8. Poser ses seins sur la table


EZRA

Musique poussée au maximum pour me couper de tout bruit, j'avais tout de même réussi à entendre la porte coulissée et depuis, deux orbes cachés derrière une immonde paire de lunettes ne me quittaient plus. Savoir que j'avais un public me plaisait beaucoup, Narcisse refoulé dans l'âme, mais pas au point de devenir fou par mon propre reflet.

Ma mère aimait dire que la beauté était un don dont il fallait profiter, sans devenir un parfait enfoiré. Elle avait sa vision bien à elle des choses et c'est pour ça que je l'aimais à ce point. Je fis rouler mes épaules et effleurai mon léotard, qui se voulait semblable à un justaucorps féminin. J'inspirai et me préparai à effectuer un mouvement relativement basique en gymnastique. J'avais fait partie d'une équipe de cheerleading au lycée, devenant ainsi le premier pom-pom boy dans l'histoire de l'établissement. Autant vous dire que ça avait fait jaser pas mal de personnes, surtout le comité des parents d'élèves, très friands de ce genre d'occasion pour montrer qui commandait vraiment. Mais personne n'avait réussi à me faire partir de l'équipe et grâce à ça j'avais trouvé une sorte de vocation subsidiaire : la gymnastique. Elle avait sculpté mon corps, me rendant plus fort et plus fier. Néanmoins, ça restait une passion et je n'avais jamais voulu faire des compétitions de haut niveau, préférant ma routine et ayant surtout trop peur de perdre cette étincelle toute particulière. Autant vous dire qu'à l'époque j'étais le premier à faire un liberty.

Je m'élançai en expirant tout mon air et effectuai un parfait appui tendu renversé ; bassin en rétroversion, les épaules en ouverture et en élévation, les bras placés a côté des oreilles, les jambes et pointes de pieds serrées et tendues, le tout en position de gainage. Le tout sans élan.

C'était une position stable et renversée à la verticale en équilibre sur les mains, ce qui demandait une certaine force dans tout le corps pour tenir la position. C'était un élément de base en gymnastique, mais aussi dans d'autres activités sportives comme le yoga ou encore dans certains styles de danse. L'ATR donnait un résultat esthétique qui nécessitait une tenue parfaite de chaque partie de corps quémandée. Tête en bas, j'avisai Athena de l'autre côté de la pièce, me fixant, une expression quelque peu impressionnée étirant ses traits. Mon sourire creva les plafonds et je quittai cette posture pour me retrouver les deux pieds bien ancrés au sol.

— Bonjour ma petite perle, lançai-je par-dessus la musique.

Je m'avançai pour baisser le volume de cette dernière et attrapai ma bouteille d'eau ainsi qu'une serviette. J'avais bien travaillé ce matin, m'étant levé tôt pour prendre un peu de temps pour moi. Et quoi de mieux qu'un peu d'exercice pour commencer la journée ? Après le débat entre Soren et son adversaire, quelques jours étaient passés, nous rapprochant de l'inauguration du nouveau restaurant de Levi. Et comme souvent après un tel événement politique, Benson s'était arrangé pour que Soren se concentre sur toute autre chose que nous. Je m'occupai donc un peu plus que d'ordinaire pour donner le change et rester fort devant Levi qui pâtissait bien plus que moi de tout ça. Peut-être parce qu'il était un peu plus sensible ou qu'il espérait trop de Soren. Un peu des deux.

— Kai m'a demandé de t'amener une tenue pour ton rendez-vous de ce midi, dit-elle en retroussant son nez.

J'ignorai ce qu'elle voulait cacher en se présentant de cette façon au monde, mais Kai n'allait pas tarder à vriller s'il ne pouvait pas la relooker un peu. Moi-même je rongeais mon frein pour ne pas revoir sa coupe de cheveux et le reste ; quelle crème elle utilisait pour sa peau, comment s'occupait-elle d'elle, bref, les éléments de base. Caleb, notre voix de la raison, nous avait dit de ne pas la bousculer, surtout parce qu'elle risquait de rester un moment avec nous. Une première pour notre groupe ! Mais ce n'était pas une mauvaise chose. Pas pour moi en tout cas.

Elle s'avança avec une housse sur le bras, cherchant un peu gauchement à ne pas marcher dessus. Cette petite perle était avec nous depuis moins d'une semaine qu'elle faisait presque partie de l'équipe maintenant. Ce qui semblait quelquefois lui poser problème, elle qui avait dû espérer faire une jolie plante verte dans le décor. Une orchidée qu'il aurait fallu sublimer et non pas une fougère.

— Je vois que ta cheville va mieux.

Son nez piqua vers le sol et elle cala une mèche de cheveux derrière son oreille. Cette dernière était percée un peu partout et Athena arborait de nombreux piercings, allant de l'hélix, sur le bord du cartilage de l'oreille, au Conch, celui-ci à hauteur du milieu de l'oreille et à l'intérieur de celle-ci, juste derrière la vague que formait le repli du cartilage. Il y en avait aussi une rangée au niveau du lobe, offrant des anneaux et des barres. Ça lui donnait un côté un peu rebelle, de la jeune fille de bonne famille qui voulait sortir du carcan de sa vie. Mais chez Athena, il y avait un petit plus, un peu comme si faisait ressortir sa beauté, son caractère. Notre petite perle me fascinait et j'adorais par-dessus tout la pousser hors de sa zone de confort. Un petit plaisir personnel qui lui refilait des sueurs froides.

— J'aime bien en faire des tonnes, avouai-je, mutin. Le docteur à l'hôpital était incroyablement sexy.

Elle se mordit l'intérieur de la joue, mais je vis que j'avais fait mouche. Tellement facile.

— Y aurait-il l'un de nous qui a sollicité tes services pour l'après-midi ? demandai-je.

— Pas vraiment. Quand je suis partie du QG, Kai était sur le départ et il ne restait plus que lui.

— Très bien.

Je coupai la musique et retirai mon haut. Athena se détourna un peu trop tard et croisa ses mains dans son dos, se balançant d'un pied sur l'autre.

— Tu auras besoin de moi ? souffla-t-elle.

— Bien sûr ma petite perle. Nous allons manger au restaurant avec ma mère.

Son langage corporel ne trahit aucune surprise ni aucune gêne particulière.

— Il faut que... je me change ?

Je gloussai sans avoir besoin de jeter un énième coup d'œil à sa tenue du jour. Un beau tue-l'amour qui devait repousser les regards à des kilomètres à la ronde. Un lien avec l'état de son dos dont Levi m'avait parlé ? Caleb ne tarderait certainement pas à lui tomber dessus pour parler d'elle. Ou essayer.

— Viens comme tu es, ma petite perle. Ma mère sera très heureuse, crois-moi.

Athena hocha la tête et me laissa aller me doucher et me changer. Dans la housse, un jean sombre ajusté et épousant parfaitement mes cuisses et mon cul. La chemise, très masculine, était elle aussi parfaitement taillée, me moulant le torse d'une façon presque indécente. Je faisais très homme. Pas que ça me pose un problème, loin de là. J'aimais jouer avec mon corps et ce que je renvoyais, allant parfois jusqu'à brouiller les pistes. C'était plus fort que moi, un jeu dans lequel j'excellais, mais qui m'avait valu d'être roué de coups plus jeune, m'amenant aux portes du coma une ou deux fois. J'en avais gardé quelques cicatrices, physique, mais surtout morale. Je séchai mes cheveux et passai un léger trait d'eyeliner sous mes yeux. Je pulvérisai un peu de parfum et marchai dans le nuage pour que la fragrance se dépose un peu partout sur moi et non pas juste à un endroit donné. Je fourrai mes affaires de gym dans mon sac de sport et c'est pieds nus que je retournai retrouver Athena.

— Suis-je bel homme ?

Ses pupilles détaillèrent mon corps et elles s'arrêtèrent longtemps sur ma pomme d'Adam avant de remonter à mon visage.

— Pas de talons aujourd'hui ?

J'éclatai de rire et me retins de peu de lui offrir un gros câlin, chose qu'elle semblait abhorrer par-dessus tout. Pas de chance pour elle quand on y pensait. J'enfilai des chaussettes et optai pour une paire de mocassins passe-partout. Il n'était pas rare que je passe pour le parfait hétéro lorsque je prenais la peine de m'habiller convenablement.

— C'est un peu bizarre.

— Quoi donc ? demandai-je en passant une main dans ma chevelure indisciplinée.

— De te voir si... garçon.

Je me penchai sur elle et son souffle se coupa. Elle se retint de reculer de plusieurs mètres, mais je vis la soudaine tension dans son corps tout entier.

— Attention, ma petite perle, il y a une différence entre un garçon et un homme. Et souvent, elle est de taille.

Athena gloussa. Ce fut si surprenant que j'en fus contraint à la stupeur et au mutisme. Un son un peu hésitant, mais très mignon.

— Un peu facile celle-là, tu ne crois pas ?

— J'avoue, dis-je. Tu penses que je devrais mettre des talons ?

— Non tu es très bien comme ça aussi. Je veux dire tu restes... toi, donc voilà.

Ses joues rosirent et elle regarda ailleurs, ses lèvres pincées.

— Allons-y alors !

Elle me suivit à l'extérieur du complexe et nous rejoignîmes le chauffeur qui m'attendait. Nous grimpâmes à l'arrière du SUV et sans surprise, Athena se colla presque à la porte, histoire de garder une distance de sécurité entre nous deux.

— Qu'est-ce que tu faisais avant de venir travailler avec nous ? m'enquis-je, curieux.

— Des petits boulots, répondit-elle. Le dernier en date consistait à livrer les journaux. J'aimais bien.

C'était assez étonnant de la part d'une jeune fille comme elle, venant d'une famille plus qu'aisée. J'admirais ce qu'elle cherchait à faire sans pour autant le clamer haut et fort.

— Ta mère ne trouvait pas ça... assez bien ?

— Ma mère ? Quand je jouais avec mon propre caca, c'était la première à s'extasier et à–

Ses dents claquèrent presque quand elle se rendit compte de ce qu'elle me racontait. Ses yeux écarquillés se tournèrent vers moi et je ris de bon cœur, la trouvant à croquer.

— Bref. C'est plutôt à mon frère que mon style de vie pose problème.

— Pourquoi ?

— Nous sommes tous les deux les enfants venant perpétuer une grande lignée avec un capital monétaire inscrit dans la liste des cent personnes les plus riches au monde ou une connerie dans le genre. Lui, il aspire à une carrière politique, visant un jour la Maison Blanche et moi, je suis censée représenter l'héritière directe de l'industrie familiale.

— Mais ce n'est pas ce que tu veux.

Elle haussa les épaules, le regard un peu lointain, pas vraiment fuyant.

— En fait c'est tout là le problème ; je ne sais pas ce que je veux ou ce que je ne veux pas. Donc mon frère me demande parfois de m'orienter vers des boulots plus convenables, qui ne risquent pas de représenter une quelconque honte pour lui ou nos parents.

Je ne saisissais pas la démarche. Ne comprenais pas comment on ne pouvait pas soutenir une jeune femme qui se cherchait et qui voulait trouver un sens à son existence. Décidément, ce grand-frère n'était qu'une copie de mon oncle, ce qui ne me faisait pas avoir une grande estime de lui.

— Cette année est importante pour son travail et donc il ne faut pas que je faute. D'où ma présence avec vous.

— C'est quand même un peu triste, soufflai-je.

— J'aime mon frère alors je peux bien faire ça pour lui. Et puis vous êtes assez sympa mine de rien.

Le reste du trajet se passa dans un certain silence. Pas qu'Athena ne regrettait d'avoir parlé et de s'être ouverte à moi, mais seulement parce que parfois, le silence était d'une étonnante efficacité pour calmer les esprits et apaiser les cœurs.

Le restaurant où nous avions l'habitude de nous retrouver avec ma mère était à l'autre bout de la ville et à cette heure, il y avait beaucoup de circulation. Athena toucha à son téléphone une fois pour envoyer un message à un certain Prince – j'avais une très bonne vue et du reste qui s'appelait vraiment ainsi ?! Lorsque le chauffeur se gara enfin devant ledit restaurant, il était passé l'heure d'une dizaine de minutes. Pour une fois que j'allais faire une entrée remarquée sans le vouloir... Athena s'extirpa de la voiture avec la grâce d'une baleine échouée et m'attendit sur le trottoir. Je demandais au chauffeur de nous retrouver ici dans deux bonnes heures, parce que je connaissais ma mère et le don qu'elle avait de pouvoir parler pendant des heures. Le SUV s'éloigna et je tendis mon bras à la jeune femme, galant dans l'âme. Nous étions aux antipodes l'un de l'autre, ce qui s'avérait très drôle, surtout pour les gens autour de nous. Moi, parfaitement apprêté et elle, mal fagotée. Un choc des styles. Rien de mieux pour me mettre le sourire aux lèvres.

Une charmante serveuse nous conduisit dans l'immense salle fastueuse où pas mal de convives avaient déjà commencé leur repas. Athena faillit s'emmêler les pieds plus d'une fois, mais je réussis à éviter la catastrophe sans soucis. Elle semblait plutôt tête en l'air dès lors qu'elle marchait, même si aucun obstacle physique ne se trouvait sur son chemin. Un vrai danger public en somme. Je freinai des quatre fers en avisant la personne assise avec ma mère.

Je venais de me faire damner le pion. Ou alors s'agissait-il d'une autre expression ?

— Un problème ? souffla Athena en relevant son visage vers le mien, ses grands yeux candides mangeant une partie de son faciès.

— Mon oncle, grinçai-je, le cœur tambourinant dans ma poitrine.

Cet homme n'avait pas eu besoin d'user de ses poings pour me laminer et faire de ma vie un enfer. Ses mots étaient sa meilleure arme, celle-là plus affutée, la plus douloureuse. Homophobe notoire, il vivait avec des principes désuets et adorait dispenser une morale de bas étage à qui l'écoutait.

J'abhorrai cet homme de toute mon âme, trop conscient de l'emprise qu'il avait eue sur moi pendant des années. Une emprise qu'il distillait encore à ma mère, se faisant un malin plaisir de lui rappeler qui il était et qui elle ne serait jamais.

Les doigts d'Athena glissèrent contre la paume de ma main, me forçant à la regarder, à rompre le contact visuel qui me faisait tant de mal en cet instant.

Cette fois je ne fanfaronnais plus. Pas quand il était ici, prêt à remettre en cause tous mes choix, toute ma vie, qui j'étais. J'en étais malade. Et j'en voulais terriblement à ma mère pour ne pas m'avoir dit qu'il serait de la partie.

C'était littéralement une mauvaise surprise.

— On peut s'enfuir en courant si tu veux, me glissa Athena d'un naturel désarmant.

Je clignai des yeux un peu bêtement.

Quoi ?

Mais trop tard, ma mère venait de m'apercevoir et elle se leva, un immense sourire aux lèvres, attendant que je vienne à elle.

J'avais envie de vomir. Envie de partir. Mais je n'étais plus un petit garçon. Je ne pouvais plus me cacher dans un placard et attendre que la tempête passe. Je ne pouvais plus fuir par peur.

J'étais un homme.

Un homme.

Dehlia Robins, née Osborne, était une femme magnifique et potelée. Elle avait le visage le plus doux qu'il m'avait été donné de voir et dans son regard, il n'y avait qu'amour et tolérance. Toujours apprêtée, que ce soit pour prendre le thé ou pour sortir dans la rue, elle attirait les regards, l'attention et la compassion. Elle était la femme de ma vie, celle pour qui j'aurais tout donné, tout abandonnée, même mon homosexualité. Mais elle m'avait accepté. Elle m'aimait, indépendamment de mon orientation sexuelle ou de mes choix de vie. Parce que j'étais son enfant et que rien ne changerait jamais ça. Rien.

— Je suis désolée, murmurai-je à Athena.

Pour ce qui allait arriver.

Pour ce repas.

Pour la bêtise et la méchanceté sans borne de mon oncle.

Ce dernier se leva à son tour, laissant tomber sa serviette immaculée à côté de son assiette. Bel homme aux cheveux poivre et sel, il prenait soin de lui et méprisait les femmes, mais pas autant que les tapettes. Autant vous dire que j'étais pour lui une honte, une chose dont il aurait aimé se débarrasser. Il était le frère de feu mon père, mais ne lui ressemblait en rien. Son visage était agréable et on n'aurait pas pu imaginer quel monstre se cachait derrière cette perfection savamment travaillée. Il était perfide, mauvais. Il détruisait tout sur son passage, cherchant sûrement à combler ce qu'il n'avait pas dans le pantalon.

J'avais toujours tout fait pour préserver Levi de cet homme, mais je me rendis compte que je jetais littéralement une étrangère dans la gueule du loup.

Athena n'avait rien demandé à personne et voilà que je la plaçais au centre d'une querelle familiale digne des plus grandes séries américaines. Des soaps insipides, mais terriblement addictifs.

— Ezra, me salua froidement mon oncle. Je vois que tu as fait un effort pour paraitre normal aujourd'hui.

Athena se crispa à mes côtés et fronça les sourcils. Ma mère posa une main sur l'épaule du connard et réussit à me serrer dans ses bras.

— Mon joli petit garçon. Je suis contente de te voir.

Je ne quittai pas mon oncle du regard, ce dernier en train de détailler Athena de la tête aux pieds.

— Anton Robins, se présenta-t-il. Et vous êtes ?

Le jugement qui suintant de sa personne ne pouvait pas échapper à la jeune femme, mais elle sembla l'ignorer copieusement.

— Athena Claythorne, enchantée monsieur.

Ma mère la salua à son tour et tout le monde prit place autour de la table, Athena en face de moi, elle aussi placée entre ma mère et mon oncle. Je me savais incapable d'avaler quoi que ce soit, le ventre bien trop noué pour ça.

Anton sembla trouver très intéressant de faire la discussion à Athena plutôt qu'à moi, préférant de ce fait faire comme si je n'existais pas. La plupart du temps il y excellait assez bien. Bien sûr il fut question des parents de la jeune femme et de leur empire florissant. Mon oncle était de ces hommes entièrement accaparé par l'argent et le cours de la Bourse. Il aimait l'argent comme certains aimaient leur enfant. Comme à son habitude, ma mère babilla beaucoup, me racontant les dernières nouvelles à savoir, mais j'étais bien incapable d'être aussi enjoué que d'habitude.

Malgré la tension à la table, Athena semblait parfaitement à l'aise, comme si elle avait déjà connu son lot de connards imbu d'eux-mêmes. Il y avait donc pire que mon oncle ? J'avais un furieux doute !

Notre repas arriva, encore fumant, et mon estomac se tordit dans tous les sens. Mon oncle choisit ce moment pour daigner orienter son attention sur ma personne.

— J'ai appris que tu allais participer à une sorte de télé-réalité avec d'autres personnes de ton... espèce.

Le couteau d'Athena râpa sur l'assiette, produisant un bruit affreux.

— Tu peux le dire tu sais, répliquai-je, il me semblait pourtant que tu avais un vocabulaire foisonnant à ce sujet.

— Ne va pas te donner en public, mon garçon, lâcha mon oncle, mastiquant sa viande.

Je regardai ma purée, les doigts agrippés à mes couverts.

— Je ne suis plus un enfant.

— Mais tu es toujours déviant ! Une petite pédale qui–

Cette fois Athena s'étouffa avec sa gorgée d'eau, attirant le courroux de mon oncle sur elle. Il la fusilla du regard.

— Bien que je juge tes goûts forts discutables, je suis heureux de voir que tu sembles te ranger.

Je fronçai les sourcils.

— Il est important que tu comprennes qu'un homme qui se respecte ne peut aller qu'avec une femme. Il s'agit là d'une logique implacable.

Il pensait qu'Athena était quoi, ma petite amie ? Bon sang.

— Vous avez peur de quoi au juste ? demanda finalement la jeune femme directement à mon oncle.

Ce dernier fronça les sourcils.

— Peur ? Mais peur de quoi ?

— C'est moi qui vous le demande. Je veux dire que votre neveu aime un homme ou une femme, qu'est-ce que ça change ? Et même s'il voulait épouser la statue de la Liberté, qui êtes-vous pour juger de ça ?

Mon oncle devint tout rouge. Qu'elle ose s'adresser à lui sur ce ton ne devait pas lui plaire, lui qui faisait plier les gens autour de lui et non pas l'inverse.

— Il s'agit de la famille, mademoiselle, et croyez-moi, rien de tout ça ne vous regarde de près ou de loin.

— Vous croyez ? Votre neveu est assis en face de vous depuis moins de trente minutes et à chaque fois que vous lui adressez la parole, c'est pour le démonter et lui faire comprendre que vous n'êtes qu'un putain d'homophobe. Alors je vous le demande une nouvelle fois, monsieur Robins, de quoi avez-vous peur ? Qu'il vous transmette son mal ? Vous avez peur de vous réveiller un matin et d'avoir envie de coucher avec des hommes ? Vous craignez de vous faire prendre par-derrière ? Tellement animal ! Oh ! Mais attendez, même les « gens normaux » font ça, non ? Ce serait terrible pour vous d'aimer un homme, je me trompe ? Tellement dégoûtant. Tellement dépravant. Une honte. Vous savez ce qui me dégoûte en ce moment ? Vous. Tout chez vous me débecte et j'ai de la peine pour votre neveu. Devoir supporter un vieux con aigri comme vous depuis qu'il est gosse... vous êtes pitoyable.

Tout le monde, absolument tout le monde dans le restaurant venait de profiter du discours d'Athena. Un silence de mort régnait. Mais j'étais si étonné, si sonné, que je ne comprenais pas vraiment. Je compris encore moins lorsque mon oncle asséna une gifle à Athena, la tête de cette dernière emportée dans l'élan d'une telle violence.

— Anton !

Ma mère cria de stupeur et certaines femmes cachèrent leur bouche derrière leur main.

Aucun bruit.

Aucun mot.

Rien.

Athena redressa ses épaules et se leva, faisant crisser sa chaise sur le sol. Elle balança sa serviette dans son assiette encore pleine et elle porta un regard glacial sur mon oncle.

— Vous êtes un petit homme qui a peur de ce qu'il ne veut pas comprendre et j'ai vraiment pitié de vous. La prochaine fois que vous me toucher, je porterais plainte et je me fiche que vous ayez des contacts partout. Vous parlez beaucoup pour ne rien dire. Et vous savez quoi ? Je suis sûre que même en étant déviant, votre neveu a une paire de couilles plus grosses que les vôtres. Allez comprendre, vous.

Sans un regard autour d'elle, Athena attrapa son sac et traversa la salle pour quitter le restaurant.

Dans mon empressement, je faillis bazarder ma chaise et la nappe. Je me tournai vers ma mère :

— Je t'appelle.

Mon épaule heurta celle de mon oncle et à mon tour, je slalomai entre les tables, presque en courant. Quand je surgis à l'extérieur, je fus incapable de trouver Athena dans la foule.

Elle s'était volatilisée. 

**

Une rencontre plutôt mauvaise pour Athena 😳

Notre Ezra n'a pas du vivre des choses faciles plus jeunes et encore moins maintenant. 🙄🙄

Décrire des comportements homophobes restent importants dans cette histoire. Ils existent et ils sont réels et font du mal sans raison. Ça nous tient à cœur car ça permet de rappeler à quel point il faut encore se battre pour être avec les gens qu'on aime ❤️ quelle idée au 21eme siècle n'est ce pas ? 🤔

Tout ça pour dire qu'on a passé la journée dans la cuisine avec Shirayukitaki et que ça vaut bien la peine de cuisiner avec amour ❤️

J'espère vous passez toutes et tous un bon week-end. 😀😀😙

Plein de bisous chocolatés 😘❤️😍

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