Chapitre III
Le mannequin posa ses bagages dans la maison de son enfance avec un pincement au cœur. Lui qui s'était juré de ne jamais y remettre les pieds, voilà deux fois qu'il le faisait en moins d'un mois. Et cette fois, Christian n'avait pas pu l'accompagner parce qu'il avait rendez-vous avec son cousin et un des fournisseurs du club. Il fixa un long moment le couloir d'entrée. C'était dur d'oublier. Son dominant avait raison, il n'était sûrement pas prêt à revenir ici.
— Alexei ! Tu es arrivé !
Heureusement pour lui, Thérèse venait d'arriver et l'avait sorti de ses sombres pensées. La vieille femme le prit dans ses bras pour pouvoir le saluer, tout en lui demandant de ses nouvelles. Il sourit légèrement en lui rendant son étreinte et répondit à ses questions.
— Ton mari n'est pas là ?
— Non, il avait un rendez-vous professionnel. Il me rejoint ce soir...
— Tu ne m'as jamais dit dans quoi il travaillait, mon petit. Enfin si vous travaillez ensemble c'est sûrement dans la mode.
— Les magazines de mode veulent plus trop de moi, grand-mère, tu sais ? Chris' n'est pas dans la mode, on tient juste un magazine ensemble mais pour lui c'est secondaire. Autrement, il gère une boîte de nuit.
Aller à l'essentiel, sa grand-mère n'avait pas besoin de savoir que c'était un magazine érotique et un club BDSM. Ces explications semblèrent d'ailleurs convenir à la septuagénaire qui hocha la tête. Il alla déposer ses valises dans la cage d'escaliers, la repoussant gentiment quand elle essaya de l'aider, puis alla dans le salon. Personne n'y était. Il se tourna vers sa grand-mère en haussant un sourcil et demanda :
— Nicolas n'est pas là ?
— Il est dans sa chambre. Il s'est enfermé quand je lui ai dit que tu allais arriver.
Alexei soupira et se laissa tomber sur un canapé. S'occuper de son frère n'allait pas être de tout repos s'il le fuyait comme ça. Il allait devoir l'apprivoiser apparemment. Il regarda sa grand-mère s'asseoir dans le fauteuil près de lui et retint un soupir. Vu sa tête, ils devaient parler. Encore. Il commençait déjà à n'en plus pouvoir de ces discussions sans fin, il en avait au moins une tous les jours avec Christian depuis qu'ils avaient accepté de s'occuper de Nicolas. Et comme si ça ne suffisait pas, son dominant ne l'avait quasiment pas touché depuis, ce qui commençait à le rendre légèrement irritable...
— Ce n'est pas facile pour lui, tu sais, expliqua Thérèse, personne ne parlait de toi. Jusqu'au décès de tes parents, il ignorait qu'il avait un grand frère.
— Génial. Vous m'avez demandé de le garder alors qu'il savait même pas que j'existais ? Franchement... vous auriez pu lui demander son avis. Tu m'étonnes que ça soit pas facile pour lui.
— Mais c'était la meilleure solution. Je suis la seule qu'il connaisse, Alexei, et je suis trop vieille pour m'occuper de lui. En plus, avec tous mes soucis de santé...
Le mannequin lâcha un nouveau soupir. Il comprenait que c'était la meilleure solution, oui, même s'il aurait préféré que Nicolas ait entendu parler de lui. Mais le mal était fait. Alors maintenant il allait devoir réparer les fautes de ces adultes trop bêtes pour être honnêtes. Il se leva sous le regard peiné de sa grand-mère, qui n'ajouta rien de plus, puis il monta à l'étage en prenant la cage de transport d'Historia. Déjà, commencer par des présentations avec son arme secrète, sa jolie chatte grise aux yeux vairons.
Quand il poussa la porte de ce qu'il se souvenait être la chambre de son petit frère, il le trouva assis sur le sol, en train de dessiner avec des crayons de couleurs. En entendant la porte grincer, il releva vivement la tête et s'empressa de cacher la feuille de papier avec les crayons qui trainaient autour de lui. Alexei se contenta de poser la cage d'Historia au sol pour l'ouvrir, sans un mot, et Nicolas le regarda faire avant de poser ses grands yeux curieux sur l'animal qui sortait prudemment.
— Elle s'appelle Historia.
Pas de réponse. Mais le jeune garçon s'approcha du chat en tendant la main vers lui. Historia renifla cette main inconnue avant de l'ignorer pour partir à la découverte de ce nouveau lieu. La moue boudeuse de son petit frère arracha un sourire à Alexei qui s'assit pour attirer son chat vers lui. Voyant une tête connue, très bien connue même, Historia n'hésita pas une seule seconde à aller vers lui pour se frotter contre ses jambes.
— Pourquoi elle va vers toi ?
— Parce qu'elle a l'habitude... Mais elle a un peu peur des inconnus. Comme toi, non ?
Les yeux bleus de son frère semblèrent l'analyser. Le plus âgé sourit et caressa la boule de poils contre sa cuisse, lui laissant tout le loisir de l'observer. Bon point déjà, Nicolas ne semblait pas avoir peur de ses yeux. Il était juste un peu timide, et c'était normal.
— Tu es vraiment mon grand-frère ?
— Oui. Mais je suis parti quand tu étais très petit, alors c'est normal que tu ne te souviennes pas de moi.
Le mannequin sourit. Il avait eu raison de prendre Historia avec lui. Elle avait permis de briser un peu la glace. Il caressa doucement sa tête, lui faisant lâcher un ronronnement. Nicolas s'approcha alors de lui et tendit la main vers la chatte, qui cette fois se laissa caresser. Ils restèrent ainsi pendant de longues minutes, sans rien dire. Alexei ne voulant pas brusquer le plus jeune, il préférait attendre qu'il parle de lui-même.
— Papa et maman ont jamais parlé de toi.
— Je sais. On s'entendait pas très bien...
— Vous étiez fâchés ?
Alexei hocha la tête. Fâchés était un faible mot pour qualifier la relation qu'il avait avec ses parents, mais ça suffisait pour l'expliquer à Nicolas.
— C'est à cause du monsieur qui était avec toi ?
Il dut retenir un rire. Son petit-frère était donc un curieux, tout comme lui. Mais c'était le sujet qu'il avait peur d'évoquer, parce qu'ils savaient que ses parents avaient sûrement dû lui bourrer le crâne à propos du fait qu'aimer les hommes était mal pour ne pas reproduire la même chose qu'avec lui.
— Non, j'ai rencontré Christian après être parti. Mais c'est en partie parce que j'aime les hommes, oui.
Nicolas recula sa main. Il avait vu juste. Fantastique. Son petit frère avait la tête farcie par l'homophobie de ses parents. Et vu le regard dégoûté qu'il posait sur lui, il allait avoir du travail à faire pour l'amadouer de nouveau. Avoir sa garde n'allait pas être de tout repos...
— Je vais te laisser, je dois aller voir grand-mère pour régler quelques petits trucs. Historia peut rester avec toi ?
L'enfant hésita à peine quelques secondes avant de hocher la tête. Au moins, il apprécierait la compagnie d'Historia... Il quitta la chambre le cœur lourd tout en se demandant s'il réussirait vraiment à l'élever, à changer ce que ses parents lui avaient mis dans la tête pour en faire un garçon exceptionnel et ouvert d'esprit... Et en se demandant surtout si Christian resterait à ses côtés pour le soutenir.
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