33. Chef, oui Chef


SOREN

Je me laissai glisser sur le canapé en ronchonnant. Je n'avais plus envie de bouger, épuisé par cette journée harassante dans tous les sens du terme. Que ce soit par Benson, Brackston et Talia. Tous avaient pompé une certaine dose de mon énergie que je n'arrivais même plus à récupérer. Je ne voulais même plus penser à toutes les tâches qu'il me restait à faire, car j'allais surement imploser. Je jetai un coup d'œil à l'heure et grognai. Encore trois heures et je pourrais quitter la villa et rejoindre les garçons.

Il fallait que je me rattrape à la suite de toutes les idioties que j'avais pu enchaîner. Ils me manquaient tous les deux et j'avais rarement eu droit à des annulations de leurs côtés, mais mercredi soir dernier, j'avais reçu un SMS de Levi qui m'avait signifié qu'ils ne seraient pas à l'appartement à l'heure habituelle. J'avais donc abandonné toutes idées de soirée. Sauf pour ce week-end. Je les embarquai tous les deux pour un petit moment tous les trois afin que nous puissions nous ressourcer ensemble. Je possédais un petit chalet dans les collines de San Francisco. Cela nous ferait le plus grand bien. Je devais passer les prendre à vingt-et-une heure, donc dans trois petites heures. Je pouvais survivre à tout ça.

Je pouvais vraiment survivre.

Je m'étirai et virai ma chemise. Je voulais prendre une bonne douche, me détendre un peu et préparer mes affaires pour ce week-end qui s'annonçait bien pour l'instant. Ezra m'avait demandé s'il devait apporter un maillot de bain et j'avais ri en lui disant que ce serait nu qu'il irait dans la piscine couverte de toute façon.

Je grimpai les escaliers rapidement et longeai le couloir jusqu'à ma chambre en sifflotant. Je poussai la porte de ma hanche et balançai ma chemise vers le bac à linge sale. Je me figeai en voyant la personne sur mon lit.

_ Adalyn, grognai-je.

Ma sœur était assise sur mon matelas, son coude contre son genou, sa joue dans sa main, le regard un peu vide.

_ Cache ta joie surtout, marmonna-t-elle.

Je me grattai les côtes et pointai la porte de ma chambre.

_ Dehors, ordonnai-je.

_ Bonjour à toi aussi petit frère, dit-elle en se levant.

Elle portait un short avec un collant noir, sa chemise blanche bouffante était rehaussée par un gilet sans manche noir avec des dorures sur les bords. Elle était très bien apprêtée, comme toujours. Ma sœur adorait jouer sur son apparence, après tout c'était un top model. Enfin, elle était surtout en fin de carrière, mais qui étais-je pour la blâmer n'est-ce pas ?

Je soupirai et frottai mes cheveux. Évidemment que ma journée devait finir sur la visite de ma sœur. Je tirai mon portable de mon pantalon et envoyai un rapide texto à Benson. Mon chef de campagne détestait cette femme et elle le lui rendait bien. Un petit combat de coqs serait drôle à voir non ? Je gloussai comme un idiot et me dirigeai vers la salle de bain, attrapant une serviette qui pendait dans ma chambre.

_ Tu pourrais au moins me demander si je vais bien, remarqua Adalyn en m'y suivant.

_ Tu n'es qu'une idiote d'être venue ici, dans ma villa. D'ailleurs, comment es-tu rentrée ? Que je vire la personne qui t'a laissé mettre un pied ici.

Elle grimaça et haussa ses épaules.

_ Tu as donc charmé un de mes pauvres employés qui n'avaient rien demandé et tu lui as coûté sa place juste pour venir me voir ? Je croyais que tu avais travaillé sur ton narcissisme, ma sœur, mais visiblement tu es encore bien là.

_ J'ai vu que tu avais pris de l'avance dans les sondages, dit-elle pour changer de sujet. Heureusement que Talia présente bien.

_ Ferme-la, crachai-je en virant mon pantalon. Tu n'as rien à dire ni sur elle, ni sur moi, ni sur notre vie.

Je lui balançai le vêtement à la tronche et retirai à la suite mon boxer. Je n'en avais rien à foutre qu'elle me voit cul nu. Tiens, elle n'avait qu'à le prendre en photo et le vendre. Je rentrai dans l'immense douche et mis l'eau à chauffer.

_ Je disais simplement qu'elle gère mieux que toi cette campagne. J'ai cru comprendre que son interview concernant votre future progéniture la profondément chambouler.

Je vis que la buée avait caché mon corps aux yeux de ma sœur et donc, elle ne me vit pas lever les yeux au ciel. Je ne savais pas pourquoi Brackston avait demandé à Talia de jouer la carte de la future mère dans son dernier interview. Peut-être que ça devait accrocher le vote des mères ou des femmes qui voulaient tomber. Du moins, la sympathie des familles plus largement. Néanmoins, je n'avais pas compris pourquoi maintenant. Pourquoi pas dans un an ? Pourquoi pas dans quelques mois ?

Il était hors de question que j'ai des enfants. Et Talia était du même avis que moi pour l'instant. Et d'après elle, l'opération qu'elle avait eue plus jeune avait réduit considérablement ces chances de porter des enfants un jour. Ça réglait un problème n'est-ce pas ?

Je me lavai énergiquement, frottant mon cuir chevelu pour me détendre. Je voyais ma sœur marcher dans la salle de bain, regardant les parfums de Talia ou les miens. Observer les bijoux de ma femme. Je gardai un œil sur elle, sachant très bien qu'elle pourrait me voler. Le mot limite avait du mal à atteindre le cerveau de ma grande sœur. Elle était mon aînée de deux ans. Comme ma mère, elle avait subi le courroux de mon père. Un père autoritaire et violent. Un militaire mis au placard et frustré de sa destitution. Un militaire qui avait appris que son fils était gay et qui avait pensé que l'armée réglerait le problème. Il était mort avant de savoir la réponse. Ce qui m'arrangeait, avouons-le.

En sortant de la douche, Adalyn me tendit ma serviette. J'enroulai mes hanches dedans et m'avançai vers le miroir. Je me lançai dans la routine qu'Ezra m'avait imposé à la sortie de la douche. Adalyn en parut surprise au début, mais elle n'eut pas le temps de me poser de questions.

_ Qu'est-ce que tu fous ici, toi ? siffla la voix de Benson sur le pas de ma salle de bain.

Je continuai d'appliquer la crème sur mes joues, l'étalant comme mon amoureux me l'avait appris, prenant bien soin de ne pas en prendre ou d'en mettre trop.

_ Benson, toujours un plaisir de voir cette horrible chose que tu portes sur ton visage. Oups, pardon, c'est toi.

Benson me jeta un coup d'œil, mauvais. Je ne pensais pas qu'il serait resté dans le bureau de la villa. Vu le temps qu'il avait mis à venir, il avait dû être concentré sur autres choses. S'il devait ramener Adalyn, alors je serais tranquille pour préparer mes affaires.

_ Vous pouvez aller gérer vos retrouvailles plus loin ? m'enquis-je.

_ Soren, commença Adalyn.

Je levai une main et la pointai du doigt.

_ Ferme-la, sifflai-je. Tu as voulu te débrouiller seule et tu as voulu m'enculer plus d'une fois. Désolé de préférer quand ça glisse plutôt que quand ça frotte.

Adalyn fit la moue et Benson leva les yeux au ciel.

_ Va te trouver un autre pantin. Ton dernier mari n'est-il pas mort en te laissant son petit pactole ?

Ma sœur collectionnait jusqu'à récemment les vieux maris bourrés d'argent. Tant qu'elle en avait un sous la main, je pouvais être tranquille. En revanche, quand elle n'avait plus personne à emmerder, il fallait qu'elle revienne vers moi. Ça ou un manque d'argent particulier.

Je vis Benson s'avancer dans la salle de bain. Sa main se referma sur le bras d'Adalyn et elle poussa un cri quand il la fit pivoter vers lui.

_ Je t'ai déjà dit que je ne voulais pas te voir ici Adalyn, cracha Benson à son visage. Qu'est-ce que je dois faire pour que tu ne reviennes plus ?

_ La baiser ? proposai-je.

Adalyn ouvrit sa bouche pour protester, mais Benson la traîna hors de la salle de bain. Je serrai un instant le lavabo entre mes doigts et pris une longue inspiration. J'entendis les cris de ma sœur jusqu'à ce que Benson l'envoie lui-même dans une voiture et ne la ramène chez elle.

Je terminai de me préparer, écartant toutes mes pensées qui se tournaient vers ma sœur. Vers les choses qu'elle m'avait prises, vers les souvenirs qu'elle m'avait volés, vers les épreuves qu'elle m'avait fait subir.

Dans ma chambre, je trouvai une tenue digne de ce nom et l'enfilai. Je préparai ma valise pour le week-end, cachant les deux cadeaux que j'avais prévu pour Levi et Ezra. Je fermai la valise et partis à la recherche de mes gants. Ne les trouvant pas, j'abandonnai et me dirigeai vers la cuisine. Ma gouvernante qui s'y trouvait en train de faire à manger à une Talia épuisée me demanda si je souhaitais dîner avant de partir. Je refusai poliment.

Talia observa ma valise, puis moi. Je la vis retenir un soupir. Elle avait enfilé un vieux jogging à moi, un pull de son université qui lui allait encore et ses cheveux étaient un bazar sans nom sur sa tête. C'était rare de la voir ainsi, mais je ne relevai même pas. Je n'en avais pas envie ce soir, surtout en sachant que j'étais probablement la cause de tous les malheurs de Talia, Benson et Brackston compris ce soir. Donc, j'esquivai et je filai à Malibu, au bord de la mer, dans un chalet bien planqué de toute la civilisation parfois malsaine de Los Angeles.

**

Le rire de Levi résonna derrière moi au moment où je réceptionnai les courses qu'il m'avait demandé pour ce week-end. Nous avions eu un vendredi soir très agité et nous en avions profité pour exorciser certains problèmes encore en suspens. Je pris les deux grosses caisses qui avaient été déposées très tôt ce matin et les rentrai à l'intérieur pour les ranger.

Levi débarqua en boxer, avec quelques marques sur le corps dû à des gens très coquins hier soir.

_ J'ai trop envie de cuisiner ! s'écria-t-il en m'arrachant le cagot de produits frais.

Il ne m'avait pas demandé grand-chose et pour que nous puissions cuisiner avec lui, il avait choisi des plats simples. Ce midi, ce serait pâtes en plat et un dessert aux fruits et à la crème. J'avais déjà hâte.

Ezra arriva un peu plus habiller que Levi, avec un jogging à la main et un t-shirt pour notre amoureux. Je refermai la porte de mon pied et embarquai l'autre cagot à la suite de Levi.

_ Un enfant le jour de Noël, remarqua Ezra en me tendant sa bouche.

Je l'embrassai chastement et passai dans la cuisine immense du chalet. Je l'avais spécialement construite pour que Levi se croie dans la cuisine d'un restaurant. Il y avait donc des étagères industrielles avec de l'équipement qu'il avait lui-même acheté et rangé. Il avait demandé à la gardienne du chalet de venir utiliser la nourriture ici quand nous n'y étions pas et de la réassortir quand nous venions. Au milieu de l'espace, il y avait un immense plan de travail qui nous permettait autant de cuisiner que de manger dessus. Sur la droite de la cuisine, il y avait un immense fourneau, comme à l'ancienne. Levi adorait cette cuisine et j'étais heureux d'avoir pu lui offrir ça.

Je déposai le cagot sur le plan de travail et Levi se hâta de ranger et d'ordonner comme il le souhaitait.

_ On commence par les pâtes ! commanda-t-il.

Il enfila les fringues qu'Ezra lui donna. Il se baissa sous le plan de travail et en tira trois tabliers blancs. Il les noua à nos hanches et reçut un baiser de chacun d'entre nous. Levi nous avait toujours dit à quel point il aimait cuisiné avec nous et que nous prenions le temps de le faire avec lui. Ce n'était pas parce qu'il était chef qu'il ne prenait pas plaisir à nous apprendre, au contraire. Et j'adorais cuisiner sous ses ordres.

_ Ce sont les pâtes de Scarlett, du film Chef, nous indiqua Levi en sortant le persil de sa botte.

Il en mit un bon paquet dans un immense saladier en inox.

_ L'idée est de découper pendant que les pâtes cuisent. Ensuite, on cuit ce qu'on a découpé et on incorpore les pâtes avec. Ça vous va ?

Ezra hocha la tête et fut au persil. Comme je débrouillai bien avec la mandoline, je fus placé à la mission de couper l'ail.

_ On a besoin de citron, de parmesan, de beurre, de sel, de poivre, d'ail, d'huile d'olive, de persil, de piment et surtout de spaghetti ! énonça Levi en déposant le reste des aliments sur le plan de travail.

Je ris et récupérai la mandoline. Levi me la calibra pour que les tranches d'ail soient fines. Il me rappela de faire attention et je lui mis un petit coup de hanches. Il était concentré et il était passé en mode-chef. J'adorais ça. Je m'appliquais à dépiauter l'ail de sa peau et les plaçait à ma droite. Une fois fait, je me mis à les découper. Levi venait de plonger les spaghettis.

_ J'ai entendu dire que quand on fait des pâtes au fruit de mer, il faut aller chercher de l'eau de mer, raconta Ezra.

Levi rit et hocha la tête.

_ Ton chef t'a déjà demandé d'aller chercher de l'eau de mer ? Littéralement ? relevai-je en regardant Levi.

Ce dernier prit un couteau pour m'aider à couper finement l'ail.

_ Tu vas le chercher dans des sauts ouais, acquiesça mon amoureux. Ou tu peux demander à des pêcheurs. Tu les payes pour qu'ils t'en ramènent.

_ Ça doit être compliqué quand tu es dans un coin sans flotte.

_ Tu t'y prends à l'avance quoi, ricana Levi en voyant la tête d'Ezra.

_ Il paraît que mettre de l'huile n'est pas une super idée pour le goût, ajoutai-je. Est-ce une fausse idée ?

_ Mitigé, répondit Levi en se redressant. Je dirais que quand tu cuisines à la maison pour toi, tu peux te permettre de mettre un peu d'huile dans ton eau pour que tes pâtes ne collent pas. Ça n'enlèvera pas de goûts particuliers à tes pâtes, mais certains chefs ne sont pas fans de cette technique, car justement, le goût de l'huile peut masquer le goût des pâtes. Surtout si ce sont des pâtes faites maison.

Ezra prit un couteau pour commencer à trancher son persil. Il tenta de le couper finement, mais ne semblait pas satisfait. Levi me demanda d'approcher. J'essuyai mes mains collantes sur mon tablier et laissai Levi me placer face au plan de travail.

_ Il ne faut pas trop découper l'herbe, sinon tu risques de l'abîmer. Il faut que tu ailles simplement en demi-lune, comme ça.

Levi posa ma main droite sur le manche du couteau bien aiguisé et ma main gauche sur le haut de la lame. Il effectua un arc de cercle, comme une demi-lune, pour hacher le persil. Il me fit remonter deux fois ainsi et décréta que c'était bon.

Le petit bip sonna pour les pâtes. Ezra aida Levi à recueillir une partie de l'eau des pâtes pour l'utiliser plus tard et nous nous dirigeâmes vers les fourneaux. Levi nous demanda de réunir nos ingrédients au plus proche de nous et nous nous exécutâmes.

_ On va faire revenir l'ail dans cette huile, nous expliqua-t-il. Il va falloir être vigilant, car il ne faut pas que l'ail soit trop cuit et perde son goût. Au bon moment, on ajoutera le piment, le persil, le sel et le poivre.

Nous hochâmes la tête et bientôt les tâches s'enchaînèrent. Une fois que l'ail fut cuit, nous ajoutâmes nos ingrédients. Levi mit le piment, je mis le persil et Ezra ajouta le poivre et le sel. Levi plaça les pâtes dans l'immense poêle, ainsi que l'eau des pâtes qu'il avait récupérée. Il demanda à Ezra d'ajouter une grosse noix de beurre et j'y ajoutai le citron à la suite.

Levi eut le temps pendant que nous terminions ça de placer trois grandes assiettes creuses sur le plan de travail. Il me donna une espèce de grosse fourchette à deux longues tiges.

_ Tu les roules et les déposes gentiment au milieu de l'assiette.

_ Tu es sûr de ne pas vouloir le faire ? Le dressage ce n'est pas mon truc.

Il me jeta un coup d'œil de chef.

_ Chef, oui, chef, répondis-je.

Je m'appliquai autant que je pus et bientôt, une petite montagne de pâtes se forma devant nous.

_ Mangez vite ! nous ordonna Levi. C'est un plat qui se mange vite !

Je me jetai sur les pâtes qui semblaient divinement bonnes. Je me brûlai un peu, mais pas assez pour ne plus sentir le goût, alors j'enfournai une autre bouchée. Je gémis de plaisir.

_ C'est délicieux ! s'écria Ezra.

_ C'est le genre de plat quand ton chef te dit d'envoyer, tu envoies, tu ne poses pas de questions, nous expliqua Levi en continuant de manger. Il faut que tu aies droit à la vraie saveur.

Je regardai Ezra et Levi manger avec appétit, leurs sourires étirant leur beau visage dans une expression de pur bonheur.

Comme j'aimais ces moments entre nous.

Comme j'aimais les avoir rien que pour moi.

Néanmoins, une petite voix me rappela qu'il n'y avait pas que moi qui avais droit à ce genre de cours.

Est-ce que cela me dérangeait ?

Je n'en savais fichtrement rien.

Je voulais simplement profiter de mes deux hommes.

Parfois, la vie pouvait être savourée très simplement.

Comme pour préparer un plat.

Il fallait le faire pour l'amour de la cuisine et par amour pour les gens qu'on nourrissait.

Parfois, c'était simple.

Parfois. 

**

On en pense quoi de la sœur de Soren ? 🤣🤣

Comme promis ❤️

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top