45. Ce n'est pas le livreur


ATHENA

Je repoussai les portes des baies vitrées pour surgir sur une immense terrasse en bois surplombant un lac naturel. Nous étions à quelques heures de L.A tout au plus et la vue donnait l'impression d'être en plein cœur de la montagne, éloignée de tout et surtout de tout le monde. Plus aucune effervescence ni circulation, juste un silence parsemé de pépiements. Un sentier permettait de rejoindre le lac un peu plus loin et un salon de jardin attendait patiemment d'être utilisé. Des guirlandes accrochées au mur se mêlaient à des plantes dont les tiges pendouillaient dans le vide, apportant un peu plus de végétation à l'ensemble. Une maison secondaire comme on en voyait dans les magazines ou sur Instagram et ça ne me déplaisait pas d'être là, trouvant du plaisir à seulement observer mon environnement.

— Comment trouves-tu la vue, petite perle ?

Ezra me rejoignit, une main dans les cheveux pour tenter de les discipliner un peu. Aucune raison ; il demeurait magnifique même décoiffé.

— Je suis soufflée, avouai-je. Et tout ça appartient à Levi ?

En fait, ça n'aurait pas dû me surprendre. Il restait l'un des chefs les plus réputés de L.A et une personnalité montante du pays, donc des maisons comme ça, il devait en avoir un peu partout, non ? J'ignorai si c'était un truc de star ou pas, ou simplement de gens riches quand on y pensait. Pas juste dans l'idée de dépenser, mais de pouvoir prendre du recul, qu'importe l'endroit. Une sorte de porte de sortie pour une peu de tranquillité et de sérénité.

Ezra s'avança jusqu'à la rambarde de la terrasse et s'y appuya avec ses deux mains.

— Sa grand-mère souhaitait vendre la maison, mais Levi a eu un coup de cœur.

Ce que je pouvais comprendre. L'intérieur de la maison mêlait le charme du rustique et du moderne dans un jeu balancé parfait. Pas de têtes d'animaux empaillés, ce qui m'allait pour le coup. Et puis cet extérieur ! Aucun doute que Levi aurait trouvé des acheteurs, mais vendre ce bien aurait vraiment été dommage. La grand-mère de Levi était plus ou moins celle qui l'avait élevé et aimé. Une femme de caractère avec des principes et une fortune indécente, mais utilisée à bon escient dans plusieurs causes et œuvres. Je savais, pour avoir vu son nom cité de nombreuses fois, qu'elle était particulièrement sensible à la cause animale. Levi aussi donnait de son temps et de son argent lorsqu'une cause résonnait en lui.

— Toi aussi tu as des propriétés de ce genre ?

Ezra secoua la tête :

— J'aime le confort de mon chez-moi, dit-il avec un sourire tendre. Et lorsque je dois bouger, je prends des suites dans des hôtels, tout simplement.

— Tu n'es donc pas du genre à dilapider ta fortune dans des biens immobiliers.

Son rire résonna et mon cœur se mit à battre un peu plus fort dans ma cage thoracique. Je me sentais confuse au niveau de mes propres sentiments, ne sachant pas encore me positionner. Pour être honnête, il me semblait que j'étais amoureuse de Levi, mais en ce qui concernait Ezra, ça demeurait encore flou. Pas un mal ; peut-être que j'avais juste besoin d'un temps d'adaptation pour me dire qu'aimer deux personnes fonctionnait tout aussi bien que lorsqu'il n'était question que d'un seul partenaire. Je ne me fermais aucune porte sous prétexte que ça ne répondait pas aux codes de la société. Nous étions des êtres changeants et le cœur suivait le rythme. Aimer Levi ne signifiait pas que je ne pouvais pas aimer Ezra. Il s'agissait plus d'alchimie à ce stade, un lien créer plus rapidement avec Levi qu'avec Ezra.

— Tu as tout de même un appartement à Paris, dit Levi en nous rejoignant.

Il avait retroussé les manches de son pull léger et pris soin de repousser les portes derrière lui pour éviter que Chef ne se mette en tête de sortir. Impossible de retrouver le chat une fois à l'extérieur si l'envie lui prenait de faire un tour dans les bois environnants.

— C'est vrai, concéda Ezra. Nous pourrions d'ailleurs y faire un saut à l'occasion.

— Très bonne idée, approuva Levi, j'adore Paris.

J'aimais comme il le disait, comment ses yeux pétillaient à la simple pensée de cette ville française.

— Je ne comprends pas pourquoi ça fait rêver autant de monde, avouai-je. La tour Eiffel n'est qu'une grosse structure de métal sans intérêt et–

La paume d'Ezra recouvrit ma bouche, me forçant au mutisme.

— Si tu ne veux pas fâcher notre Levi chéri, n'en dit pas plus, petite perle. Il adoooooore vraiment cette ville.

Ce dernier me faisait les gros yeux, à la fois choqué et amusé. Fâcher, lui ? Impossible. Je gloussai et Ezra me pinça la hanche avec tendresse. Les deux se jetèrent alors un coup d'œil dont le sens m'échappa un peu.

— Je vais aller me changer, dis-je. Un programme particulier pour cette fin de journée et ce soir ?

— Petite balade et après je cuisine pour vous.

J'embrassai Ezra puis Levi et filai à l'étage. Mon sac trônait sur le lit où je l'avais jeté avant de vouloir visiter. La chambre paraissait petite, mais l'impression venait des meubles plutôt imposants. J'attrapai de quoi me changer et passai rapidement sous la douche. Nous avions décollé aux alentours de treize heures ce vendredi et le week-end ne faisait donc que commencer. Prince avait encore ronchonné lorsque je lui avais dit que je disparaissais pour quelques jours. Je me doutais que je devrais lui parler des garçons à un moment où à un autre, détestant l'idée de lui cacher ça. Enfin, cacher n'était pas le terme adéquat non plus. Un petit-déjeuner s'imposait pour parler des heures durant des dernières infos importantes de nos vies. Si ce n'est une journée complète ; déjeuner, gouter et repas inclus.

Je nouai mes cheveux en une queue de cheval haute et glissai mes lunettes sur mon nez. Je laissai mon téléphone à charger sur l'oreiller et redescendis en croisant Chef dans les escaliers, explorant son nouvel environnement. Une boule de poils énorme et toute douce. Je le gratouillai derrière l'oreille et retrouvai les garçons dans la cuisine. Ezra sirotait sa mixture à l'odeur bizarre et Levi semblait préparer un panier au cas où nous aurions un petit creux durant la balade. J'aimais sa façon de penser à tout et de tout prévoir, n'aimant pas particulièrement être pris de court. Pas un fada du contrôle, juste géré ce qu'il pouvait comme il l'entendait.

Nous fermâmes derrière-nous et panier sous le bras, nous empruntâmes le long sentier.

Le reste de la journée se passa en toute tranquillité. Nous marchâmes longtemps, à notre rythme et c'est aux abords du lac que nous sortîmes l'en-cas préparé avec soin par Levi. Allongée sur un plaid tout doux, ma tête reposait sur la cuisse d'Ezra et celle de Levi sur la mienne, non loin de mon entrejambe.

Le soleil réchauffait nos peaux et il régnait entre nous un je ne sais quoi vraiment très agréable, très... doux. Ezra parlait pour nous trois, racontant quelques anecdotes de ses années lycée, lorsqu'il avait rejoint l'équipe de Cheerleading, y trouvant un second souffle. Je savais qu'il nous contait les meilleures parties, omettant à dessein toutes les horreurs vécues plus jeune ; tout le monde savait comme les jeunes pouvaient être vaches entre eux. Ils m'interrogèrent sur mon propre parcours scolaire ; école privée, fille réservée avec une poignée d'amis, dont Prince. Rien d'atypique ou de vraiment intéressant. Néanmoins ils furent surpris quand je leur avouai avoir fait de la natation synchronisée pendant des années avant de tout stopper. Événement coïncidant avec mon accident. Ezra fut le plus curieux et le plus avare en question, voulant des détails, des impressions. Levi finit par s'endormir, ma main reposant sur son torse.

Le soir, Levi s'adonna à la concoction d'un menu typique japonais avec moi comme commis et Ezra comme supporter. Le meilleur qu'on puisse trouver. Je reçus de précieux conseils sur comment découper tel ou tel ingrédient, comment faire de fine lamelle d'un poisson pour un Tartare ou encore la durée de cuisson. Levi se montrait patient et bon professeur, sans aucune surprise. J'aimais sa façon de faire avec moi, de prendre le temps, de me remontrer un geste fait mille et une fois et de rire à chacune de mes bêtises. Je n'étais pas une très bonne élève, qu'on se le dise.

Nous mangeâmes devant un reportage sur les chats et après ça, Levi ne lâcha plus Chef et le cajola toute la soirée.

Je me réveillai tôt ce samedi matin, entre les deux garçons. Le bras de Levi reposait sur mon ventre et la jambe d'Ezra se trouvait sur mes mollets. J'avais chaud. La couverture, repoussée dans la nuit, ne changeait rien. Je réussis à sortir du lit sans un bruit et sans réveiller ni l'un ni l'autre. Un exploit.

En débardeur et petite culotte, je m'attelai dans la cuisine pour préparer un petit-déjeuner de mon cru, faisant dans le simple, mais roboratif. Je m'activai, me trémoussant au rythme de la musique projetée par la petite enceinte, son réduit. Comme nous avions fait les courses la veille sous le commandement de Levi, le frigo regorgeait de nourritures et le choix se voulait intéressant. Je pris quelques fruits que je coupai, du yaourt, des céréales, du pain avec du beurre, de la confiture et cette merveilleuse pâte à tartiner aux noisettes. Je déposai le tout sur plateau et préparai un jus d'orange en pressant directement ces dernières avec la machine. J'entendis clairement quelqu'un descendre les marches, mais fit mine de continuer mon œuvre jusqu'à ce que Levi vienne se presser dans mon dos.

— Ça à l'air succulent dis donc.

Ses mains glissèrent sur mes hanches et passèrent sous mon débardeur pour venir attraper ma peau entre ses doigts.

— Tu es difficile à déloger de la cuisine, même pour le petit-déjeuner, dis-je avec une moue.

— Déformation professionnelle...

Il m'embrassa dans le cou, sur la nuque, sur l'épaule, faisant tomber ma bretelle. Contre mes fesses, son érection. J'attrapai ses poignets et le forçai à me lâcher, me retournant pour lui faire face.

— On mange d'abord, bougonnai-je.

— Comme tu voudras, répliqua-t-il, mutin et de très bonne humeur en ce matin ensoleillé.

Il souleva le plateau et nous retournâmes dans la chambre où Ezra émergeait lentement.

Couette repoussée, nous petit-déjeunâmes à même le lit, y trainant plus d'une heure, nos rires emplissant le reste de la maison et lui donnant plus de vie que nos simples présences. Je laissai les garçons aller sous la douche, faisant la vaisselle et jouant un peu avec Chef. Rien de prévu pour ce matin, donc c'était le moment de lire un peu ou de profiter du calme extérieur.

J'avais ramené quelques mangas des séries dont j'étais en retard et Ezra ses magazines people dont il se passait rarement. Sur l'un d'eux, il posait en robe d'un grand couturier français. Rien que ça. Cette après-midi nous avions activité accrobranches ; l'occasion pour moi de savoir si j'avais peur du vide ou pas, n'est-ce pas ? Je ne voulais pas reculer face au vertige sans savoir si j'y étais sujette, donc je prenais cette activité comme ce qu'elle était ; une expérience. Quand les garçons vinrent s'installer autour de moi sans rien faire d'autre que se jeter des coups d'œil puis couler une œillade vers moi, je refermai mon tome et le posai sur la table basse. Il n'était pas loin de onze heures trente et des fenêtres nous parvenait une brise déjà bien chaude.

— Oui ?

Ezra semblait plus serein que Levi, qui lui, me paraissait quelque peu agité, peu sûr de lui.

— Ça risque d'être une conversation très bizarre, commença Ezra avec un flegme particulier.

— Si tu commences comme ça, c'est clair ! rétorqua Levi en levant les yeux au ciel.

Je les regardai l'un après l'autre, me demandant de quoi il pouvait bien retourner. Ezra se frotta la nuque en regardant un instant le plafond.

— Je sais que tu m'as vu cette fois-là dans mon salon avec quelqu'un qui n'était pas Levi.

Soren. Ezra et lui s'étaient embrassés. Comment oublier ? Comment prétendre ne plus y penser alors même que...

— En dehors de ma relation avec Levi, j'ai toujours vu d'autres hommes. Une sorte d'arrangement entre nous.

Je me contentais de hocher la tête, mon petit-déjeuner pesant soudain lourdement dans mon estomac.

— Mais le fait qu'en plus de Levi, Soren fait lui aussi partie de ma vie et de notre... arrangement.

Je fronçai les sourcils avant de regarder Levi.

Notre ?

— Nous connaissons Soren depuis plus de dix ans et nous l'aimons. Tous les deux, enchaîna Ezra.

Ils l'aimaient.

Levi et Ezra aimaient Soren. Et tous les trois avaient un... arrangement. Qu'est-ce que ça voulait dire au juste ?

Mais moi, tout ce que j'avais retenu, c'était qu'ils connaissaient Soren depuis des années, plus d'une décennie. Donc quand ce dernier avait couché avec moi, quand nous avions... il était... il était déjà avec les garçons ?

— Ce qui se passe avec toi est... très fort, dit Levi. Nous sommes des personnes honnêtes et je n'ai pas envie qu'on parte sur un mensonge ou une vérité tue.

Levi et Soren.

Ezra et Soren.

On se foutait de ma gueule, n'est-ce pas ?

— Nous savons pour... Soren et toi.

Mes yeux s'écarquillèrent sous la surprise et le choc.

— J'aurais préféré ne pas l'apprendre de cette façon, souffla précipitamment Levi. J'aurais aimé l'entendre de ta bouche à toi, mais...

S'ils savaient, Soren lui-même le leur avait dit ? Donc lui-même savait pour les garçons et moi ?

Oh bon sang ! Le mal de crâne qui arrivait allait me terrasser sur place.

Soren était marié. Et il couchait avec deux hommes. Deux hommes avec lesquels moi aussi je couchais.

Quel coup du sort, vraiment. On ne pouvait pas faire mieux. Décidément...

Je ne savais pas ce qu'attendaient Levi et Ezra après m'avoir dit tout ça, mais moi, la seule chose à laquelle je pensais, c'était la présence de Soren dans ma chambre d'hôpital et tout ce qu'il m'avait dit.

Je me rappelais les mots de Benson dans la chambre d'hôtel.

— Athena...

Je reniflai et me levai.

— Je vais m'allonger un peu, soufflai-je.

Ils ne me retinrent pas et je grimpai les marches deux par deux avant de m'enfermer dans ma chambre ; celle dans laquelle je n'avais pas dormi cette nuit. Je me laissai lourdement tombé sur le lit et fermai les yeux en même temps qu'un long soupir s'extirpait de ma gorge.

Retour du karma en plein pour ma poire. Je me roulai en boule, incapable de comprendre ce que je ressentais sur le moment.

Ce fut Ezra qui monta le premier, voulant certainement non pas enterrer la hache de guerre, mais laisser le temps à tout ça de faire son petit bout de chemin dans ma tête.

— On comptait commander des pizzas. Ça te dit ?

— Pourquoi pas, oui.

— Tu descends ?

Sa voix, pleine d'espoir.

— J'arrive tout de suite.

Il sembla hésiter un instant sur le pas de la porte, mais finit par repartir. Je me redressai, enfilai un gros pull en laine, frileuse, et redescendis, trainant des pieds. Ezra me tendit la carte avec les propositions et je lui pointai ce qui me faisait le plus envie. Il m'offrit un sourire penaud, marchant sur des œufs après de telles révélations. Je ne voulais pas qu'il s'en veuille. S'ils étaient amoureux, c'était une bonne chose. Non ? Réussir à me placer dans une relation à trois me demandait déjà beaucoup de réflexion et une introspection poussée sur moi-même, mais ça ? Pas sûre d'y arriver. De vouloir saisir les attentes derrière. Les garçons savaient juste que Soren et moi avions couchés ensemble lorsque j'étais encore mineure, mais pas tout ce qui s'était passé après. Soren lui-même le savait-il ?

— Hé.

Le pouce de Levi caressa ma joue, passant sur ma pommette.

— Je me doute que tu ne t'attendais pas du tout à ça, souffla-t-il.

— Pas vraiment, non.

Difficilement envisageable d'ailleurs. Peut-être que Levi s'attendait à ce que je lui parle de Soren, mais moi, je n'en éprouvais ni l'envie, ni le besoin. Je restais hermétique et ne voulais pas que ça change. Pas encore. Pourtant... Nous étions tous reliés à la même personne et l'ironie du destin avait voulu que ce soit Soren. Pour bien appuyer là où ça faisait mal, si mal...

— L'abcès est crevé maintenant au moins, dis-je.

En partie. Levi grimaça, mais n'ajouta rien.

Après le coup de téléphone, Ezra lança une playlist entraînante et s'amusa de son corps, improvisant une séance de danse, réussissant enfin à me pousser à simplement penser à autre chose. Chef vint s'installer sur mes cuisses et ses ronronnements eurent le don de m'apaiser. Quand Ezra attrapa Levi pour le faire danser avec lui, j'éclatai de rire jusqu'aux larmes.

La conversation semblait soudain bien loin, si éloignée de cet étrange moment où Ezra brillait de coordination et Levi, pas du tout. La sonnette retentie dans toute la maison et je posai Chef à ma place avant de me diriger dans l'entrée.

Je fis tourner le verrou et le soleil picota ma rétine.

— Vous avez été rapide monsieur le livreur !

Je clignai des paupières durant ce qui me sembla être des minutes, non, des heures. Pas le livreur.

Soren.

Soren-futur-Gouverneur se tenait là, un sac sur l'épaule, ses pupilles rivées aux miennes. Une flambée de peur instinctive bousilla mes neurones.

Qu'est-ce...

— Bonjour Athena, dit-il d'une voix rauque, assourdi par le manque de sommeil ou le désir.

Au choix.

La porte claqua entre nous. Fort. Surprise. Je ne respirai plus. Il me poursuivait.

Il me...

— Athena ?

Ezra surgit, des sous dans une main.

— Ce n'est pas le livreur, dis-je d'une voix blanche, m'éloignant de l'entrée.

— Que... quoi ?

Je passai devant Ezra et marchai tel un automate jusqu'à l'extérieur.

Quoi que je fasse et où que j'aille, il était là.

Toujours.

Depuis le début.

Depuis cette chambre d'hôtel.

Ne me quittant pas. 

**

Vous avez cru avoir la suite hein 🤣🤣 allons vous nous connaissez quand même 😎😎😎

Bon sinon on meurt de chaud même en vivant dans le noir 😓😓😓

Courage ❤️❤️

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