58. Le Diable


ATHENA

Sept ans plus tôt.

Je traînai sous la douche, le corps alangui après chaque interlude avec Soren. J'avais la sensation tenace d'avoir couru un marathon, les membres ankylosés, les courbatures venant s'inviter et s'installer. Je passai une main dans mes cheveux et tournai mon visage vers le jet d'eau, fermant les yeux, le silence de la suite seulement rompu par l'écoulement de l'eau. J'avais hésité. Pendant un moment, je m'étais fait la réflexion que tout ça n'était qu'un beau rêve, un fantasme et que dorénavant, il me fallait retourner à la réalité. Quitter cette chambre et retourner à la maison, laissant Soren et tout ce qu'il représentait derrière moi.

Ce qu'il représentait, hein ? Comme j'étais naïve ! Et stupide aussi. Je me serais donné une gifle si je n'avais pas souri béatement, mettant de côté l'âge de Soren et sa probable position dans le monde de requin de mes parents. Sa présence n'avait rien d'anodin et je le savais. Mon esprit me le soufflait. Et lorsqu'il m'avait interrogé sur mon âge, aurais-je dû être honnête ? Lui révéler une vérité qui l'aurait forcément amené à me repousser.

Il risquait la prison. Par ma faute. Mais malgré ce fait, je ne pouvais pas faire marche arrière et quand bien même, je ne l'aurais pas voulu.

Hors de question.

J'étais une foutue égoïste.

J'avais rêvé ce moment des milliers de fois avant notre deuxième rencontre. Bêtement tombée amoureuse d'un homme plus vieux, un homme de passage. J'avais vu un truc en lui la première fois. J'avais ressenti un truc si fort que m'en détourner n'avait pas été une option. Et voilà où j'étais. Je retrouvai de moi un peu de ses romances stupides dont beaucoup raffolaient. Je ne voulais pas être une ingénue, ne voulais pas voir en moi une quelconque fille facile.

Je valais mieux que ça.

Et pourtant... pas tant que ça, hein ?

Je me lavai et m'enveloppai dans l'une des deux grandes serviettes. Je passai mes doigts dans mes cheveux pour en retirer les nœuds et les nouai tout de suite, pour ne pas être embêtée. Je ne voulais pas réfléchir à l'après.

À ce qui se passerait forcément une fois que nous aurions tous les deux franchi les portes de cette chambre.

Je pouvais rêver de Soren autant que je le voulais et me sentir amoureuse tout autant, ça ne changerait rien à ce gouffre qui nous séparaient, combler pour le moment, mais juste pour un temps.

Un court laps de temps qui finirait de toute manière par nous rattraper et nous étaler nos erreurs à la tronche.

Pourtant, pourtant, je voulais continuer d'avoir mal avec lui. Je n'arrivais pas à me détacher de cette stupide idée. Comme si je pouvais comprendre ce qu'il avait vécu à la guerre.

Comme si je pouvais l'atteindre d'une quelconque manière, pauvre petite fille que j'étais.

Je savais ce qui m'avait attirée à lui. Pourquoi j'en étais tombée amoureuse sans y avoir été préparée. Pourquoi je m'étais élancée avec lui hier soir et comment nous avions finit dans ce lit, emmêlés dans ces draps blancs.

Oh, oui, moi je le savais. Mais lui, qu'est-ce qui l'avait attiré ? L'éclat de mon innocence se fracassant contre les démons de ses combats ?

Je comprenais à quel point je pouvais être l'instrument de la perte de cet homme, mais lui, se rendait-il compte qu'un mal équivalent pouvait m'atteindre ?

J'enfilai mes sous-vêtements de la veille et passai ma robe, faisant peu cas de remettre des vêtements déjà portés. Je quittai la salle de bain et m'avançai vers le lit pour remettre un ordre ce dernier et aérer un peu la pièce avant le retour de Soren. Sur un morceau de papier de bonbon, j'avais écrit mon numéro de téléphone et je l'avais glissé, bien caché. Une impulsion. Je me fis la réflexion que c'était peut-être un peu idiot et m'apprêtai à finalement le récupérer lorsque du mouvement attira mon attention.

Mon sourire s'effaça de mon visage lorsque je croisai un regard froid et distant. Mon cœur s'emballa et un élan de peur lécha mes veines.

— Q-qui êtes-vous ? soufflai-je, consciente de me retrouver face à un parfait étranger qui aurait pu être, au meilleur des cas, un employé et au pire, un serial killer. Non, pas de juste-milieu. Et d'abord, comment était-il entré ? Et comment avais-je pu ne pas l'entendre ?

M'avait-il épié sous la douche ?

L'homme desserra sa cravate en un geste qui me rappela mon propre frère qui agissait ainsi lorsqu'il était agacé ou fatigué de sa journée.

— Qui je suis n'a aucune importance, mademoiselle Claythorne, en revanche ce que vous avez fait ici est un plus gros problème.

Il savait qui j'étais. Il ne fallait pas être idiot après tout. Travaillait-il avec Soren ? Se pouvait-il que ce soit un journaliste ? Ou un simple petit fouineur ?

— Je ne vois pas de quoi vous... parlez.

L'homme soupira et embrassa la pièce du regard. Ses yeux se posèrent sur mes pieds nus et remontèrent jusqu'à mon visage.

Il se dégageait de lui une aura puissante, comme quelqu'un qui sait quel pouvoir il possède et quelle force il peut insuffler dans ses prochains coups. Un maître dans l'art des intrigues. Un requin.

Beau et dangereux, il aurait fait une parfaite représentation du Diable.

— Soren va devenir quelqu'un, mademoiselle Claythorne. Un jour, il dirigera ce pays.

Mon cœur loupa un battement.

— Et je ne peux pas vous laisser tout foutre en l'air pour une question de coucherie.

Il se passa une main dans les cheveux et s'avança vers une des fenêtres. Il se perdit dans la contemplation de l'extérieur quelques secondes, avant de se tourner de nouveau vers moi.

— Vous êtes mineure. Il risque la prison. Il risque sa vie tout entière pour quelque chose qui d'ici quelques heures, n'aura plus aucune importance pour lui. Vous vous estomperez de sa mémoire et ne serez plus qu'une parmi d'autres.

Le coup se voulait violent. Il me coupa le souffle et me fit mal.

Une attaque physique n'aurait pas eu la même portée.

— Ne vous donnez pas trop d'importance. Vous avez pour vous l'attrait de l'interdit et croyez-moi, cela peut s'avérer... appétissant. Même pour moi.

— Vous ne savez rien, répliquai-je dans un élan vain de guérir mon amour propre.

— Vous êtes amoureuse, n'est-ce pas ? Ou pensez l'être, quelle différence à ce stade ? Laissez-moi deviner, c'était votre première fois ? Un homme expérimenté, de retour de la guerre ; un met de choix.

— Ne dites pas ça ! Soren ne... je ne...

Ses paroles cinglantes me giflèrent. Comment osait-il croise que...

— Vous êtes une gamine et c'est un homme avec des devoirs, cingla l'homme. Je me bats pour faire de lui quelqu'un, pour l'amener aussi loin que je peux et je ne peux pas tolérer qu'une sale petite garce telle que vous puisse tout foutre en l'air !

Sa colère venait d'exploser sans pour autant qu'il ne hausse le ton. Je restai figée. Incapable de parler, de penser.

De regretter.

— Je connais vos parents, miss Claythorne. Votre frère, surtout. Comment réagirait-il à votre avis, si son ambition souffrait du fait que sa petite sœur ait ouvert les cuisses avec la mauvaise personne ?

Soren n'était pas la mauvaise personne.

Non. Il ne l'était pas. Il ne le serait jamais.

Je voulais me boucher les oreilles et ne plus écouter. Je voulais me cacher dans un coin et attendre que Soren revienne.

— Je sais que vous comprenez. Que vous saisissez tout le comique de cette situation. Si tout ça venait à se savoir, Soren pourrait dire adieu à sa réputation et je ne parle même pas de votre famille et de votre frère. Vous détruiriez tous ses rêves, toutes ses aspirations et tout ça pour quoi ?

Il s'avança vers moi et je ne pus que le regarder faire. Qu'observer le Diable venir à ma rencontre.

— Pour Soren ? Mais il vous oubliera. Demain, vous ne serez qu'une fille en plus, rien d'autre qu'un peu de sexe dans une chambre d'hôtel. Ne me dites pas que vous ne le saviez pas. Vous êtes une enfant qui a eu ce qu'elle voulait alors maintenant, il va falloir oublier tout ça. D'accord ?

Ses doigts sur ma joue. Je ne respirai plus du tout. Figée à jamais.

— Je n'aimerais pas que votre nom s'étale dans les journaux et qu'on en vienne à vous traiter comme une prostituée. Ce n'est pas ce que vous êtes. Vous êtes juste un peu paumée. Soren n'est pas pour vous et il ne le sera jamais. Et si vous respectez un tant soit peu votre frère et les vôtres, oubliez Soren. Oubliez qu'il vous a baisé, ce sera mieux pour tout le monde.

Il déposa une liasse de billets dans ma main et j'écarquillai les yeux.

— Je... je n'ai pas besoin d'argent ! soufflai-je, outrée.

— J'assure nos arrières, miss Claythorne. Si, malgré tous mes efforts, le scandale devait éclater, je pourrais raconter comment, Soren, dans un moment d'égarement, vous a amené à l'hôtel pour vous baiser contre de l'argent. Mais pourquoi la petite Claythorne aurait-elle besoin d'argent alors que ses parents sont riches ? Oh, je suis sûr que je pourrais faire montre de trésors d'inventivité pour vous couler et vous détruire. Vous ne me voulez pas comme ennemi. Personne ne le veut. Alors maintenant, prenez cet argent et dégagez de ma vue.

La peur fit le reste. Mes doigts se refermèrent sur les billets et je me précipitai sur la porte avant que l'homme ne m'interpelle une ultime fois.

— Nous sommes d'accord que personne n'entendra jamais parler de tout ça, n'est-il pas ? Je vous fais confiance, bien que vous ne soyez encore qu'une gamine. J'espère donc ne jamais vous revoir.

Je m'échappai, les larmes au bord des yeux, encore inconsciente que je venais de rencontrer Benson Ramsay et que ce dernier permettrait à Brackston de faire partie de l'entourage de Soren.

Ainsi, il tenait ma laisse.

Mais le Diable ignorait alors que dans quelques heures, je recevrais un message d'un numéro inconnu et que durant de longs mois, Soren et moi continuerions à discuter, sans pour autant nous revoir.

Jusqu'à l'accident.

**

Ah bah j'ai jamais dit c'était tout beau hein... 😔😱

Pour ceux qui ne le savent pas notre chaton a eu une chute assez grave qui nous pousse à devoir la surveiller tout le temps. Du coup pas trop le temps de répondre à tous vos commentaires. Promis quand ça se calmera j'irais répondre à tout le monde. ❤️

Des bisous. 🥰

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