66. Des pépites sur son cookie


EZRA

Pour le moment et malgré nos emplois du temps respectif, nous ne devions annoncer aucun retard pour Kiss of Time. Tant que nous étions liés par un contrat à CTN Universal, nous étions tenus de tenir nos engagements et de remplir les termes dudit contrat.

Rien de compliqué en soi, puisqu'il s'agissait avant tout d'un projet qui nous appartenait, qui nous tenait à cœur et qui me rappelait à quel point j'aimais user de mon talent pour rendre meilleure la vie des gens.

Nous arrivions au bout des six épisodes de la première saison. Celle de lancement, celle qui nous dévoilerait plus que jamais, non pas pour nos métiers respectifs, mais comme cinq visages de la communauté LGBTQI+. Et ça, c'était important. Nous allions nous montrer sous un jour pas totalement différent, mais plus profond. Nous étaler sous le regard de milliers de personnes. Faire passer des messages puissants, tout en sachant d'avance que nous nous attirerions les foudres d'autres communautés.

Je voulais clamer fièrement qui j'étais et pourquoi j'avais voulu me lancer dans une aventure si humaine. Une personne possédait plusieurs facettes, elle n'était pas une unique représentation, mais pléthore de visages.

Je pouvais être à la fois un homme sûr de lui et une femme à la féminité exacerbée. Je souhaitais m'épanouir dans les deux pans de mon existence, me fichant bien des convenances et du regard des indifférents et des idiots.

Si l'émission fonctionnait, ce serait un véritable tremplin pour la communauté homosexuelle. Nous, nous avions déjà nos vies, nos métiers, KoT demeurait juste un moyen d'ancrer l'existence des minorités dans la tête des gens. Je ne doutais pas de notre succès. Au contraire. Nous étions entourés de pros et nous mettions du cœur à l'ouvrage.

C'était une cause qu'on défendait, pas juste un programme de télé-réalité. Et on avait tellement à donner, à offrir, chacun de nous que chaque fin d'épisode était un adieu qui nous déchirait. Nous avions fait de belles rencontres. Et des amitiés étaient presque nées. Tout ça, ça n'avait pas de prix. Pas pour nous en tout cas. Ainsi, j'aimais tout le travail à abattre avant même le tournage d'un épisode et tous les trésors de réflexion dont il fallait faire preuve en fonction de la personne à relooker et à coacher. Caleb n'avait jamais autant rayonné que depuis qu'il pouvait dispenser son savoir. Il excellait en tant que coach de vie.

— J'ai eu une idée ! dit Athena en déposant l'ordinateur portable devant moi, une vidéo sur pause. Enfin, on va dire que je me suis inspirée de ce que je connais.

Elle aussi mettait du cœur à l'ouvrage, suivant chacun d'entre nous et nous aidant à sa façon.

— Fais-moi rêver, petite perle.

Elle leva les yeux au ciel et me dévoila quelques minutes d'une star répondant à des questions affichées sur un écran et devant apporter la réponse la plus juste. Les questions pouvaient aller de sa vie personnelle à des rôles joués.

Intéressant.

— Les gens vont forcément vouloir en savoir plus sur vous. Certes vous allez être reçu à un moment donné par Jimmy Fallon ou encore Ellen, mais il faut qu'on fasse quelque chose de plus intimiste. Pour que les gens se sentent proches de vous.

Je me demandais comment Athena ne se rendait pas compte à quel point elle semblait faite pour ce métier. Sa mère le savait en tout cas, d'où sa présence avec nous.

Bientôt un an. Comme ça passait vite ! Nous n'avions pas évoqué la fin de son contrat avec nous, mais comme j'étais toujours le premier à mettre les pieds dans le plat...

— Qui choisirait les questions ? m'enquis-je, curieux de voir jusqu'où allait sa réflexion sur le sujet.

— Dans un premier temps, nous-même. On pourrait impliquer les différentes équipes autour de vous pour pimenter un peu le tout. Et puis ensuite permettre aux internautes de le faire via un compte Instagram ou Twitter.

— Impliquer notre audience dis-je en me tapotant les lèvres.

— C'est ça. Il faudrait être idiot pour ne pas tomber sous votre charme. Même les hétéros se feront avoir, tu verras.

— Tu parles surtout du sourire et de la bouille de Levi, n'est-ce pas ?

Elle gloussa.

— Je comptais proposer l'idée à ma mère dès que possible, histoire de voir si elle la juge pertinente.

— Tu n'as que de bonnes idées.

— Ne me flatte pas trop vite, tu veux ?

— Je tenterai de m'en souvenir, soufflai-je, suspendu à sa bouche.

Dire que j'avais continuellement envie de baiser n'aurait pas été un euphémisme. Athena me tapota le bout du nez et s'éloigna, me laissant retourner à des considérations plus professionnelles. Je devais boucler ça avant mon départ en milieu de semaine. Levi croulait sous le travail avec son dernier restaurant, mais puisqu'il avait pris de l'avance avec l'épisode, il pouvait se permettre d'être absent durant les jours à venir. Pour ma part, ces derniers avaient été plutôt calmes, hormis mes rendez-vous au salon où directement chez les clients. J'aimais ce que je faisais, alors autant ne pas compter les heures. Tant que je trouvais du temps pour Levi, Soren et Athena. Le reste coulerait de source.

Le lendemain, Levi dut se libérer pour une séance photo.

Nous attaquions la promotion de Kiss of Time et nous devions envoyer du lourd. Kai nous avait préparé la garde-robe pour ça et nous fîmes enfin la connaissance de la toute nouvelle photographe dont Kai et Athena étaient tombés amoureux.

D'entrée de jeu elle me plut, tout autant qu'aux autres. Le genre de personnalité qui se déploie comme une fleur à la bonne saison. Un bagou fracassant et un style percutant.

Elle parlait vite et fort, elle riait beaucoup et déversait des tonnes et des tonnes de sourires à qui mieux mieux. Impossible d'échapper à son magnétisme électrisant. Quand je la regardai, j'avais l'impression tenace d'entrevoir une Athena telle qu'elle aurait pu être, ou telle qu'elle serait dans des années. Une image tenace sur ma rétine, qui me poussa à déployer des trésors pour capter l'attention de Miki. Lorsqu'elle me vit attraper une robe sur le portant, ses yeux pétillèrent d'une malice vibrante. Le seul mot d'ordre pour nous était de prendre du plaisir. Nous avions carte blanche en somme, tant que nous apparaissions tous ensemble, mais aussi séparément avec à chaque fois notre spécialité. Aspen voulait du détonnant, du coloré, de l'amusant.

Du tape-à-l'œil. Avec nos personnalités, compliqué de faire autrement. Ainsi, le plateau se transforma en un défilé déjanté où Athena, assise à même le sol, ne cessait d'applaudir. On nous envoyait de l'air pour faire jouer nos chevelures, on nous balança des paillettes pour nous sublimer et Miki semblait prendre un malin plaisir à faire de nous tout ce qu'elle voulait. Ici, tout le monde nous connaissait ou presque ; on se sentait à l'aise et nous même, sans aucune peur du jugement. Oh, je ne doutais pas qu'il y en aurait à la pelle dès lors que ce spot publicitaire passerait sur les écrans géants de CTN. Nos visages apparaissaient déjà, avec pour seul indice le nom de l'émission. Et ça passait en boucle depuis des mois. Une mise en bouche évidente à ce stade. Aspen misait gros sur la réussite de Kiss of Time et moi aussi.

Kai me fit tournoyer et les caméras volèrent l'instant en même temps que le flash de Miki. J'avais foutrement hâte de voir le résultat. Lorsque Caleb arriva avec une veste en cuir ne dévoilant qu'un torse alléchant, nous nous jetâmes sur lui ; tablette de chocolat noir offerte à nos bouches et à nos doigts.

Et ça dura toute la journée, avec une pause bienvenue sur le temps de midi. Miki resta manger avec nous et nous nous retrouvâmes tous par terre, affamés. On parla de sujets indécents et drôles. De sexe sous toute les formes et Jakob en rit jusqu'à en pleurer. Nous reprîmes le travail dans une ambiance bon enfant et nous nous séparâmes en fin de journée, les zygomatiques chauffés et échaudés. Je passai mon bras autour des épaules d'Athena.

— Cette fille, c'est presque le reflet de toi-même.

— Elle est excellente, hein ?! Elle a fait très mauvaise impression à Brackston.

— Vraiment ? interrogea Levi, nous préparant une petite collation.

Nous étions les seuls encore au Fab 5.

— Elle lui a parlé de son minou et je pense que ça l'a tellement choqué qu'il ressasse en boucle.

Je gloussai. Pauvre Brackston chéri. En même temps, du peu que j'avais pu en voir, ça ne m'étonnait pas de la part de Miki.

— C'est un ouragan dans une existence cette photographe.

Je hochai la tête, bien d'accord avec mon Levi.

— Comme toi, soufflai-je à l'oreille de notre petite perle.

— Je n'ai pas un quart de sa classe.

Je l'embrassai sur la joue et Levi nous rejoignit avec un petit plateau qu'il déposa sur la table basse. Athena attrapa son calepin et mâchouilla le haut de son crayon. Elle avait parlé de son idée aux autres et tout le monde avait semblé trouver l'idée intéressante. Du coup, elle voulait d'abord essayer sur nous ; qu'on réfléchisse ensemble à des questions auxquelles nous pourrions répondre. Vu que nous étions proches d'elle, ça paraissait logique d'agir de la sorte.

— De quoi vous aimeriez parler ?

Levi sembla pensif. Bien des choses dans notre jeunesse restaient encore compliquées à évoquer. Même devant Athena. Nous n'avions pas eu une adolescence normale, ni même facile. Mais c'était aussi le jeu de pouvoir en parler et de pouvoir être honnête. Je me lançai et parce que c'était moi, ce fut facile. J'avais appris à tout prendre avec dérision. À rire de ce qui avait été douloureux. Ainsi, la vie s'en trouvait nettement améliorée. Hormis quand il s'agissait de mon oncle, mais ça, Athena elle-même n'aurait pas eu l'idée de m'interroger sur lui. Athena mit en forme les questions qu'elle pourrait ainsi présenter à sa mère et nous retournâmes au loft tous les trois, après une journée éreintante, mais très intéressante.

Un peu dans le coaltar, je clignai des yeux devant la porte du frigo, une main glissée sous mon caleçon pour me gratter la fesse. Je ne portai que ça, ayant bien trop chaud en cette journée qui s'annonçait presque caniculaire. Le soleil tapait déjà fort et aucune trace d'air. Pourtant, il n'était pas trop tard et la matinée s'annonçait seulement. En haut, Levi et Athena dormaient encore du sommeil du juste après quelques folies de ma part.

J'avisai les nombreux post-its d'Athena collé là, avec des blagues nulles, des phrases ou encore une déclaration d'amour toute particulière.

Une histoire de pépites et de cookie.

Comment mieux entamer sa journée ? Notre petite perle avait l'art et la manière d'investir nos vies. Toujours à sa façon. D'une manière presque inattendue. Et j'aimais ça. Cette nouveauté qu'elle amenait, ce rafraîchissement bienvenu. Je m'en voulais encore pour la dernière fois, mais me félicitait tout à la fois de l'avoir poussé dans ses retranchements pour que nous en arrivions là. Je n'aurais pas pu me contenter de ce que nous avions alors. Tant que tout fonctionnait, je ne voyais pas où était le problème.

Pour autant, je n'oubliais pas qu'Athena était plus jeune que nous et que même si elle faisait preuve d'une certaine maturité, à un moment, la différence se ferait ressentir. Ou peut-être pas. Je voulais que tout continue ainsi. Sans anicroche. Sans douleur. Le doute demeurait, mais il en serait ainsi tant que Soren ferait de la politique. Et s'il visait réellement la Maison-Blanche, alors...

Nous avions appris à vivre avec Soren. À laisser son emploi du temps impacter nos existences. Et ce, depuis le début. Je croyais en lui. Je savais qu'il deviendrait Gouverneur.

Si je voulais qu'il devienne Président ?

Tout changerait. Et il n'y aurait aucun retour en arrière possible.

Que ce soit pour Soren lui-même.

Pour Levi.

Pour moi.

Pour Athena.

Et alors, que se passerait-il au juste ?

* * *

— Pas de bêtises en mon absence, d'accord ?

Athena se balança d'un pied à l'autre.

— Tu es obligé d'y aller ? Genre obligé, obligé ?

Levi rigola à côté d'elle, amusé de la voir agir de la sorte.

— Sois gentille, tu veux ? soufflai-je en me penchant en avant pour tapoter le bout de son nez.

— Je le suis toujours ! s'insurgea-t-elle.

Elle se jeta à mon cou et respira mon odeur d'une grande inspiration. Un chauffeur m'attendait en bas pour m'amener à l'aéroport.

— Et toi, dis-je à Levi, ne travailles pas trop.

— Que tu es exigeant, mon petit Ezra...

Il s'approcha à son tour et ce fut un mélange de bras, de jambes et de bouches.

— Tu ne parles pas à des étrangers, hein !

— Tu as peur que je trouve une autre petite perle à me mettre sous la dent ?

Elle leva les yeux au ciel :

— Même pas en rêve ; je suis unique.

Ah ça, c'était l'évidence même.

Nous éclatâmes de rire tous les trois et après d'ultimes baisers humides, il fut temps pour moi de partir. 

**

Bon aller parce que le confinement n'aura pas notre peau 👌👌👌👌

Lectuuuure ❤️❤️

Des bisous. Prenez soin de vous et bon week-end 💓

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