29. Hakuna Matata

LEVI

J'entendis la porte se fermer derrière Soren quand il partit sans rien dire de plus. Je restai debout à côté du lit, attendant qu'Ezra remonte, mais j'entendis bientôt la douche preuve qu'il ne viendrait pas se recoucher. Je m'assis à côté d'Athena, l'observant un instant en me demandant ce que ça me faisait d'apprendre ça d'elle.

Soren nous avait raconté qu'il avait couché avec une mineure il y a quelques années de ça déjà. Il nous l'avait raconté quand nous n'étions pas encore vraiment dans une relation engagée les uns envers les autres. Il nous avait raconté ça comme aux deux hommes qui faisaient partie de sa vie pour le tenir hors de l'eau. Du moins, Ezra l'avait tenu hors de l'eau à l'époque, moi j'étais en cure de désintoxication. Je n'avais revu Soren que lorsque j'étais sorti et cela faisait déjà quelques mois qu'il était revenu de la guerre, flingué et bourré de traumatismes psychologiques. Bizarrement, il avait été vu comme un héros grâce à sa dernière mission qui avait sauvé nombre de familles. Et la façade qu'il présentait au monde était appréciée, même si nous savions la vérité.

Il nous avait raconté avoir rencontré une jeune femme qui l'avait aidé à sortir de ce trou noir dans lequel il s'enfonçait. Qu'elle n'eût pas eu à faire grand-chose, juste à le regarder, à lui sourire et à lui dire que tout irait bien. Il en avait toujours parlé comme une sorte d'apparition, d'ange. À l'époque, il n'aimait que les hommes, ce qui nous avait conforté avec Ezra que c'était peut-être simplement un rêve comme un autre. Ou une volonté inconsciente de trouver une femme pour les yeux du monde, car son homosexualité ne serait pas acceptée s'il se lançait dans la politique comme on lui avait suggéré de le faire.

C'était une période très sombre de l'histoire de Soren et nous en parlions peu. En fait, nous n'en parlions jamais.

Étrangement, à la suite de cette rencontre, Soren avait changé et nous nous étions tous les trois rapprochés avec Ezra, nous avouant certains sentiments, sans nous lier littéralement.

Nous nous étions voilé la face. D'une certaine façon, Ezra avait tenté de ne pas le voir en continuant à chercher d'autres personnes à fréquenter quand Soren nous abandonnaient au profit de son identité factice. Personnellement, je plongeai dans mon travail, car j'étais trop amoureux d'Ezra et de lui pour croire qu'il serait vraiment capable de nous laisser pour de bon.

Je soupirai et frôlai la hanche d'Athena. Elle avait été amoureuse de Soren et elle m'avait avoué que d'une certaine façon elle l'était encore. Je ne lui avais jamais posé la question de ce qu'elle pensait des relations polyamoureuses et je n'étais pas sûr qu'elle soit prête à en entendre parler. Néanmoins, elle savait que je couchais avec Ezra et elle n'en avait rien dit pour l'instant.

Je secouai la tête, ne voulant pas aller sur ce terrain-là. Soren avait lâché sa bombe comme si tout cela était normal. Je ne parvenais pas à comprendre pourquoi ni dans quel but il l'avait fait. Pour être honnête ? Certes. Néanmoins, je connaissais assez Soren pour savoir qu'il était honnête avec ses raisons. Ezra m'avait dit que Soren et Athena s'étaient croisés sur un plateau de télévision, donc c'était évident qu'ils s'étaient revus depuis. Si Athena ne nous en avait pas parlé, c'était aussi une volonté de sa part que nous ne sachions pas cette partie de sa vie.

Je frottai mes tempes et me rallongeai à côté d'elle. Elle grogna quelque chose dans son sommeil et roulai sur son flanc, se rapprochant de moi. Je voulais cette jeune femme dans ma vie. Je voulais tenter quelque chose avec elle.

Et je ne voulais pas que Soren gâche tout ça.

Je l'aimais. Je l'aimais bien trop, l'attendant, espérant encore et toujours qu'il nous choisirait à un moment.

Je savais cependant que ça n'arriverait pas tout de suite et qu'il faudrait sans contenter jusque-là. Cependant, je ne voulais pas me contenter de moments volés avec Athena. Je voulais une relation avec elle et égoïstement, je voulais qu'Ezra soit là lui aussi. Une personne hétérosexuelle et monogame n'aurait jamais compris ma façon de penser, car pour elle, le fait d'aimer une personne était une mesure de loyauté.

Pour moi, pouvoir aimer plusieurs personnes et avoir assez confiance en eux pour les laisser faire partie de sa vie était une autre mesure de loyauté, qui allait même au-delà du respect. C'était embrasser le fait que nous étions humains, que nos sentiments étaient illimités et que parfois, il fallait juste trouver les personnes à qui vous vouliez les donner.

En remontant avec mes deux tasses de café, je sus que c'était une journée plutôt calme que nous allions avoir, alors il fallait que je tente quelque chose. Ou au moins convaincre Athena de rester avec moi aujourd'hui.

Je me dirigeai vers la chambre où je la découvris en train de s'étirer et de bâiller à s'en décrocher la mâchoire. Elle couina de douleur en touchant sa joue malmenée.

_ Tu devrais aller porter plainte, ronchonnai-je.

Elle s'assit dans le lit et me sourit en voyant le café que je lui tendais. Je m'assis à mon tour et fis glisser ses jambes nues sur mes cuisses, posant ma main sur son genou.

Elle pencha doucement la tête et but une première gorgée de son café brûlant.

_ Ses foutus connards seraient capables de nous la mettre à l'envers.

Elle sirota de nouveau son café et me regarda en fronçant ses sourcils.

_ Oui Levi ?

_ Tu me donnes ma chance alors ? soufflai-je en la regardant de sous mes cils.

Elle rougit un peu avant de hocher la tête, cachée derrière sa tasse de café.

_ Alors je peux réclamer un peu de ton temps aujourd'hui ?

_ Disons que je choisis de le passer avec toi, admit Athena en faisant la moue.

Je ris et lui retirai sa tasse de café. Elle ronchonna en me voyant déposer les deux gros risques de brûlures sur la table de chevet. Je tirai sur ses jambes pour qu'elle soit à ma hauteur, mais avant d'avoir pu poser ma bouche sur la sienne, ce fut sa main qui rencontra mes lèvres.

_ Lavage de dents avant ! s'écria-t-elle. J'ai bu hier soir et j'ai laissé des microbes se décomposer et se repaître dans ma bouche. Tu veux embrasser ça ?

Je me mis à rire tandis qu'elle gigotait et s'échappait de ma prise. J'aperçus sa culotte supergirl avant qu'elle ne disparaisse derrière la porte de la salle de bain. J'avais eu le temps de me laver le corps et les dents bien avant qu'elle ne se réveille. Ezra avait choisi d'aller travailler un peu ce matin, même si ce n'était pas le jour de boulot habituel.

Je pouvais donc profiter d'Athena autant que je le voulais et ça faisait partie de mon plan.

Je n'eus pas le temps de sortir du lit qu'elle revint en courant et me sauta dessus. Nous heurtâmes le matelas avec des rires. Je réussis à m'asseoir, Athena sur mes cuisses.

_ Je sais pas trop comment on devient un couple, admit-elle en grimaçant. Je suis pas très douée pour nouer des liens.

_ Crois-moi, soufflai-je, tu es bien plus douée que tu ne le penses.

Elle rougit et rit doucement. Je glissai ma main sur sa nuque et elle ferma doucement ses paupières. Nos fronts se frôlèrent avant de s'écarter pour que nos bouches se touchent. Nous échangeâmes un long baiser qui me rappela à quel point j'avais aimé notre première soirée tous les deux. J'en voulais d'autres et je voulais lui faire plaisir sur beaucoup de choses.

Je voulais me donner à fond, comme je le faisais pour Ezra et Soren.

_ Tu avais des trucs à faire aujourd'hui ou je peux te proposer un peu d'indécence ? soufflai-je contre ses lèvres humides de notre baiser.

Elle haussa ses épaules et se mordit la lèvre.

_ Qu'est-ce que tu proposes de si affreux ?

_ Canapé, film, nourriture, soufflai-je.

Athena fit exprès de frissonner et de roucouler en même temps. Je ris et embrassai son cou.

_ Tant que tu me nourris, je pense survivre à n'importe quoi, dit-elle.

_ Je nous sortirais plus tard. J'ai l'impression qu'une journée à l'intérieur de ne te fera pas de mal.

Mon doigt frôla son bleu et elle frémit doucement. Elle finit par accepter mon plan et nous nous sortîmes du lit avec quelques rires.

Pendant qu'Athena passait sous la douche, je nous préparai un petit déjeuner plus consistant et attendis qu'elle descende. Elle le fit quelques minutes plus tard, vêtue de ses sous-vêtements et d'une chemise d'Ezra, assez longue pour cacher le haut de ses jambes jusqu'à ses genoux. Elle déposa les deux tasses de café que j'avais oublié dans l'évier et vint se placer à mes côtés pour m'observer faire les pancakes.

_ Tu manges quoi en général avec ? m'enquis-je en embrassant son nez qui m'attirait bien trop.

Elle parut apprécier mon rapprochement physique, ce qui me conforta dans le fait qu'aujourd'hui serait aussi une journée câlins. Nous étions tous très tactiles dans le groupe et je voulais qu'elle aime ça autant que moi.

_ Des fruits et du sirop d'érable me répondit Athena en jetant un coup d'œil dans le frigo.

Elle se servit en jus d'orange frais et m'en proposa à même son verre. J'en bus et savourai la douceur de la boisson.

_ Je te ramènerai du sirop d'érable de chez moi. Tu verras, rien n'est plus comparable après ça.

Athena grimpa sur un tabouret en face de moi et posa ses coudes sur le bar de l'ilot.

_ Tu es de quelle ville du Canada ? s'enquit-elle en piquant une fraise dans le bol de fruits que j'avais préparé.

Je retournai les pancakes qui chauffaient et fus content de leur couleur. Cette odeur avait le don de me rappeler mon enfance, qui n'avait pas forcément été toute rose.

_ Toronto, lui expliquai-je en faisant couler une nouvelle tournée de pancakes.

_ Tu as des frères et sœurs ?

_ Beaucoup.

Athena haussa un sourcil, attendant une précision.

_ Tu ne m'as parlé que de ta grand-mère, me rappela-t-elle avec douceur.

_ Parce qu'il n'y a vraiment qu'elle qui m'a aidé, soupirai-je. Avoir une famille nombreuse n'est pas simple, encore moins avec le vécu de la mienne. Mon père a vécu la guerre très jeune et il a dû se faire sa place au Canada pour devenir le médecin réputé qu'il est.

_ Votre famille possède des origines polonaises non ?

Je hochai la tête. Je continuai mon manège avec les pancakes tout en essayant de répondre de la plus honnête des façons à ses questions. Ma famille n'était pas le sujet préféré que j'avais en tête, mais il fallait bien apprendre à se connaître.

_ C'est ça. Ma grand-mère a été avisée de partir avant que la guerre n'explose. Elle m'a toujours dit qu'elle l'avait senti et malgré le refuse de mon grand-père de partir, elle s'est enfuie avec ses enfants.

Je regardai Athena et souris doucement.

_ Ma grand-mère en a profité pour refaire sa vie avec une femme, lui appris-je.

Elle ouvrit grand sa bouche et sembla carrément curieuse de connaître cette histoire.

_ Tu en dis trop ou pas assez ! s'écria-t-elle.

_ À table ! m'exclamai-je.

_ Non, je veux la suite !

Je dus enrouler mon bras autour de son ventre pour la déposer sur le canapé et allai chercher le reste de la nourriture. Assis sur le tapis devant un fond de musique, Athena mangea avec appétit ce que je lui avais préparé.

_ C'est tellement bon, gémit-elle.

J'essuyai une goutte de sirop d'érable de sa joue et suçai mon doigt pour ne pas en mettre partout. Athena fit la moue avant de glousser.

_ Tu es un dieu de la nourriture hein ?

_ Tu crois que j'arriverais à te séduire avec tout ça ? dis-je en haussant un sourcil.

_ Comme si tu ne le savais pas.

On termina notre repas en se racontant quelques anecdotes joyeuses des voyages qu'on avait pu faire. Mon regard accrocha soudain une cicatrice sur le haut de sa cuisse et je ne pus m'empêcher de la frôler. Athena se figea, un bout de pancake au bord des lèvres.

_ Je peux la voir ? soufflai-je.

Elle déglutit difficilement et grimaça.

_ Ce n'est pas glamour, remarqua-t-elle en me jetant un coup d'œil inquiet.

_ Je te trouve magnifique, Athena, murmurai-je contre sa bouche. Ne pense pas que ce qui fait partie de toi pourrait me repousser, car tu n'aurais rien compris à ma personne dans ce cas là et je serais très déçu.

Elle soupira et déposa la fin de son pancake dans son assiette. Elle se leva, s'appuyant sur son autre jambe pour déplier celle qu'elle devait me montrer de plus près. Je restai assis, mon visage se retrouvant au niveau de ses hanches. Je me concentrai non pas sur un de mes boxers qu'elle avait dû emprunter faute d'avoir embarqué de quoi se changer, mais sur la longue marque d'un rouge plus sombre que sa peau blanche. Même si c'était depuis longtemps cicatrisé, on voyait que cela avait été une assez grosse chirurgie. La cicatrice s'était aplatie et semblait douce. Elle remonta le long de sa hanche, formant une longue ligne.

Athena frémit quand mon doigt se posa dessus.

_ Tu ne préfères pas que je touche ? soufflai-je.

Elle haussa ses épaules une fois de plus. Je posai ma main entière dessus, tentant de sentir si quelque chose était différent à l'intérieur, mais je n'arrivais pas à savoir ce qu'elle avait subi comme chirurgie.

_ Tu me verras comme une vieille mamie si je te le dis, geignit-elle en secouant la tête.

_ Je te vois déjà comme une vieille mamie, contrai-je.

Athena observa ma main sur le côté de sa hanche, puis finit par soupirer. Elle s'installa de nouveau à ma droite. Je posai mon bras sur le canapé et frôlai doucement son épaule.

_ Est-ce que ça un lien avec cette cicatrice-là ? murmurai-je en écartant à peine la chemise de son épaule où j'avais pu apercevoir une autre marque.

Athena grimaça et me jeta un coup d'œil un peu revêche.

_ Tu veux donc tout savoir hein ? maugréa-t-elle.

J'embrassai doucement sa joue, puis sa tempe.

_ Je veux juste te connaître, petite perle. Si tu ne veux pas le dire, je comprendrais.

_ J'ai eu un accident de voiture, il y a longtemps, dit-elle en regardant ses mains s'agiter dans son giron. Ma voiture a quitté la route et s'est enfoncée dans un arbre.

Je déglutis et caressai sa nuque doucement, écoutant attentivement la confidence qu'elle me faisait.

_ Le tronc a écrasé tout le côté conducteur. J'ai eu plusieurs côtes brisées et ma hanche ainsi qu'une partie de mon pelvis ont été pulvérisés par l'impact.

Je retins mon souffle. Je n'imaginai même pas la douleur que cela avait dû être pour elle.

_ Les dégâts étaient trop importants, donc mon chirurgien a trouvé ça sympa de me transformer en robot. Et celle du dos, c'est parce qu'une branche a traversé le pare-brise et s'est enfoncée dans mon épaule. Sauf qu'en voulant me sortir de la voiture, l'homme qui m'a sorti de là s'est un peu raté et j'ai déclaré une infection à la suite de ma chirurgie. D'où la sale trace. Sans compter les brûlures.

_ C'était un très grave accident.

Athena me regarda avec un petit sourire triste.

_ D'après les médecins, je n'aurais pas dû survivre. Si Ingo n'était pas passé là à ce moment-là, les flammes auraient eu raison de moi bien avant cette branche.

_ Tu as été très courageuse, j'en suis sûre, soufflai-je, ému.

Athena haussa ses épaules. J'embrassai ses lèvres, doucement, chastement. Elle pressa son doigt contre mes côtes pour se donner un peu de temps.

_ Disons qu'on remet pas mal de trucs en perspective à la suite de ce genre d'accident, admit-elle. Alors, j'ai décidé de vivre une vie sans souci.

Je ris.

_ Hakuna Matata, hein ?

Athena sourit, une expression soulagée sur le visage.

_ Hakuna Matata, acquiesça-t-elle.

_ J'adore cette philosophie.

_ Et moi donc.

_ Je suis heureux que tu t'en sois sortie, ajoutai-je. Et je suis très heureux que tu me donnes une chance de faire partie de ta vie.

_ Je fais ça seulement pour la bonne bouffe, dit-elle en regardant la télévision.

Je restai suspicieux pendant quelques secondes avant qu'elle ne me jette un coup d'œil moqueur.

Je fondis sur elle et elle éclata de rire.

Ce son me rendait fou.

Je voulais avoir ce son tous les jours.

Il me faisait du bien.

Il me guérissait même un peu à chaque fois que je l'entendais. 

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Un pdv gratuit de Levi Athena 200% ❤️❤️

Hakuna Matata 😍

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