27. Gros cons et case prison


EZRA

Ce qui se passait devant les caméras n'était qu'une partie du tournage, qu'une infime partie du travail que nous devions fournir pour un seul épisode. Il ne s'agissait pas juste d'arriver vers notre candidat sélectionné et de changer sa vie et sa vision de lui-même. Une fois la personne choisie et avant la toute première rencontre, nous avions besoin d'au moins deux semaines pour nous préparer et surtout voir dans quels lieux nous allions pouvoir amener la personne.

Deux semaines sans temps mort, à repasser à la loupe le profil du candidat et à nous faire une idée sur lui. Qu'est-ce qu'on allait pouvoir lui proposer ? Quels étaient les éventuels blocages que nous allions rencontrer ? C'était un tout et parfois, j'avais l'impression de devoir avancer avec précaution, moi qui restais du genre à foncer tête baissée, quitte à se prendre un mur à l'arrivée.

Bavard comme pas possible, je surprenais souvent les moues amusées du staff et j'en arrivais à épuiser très vite mon petit monde.

Nous passions dans des villes presque inconnues jusqu'alors, bien souvent des bourgades minuscules où les préjugés se bousculaient devant la porte des habitants. Imaginez deux minutes les têtes lorsque cinq gays débarquaient dans un endroit somme toute conservateur où la seule bonne parole venait du prêtre du coin. Je ne crachais pas sur Dieu, mais je m'en fichais. Je n'avais pas connu une enfance où chaque dimanche j'étais allé écouter le sermon du coin, à l'inverse de certains dans notre groupe. Je n'avais pas eu l'impression de m'être détourné d'une voie toute tracée. Aucune hérésie pour moi dans le choix de ma sexualité.

Je m'assumais et je m'aimais. Je ne faisais qu'un avec mon orientation sexuelle. Que ça plaise ou non ne me faisait ni chaud ni froid. Je vivais avec moi-même, pas avec les autres.

— Comment peut-on se négliger autant ? marmonnai-je devant la vidéo de présentation de notre futur candidat.

Un père de famille qui ne prenait plus soin de lui depuis que sa femme avait été hospitalisée sur une longue période suite à un cancer. Cette dernière avait vaincu la maladie, faisant partie de ce pourcentage de miraculés.

Durant cette affreuse période, John – le père donc, avait dû gérer seul ses trois enfants. D'où le fait qu'il s'était oublié d'une certaine façon. Je comprenais, mais je ne l'acceptais pas. Comment s'aimer quand votre apparence démontrait une certaine image de vous ?

— Il reste très bel homme, répondit Kai, caché dans le dressing.

— À n'en pas douter, mais quand même. Se sentir bien dans sa tête c'est se sentir bien dans sa peau.

Kai en savait long sur la question, lui qui avait connu une phase de dépression bien des années plus tôt. Encore maintenant il restait compliqué pour lui d'en parler, mais parfois, il se livrait. Nous le faisions tous les uns avec les autres, ayant trouvé en notre petit groupe une famille pour laquelle je me battais bec et ongles, n'ayant pas peur de recevoir des coups en retour. Nous avions tous, à un moment donné, été rejetés par les nôtres ou par notre entourage et aujourd'hui nous n'en étions que plus forts, plus aptes à aider.

Kai se pencha, un cintre dans la main, une moue un peu chiffonnée au visage.

— Je suis inquiet.

— À quel propos ? soufflai-je sans relever les yeux de ma tablette.

L'exercice de ce matin m'avait rendu quelque peu fainéant pour le reste de la journée. Je passais peu de temps à la salle de sport, c'était le truc de Levi ça, et quand ça m'arrivait, il fallait que je me fasse ouvertement draguer. Pas que ça me déplaise, loin de là – rien de meilleur pour booster son amour propre d'ailleurs. Mais voilà, maintenant, j'avais juste envie de trainer au loft toute la journée, de préférence en très bonne compagnie. Mais aucun homme de ma vie ne semblait disponible et je ne parlais pas de ma petite perle.

— De Levi, allons.

Kai déposa le vêtement sur le dossier de la chaise et vint s'installer à côté de moi. Pas sûr de comprendre de quoi il parlait, je finis par relever la tête.

— Il y a un problème avec Levi ?

Je l'aurais su, n'est-ce pas ? J'étais bien souvent en première ligne, alors rien ne pouvait me passer sous le nez. Ou presque. Mais quand même.

— Nous dégageons une certaine image et les gens nous suivent pour qui nous sommes. Je pense que–

— Tu parles de la langue de Levi dans la bouche de ma petite perle, c'est ça ? m'exclamai-je, la lumière se faisant enfin à tous les étages.

Kai roula des yeux, exaspéré. Il ne s'agissait donc que de ça. Kai adorait se monter le bourrichon.

— L'émission n'a pas encore été officiellement lancée et je ne voudrais pas qu'un scandale éclate.

— Tu es trop pragmatique, Kai, dis-je, dubitatif.

— Nous représentons toute une communauté, répliqua-t-il. Nous étalons nos vies sur Instagram et les plateaux et personne ne peut douter de...

— Du fait que nous aimons la queue et les boules ? gloussai-je sans pouvoir m'en empêcher.

Je l'avais volé à Levi, mea culpa.

— Sois sérieux deux minutes, s'il te plaît, ronchonna Kai.

Je lui caressai la joue avec un sourire tendre. Nous étions très tactiles les uns envers les autres, ne nous bridant à aucun moment. On s'embrassait, on se touchait, on s'aimait.

— Je le suis. Mais tu sais, nous sommes bien plus qu'une orientation sexuelle. Levi n'a jamais caché sa bisexualité.

— Certes, mais il ne s'est jamais affiché avec une femme jusqu'à présent. Je m'inquiète aussi pour Athena. J'adore cette fille et je ne voudrais pas qu'il lui fasse de la peine ou du mal. Nous avons tous nos démons.

Ah, ça oui. Amen, mon frère.

— N'allons pas trop vite dans nos inquiétudes, tempérai-je mon ami. Nous avons tous le droit à une intimité et à une vie en dehors de l'émission. Et pour le moment, ce que Levi fait, ou ne fait pas avec Athena concerne leur intimité.

Kai n'avait rien à répondre à ça, parce qu'il savait pertinemment que j'avais raison. Tant que ça ne desservait pas notre travail, où diable se situait le problème ? Et si Athena éprouvait elle aussi une attirance pour Levi, c'était d'autant plus simple.

Je claquai un baiser sur les lèvres de Kai qui s'apaisa dans la foulée. Il s'en retourna à son dressing et me laissa revenir à mes options de salon de coiffure pour notre prochain poulain. Tout le monde était bien occupé aujourd'hui, entre nos différentes missions et nos occupations à côté. Je savais Levi à la salle de sport en ce moment même. Ce soir, il avait une salle comble au restaurant et finirait donc tard dans la nuit. Il me retrouverait sous les draps alors que j'aurais chauffé sa place. Cette pensée me fit sourire un peu bêtement. La porte s'ouvrit sur Caleb et Athena. Tous les deux ricanaient sur je ne sais quel sujet et j'appuyai ma joue contre ma paume, observant la jeune fille sans même m'en cacher. Malgré la chaleur à l'extérieur, elle portait un pull en maille et un jean sombre. Elle avait tenté un chignon sur le sommet de son crâne, mais ça faisait plutôt l'effet d'une petite crotte. Désespérante petite chose...

Elle se glissa dans la cuisine pour se servir un thé et après être allée saluer Kai qu'elle n'avait pas encore vu de la journée, ses fesses se posèrent sur la chaise à mes côtés.

— Ma petite perle, dis-je d'une voix grave.

— Tu cherches un endroit où faire ta magie pour le prochain épisode ? s'enquit-elle toujours aussi curieuse.

— Tu me prends pour un magicien ?

Je papillonnai des cils et ça sembla l'amuser. Elle souffla sur son breuvage avant d'en prendre une petite gorgée, de peur de se brûler le palais.

— Qu'est-ce que tu fais ce soir ? demandai-je.

— Je sors, s'exclama-t-elle, comme si ça tenait de l'exploit et qu'il fallait donc le souligner. Je retrouve mon meilleur ami dans un bar avec certains de ses amis.

— Ton meilleur ami ?

Athena parlait peu d'elle. Elle ne se dévoilait jamais entièrement, n'y trouvant peut-être aucun intérêt, pour ce que j'en savais. J'avais adoré ces cinq minutes avec elle durant le speed-dating, nous prenant tous les deux au jeu de la découverte.

— Prince est un sacré personnage, avoua-t-elle.

La coïncidence pouvait-elle être aussi grande ? Le jeune homme qui m'avait approché, pas plus tard que ce matin, s'était présenté comme s'appelant Prince. Une approche dénuée de toute finesse soit dit en passant, mais j'aimais quand les gens ne cherchaient pas à s'encombrer inutilement.

Le Prince de la salle de sport était-il le même que celui dont Athena me parlait ? Voilà au moins un fait qui eut le don de me rendre plus curieux.

— Tu peux venir si tu veux, me surpris Athena.

Elle ne savait pas que nous avions été tous les deux invités par la même personne. J'adorais ça ! Un peu moins qu'il s'agisse du meilleur ami de ma petite perle. On ne pouvait pas tout avoir dans la vie, n'est-ce pas ?

— Je crois que je me suis fait outrageusement draguer par ton ami ce matin.

Athena cligna plusieurs fois des paupières avant d'éclater de rire, attirant le regard des garçons dans le loft.

Elle attrapa son téléphone, le déverrouilla et sembla chercher une photo dudit Prince. Lorsqu'elle me le montra, il n'y avait plus aucun doute possible. Que le monde était petit, même à L.A !

— Définitivement lui, dis-je en hochant la tête.

— Il n'en loupe vraiment pas une, marmonna-t-elle, plus amusée qu'agacée cela dit. Il a des approches assez... particulières.

Je m'accoudai à la table et approchai mon visage de celui de notre assistante.

— Serais-tu en train de tenter de s'excuser à sa place, ma petite perle ?

Athena gonfla ses joues et haussa les épaules. Le fait que je sois si proche d'elle ne semblait absolument pas la troubler. À cause de Levi ? Je n'appréciais que très moyennement d'être à ce point ignoré. Moi aussi je pouvais être aussi à croquer que lui si je le voulais.

— Prince est inconstant dans ces choix de partenaires, enchaina Athena. Ne te laisse pas avoir par sa belle gueule.

— Tu te ferais du souci pour moi ? minaudai-je. Il faut bien que je m'occupe maintenant que tu me voles sans vergogne mon Levi.

La rougeur éclata sur ses joues et elle ne trouva rien à répondre à ça. Petite maligne. La taquiner un peu ne lui ferait pas trop de mal.

— Mais je me ferais un plaisir de venir avec toi ce soir. On pourrait peut-être aller manger quelque part avant ?

— D'accord. J'irais chercher des affaires à la mai–

La tête de Kai dépassa du dressing :

— J'ai tout ce qu'il faut ici, ma chérie, dit-il avec une gestuelle loufoque.

Athena ne se retint pas de lever les yeux au ciel puisque j'étais le seul en face d'elle. Elle me fit un clin d'œil et nous convînmes donc que nous partirions d'ici vers dix-neuf trente. Je passai donc le reste de la journée à travailler quand Athena reparti avec Caleb. Kai nous fit couler du café et nous grignotâmes un morceau peu après dix-sept heures. Jakob ne cessait d'encombrer notre conversation de groupes d'images animées plus horribles les unes que les autres. Levi m'écrivit après le sport et me promit qu'il essaierait d'être là avant deux heures du matin. Des envies de discuter ? Il fallait dire qu'il ne m'avait encore pas parlé d'Athena, pas ouvertement en tout cas. Et je ne l'avais pas interrogé sur le sujet non plus, préférant que ça vienne de lui. Alors je me montrais patient, dans la mesure du possible lorsqu'on me connaissait bien. Et de l'autre côté, il y avait Soren pour qui la pilule de la dernière avait du mal à descendre. Rien de nouveau dans notre trio. Nous avions posé des règles au départ, mais il arrivait qu'on les ignore à dessein un peu trop facilement à mon goût. Levi restait à fleur de peau concernant Soren et ce n'était pas près de changer selon moi. Je n'aimais pas avoir la place du milieu, à tenter d'apaiser les deux parties, mais ça arrivait de plus en plus souvent. Et un autre sujet travaillait Soren.

D'après lui, Athena nous aurait vus au salon la dernière fois qu'il était venu. Je ne l'avais pas interrogé sur cette peur, pas plus que sur cet étrange moment dans le couloir. Il y avait eu un truc. L'espace d'une seconde je m'en étais rendu compte, avant de complètement l'occulter. Mais après le message de Soren concernant notre assistante, c'était un peu comme si certaines pièces s'emboitaient mieux que d'autres. Je comprenais sans mal la peur de Soren, surtout si effectivement Athena avait été témoin de notre échange, mais tout de même. Pour l'instant, je préférais laisser tout ça de côté.

Je m'enfermai à la salle de bain pour me préparer pour cette soirée et optai pour garder mes cheveux détachés. Je passai un peu de crème sur ma peau et piquai des fringues dans le dressing de Kai. Une tenue passe-partout avec une petite touche un peu plus... moi. Je me fis un clin d'œil à travers le miroir et Kai gloussa.

Athena débarqua peu de temps après et Kai l'attrapa sans lui laisser le temps de se plaindre. J'entendis leurs échanges et les grognements de ma petite perle. Elle ne lâchait rien face à un Kai très sûr de lui. C'était d'un drôle ! Je me gorgeai de les entendre s'envoyer quelques piques, amusé au possible. Sans trop de surprise, les deux eurent gain de cause. L'ensemble d'Athena restait sobre, mais classe et féminin. Pas de gros pull cache-misère. Juste un vêtement en cachemire qui semblait très, très doux.

Tasse entre les doigts et presque avachie sur le plan de travail, je la reluquai sans honte.

— Je peux te coiffer ? demandai-je.

— Non, répliqua-t-elle en me fusillant du regard.

— Quelle humeur, dis-je, moqueur.

Kai surgit derrière elle et lui tapa le cul.

— J'adore nos séances, osa-t-il dire.

Athena se retint de justesse de lui présenter son doigt le plus intéressant. Je jetai un coup d'œil à mon poignet pour aviser l'heure.

— Tu es prête, princesse ?

— Surnom de gamine capricieuse, cingla-t-elle.

— J'accorde, ris-je sans plus pouvoir m'arrêter.

Je lui tendis sa veste et ses affaires et ses traits s'adoucirent un peu. Je saluai Kai d'un geste de la main et posai cette dernière dans le creux des reins de ma compagne pour la soirée.

Je la laissai nous amener dans un endroit qu'elle connaissait, ayant compris que les grands restaurants ne semblaient pas être sa tasse de thé. Nous nous retrouvâmes dans un boui-boui tout petit où son corps se retrouva contre le mien et où son coude me heurtait presque à chaque fois qu'elle portait sa fourchette à sa bouche. Pour autant, j'y mangeai bien et j'appréciai l'ambiance du lieu. Athena semblait prendre beaucoup de plaisir à faire découvrir des lieux inconnus de la ville, du moins pour des personnes comme moi. Ou Levi. Ou Kai, ou Jakob et Caleb. Bref, nous tous. Pas que nous ayons des attentes particulières, mais notre style de vie témoignait de notre réussite professionnelle et personnelle. Alors oui, j'appréciai assez qu'Athena m'amène ici, me fasse goûter à de la nourriture dont j'ignorais l'existence jusqu'alors. Elle, elle semblait s'en délecter à chaque fois. Elle mangeait avec appétit, se fichant d'en avoir plein le menton ou les doigts.

Naturelle.

Elle-même.

Son côté rien à foutre du regard des autres.

Moi, ça me parlait. Malgré tout, je sentais cette fêlure en elle, comme une tâche sombre sur sa peau, une ombre à l'orée de ses pupilles.

Nous restâmes plus longtemps que prévu. Elle m'invita sans me laisser le temps de protester et elle m'entraîna dans le métro. Il n'était pas loin de vingt-deux heures. Encore un truc que je ne faisais jamais ; que je ne prenais jamais, évitant ça comme la peste bubonique. Au moins. Mais avec elle, pas le temps d'ouvrir la bouche. Droit comme un piquet, je sentais ses œillades moqueuses. Elle pianota sur son téléphone avant de le glisser dans son sac et me fis signe qu'on descendait ici. Elle semblait très à l'aise, se fondant parfaitement avec la foule autour de nous, habituée à zigzaguer dans les souterrains. Moi, beaucoup moins. Nous émergeâmes de nouveau à l'air libre. La soirée se voulait douce, encore un peu moite même.

— Je n'arrive même pas à savoir où nous sommes, avouai-je.

— Je serais ton chemin de cailloux si tu te perds, dit-elle en référence au Petit Poucet.

Nous entrâmes dans un bar bondé à l'ambiance électrique. Plutôt collé serré ici. Athena brava la foula sans une once d'hésitation et nous amena vers le fond, là où les tables s'alignaient avec des chaises et des banquettes.

Je repérai sans mal Prince. C'était un jeune homme avec un charme qui frisait l'obscénité. Son regard vous harponnait et vous promettait quelques heures délicieuses au lit. Il semblait savoir ce qu'il voulait ; ce qu'il désirait du premier coup d'œil. Peut-être un peu trop volage pour moi cela dit.

Sa surprise fut évidente, surtout de me voir avec Athena. Il n'était pas seul à la table et je sentis ma petite perle se tendre face au groupe. Tous des garçons, tous à l'allure de petits cons. Hum. L'un d'eux me jeta à peine un coup d'œil et le regard qu'il posa sur Athena fut sale. Pas sûr d'apprécier ça. Non, en fait je n'aimais pas ça du tout.

Les présentations commencèrent comme un ballet déjà cent fois entamé.

Sully. Zack. Jon, tête de con numéro quatre, puis cinq et enfin, Prince.

Ses yeux dévoilèrent un désir à peine camouflé. Ce qu'il voyait lui plaisait. D'habitude, je serais entré dans ce jeu de séduction sans aucun mal, mais pas ce soir. Je m'installai à côté d'Athena et appelait le serveur pour qu'il prenne notre commande. Athena opta pour une bière et je fis de même.

Sous la table, sa jambe ne cessait de monter et de descendre. Je finis par entourer son genou de ma main et elle me jeta un coup d'œil.

J'écoutai la conversation, me demandant pendant un instant ce que je faisais avec des gamins pareils. Athena semblait penser exactement la même chose que moi. Elle ne semblait pas apprécier les amis de Prince. D'ailleurs, ça me surprenait. Ils me paraissaient tous être obséquieux et homophobes. Un très mauvais combo. Mais Prince riait gravement avec eux. Il se laissait entrainer dans des conversations sur les femmes qui me révoltèrent. J'en restais si sonné que je ne trouvais rien à dire.

Athena en était à sa troisième bière et je voyais bien qu'elle avait imaginé la soirée d'une tout autre façon.

Les commentaires graveleux commençaient sérieusement à me taper sur le crâne. Je me penchai sur l'oreille d'Athena, dégageant sa nuque de ses cheveux.

— Et si on allait prendre l'air ?

Elle hocha la tête et je lui attrapai la main avant de l'entraîner à l'extérieur.

— Je suis désolée, lâcha-t-elle une fois parmi les fumeurs. Je ne savais pas qu'ils seraient là et je...

Elle expira un grand coup et secoua la tête.

— Ton Prince a des amis très intéressés, dis-je.

J'avais bien vu qui payait les consommations, les bouteilles allant et venant à une vitesse hallucinante sur notre table.

— Je sais, mais lui ne le voit pas comme ça.

Elle semblait fatiguée.

— On peut s'en aller si tu veux, dis-je alors, très sérieux. Ce sont ses amis, pas les tiens.

Et je n'aimais définitivement pas comment ce Zack la regardait, toujours à lorgner dans sa direction, ne la regardant jamais à hauteur du visage.

— Tu n'es pas obligé de supporter ça, toi, souffla-t-elle. Je veux rester encore un peu pour Prince.

— Allons-nous chercher quelque chose d'un peu plus fort alors, répondis-je avec un clin d'œil.

Nous bûmes un cocktail entier avant de retourner à la table avec une deuxième tournée. Je ne connaissais pas vraiment la résistance d'Athena face à l'alcool, mais pour le moment, elle tenait plus que la route.

— Elle était là, à se trémousser contre moi et après elle fait sa sainte nitouche ? beugla con numéro quatre. Elle s'est prise pour qui ?

Même le souffle du dragon ne m'aurait pas sauvé de ça. Prince ne cessait de chercher le regard de sa meilleure amie, sans succès. Heureusement pour nous, à un moment donné, la table voisine sembla participer à un débat avec nos joyeux trublions, nous laissant du répit. Parfois je savais que je me mettais des œillères sur la bêtise de certains, mais à ce point ? Comment pouvait-on être d'aussi gros cons au juste ?

Honnêtement, je ne sus pas vraiment comment nous pûmes tenir autant. Mais nous restâmes. Je parlais un peu avec Prince lorsque ses connards d'amis s'en furent je ne sais où. Je compris qu'en fait il y avait un espace au sous-sol où on pouvait danser et où souvent il y avait des soirées organisées. Lorsque les débiles remontèrent, j'y amenai Athena et nous dansâmes. Elle ne semblait pas très à l'aise, un peu comme Levi qui n'avait aucune espèce de coordination, mais elle se débrouillait bien. La musique, très forte, pulsait à l'intérieur de nos corps. Plusieurs fois je réussis à la faire rire jusqu'aux larmes, trouvant ça très gratifiant. Ici aussi il y avait un comptoir et si cette fois Athena opta pour sur sans alcool, je me laissai tenter par un shot. Ma gorge n'apprécia qu'à moitié et déjà, je ramenai Athena sur la piste.

Je ne pris conscience de l'heure que lorsque Prince débarqua pour nous indiquer qu'ils bougeaient d'ici. Nous remontâmes avec lui. Jon semblait avoir disparu. Un de moins, mais pas le pire non plus. Nous quittâmes le bar et nous retrouvâmes devant. Prince attrapa une clope et mon téléphone vibra dans ma poche. Levi. Je m'excusai pour aller répondre un peu plus loin.

— Laisse-moi deviner, dis-je en décrochant. Tu ne vas pas rentrer tout de suite.

— Un des serveurs s'est amoché alors je l'ai amené à l'hôpital plutôt que de faire venir l'ambulance, souffla-t-il. Tu m'attendais ?

— Pas vraiment, avouai-je. Je suis avec ma petite perle.

— À plus de deux heures du matin ? Et... qu'est-ce que vous faites ?

Mon sourire se fit immense. J'aimais ce doute dans sa voix.

— Je te laisse imaginer.

Des éclats de voix attirèrent mon attention. Zack secoua la tête devant une Athena remontée.

— C'est loin d'être drôle, Ez, ronchonna mon Levi.

— On se retrouve à la maison plus tard, donc ?

— Je t'écris quand j'ai des nouvelles.

Nous raccrochâmes en même temps.

— T'es vraiment qu'un porc, cracha Athena à la face de Zack.

— Quoi, tu n'aimes pas ma blague ?

Je revins vers eux, me plaçant à côté d'Athena.

— J'en ai une autre, enchaîna Zack.

— Va te faire foutre.

Prince leva les mains en l'air, tentant de désamorcer le conflit. Dur avec des abrutis pareils.

— Fais pas ta putain de sainte nitouche avec moi, Athena, grommela Zack. Vous êtes toutes les mêmes.

— Et qu'est-ce que ça veut dire, ça ?!

Zack était clairement bourré et sa bravade commençait à attirer du monde. Prince abandonna l'affaire sans chercher à défendre son amie. Sans chercher à faire quoi que ce soit du reste.

— On va en rester là pour ce soir, dis-je en passant un bras autour des épaules d'Athena. Ça vaut mieux pour tout le monde, je pense.

— On t'a pas sonné la tapette !

Je crus qu'Athena allait lui sauter à la gorge, mais je me mis entre elle et lui. Je la forçai à me regarder.

— On rentre, dis-je.

Je ne pris même pas la peine de me retourner pour dire au revoir et tirai la jeune fille à ma suite. Mais la voix de Zack résonna dans la rue entourée d'immeubles.

— Tu sais elles vous servent à quoi vos paires de lèvres, chérie ? cria-t-il à la cantonade.

Je fermai les yeux, espérant que toute cette soirée ne fut qu'une vaste blague.

— Vous en avez une pour dire des conneries et les deux autres c'est pour vous faire pardonner. Toutes des putes !

Je compris trop tard que je ne tenais plus Athena. Lorsque je me retournai, son poing heurtait la gueule de Zack et sous la surprise, il vacilla de plusieurs pas.

Elle se jeta sur lui et sur les murs un peu plus loin, des gyrophares semblèrent éclabousser de leurs lumières vives la façade d'un immeuble.

Le bras de Zack esquissa un geste et le dos de sa main projeta Athena au sol. Des exclamations choquées éclatèrent et ma poigne souleva ce petit branleur du sol.

— Ne t'avise plus jamais de frapper une fille, cinglai-je d'un ton mortellement froid.

Le reste échappa à tout contrôle. Et lorsque les flics s'en mêlèrent, je compris trop tard que nous aurions dû partir dès le début.

Finir en cellule de dégrisement alors que vous n'étiez même pas bourré frisait l'insanité.

J'avais encore du mal à me rendre compte de la situation. Il n'était pas loin de quatre heures trente du matin et nous étions au commissariat de police de proximité. Rien de plus normal.

Avec nous, des gens incapables d'épeler leur prénom tant l'alcool avait anesthésié leur cerveau.

Tout est parfaitement normal. Tout est parfaitement normal. Tout est...

Athena, pressée contre mon flanc sur ce banc trop petit, renifla. Un bleu fleurissait déjà sur sa mâchoire, là où Zack avait frappé.

Une sous-merde. Voilà ce qu'il était.

Je passai mon bras autour d'Athena et embrassai le sommet de son crâne.

— On ne pourra jamais faire pire que ça pour un premier rendez-vous, dis-je.

Elle renifla, encore.

— Parce que ça l'était ? marmonna-t-elle.

— Tu m'as invité, non ? Donc je considère ça comme un rendez-vous. CQFD, ma petite perle.

— Je suis désolée, dit-elle après un moment de silence.

Enfin, si on faisait abstraction des gémissements et de ce type qui baragouinait je ne sais quoi.

— Pas de ça avec moi, grondai-je. Et puis je rêvais de savoir ce que ça faisait de finir chez les flics en plein milieu de la nuit.

Je voulais la faire sourire, juste un peu.

Un coup fut donné contre les barreaux et je relevai la tête pour voir un flic ventripotent nous fixer.

— Y a quelqu'un qu'est v'nu vous chercher. Bougez.

Je tirai Athena par la main et ce fut un soulagement indéfinissable quand la porte se referma derrière nous. Plus jamais ça. Plus jamais.

J'avisai Levi sans mal, détonnant autant que nous dans ce lieu. Il avait côtoyé ce milieu plus que moi cela dit... Nous récupérâmes nos quelques affaires et je pressai le pas pour sortir d'ici sans une once de regret. Je frissonnai une fois dans le hall, pas loin de la sortie.

Levi zieuta dans ma direction pour être sûr que tout allait bien avant d'avancer vers notre petite perle.

— Et si on rentrait boire un bon chocolat chaud ?

Elle se coula entre ses bras, ne cherchant pas à éviter l'étreinte comme elle en avait pourtant l'habitude. Je la vis hocher la tête férocement, avec ferveur.

Mon regard croisa celui de Levi.

Bien sûr que nous la ramenions à la maison. Chez nous. 

**

Un bon chocolat chaud 🤣❤️🤭

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