Il regarda curieusement le petit coffret contenu dans l'emballage avant de tourner la tête vers son mari. Ce dernier jouait nerveusement avec son collier en se mordillant la lèvre. Apparemment, sa réaction au cadeau le stressait autant que sa réaction à la fête. Il décida de ne pas faire durer le suspens et ouvrit la boîte à bijoux, révélant un bracelet au fermoir en forme de corbeau aux yeux incrustés d'émeraude. Il le sortit délicatement en chuchotant :

- Il est assorti...

- Oui. Je l'ai fait faire sur le modèle de mon collier. Je... j'espère que ça te plaît...

Le châtain hocha la tête et enfila le bracelet. Il caressa doucement le fermoir avant de demander à Nicolas de descendre de ses genoux. Le jeune garçon s'exécuta et retourna à sa place sans protester, pendant que Christian se levait et s'approchait de son amant. Il embrassa son front avec tendresse puis se pencha à son oreille, au creux de laquelle il murmura :

- Merci. Merci pour tout. Tu es vraiment la meilleure chose qui me soit arrivée dans la vie. Je t'aime.

Les joues rouges, Alexei frissonna et s'accrocha légèrement à la chemise de son dominant. Il n'avait pas l'habitude de ce genre de déclarations. Même si elles paraissaient de plus en plus fréquentes, leurs sincérités le déstabilisaient toujours. Il cacha son visage contre le torse de son mari qui l'enlaça avec un sourire. Aucun doute, c'était une bonne soirée...

~~~

Christian sortit de la chambre de Nicolas après lui avoir lu une partie de L'Iliade pour l'endormir, prenant bien soin de fermer la porte sans la faire grincer pour ne pas réveiller le jeune blond. Il sursauta légèrement en sentant une main se poser sur son épaule et se tourna vers son cousin, qui le regardait avec amusement.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- On t'attend dans les combles pour le reste de la surprise. C'est sympa comment tu les as aménagés d'ailleurs.

- C'est Alexei qui a tout choisi, je n'ai fait que l'aider à installer, expliqua le châtain en haussant les épaules.

- Je ne t'avais plus vu sourire autant depuis tes dix ans.

Alors qu'il commençait à s'éloigner vers sa chambre, qui permettait d'accéder aux combles, Christian se figea. Il priait pour avoir mal entendu, pour que ce dont il parlait ne sois pas le jour de son anniversaire, avant que tout ne bascule. Jean n'était pas censé s'en souvenir. Son cadet le fixait en penchant la tête alors qu'il se tournait vers lui en ouvrant la bouche puis en la refermant. Il ne savait pas quoi dire. Un rire triste échappa à son cousin qui l'enlaça. D'abord surpris par ce contact, inhabituel entre eux, il finit par lui rendre son étreinte.

- Tu n'as plus besoin de me protéger maintenant. Je m'en suis souvenu bien avant aujourd'hui, tu sais ? Le jour où j'ai dû laisser Aiden partir pour ce foutu club. Alors ne t'inquiètes plus pour moi, chuchota Jean pour le rassurer.

- Pourquoi tu ne me l'as pas dit, souffla-t-il.

- Parce que tu n'y pouvais rien. Tout ce que tu as fait, tu l'as fait pour veiller sur moi. Je ne voulais pas que tu culpabilises parce que je me souviens. Mais... ce soir, j'ai compris que ça te terrifiait. Alors, arrête d'avoir peur. Je vais bien. Je suis heureux. Compris ?

- Jean... je... je suis désolé. Tu n'aurais jamais dû vivre tout ça.

- Toi non plus. Vois le bon côté des choses. Ça nous a permis de trouver un frère.

Christian se décolla de son cadet qui le regardait en souriant. En effet, il avait trouvé un frère auquel il tenait. Il avait été le premier morceau de sa famille. Le premier à lui avoir donné envie de se battre, au moins un peu.

- Allez, ils vont nous attendre. J'espère que vos combles sont assez chauffées parce que sinon ton chaton va avoir froid !

- Qu'est-ce que tu crois ? Elles ont été prévues pour ça, répondit Christian avec un sourire en coin tout en reprenant sa route, j'espère juste qu'il sera assorti à la décoration.

- Tu crois pas si bien dire, rigola-t-il en lui emboîtant le pas, on est des pros après tout !