22. Regarde-moi !
ATHENA
Octobre.
Dès l'instant où le Pilote fut validé aussi bien par maman que papa, les choses s'accélèrent de manière exponentielle et bientôt, je n'eus plus le temps pour rien en dehors du fait de travailler dur au loft, sur l'émission.
Les temps morts, trop courts, se comptaient sur les doigts d'une main et même les garçons ne faisaient que bosser, ne prenant des pauses que pour se sustenter un peu. Et même alors, nous parlions travail la bouche pleine, ne nous occupant plus de ce qu'il se passait à l'extérieur, ne nous préoccupant plus du reste du monde.
Je courrai à droite et à gauche pour chacun d'entre eux, passant coup de fil sur coup de fil, rencontrant nombre de personnes inconnues au bataillon jusque là et me liant d'amitié avec l'équipe de tournage ainsi que celle de la production. Les garçons semblaient bien entourés et prenaient un plaisir fou à se plonger corps et âme dans ce projet de tous les instants. J'aimais me démener pour eux, traversant la ville moite à coups de pédales, dévalant les rues à une vitesse vertigineuse, toujours plus vite, toujours plus loin.
Les messages de Prince se perdaient dans le défilé incessant de mes notifications tant et si bien que j'oubliais tout bonnement de lui répondre. Les semaines s'enchainèrent, faisant passer le mois de septembre plus vite que prévu. Bien que nous avancions doucement au cœur de l'automne, les températures descendaient rarement en dessous de vingt degrés, même lorsqu'il se mettait à pleuvoir averse. Le soleil continuait de briller au-dessus de nos têtes et je laissai mes gros pulls pour des vêtements plus confortables, de saison.
Le tournage du deuxième épisode se déroula aussi bien que le premier et le jeune militaire écopa des conseils de cinq gays avec un intense soulagement et une joie quelque peu candide. Cette fois, j'accompagnai l'équipe, mais restais en arrière, dans les coulisses en quelque sorte, devenant le soutien des caméramans et autres personnes ayant besoin de moi. Le rythme, bien qu'effréné, offrait néanmoins des temps morts et de cette façon les garçons pouvaient voir plus loin dans le projet, dans leur façon de venir en aide aux sélectionnés. Je continuai de visionner les vidéos envoyer par familles, amis ou entourage avec un certain plaisir, trouvant ça très intéressant de comprendre les motivations derrière cet appel. Il ne s'agissait pas juste de s'immiscer dans l'intimité d'une personne, mais de parvenir à l'atteindre. À lui faire prendre conscience que des changements devaient être opérés, parce que vivre ainsi ne suffisait pas. Je parlais beaucoup avec Caleb de tout ça, de la façon dont il pensait pouvoir aider les gens et souvent, malin comme il était, il arrivait à en venir à moi. Si facilement que je ne voyais absolument rien venir.
La première saison de Kiss of Time devait se composer d'une dizaine d'épisodes d'une durée équivalente ; à peu près une quarantaine de minutes, suivant le même schéma et la même finalité. Et à chaque fin d'épisode, un bonus portant sur un point précis ou une envie des garçons. Rien n'était écrit à l'avance et là-dessus, ils avaient carte blanche, maman étant déjà amoureuse de tout le concept. Un teaser devrait sortir dès que la moitié de la saison serait tournée, histoire de mettre l'eau à la bouche des futurs spectateurs et les publicités ne cessaient d'annoncer la venue prochaine d'une émission qui changerait le regard des gens sur eux-mêmes. Autant vous dire que tout le monde envoyait du lourd et que personne ne voulait se tempérer.
- S'il te plaît ? souffla Kai, mains devant lui, un sourire de petit enfant terrible étirant ses lèvres. C'est juste une soirée pour fêter notre travail. Ton travail. Tu ne peux pas juste nous fausser compagnie.
- Et je ne comptais pas le faire, dis-je. Seulement-
- C'est la même tenue que la dernière fois.
Effectivement, reposant sur son bras, la longue robe chemisier de la dernière fois, avec des boutons du col jusqu'aux pans. D'un noir profond et bien taillé, j'avais aimé la porter.
- Nous allons boire un verre dans un petit bar que nous adorons. Il n'y aura que nous. Mets cette robe, Thena. S'il te plaît.
- Tu as un problème contre ma façon de m'habiller ?
- Oui, sans aucun doute, répondit-il avec un clin d'œil taquin. J'ai envie que tu te sentes bien. Belle. Et je sais que dans cette robe, c'est le cas.
Je fis la moue et lui arrachai presque le vêtement des mains. Son sourire, triomphant, me donna encore plus envie de ronchonner. Mais je me contins et m'enfermai dans la cabine, faisant valser les fringues que je portai pour enfiler l'étoffe d'une douceur incroyable contre ma peau. Comme la dernière fois, cette impression de légèreté vaporeuse me rendit quelque peu euphorique, sans que je ne comprenne comment.
Je tournai sur moi-même et caressai la robe avec la pulpe de mes doigts. Kai était doué, sans aucun doute. Était-il désespéré lorsqu'il me voyait arriver, avec mon sens de la mode tout relatif ? Je me sentais bien dans mes gros pulls et dans mes autres vêtements. Je comprenais les femmes qui aimaient s'apprêter et se faire belles, mais j'avouai que ça me dépassait aussi. Mais plus j'entendais les garçons et plus je me demandais si je ne me voilais pas la face.
Par rapport à l'accident et à mes cicatrices.
Par rapport à cette nuit passée avec...
Je glissai mes pieds dans mes baskets et Kai fit mine de ne rien remarquer une fois sortie de la cabine. Il se plaça devant moi et retira mon élastique pour que mes cheveux soient libres. Les boucles heurtèrent mes épaules et il replaça le tout avec une expression pensive.
- Pourquoi tu n'as pas d'amoureux dans ta vie, ma chérie ?
- J'ai un train de vie qui ne laisserait pas beaucoup de place à quelqu'un. Et je ne sais pas pourquoi, mais j'ai toujours cru que je ne pouvais pas être amoureuse et indépendante en même temps, tu vois ?
Il hocha la tête sans rien dire. Attendant sûrement un peu plus de ma part.
- Quand tu es avec une personne, il y a des attentes, des envies et des besoins. Et je ne sais pas si je suis prête pour ça.
- Mais tu as déjà été amoureuse.
Pas une question de sa part. Je hochai la tête.
- Une fois. J'étais jeune et un peu stupide, j'imagine. Il était plus vieux.
Je ne sais pas ce que Kai vit ou non sur mon visage, mais son expression se fit pleine d'amour et de douceur, bien plus que d'habitude.
- On tombe plus facilement amoureux lorsqu'on est jeune. Peut-être parce qu'on ne sait pas qu'il peut-être aussi douloureux de tomber par amour.
Oui. Ce n'était alors pas une douleur physique, il n'y avait pas de sang ou de graviers incrustés dans une plaie, mais ça faisait mal quand même. Terriblement mal, même.
- J'ai mis du temps à me remettre de cet échec sentimental, soufflai-je. Il y a eu quelqu'un après, mais ça n'a pas vraiment fonctionné.
Je ne savais pas trop pourquoi je lui racontais tout ça. Peut-être parce qu'en ce moment, je me sentais triste ? Trop tournée vers le passé. Levi remuait un truc, sans le vouloir, sans que je le veuille non plus d'ailleurs. Ou alors était-ce les deux fois où je m'étais tenue si proche de Soren ?
Kai attrapa ma main.
- Je suis un homme terriblement romantique, m'avoua-t-il, non sans gêne.
J'eus envie de le taquiner à ce sujet, mais préférai de loin le laisser poursuivre.
- Je crois en l'amour, au destin et à la bonne personne. La notion d'âme sœur n'a pas été inventée pour mettre des étoiles plein les yeux. Un jour, on rencontre quelqu'un et tout s'arrête parce qu'alors, on sait.
- C'est ce qui s'est passé avec ton mari ?
- Et depuis je suis l'homme le plus heureux du monde.
Kai ne craignait pas d'exposer ses sentiments ou ses pensées. Il parlait exactement de la même façon qu'il pensait, n'ayant aucune crainte à se montrer, à se dévêtir de la sorte. Libre à l'intérieur et à l'extérieur. Pour moi, c'était à ça que ressemblait la force. Celle qui montrait le meilleur de vous-même, celle qui ne vous faisait pas craindre le regard d'autrui.
Kai disparut pour se préparer lui aussi et je me retrouvai à flâner un peu dans le loft en attendant tout le monde. Nous étions tous censés nous retrouver ici pour ensuite bouger ensemble. Mais comme ces hommes prenaient des heures pour se préparer, nous aurions peut-être dû penser à décaler la réservation. Rien ne pressait cela dit et je sirotai tranquillement un thé, juchée sur l'un des tabourets, n'arrêtant pas de tripoter mes cheveux pour je ne sais quelle raison. Le défilé commença par Kai, splendide dans une tenue qui rappelait la mode indienne. C'était un Sherwani ; un costume tunique accompagné de son pantalon. Très Bollywood. Autant dire que j'adorais.
Caleb quant à lui avait opté pour un jean sombre, un t-shirt gris et un bomber avec des imprimés colorés représentant de jolies fleurs.
Mon sourire ne fit que s'agrandir en avisant Jakob bras dessus, bras dessous avec Ezra. Le premier portait un pantalon Chino d'un bleu sombre, une chemise aux imprimés étranges, quelque peu psychédéliques auquel il avait ajouté une jolie veste en cuir avec fermeture éclairs. Le deuxième était époustouflante dans sa robe accompagné de talons démentiels. J'en restais scotchée sur place, ne parvenant pas à me dire qu'un homme pouvait être à ce point féminin. Ezra était unique et incroyable ; il ne se posait aucune limite et ne voyait pas de mal à être un homme. Il s'acceptait, jouait de ses attributs pour les transformer.
Pour se transcender.
- Ferme la bouche, ma petite perle, se moqua-t-il, papillonnant des cils à la manière d'une ingénue.
Je le fis et déglutis. Ezra éclata de rire et Jakob le fit tournoyer. Son rire résonna et s'amplifia, mais déjà, je ne voyais plus que Levi.
Tenue sobre, mais qui faisait son petit effet. Un jean bleu tout simple ainsi qu'une chemise plus sombre, retroussée sur ses avant-bras. Il avait opté pour de petites lunettes rondes aujourd'hui, lui donnant un air juvénile. Un petit bruit agacé s'échappa de ses lèvres alors qu'il tentait de boutonner sa chemise. Lorsqu'il releva les yeux, une moue revêche aux lèvres, ce fut pour les plonger dans les miens. Un sourire coquin sembla me chercher des noises et il ne se priva pas de laisser descendre son regard plus bas que mon menton.
Comme s'il y avait quoi que ce soit à voir.
Une limousine passa nous prendre - une limousine ?! - et nous fûmes devant le bar plus vite que je ne l'aurais pensé. Caleb m'aida à descendre et me souffla un baiser. Nous étions dans une ville où ce genre de scènes arrivait tous les jours, tant et si bien que très peu de personnes firent attention à nous. Le bar me rappela le salon de bien-être d'Ezra, avec toutes ces plantes et ce juste mélange de végétal et d'industriel. Nous fûmes installés à une grande table et à partir de là, Ezra ne s'arrêta plus de parler. Il avait un débit de paroles impressionnant ! Même Prince ne lui arrivait pas à la cheville. Et parfois, il débitait si vite que j'avais du mal à le comprendre, bien que la musique ne soit pas si forte. Nos consommations s'alignèrent devant nous et nous trinquâmes à cette aventure qu'était Kiss of time. Les garçons lancés, plus rien ne pourrait les arrêter, pas tant qu'ils auraient cette envie. J'étais admirative de ça chez eux. Je comprenais, petit à petit, que bien que la vie n'ait pas été douce avec eux, ils aimaient, ils vivaient et ils voulaient montrer qu'être homosexuel ne constituait en rien une tare quelconque.
Je bus lentement quand eux semblaient enchaînés, plus habitués que moi. Sauf Levi. Il sirotait un cocktail sans alcool, un sourire rêveur aux lèvres. Kai se mit à chanter très fort et il y eut quelques huées amusées. Moi-même je ne pouvais plus m'arrêter de rire. Un an aurait déjà pu s'écouler que ça aurait été la même chose pour moi. Je me sentais bien avec eux. Avec chacun d'entre eux. Comme si j'avais mis les pieds non pas chez des amis, mais dans une nouvelle famille. Ils dispensaient tellement d'amour autour d'eux que je me demandais comment il pouvait bien leur en rester, ne serait-ce qu'un minuscule fragment.
Ils étaient là, à sourire, à rire, à s'embrasser, se toucher. Parfois, au fond de leurs yeux, je lisais une certaine tristesse, vestige d'une existence difficile, d'une jeunesse compliquée. Chacun semblait avoir vécu un sale truc, chacun semblait avoir été repoussé par un proche, si ce n'est leur parent. Qu'est-ce que ça faisait ?
Mon deuxième verre apparut et je le sirotai en douceur, me rendant compte que le bar s'était rempli au rythme de la nuit. Il y avait plus de monde, plus de bruit, plus de vie. C'était un joyeux brouhaha où les corps se mêlaient aux autres, devenant masse compacte. Ezra dansait, tournoyant dans sa robe, rendant toutes les filles alentour vertes de jalousie. Moi y comprise. Cette féminité qui se dégageait de lui prenait tout l'espace, tout l'oxygène de la pièce. Et il riait, riait, riait. Son bonheur me rendait heureuse, me donnant envie de danser moi aussi. Ou alors il s'agissait de mon cocktail. Je n'aurais su le dire avec précision.
Levi fut le premier à revenir au niveau de notre tablée. J'ignorai où il avait disparu jusqu'alors, mais il tenait un nouveau breuvage entre ses doigts, coloré et pétillant. Cette fois, il s'installa à côté de moi sur le banc, sa cuisse venant appuyer contre la mienne.
- Tu ne danses pas ? demanda-t-il.
- Je piétinerais les pieds de tout le monde, grimaçai-je et ça le fit rire.
Pas besoin de crier, il était suffisamment proche pour tout entendre. Et pour que je sente son souffle sur ma joue.
- Je n'ai aucune coordination pour ma part. Ça frise le ridicule.
Je gloussai et lui chipai son verre pour y tremper mes lèvres. Les bulles éclatèrent dans ma bouche ainsi que le goût bien particulier de cet étrange mélange.
- Cela dit j'aimerais beaucoup danser avec toi. Un jour.
Son bras glissa dans le bas de mon dos et sa main se posa sur ma hanche. Sentait-il que ce n'était qu'une prothèse ? Question stupide. Bien sûr que non.
- Même si je te marche sur les pieds ?
- Même si tu me marches sur les pieds.
* * *
J'adorai accompagner Ezra lors de certaines émissions. Surtout celle-ci. L'ambiance était légère et presque intimiste. On parlait d'Ezra, de ses goûts, de sa façon extravagante d'être. De tout. Et moi, depuis les coulisses, je pouvais me délecter de le voir si libéré, si dévergondé. Il prenait plaisir à venir et à se montrer tel qu'il était. Aujourd'hui, robe magnifique et talons bien trop hauts pour moi. Mieux valait ne pas être homophobe quand Ezra était dans le coin.
Sa simple présence tenait parfois de l'attentat à la pudeur.
Journée plutôt calme aujourd'hui. Après l'émission, je pourrais rentrer et enfin penser à ranger mon antre. Ou pas. J'y passais en coup de vent, dormant au loft tant il y avait de travail à abattre. J'avais dû annuler un déjeuner avec Brackston et Prince commençait à se plaindre de mon nouveau mode de vie. Il devait avoir des choses à me raconter.
Le décompte débuta et le générique fut lancé. Assis sur un canapé face à la présentatrice, Ezra était parfaitement à son aise et ne le cachait pas. L'émission débuta et j'essayai de me faire toute petite dans ce coin du plateau qui ressemblait plus à une fourmilière qu'autre chose. Les gens allaient et venaient et personne, absolument personne ne faisait attention au prompteur. J'avais déjà remarqué ça à plusieurs reprises, comprenant que la présentatrice faisait comme bon lui semblait et c'est en partie ce qui plaisait aux spectateurs, moi dans le lot. Mais même si j'étais en week-end prolongé cet après-midi, pour l'instant, je travaillais encore, d'où la vibration dans la poche arrière de mon jean, qui s'arrêtait pour reprendre de plus belle. De toute manière je pourrais très bien mettre le replay une fois à l'appartement. Bien que ce ne soit pas du tout la même chose. Tant pis.
Je me faufilai à l'extérieur des coulisses. Les plateaux de télévision étaient un univers à eux tous seuls et ici, il y en avait à la pelle. Un plateau pour une émission, un plateau avec ses propres spectateurs. Le tout suffisamment bien cloisonné pour que lorsque vous êtes devant votre télé, vous ne vous aperceviez d'absolument rien. Il y avait une effervescence perpétuelle ici, des gens courant en tout sens, ne se laissant pas distraire, répondant à un casque vissé à leur oreille, écoutant des instructions ou en les beuglant eux-mêmes. La reine des fourmis quant à elle était bien cachée, loin de ce cycle perpétuel, mais gardant un œil sur tout. Elle savait tout sans être là, elle entendait tout et prenait les décisions en conséquence. Une partie du travail de maman, tout en haut de sa tour de verre.
Après avoir répondu à un appel, je laissai mes doigts pianoter à toute vitesse pour répondre à un mail. Dans le couloir, tout était plus calme, plus posé, me permettant de mieux penser. Ma pochette calée sous mon bras, je mordillai ma lèvre, peu sûre de l'orthographe d'un mot. Je détestais quand ça arrivait, parce qu'alors, je me posais des questions sur tout, allant jusqu'à douter de savoir seulement écrire.
- Vous intervenez pour la deuxième partie de l'émission, ce qui vous laisse encore une vingtaine de minutes de préparation. Le staff habituel vous attend.
Une femme parlait à toute vitesse, brisant le silence relatif du lieu de passage.
- Nous n'avons pas reçu la liste des questions, mais-
- Je pense pouvoir m'en sortir, Meryl.
Je relevai si brusquement la tête que je crus que ma nuque allait se briser sous l'impulsion. Mon téléphone faillit m'échapper pour finir par terre, mais j'eus le bon sens de m'accrocher à lui. Penché sur une feuille que lui montrait ladite Meryl, il ne m'avait pas encore vu. Peut-être qu'avec un peu de chance - je n'en demandais pas plus - il ne me verrait pas, passant à côté de moi sans même avoir conscience de ma présence.
Combien de pas le séparaient de moi ?
Combien de pas lui restait-il pour disparaître loin d'ici ?
Il fronça les sourcils et hocha la tête.
Et lorsque Soren releva le regard, il lui fut impossible de ne pas me voir.
Il ne ralentit pas le pas et continua de répondre à la femme à ses côtés, sans cesser de me regarder, moi. Je me tassai contre mon bout de mur, dans ce couloir soudain trop étroit.
Il se pencha sur Meryl pour lui souffler des paroles et ils passèrent à côté de moi.
Combien de pas avant qu'il ne soit plus là ?
Je fermai les yeux et comptai. Bêtement. Je comptai. À bout de souffle, je glissai mon téléphone dans ma poche et tentai, en vain, d'extraire un soupir de soulagement quand bien même je me sentais bafouée. C'était plus fort que moi. J'eus soudain envie de pleurer. Non, de boire le chocolat chaud de Levi ou d'entendre le rire suave d'Ezra. Peut-être que le premier serait au loft. Peut-être que je pourrais lui demander de...
J'inspirai et me retournai, prête à retourner dans les coulisses, mais il était là, si silencieux que je n'avais pas même soupçonné sa présence.
- Athena, dit-il.
Sa voix s'insinua sous ma peau et chercha à parcourir la distance jusqu'à mon cœur. Je baissai les yeux et à la manière d'un automate, avançai.
Le contourner.
Ne pas le frôler.
Avancer tout droit.
Ne pas se retourner.
Ne surtout
Pas
Se retourner.
Il m'attrapa en chemin, comme le vent saisit les feuilles des arbres pour les transporter où bon lui semble. Son toucher me fit souffrir, comme si j'étais ballotée, projetée, rincée, essorée.
Vidée de ma substance.
On venait de me passer à la machine à laver.
Je fixai mes pieds, les lorgnai à la façon d'un condamné découvrant du chocolat après des décennies d'enfermement.
Hors de question que je redresse le menton.
Hors de question que je fasse preuve d'affront.
Il ne me touchait pas. Ni ses mains ni le reste de sa personne. Il se tenait devant moi, à la façon d'un mur infranchissable, qui vous faisait admettre que vous étiez foutu.
Je pouvais admettre la défaite dès maintenant. Admettre que ça ne me faisait rien, surtout pas après plus de sept ans.
Qu'il était beau de se mentir à soi-même. Une chanson douce.
- Regarde-moi, dit-il et dans sa voix, une fêlure.
Je veux avoir mal avec toi.
Je respirai à peine. Je ne pouvais pas.
Je ne pouvais pas.
- Regarde-moi ! tonna-t-il.
Son point frappa le mur au-dessus de ma tête et son corps s'avança, aimanté.
Il est marié.
Il a embrassé Ezra.
Il est marié. Il a embrassé Ezra.
Son autre main se posa avec douceur à côté de ma joue, tout près de mon épaule.
- Athena...
Je levai la tête brusquement, ce qui sembla le surprendre. Avait-il cru qu'il allait devoir m'implorer ? Me contraindre ?
Je le fusillai du regard, bien que le sien soit si tendre.
Si beau.
Il se pencha un peu et son parfum m'emplit. Il m'enveloppa et je me hissai sur la pointe des pieds. Je me hissai pour le humer.
Pour le sentir.
Pour le respirer, lui.
Son corps se crispa, se tendit, comme celui d'un prédateur.
Je veux avoir mal avec toi.
Il y avait eu une nuit.
Une seule nuit. Qui avait changé ma vie.
Pour le meilleur, mais surtout pour le pire.
Alors non, je ne pouvais pas le regarder.
**
ET BIM LA RENCONTRE ❤️❤️❤️❤️❤️ MON DIEU CA ME RETOURNE LA TÊTE À CHAQUE FOIS🤣🤣🤣🤣
C'est ouf comme on passe de Levi à Soren avec Athena et que.... On est autant plein d'émotions et que... Ça vous fait cet effet ? 😎😎
Plein de bisous d'amour ❤️❤️❤️
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