67. Abattre Adam Miller


ATHENA

— Je me contente d'attendre, lâcha Prince dans mon dos, lorsque j'insérai la clé de Brackston dans sa serrure.

Nous laissâmes nos chaussures à l'entrée et habituées à venir ici en l'absence de mon cher frère, Prince se dirigea directement dans la cuisine pour attraper une canette de soda dans le frigo. J'allais ouvrir la porte vitrée donnant sur la terrasse intimiste et inspirai l'air de L.A à plein poumon. J'essayai, dans la mesure du possible, de passer du temps avec mon meilleur ami, surtout en sachant à quel point sa vie sentimentale semblait plus compliquée que le commun des mortels. Moi y comprise, même embrigadée dans un polyamour.

— Tu te rends compte qu'il s'agit d'un homme politique influant dans le coin ?

Prince grimaça. Bien sûr qu'il le savait. Bien sûr qu'il avait tout intérêt à la jouer prudente et faire profil bas. Comme moi. Mais il suffisait que son Sugar Daddy soit un peu plus que ça à ses yeux et tout était foutu.

Prince s'attachait. Il s'aventurait dans une relation toxique comme des enfants sautent dans une piscine sans se poser de question. Adam Miller ne lui donnerait rien, hormis du sexe dans une limousine et des sermons à deux balles devant sa porte. Mais qui étais-je pour juger le mode de vie de Prince ? Il fonctionnait comme ça, se fracassant à chaque fois contre des portes qu'on finissait par lui fermer en pleine gueule. Et je restai là, à l'observer réitérer l'expérience en espérant que cette fois, ce soit différent.

— Il pourrait être le Président que j'en aurais rien à foutre, grommela-t-il en lâchant un rôt puissant.

J'allai attraper l'arrosoir et le rempli.

— Et c'est quoi le fin mot de l'histoire ? Je pense que ce type est suffisamment malin pour savoir que si votre liaison venait à être découverte, c'est lui qui en pâtirait. Toi, la presse à scandale ferait de toi leur nouvelle poule aux œufs d'or.

Il eut l'audace de sourire, le petit con. Oh, ça lui aurait plu. Bien plus encore que de foutre la carrière de quelqu'un en l'air. Prince était adepte de « tous les coups sont permis » pour arriver tout en haut. J'ignorai ce qu'il visait à long terme ; hormis son putain de film porno. Une carrière tranquille et bien payée ? Ou le fait que quelqu'un l'entretienne contre quelques menus services ? Plutôt ça, hein.

— J'en sais rien, Thena, d'accord ? En ce moment tout est tranquille de mon côté et même si Adam te semble être le dernier des salauds, j'aime bien être avec lui.

Mauvaise pioche. Très mauvaise pioche, même. Mais je gardai cette réflexion pour moi de peur de vexer Prince, ou pire encore, de le voir se fermer comme une huitre. Je l'observai s'installer sur le canapé pendant que j'arrosai les plantes du frangin, consciencieuse et appliquée. Je jetai un regard mauvais aux cactus. Qu'ils aillent au diable.

Une fois ma tâche effectuée, je rejoignis Prince sur le canapé, ce dernier plongé dans le visionnage de stories Insta.

— Tu sais bien que je ne le déteste pas ; je ne le connais pas ce type, moi. C'est juste pour toi que je me fais du souci.

Ce qu'il détestait par-dessus tout, au passage. D'où la remarque suivante.

— Parlons un peu de toi, donc.

Je lui tirai la langue.

— Quoi ? Tu es célibataire depuis des années et d'un coup, tu arrives à te mettre avec deux types. C'est foutrement plus intéressant que ma liaison avec mon S.D, tu crois pas ?

Moui.

Prince joua avec son téléphone, attendant de moi des réponses, des anecdotes croustillantes. Mais je n'étais pas le genre à m'épancher sur mes relations et à éprouver le besoin d'en parler, même à mon meilleur ami. J'aimais pouvoir garder certaines choses pour moi. Comme Levi, Ezra et Soren. J'avisai la devanture d'un nouveau club sur une photo prise par Prince avec je ne sais quelle légende.

— Tu as tes entrées vraiment partout, grommelai-je.

— Jalouse ?

— Pas le moins du monde, ricanai-je. C'est pas un truc de beauf, ça ?

Il haussa les épaules, l'ombre d'un sourire jouant sur ses lèvres parfaites.

— J'ai rencontré Adam là-bas, m'apprit-il. J'avais réussi à entrer en usant de mon charme, comme d'habitude.

Pas peu fier de lui, le bonhomme.

— Laisse-moi deviner ; le genre d'endroit ultra sélectif où on trouve du champagne à foison et quand on regarde bien, un peu de poudre blanche ?

Il grimaça, mais hocha la tête.

Je me demandais comment des hommes comme Adam Miller faisaient pour passer entre les mailles du filet. Comment personne n'arrivait à comprendre à quel point les secrets pendouillaient sous leur nez. Je tenais une arme de destruction massive contre ce Miller. Je n'aurais qu'a eu soufflé quelques mots à Brackston...

Mais heureusement pour moi, la politique ne m'intéressait absolument pas. En fait, bien souvent, ça me dépassait à tel point que je préférais détourner le regard et me boucher les oreilles. Quand bien même Brackston ne vivait que pour ça. Chaque homme politique cachait un truc. Ou trois, en l'occurrence. Enfin, en ce qui concernait Soren.

Y avait-il une quelconque balance qui se devait d'équilibrer le jeu ?

Qu'est-ce qui était pire ? Se taper un Escort Boy ou tromper sa femme ?

Brackston aurait été capable de palabrer toute la journée là-dessus. Mais puisque son poulain restait Soren, autant dire que son avis était biaisé dès le départ.

— Comment ça se fait que personne ne vienne foutre ce nez dans un club pareil ? m'enquis-je.

— Tout s'achète d'après Adam. Pour détourner les yeux, il faut juste un peu de motivation. Et lui-même est prudent. D'où le fait qu'il n'aime pas quand je... m'impatiente.

Excuse pitoyable. J'avais bien envie de secouer Prince comme un prunier, mais à quoi ça m'aurait avancé au juste ? Il aimait se désagréger dans une relation toxique. Et dans mon égoïsme, je préférais encore me taire que le perdre à cause d'un homme qui ne le méritait pas.

Mais qui méritait Prince ?

Il jouait de ses relations comme un parfait maestro. Il contrôlait le rythme et la danse, seulement parfois, il se heurtait à quelqu'un de plus fort que lui. Je ne voulais pas que ce Miller l'atteigne au point de lui faire très mal.

Des paroles venimeuses, d'accord, mais rien d'autre. Seulement, je connaissais Prince. Je savais reconnaître l'attrait de l'excès chez lui.

La drogue.

Le sexe.

L'interdit d'une relation.

Il n'était pas pour autant bousillé à l'intérieur. Il aimait vivre ainsi.

Prince me tapota le bout du nez pour me ramener dans la réalité. Nous deux, sur le canapé de Brackston.

— Je vois à ta mine soucieuse que tu te mines un peu trop. On baise, on boit et oui, parfois, on prend autre chose pour pimenter le tout. Mais je gère, d'accord ?

La question était de savoir jusqu'à quel point.

* * *

Levi avait accepté un restaurant de mon choix après une journée harassante pour lui. Parce que j'étais plutôt sympa comme fille, je décidai de le ménager et nous nous retrouvâmes dans un petit boui-boui chaleureux et intimiste où les chefs étoilés passaient facilement inaperçus.

Nous avions pris une assiette à partager tout en consommant notre petit apéro. Une musique un peu agaçante jaillissait des haut-parleurs bien cachés et à quelques tables de nous, une femme riait à gorge déployée.

Levi semblait parfaitement détendu ; le but de la manœuvre après tout. Je voulais qu'il lâche un peu de lest, surtout que dans quelques semaines, tout allait s'enchaîner.

Le dernier épisode à tourner, la promo de KoT et le lancement de l'émission. Un marathon éreintant, mais tellement attendu !

J'avais réussi à parler de ma nouvelle idée à maman et forcément, elle avait adoré ! Avec elle, en même temps, pas compliqué de lui foutre des étoiles plein les yeux. Elle vibrait d'avance à l'idée de l'audience de Kiss of Time alors tout le reste n'était que détail agréable. Une maman requin tout craché.

Le doigt de Levi sur ma joue me fit presque sursauter.

— Tu avais l'air loin, souffla-t-il avec un petit sourire.

Je le regardai un instant, sachant que je pouvais lui faire confiance. Indépendamment de mes sentiments pour lui. Je m'inquiétai pour Prince tout en sachant que je ne pouvais pas faire beaucoup. Toute cette histoire me dépassait. Pourquoi ? Parce que Soren se trouvait dans la balance. Tout aurait été plus simple autrement. Enfin, je pouvais toujours le croire.

— Prince s'est engagé dans une relation qui... m'effraie un peu, dis-je honnête.

Avec qui d'autre pouvais-je l'être à ce point ? Levi m'écouterait. Il n'aurait pas plus de solutions que moi, mais parfois, simplement parler d'un problème aidait. Et je voulais pouvoir parler de tout et de rien à Levi. Surtout de tout, aujourd'hui.

— Avec Adam Miller.

Il ne fallut qu'un quart de seconde à Levi pour comprendre et voir de qui je parlais. Miller, l'autre candidat en lice pour le poste de Gouverneur. L'homme qui se dressait face à Soren.

Comme j'aurais voulu me passer de tout ça ! Ignorer qui était ce Sugar Daddy dont Prince s'était farouchement épris.

Quelle connerie aussi !

— C'est... surprenant, dit Levi.

J'eus un rire un peu jaune.

— Plutôt embêtant dans le sens où ce genre d'informations plairait beaucoup à Brackston.

— Mais c'est hors de question que tu lui en touches deux mots, pas vrai ?

Je soupirai bruyamment, me rencognant dans ma chaise.

— J'aime à croire que je peux séparer Prince du monde dans lequel il m'arrive de graviter. Mais maintenant que Soren est dans la balance, et pendant qu'il me parle de sa relation avec cet homme, je me sens un peu coupable.

— Je pense qu'il faut que tu agisses comme tu l'aurais fait avant nous, me répondit Levi. Tant que la situation reste normale du côté de Prince, tu n'as pas à t'en mêler, pas vrai ?

Il mima des guillemets en parlant de normalité côté Prince.

— Et si ça dérape d'une manière ou d'une autre ? Je ne parle pas juste d'un cœur brisé.

Je divaguai peut-être. J'avais même sûrement regardé trop de séries de ce type. La réalité n'avait rien à voir avec des shows télévisés. Et pourtant, parfois...

— Je ne doute pas que tu sauras agir en conséquence le moment venu.

Avec Levi, aucun problème n'en restait un bien longtemps. Nous mangeâmes dans une ambiance plus douce, moins lourde et orageuse étant donné la tournure de mes pensées.

Nous trainâmes dans les rues de L.A avant de prendre la direction du loft. Chef réclama quelques caresses bienvenues et après nous être changés, nous nous retrouvâmes sur le canapé, à zapper pour trouver un programme intéressant. Levi s'endormit avant moi, ma tête reposant sur son torse, ce dernier se soulevant lentement. Tout était calme et ça me faisait bizarre que nous ne soyons que tous les deux. Je savais qu'il fallait que je chérisse cet instant tout autant que ceux passés à trois ou à quatre. Même si nous avancions dans un polyamour peu orthodoxe, je me rendais compte qu'il m'importait de pouvoir lier un lien avec chacun d'entre eux. Mon passif avec Soren jouait en ma faveur et ce que j'éprouvai pour Levi aussi. Je ne redoutai pas tout ça, je m'interrogeai juste sur la dynamique à avoir et quelles limites je pouvais ériger. Levi m'y aidait. Chacun d'entre nous semblait apporter sa pierre à l'édifice, d'une manière totalement différente. En même temps il fallait qu'on le soit, différents, je veux dire. Les garçons étaient ensemble depuis un moment et je ne voulais pas être celle qui faisait vaciller leur équilibre. Je suivais le rythme. J'observai. Pour autant, quelque chose me disait que nous n'aurions jamais une relation conventionnelle. Soren visait une longue carrière politique, ce qui l'éloignait déjà suffisamment. Alors oui, je m'interrogeai sur la suite, sur tout ce que ça impliquerait sur le long terme.

Je finis par réveiller Levi et nous montâmes nous coucher.

* * *

Je ne m'étais pas dit que la situation dégénérerait. Pas une seule fois, en fait. J'imaginai que Prince savait ce qu'il faisait. Mais avec lui, je n'aurais pas dû être surprise. J'aurais dû me douter qu'un truc se passerait, seulement, j'aurais pensé que je n'aurais pas besoin d'appeler à l'aide mon grand frère, moi qui m'étais promis de séparer Prince des penchants politiques de mon cher frère.

— C'était rien, d'accord ? cracha Prince, tenant une poche de glace contre son visage.

Il avait les pupilles dilatées et ne semblait pas bien se rendre compte de la situation. En même temps, il semblait complètement percher.

Drogué, alcoolisé, le combo facile pour lui. Et en plus de ça, on l'avait frappé. Et quand je disais « on », je parlais d'Adam Miller.

Je ne voulais pas connaître la raison. Je ne voulais pas entendre les minables excuses de Prince à ce sujet.

Je détestai les injustices sous toutes ses formes. Et même si Prince avait pu agacer monsieur pot-de-vin, depuis quand on se permettait de frapper les gens ?!

— Ferme-là et arrête de t'agiter, crachai-je, mécontente.

Ezra rentrait aujourd'hui. Soren aussi.

Des coups furent frappés à la porte de Prince et je criai à Brackston d'entrer. Il devait être venu directement de l'aéroport. Lorsqu'il avisa mon meilleur ami, il fronça les sourcils et se tourna vers moi.

— Tu m'expliques ?

Prince ne sembla pas se rendre compte de la présence de mon frère. Il ne cessait de gémir. Et de répéter que ce n'était pas grave. Je fis signe à Brackston de me suivre un peu plus loin et je me plantai devant lui.

— Je veux que tu me promettes que ce que je vais te dire n'impactera en aucun cas Prince.

— Tu crois que j'en ai quelque chose à faire de ton–

— Il couche avec Adam Miller. Depuis des mois.

Tout de suite, un éclat de prédateur s'alluma dans le regard de Brack.

— Miller achète les services de Prince. Et ce soir, il l'a frappé.

Je bouillonnai. Je voulais abattre ce connard de Miller ou aller écraser mon genou contre ses couilles. Au choix.

Brackston se mit à faire les cent pas, sans un mot. Il semblait réfléchir. D'un coup, il se tourna vers moi :

— Toi, tu ne lèves pas le petit doigt, c'est clair ? Je passe déjà sur tes fréquentations plus que douteuses–

— Prince est mon meilleur ami ! grinçai-je.

— Et pour une fois il va vraiment servir à quelque chose.

Brack retourna vers Prince, sorti son téléphone portable et pris plusieurs photos en forçant Prince à retirer la poche de glace de sa tronche.

— Qu'est-ce que tu fais ? soufflai-je.

— Donne-moi le téléphone de Prince.

Je fouillai dans la poche dans ce dernier, qui ne cessait de glousser puis de gémir. Son nez était explosé. Je tendis l'objet à Brack après l'avoir déverrouillé. Brackston passa la minute suivante à faire je ne sais quoi. Il me fit de nouveau face.

— Reste avec ton idiot d'ami et laisse-moi m'occuper de Miller, c'est clair ?

Je croisai mes bras sur ma poitrine.

— Le nom de Prince ne sera cité nulle part, prom–

— Oh, mais la presse n'en saura rien, sourit Brackston.

Je fronçai les sourcils, mais décidai qu'après tout, je ne voulais pas entrer dans cette arène avec lui.

— Qu'est-ce que tu vas faire ? demandai-je tout de même.

Son sourire me fit presque froid dans le dos.

— Faire gagner Soren. 

**

Mouaaaaaaaallez 😎😎😎😎😎

Ça commence à prendre une autre tournure hein 😁😁😁

J'espère que votre journée se passe bien. ❤️ Que nos histoires vous permettent de vous évader un peu en ces temps anxiogènes. Surtout prenez du temps pour vous et nous on s'occupe de vous donner un peu de lecture 😍😍😍

Plein de bisous. ❤️

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