2. La famille
LEVI
Los Angeles, Californie
L'air chaud de Los Angeles ne m'avait jamais dérangé, car j'avais connu les hivers froids du Canada. J'étais né là-bas, dans une famille nombreuse. J'avais trois sœurs et deux frères. J'étais celui du milieu. L'éternel insatisfait d'après certaines personnes qui aimaient dire que les enfants du milieu n'étaient pas les plus simples ni les plus arrangeants. Visiblement, les commérages avaient donné raison à mes parents puisque j'étais le turbulent, j'étais l'exilé aux États-Unis.
Je me redressai, frôlai une poêle en l'air qui avait été accrochée au mauvais endroit. Je fronçai le nez et la remise à sa place. Les cuisines dans lesquelles j'avais pu travailler étaient toutes extrêmement bien rangées. C'était ça que d'être chef, vous finissiez avec toutes sortes de tocs et je pouvais vous affirmer qu'il était impossible de s'en débarrasser.
Le restaurant était calme aujourd'hui, car il était en rénovation, néanmoins je m'activais pour avoir un menu potable pour la nouvelle saison. L'été était toujours source de changement et la chaleur n'appelait pas des plats gourmands, mais plutôt légers et frais. Je me penchai de nouveau pour voir ma réserve de vaisselles et fus satisfait d'y trouver tout ce que je cherchais.
_ Levi ! s'écria Jakob un peu plus loin.
Il apparut avec un pinceau recouvert de peinture bleu pétrole et remonta le bandeau qui tenait le peu de cheveux qu'il avait sur la tête. Jakob était loin d'être chauve, loin de là. Il avait coupé sa tignasse blonde très courte et les coiffait souvent avec quelques piques, ajoutant à l'élégance de sa barbe de trois jours qui mangeait ses joues. Un blond aux yeux bleus comme lui n'aurait jamais dû tourner comme il l'était maintenant, d'après ses parents. Traduction : il n'aurait jamais dû devenir gay, entrepreneur, riche et marié à un homme formidable, avec un enfant très intelligent. Le bandeau multicolore qu'il avait entouré sur sa tête était à moi, mais nous échangions tellement d'affaires que j'avais arrêté de chercher à tout récupérer par peur de manquer. C'était il y a longtemps ça, j'avais travaillé sur cet aspect de mes insécurités.
_ Plaît-il ? minaudai-je avec un grand sourire.
_ Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu faisais une petite fête dans deux semaines ? Je n'aurais jamais tout fini.
_ Pas besoin que tout soit prêt, admis-je. Je veux juste faire une petite crémaillère avec les gars.
_ D'autres surprises ? me demanda Jakob avec un sourire taquin.
Je haussai mes épaules.
_ Aucune, soupirai-je. Ma vie est un long fleuve tranquille, tu te rappelles ?
_ Et je suis devenu Président des États-Unis hier, rétorqua Jakob.
Je ris à sa blague et il disparut de nouveau. Jakob était un de mes très bons amis, il faisait partie de mon clan, la famille que je m'étais formée et non pas qu'on m'avait imposée. Jakob était entrepreneur depuis sa plus tendre jeunesse, il avait construit son empire seul et s'en sortait plutôt bien puisqu'il faisait des rénovations pour des maisons de stars. Il avait même fait un chantier pour Beyonce et Jay-z. Bref, c'était un gay très intelligent et qui gérait extrêmement bien son business. Tellement bien, que bientôt il ferait sûrement partie d'un show télévisé auquel je participerais aussi. C'était stressant, mais j'étais très excité à l'idée de faire cette émission. C'était un peu un bout de chemin avec les gars et un moyen de mettre en avant notre communauté LGBTQAI+.
Je grommelai en m'apercevant que je n'avais pas tous les ingrédients pour tester une nouvelle glace en vogue ces temps-ci. On l'appelait la nice cream. Il suffisait de remplacer l'élément de base qui était le lait par de la banane, ce qui donnait cette consistance de glace et en ajoutant un peu de lait végétal vous obteniez une texture douce et entière. N'ayant plus de lait ni d'amande ni de soja dans le grand réfrigérateur que j'avais pourtant rempli hier, je me mis en quête de mon porte-monnaie pour aller en chercher. Il faudrait que je passe commande à mon fournisseur en revenant.
J'avais promis à Jakob qu'il aurait droit à une petite récompense ce soir, il fallait que je tienne mes promesses. Je m'étirai un instant, replaçant correctement mon marcel blanc avec un logo du restaurant dessus. D'après Kai, je devais faire la promo même quand je sortais. Je suivais souvent ses conseils de mode puisque c'était un pro et c'était aussi un élément fondateur de notre concept de télé-réalité. Je sortis dans l'air chaud et lourd de Los Angeles et me mis en marche.
J'étais dans un quartier huppé et fréquenté, non loin de Venice Beach, très connu des touristes et apprécié des stars qui savaient passer inaperçues. Il y avait tout un tas de bars, de restaurants et de magasins. J'adorais l'ambiance ici. Le loft dans lequel j'habitais n'était en revanche pas en centre-ville, mais légèrement en périphérie, pour tout un tas de raison.
Je trouvai rapidement le magasin d'alimentation que j'appréciais et qui recélait quelques merveilles. Je fis le plein et la caissière me fit un grand sourire que je lui rendis discrètement, ne voulant pas trop me faire repérer.
À Los Angeles, vous pouviez passer inaperçu dans certains quartiers, mais quand votre visage faisait le tour des grands écrans dans les rues, on vous repérait vite. Le producteur qui voulait lancer notre concept faisait déjà de la pub, car nous avions déjà testé deux trois éléments vendeurs avec l'équipe. Je faisais attention en général, et parfois, je me laissai aller. Étonnamment, quand vous ne sortiez pas avec deux gardes du corps, vous passiez bien plus inaperçu qu'avec une garde rapprochée.
Je rentrai au pas de course, suant et soufflant sous ce soleil de plomb. Les années n'amélioraient pas notre climat, de ça, j'en étais sûr. Je pris une bouffée d'air frais avec la climatisation du restaurant et poussai un grognement. Nous allions cuire si Ezra voulait toujours faire son barbecue ce soir. Enfin, si Ezra voulait que je fasse le barbecue ce soir. Je n'étais pas sûr d'être encore très motivé.
Je préparai la mixture pour la glace. Je coupai rapidement plusieurs bananes et les plaçai au congélateur pour les trois prochaines heures. Je mis plusieurs framboises et fraises au froid aussi et rangeai le lait au frais pour optimiser la glace le plus rapidement possible. Dans les faits, il aurait fallu que je la remette au frigo toute la nuit, mais je savais déjà que Jakob ne me laisserait pas faire. Il aurait la version light. Les autres pourraient en profiter demain.
Je m'installai au grand bar qui longeait le restaurant et disposai plusieurs feuilles devant moi. J'entendais les grognements et les ordres de Jakob au fond de la salle, lui jetant quelques coups d'œil et le trouvant dans différentes positions amusantes pour terminer la peinture.
Mon portable vibra et j'y jetai un rapide coup d'œil. Ezra, un autre garçon de la bande, m'envoyait plusieurs émoticônes à la suite. Ezra n'était pas n'importe quel garçon. Il était mon homme d'une façon que peu de personnes comprenaient. Il me connaissait mieux que moi-même et pour ça, ce n'était pas franchement dur. Disons que je m'étais amélioré avec les années, mais mon garde-fou était d'une aide sans commune mesure. Je ricanai quand il plaça deux aubergines dans le message et qu'il m'envoya un smiley plein de cœur à la suite. Je lui renvoyai quelques bêtises avant de me concentrer sur mes différentes idées de menus. J'y passais une heure de plus avant que Jakob ne réclame mon avis sur une décoration qui lui posait des problèmes.
Quand la journée toucha à sa fin, j'avais quatre menus différents à proposer, la salle du fond était peinte et Jakob était à bout de force.
_ Tu viens quand même ce soir n'est-ce pas ? dis-je en lui faisant un câlin malgré sa sueur qui imbibait son t-shirt.
Il tapota ma tête avec affection avant d'embrasser ma joue.
_ Oui, sans souci. Doit-on ramener quelque chose ?
_ Ezra a tout prévu normalement.
Jakob sourit et hocha la tête. On échangea un regard tous les deux et je sus qu'il voulait poser la question.
_ Aller, marmonna mon ami. Ça fait six mois qu'il a quitté le loft. Il est chez toi n'est-ce pas ?
Je haussai mes épaules, tentant de cacher mes joues rouges. Évidemment qu'il était chez moi, chez nous. Car ça n'avait jamais cessé d'être sa maison.
_ Disons qu'il semble être de plus en plus sûr de nous, admis-je en mâchouillant mon crayon.
_ Il n'a jamais douté de toi, Levi, me rassura Jakob. Tu as toujours été là pour lui comme il a toujours été là pour toi. Ce n'est pas toi le problème.
Je grimaçai et pressai son bras.
_ Tu connais mon avis sur la question, ajouta Jakob en joignant ses mains devant lui en un geste d'excuse.
_ Tout va bien, le rassurai-je. Vraiment. Je t'assure.
_ Tu es une fée pour lui, tu le sais ?
_ Avoue qu'il t'épuise quand il s'excite tout seul, ricanai-je.
_ Ezra sans ses pétages de câble ne serait pas Ezra. Bien sûr qu'il m'épuise, mais nous l'aimons pour ça n'est-ce pas ?
Je ris et hochai vigoureusement la tête.
_ Tu as eu des nouvelles du producteur ? m'enquis-je. D'après Kai, il doit nous faire une dernière proposition.
Jakob prit le bol de glace que je lui tendis et haussa ses épaules.
_ La dernière proposition avant celle-ci était très bien. Et nous aurions pu lancer un épisode test très vite s'il n'avait pas eu un doute de dernier moment.
Notre émission allait être produite par l'une des boîtes en vogue de Los Angeles : CTN Universal. Nous n'aurions pas pu trouver mieux en termes de production actuelle ce qui me rassurait autant que ça me faisait peur, je l'avouais facilement. Cependant, notre producteur voulait faire plus de publicité que prévu et reculai le tournage des potentiels premiers épisodes. J'espérais vraiment que nous réussirions à lancer cette série, car elle nous tenait tous à cœur, à nous cinq.
Je fis goûter la glace à Jakob qui valida et m'en réclama d'autres pour les prochains jours. Je souris et agitai ma main quand il quitta la pièce. Je rangeai rapidement mes affaires et éteignis toutes les lumières. Je mis plus de temps que prévu pour trouver mes clés de voiture et la rejoignis au pas de course. Le barbecue n'allait pas se préparer tout seul !
Je mis un peu plus de trente minutes pour rejoindre le loft qui se trouvait tout juste à la périphérie de Los Angeles. Je n'eus qu'à appuyer sur un petit bouton de la télécommande pour que l'immense parking souterrain s'ouvre à moi. Je récupérai les sacs nécessaires à l'arrière du véhicule et les fourrai dans l'ascenseur en soufflant.
Je poussai ma clé dans la serrure de l'ascenseur pour qu'il m'emmène au penthouse. Les portes s'ouvrirent sur un premier sas où il y avait un peu de décoration, mais rien de tape-à-l'œil.
Je dus pousser la porte qui menait au loft de ma hanche et lâchai mon fardeau en poussant un grognement. Je souris en voyant mon chez-moi propre et scintillant. À une période de ma vie, je n'avais pas eu tout ça et je remerciai chaque jour Ezra de m'avoir poussé à reprendre pied et d'aimer ce que j'étais devenu. Je me penchai pour apercevoir l'intéressé, mais je ne le trouvai pas.
Je retirai mes baskets pour les ranger dans le placard à l'entrée et savourai l'ambiance épurée du loft. Il y avait beaucoup de bois, de couleurs claires et des plantes vertes. Jakob avait fait la décoration grâce à une photo de l'appartement de ma grand-mère. La seule qui m'avait accepté à la suite de mon coming out. La seule qui avait désespérément cherché la carcasse que j'étais devenue. Il y avait beaucoup d'éléments de décorations, fait par Jakob lui-même ou acheter dans ses magasins. Ce type était un génie, alors j'avais utilité ses talents.
Je mis tous les produits frais au frigo, mais j'avais plus de bêtises pour ce soir qu'autre chose. Je retirai mon t-shirt et allai le mettre dans le bac à linge sale qui se trouvait dans la salle de bain du bas. Il y en avait une seconde un peu plus grande au premier étage du loft. De là où j'étais, je pouvais voir une bonne partie de l'étage supérieur puisque tout était ouvert.
Je pris le chemin de l'immense terrasse qui nous donnait vue sur l'océan et trouvai un Ezra en train de s'agiter sur de la bonne musique. Il avait disposé une grande tablée même si nous n'étions qu'une dizaine ce soir. Les couverts étaient bien placés, les verres s'enchainaient. Il avait même ajouté une petite décoration pour faire un fil rouge le long de la tablée. Il avait allumé le barbecue, ce qui était rare. La musique qui tournait le poussait à agiter ses hanches de gauche à droite. Ezra avait un corps magnifique, fin et musclé, presque androgyne sous certains aspects et selon ce qu'il portait. Actuellement ? Il n'avait qu'un caleçon sur les fesses, car il faisait encore chaud. Heureusement, le parasol était tiré et c'était un peu plus respirable en ce début de soirée.
Je penchai ma tête, savourant les fesses galbées d'Ezra. Il tourna sur lui-même au moment du refrain et m'aperçut. Un immense sourire fendit son visage fin et je ne pus que le lui rendre.
_ Tu aimes le spectacle, Levi ? dit-il en ayant un petit déhanché qui me fit saliver.
Je ris et hochai la tête. Il avisa mon jean à moitié ouvert et haussa un sourcil aguicheur. Je levai les yeux au ciel, mais je sentais déjà le désir se déployer dans mes hanches à voir le corps souple d'Ezra s'approcher. Ses épaules étaient larges pourtant son torse était plus fin, lui donnant cette carrure agréable à regarder et qui parfois se retrouvait sous une tenue tout à fait différente : comme une robe ou une tenue de scène.
Les doigts d'Ezra glissèrent sur mon menton et tirèrent mon visage vers le sien. Je retins mon souffle en croisant ses magnifiques billes bleues, rehaussées par ses cheveux bruns. Les miens étaient plutôt marron, et mes cheveux étaient moins foncés que les siens.
_ Tu sens la glace, marmonna-t-il en reniflant ma bouche.
Je ris en voyant la jalousie se peindre sur son visage. Ezra raffolait de ma dernière trouvaille. Je claquai un rapide baiser sur ses lèvres chaudes avant de pivoter pour aller chercher deux verres afin qu'on puisse se rafraîchir un peu.
_ Un gin-tonic ? m'enquis-je.
Il sourit et hocha la tête. Il me regarda préparer sa boisson avant de tapoter son menton.
_ Tu penses toujours à cette sortie ce week-end ? releva-t-il.
_ D'après Kai, remarquai-je, on risque d'avoir du boulot la semaine prochaine concernant le tournage de la série. Le producteur va le lancer bientôt et j'ai eu pour ordre de prendre du bon temps avant tout ça. Le restaurant va bientôt ouvrir et j'aimerais vraiment avoir un moment de calme avant tout ça.
Ezra hocha la tête et fit le tour du comptoir de la cuisine pour me rejoindre. Il glissa ses bras autour de ma taille et posa son menton sur mon épaule.
_ Je suis toujours invité ? s'enquit-il, comme si ce n'était pas une évidence.
_ Tu as plutôt intérêt d'être là, grognai-je.
Il embrassa ma joue, mon cou et mon épaule et s'écarta pour me servir un verre de thé froid. C'était rare que je m'autorise à boire de l'alcool, pour tout un tas de raison. Ezra le savait. Il se mit à me raconter sa journée sur un ton enjoué et cela me détendit.
On alla s'installer sur le banc de la terrasse, conscient que l'heure tournait, mais trop heureux de profiter d'un peu de temps tous les deux. Tout n'avait pas été toujours facile. Ça ne l'était pas encore, néanmoins nous tentions vraiment de coopérer avec nos agendas, nos vies professionnelles et personnelles. Ezra me demanda quelques câlins supplémentaires avant de filer à la douche. Je nouai un tablier autour de ma taille pour protéger mon torse et me lançai dans les grillades.
Je réussis à les terminer juste avant que les premiers invités ne débarquent. Ezra fila ouvrir et j'entendis les rires de nos amis résonner dans l'entrée.
Je filai les rejoindre, savourant cette énergie que notre famille dégageait.
Nous n'avions peut-être plus notre famille d'origine avec nous, mais nous en avions créé une à notre image.
Et nous profitions ainsi.
**
Un petit point sur ce PDV. 🤭 Vous avez pu rencontrer beaucoup de personnages, donc certains qui seront des personnages principaux. 🥰🥰
Que pensez-vous de ce petit monde pour l'instant ? 🤔 C'est aussi smooth que Jurgen & Liv je trouve 🙈
Comment s'est passée votre semaine ? 👌Tout va bien ? 😁
Ce week-end, mes parents sont à la maison. 😻😻 C'est la fête. Dur de pas voir la famille tout le temps, mais un bonheur de les avoir avec nous quand ils le peuvent. 🥰🙈🙈
Da bisous ❤️
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