Chapitre 7
"Téléphone. Invention du diable qui annule quelques uns des avantage à maintenir une personne désagréable à distance." - Ambrose Bierce
Nous devons bien rester quarante minutes dans cette salle de cours. Quarante minutes loins d'être intéressantes durant lesquelles la prof qui s'appelle en réalité Madame Doe nous donnait à Laury et moi les consignes à suivre. Je n'étais pas très attentif alors que Laury s'appliquait à prendre des notes.
Pendant que Laury règle en privé les derniers détails avec moi, ou plutôt qu'elle brasse de l'air, mon ventre se met à gargouiller. Et pour cause, il sera bientôt 14 heures et mon estomac est encore à jeun. Laury doit capter ce bruit embarrassant puisqu'elle arrête de parler et me regarde, un petit sourire au coin de la bouche, ses yeux grands ouverts.
— Tu as faim? Elle me demande.
— Non... je souffle. Enfin oui...
— Je vais manger avec Maë dans un restau universitaire pas trop loin, tu veux te joindre à nous?
J'entends ce qu'elle raconte d'une oreille mais suis dissipé par Malibu se faisant la malle, pieds nus et baskets aux mains.
— Faut que j'y aille.
Et je la quitte, augmentant l'ampleur et la fréquence de mes pas afin de rejoindre Malibu. Elle jette un coup d'oeil dans son dos mais n'est même pas surprise de m'y trouver. Elle ralentit même, m'autorisant à marcher à ses côtés.
On doit faire peine à voir, elle se baladant pieds nus dans le campus et moi avec mon hématome bleu, violet, vert encore présent sur mon visage.
— Tu comptes manger ici? Je la questionne quand mon ventre me relance.
— Je ne compte pas manger avec toi.
— Oh... mais je ne comptais pas t'inviter à manger. Je souris mi-blessé, mi-amusé. J'ai simplement demandé parce que j'ai une voiture, je voulais savoir si je devais te déposer quelque part étant donné l'état de tes chaussures.
— Ah... elle hoche discrètement la tête mais ne répond pas clairement à ma proposition.
Je veux la relancer mais suis coupé dans mon élan quand je croise le regard, qui se veut neutre, de Maë. Alors qu'elle marche face à nous, dans un jean et un pull que nous avions acheté ensemble, ses yeux ne cessent de faire des allers-retours. Elle observe Malibu puis moi. Moi j'ai arrêté de sourire, je la connais assez pour savoir qu'elle est blessée.
Je crois qu'elle le mérite, d'être blessée. Je devrais certainement passer mon bras dans le dos de Malibu ou alors l'embrasser dans le cou. Mais pris d'un élan de bonne conscience, je décide de ne pas le faire pour deux raisons :
1 - Ce serait immature de ma part.
2 - Malibu me repousserait à coup sûr.
Au lieu de ça, je détourne péniblement les yeux et les oriente sur un aulne verdoyant se trouvant plusieurs mètres plus loin, abritant une poubelle et quelques étudiants de l'ombre.
Malibu reste silencieuse, si j'omets les petites plaintes qu'elle poussait dès lors qu'elle posait son pied sur une pierre qu'elle jugeait trop tranchante. En revanche, elle n'a pas l'air mal à l'aise quant au silence qui nous habite, je dirais même qu'elle semble en tirer un certain plaisir. Si bien qu'elle est presque embêtée lorsque je choisis de relancer la conversation.
— Donc? Je te dépose quelque part?
— Hum... oui, s'il-te-plaît.
— Où veux-tu aller? Je la questionne ensuite.
— Quelque part, pas loin d'ici, je t'indiquerai le chemin.
— Qu'est-ce que ça te coûte de me donner d'avantage d'informations? J'insiste.
— De l'énergie. Elle répond du tac au tac.
J'ai beaucoup de mal à la cerner, je dois l'avouer. J'essaie d'être sympa et avenant avec elle sauf qu'elle cherche systématiquement à me repousser, sans vraiment le faire mais en le faisant tout de même. Je crois que je ne lui plaît pas et ce constat m'agace pas mal je l'admets.
— Ok, moi non plus je ne me fatiguerais pas à amener Madame Malibu là où elle le souhaite. Je hausse les épaules, l'ayant un peu mauvaise.
J'accélère le mouvement parce que je n'ai pas de temps à perdre avec des chieuses comme ça. J'ai déjà trinqué avec Maë, ça suffit. Je traverse les couloirs de l'université, tentant d'éviter du mieux possible les cohues et profite pour texter Chuck, l'informant que je quitte tout juste l'université, que je ne tarderais à passer le récupérer. Je n'ai même pas le temps de verrouiller mon portable que son nom s'affiche déjà, je décroche instantanément.
— Ouais allô Chuck?
— Salut Martin, il commence, je sais qu'on était supposé se capter cet aprèm mais j'ai un imprévu.
— Un imprévu? Je répète en m'installant dans ma voiture.
— Ouais, un truc pas prévu mais que je dois faire.
— Laisse moi deviner, je soupire. Ce truc pas prévu n'aurait-il pas une paire de seins?
— Bon peut-être...
— Et tu laisses tomber ton meilleur pote pour une paire de seins? Je suis blessé là.
— T'avais qu'à avoir une aussi belle paire de seins putain Martin, tu peux t'en prendre qu'à toi même.
— Mouais, je rigole, sors couvert mais amuse toi bien.
— J'y compte bien! Il s'écrie.
Je raccroche et m'assois dans ma voiture. L'odeur de la bergamote et du bois de santal du diffuseur embaume mon nez et me permet d'avoir les idées un peu plus claires. Je ferme un peu les yeux, réfléchissant donc à où j'irai me restaurer. Je n'ai pas vraiment envie de manger au McDo, c'est rare mais ça m'arrive. Je n'ai pas non plus envie de sushis, ni même d'une pizza, peut-être opterais-je pour...
Je suis coupé de ma réflexion intense par une ouverture de porte. Quelqu'un vient d'ouvrir la portière avant côté passager. Alerté, j'ouvre immédiatement les yeux et suis plutôt surpris de la trouver, assise calmement sur le siège passager, déglutissant difficilement sa salive.
— Désolée, ce que j'ai dit tout à l'heure c'était pour rire.
— Je suis mort de rire Malibu, vraiment. Je la dévisage.
— C'est un petit restaurant dans le centre-ville, le nom est trop compliqué à prononcer mais c'est un restaurant brésilien. Elle explique. Ils y servent donc de la cuisine typiquement venue de là-bas, leur soupe caldo verde est super bonne.
— Et tu y vas avec ton copain? Je la relance puisqu'elle semble être d'humeur bavarde.
— Non... il y aura uniquement Nina. Elle secoue la tête.
— Nina?
— C'est ma cousine.
— D'accord, tu m'indiqueras le chemin, je lui souris un peu.
— Merci!
Elle pousse un soupire de soulagement et me remercie à plusieurs reprises. J'allume le moteur et lance la radio. Je dis à Malibu qu'elle peut mettre la station qu'elle souhaite mais elle me dit que c'est bon ainsi. J'ai bien du mal à la croire puisque le poste radio diffuse un journal en espagnol pour les nombreux américains hispanophones. Sauf que je ne suis pas hispanophone, je me débrouille à l'écrit mais l'oral c'est une autre histoire, j'ai du mal à m'habituer au débit élevé de parole. Je fais défiler les stations jusqu'à en trouver une passant une musique électro.
— C'est toujours ok? Je vérifie en l'observant.
— Oui.
Une réponse très explicite me suffisant à faire bouger ma tête en rythme avec la musique. Je garde mon attention sur la route mais ne résiste tout de même pas à jeter quelques coups d'oeil vers Malibu lorsque la fourgonnette nous précédant ralentit.
Elle regarde l'extérieur, tantôt par la vitre tantôt par le pare-brise. Elle m'indique le chemin sans avoir recours à un mot plus haut que l'autre, ses bouclettes cuivrées bougeant selon les rafales de vent.
— Oh wow... elle souffle alors qu'elle observe en ce moment-même la banquette arrière, le corps complètement tordu.
Je mets un certain temps avant de comprendre cette soudaine poussée d'admiration pour ma banquette arrière. En effet, un tableau s'y tient. Je crois que c'est le portrait d'une femme peint avec de multiples couleures vives et un trait de pinceau trop épais.
— Tu fais de la peinture? Elle me demande
— J'ai repeint mon appart' avec un pote, ça compte?
— Non, pas vraiment, elle sourit amusée. Comment l'as tu eu?
— Oh, ma mère me l'a offert. Je suppose qu'elle l'a acheté à Ikea ou alors dans une boutique du même genre.
— Vraiment? Elle s'étonne. Je peux le voir de plus près?
Je hoche la tête et m'applique à aller sur la voie de gauche afin de dépasser la fourgonnette. Du coin de l'oeil, je la vois tout de même défaire sa ceinture et se pencher à l'arrière alors je retourne sur la voie de droite ralentissant doucement. Une fois le tableau en sa possession, elle boucle sa ceinture et ne pipe plus mot.
— Je sais pas trop où l'accrocher, je lui raconte, je trouve qu'il ne match pas avec la décoration de mon appart' alors je le laisse là, le temps d'en savoir quoi faire.
— Tu devrais l'accrocher à l'endroit le plus lumineux de ton appartement. Elle dit le tout d'un ton bas.
— Puisque je te dis qu'il ne va pas avec la décoration, oh, tu m'entends Malibu?
— Oui je t'entends, elle expire bruyamment. Mais tu ne devrais pas le laisser là, dans ta voiture, dans la chaleur...
— Pourquoi ça?
— He bien, parce qu'il est clair qu'il ne s'agit pas d'un tableau acheté à Ikea. Prête un peu attention aux traits de peinture.
— Je veux bien mais je regarde la route.
— Chaque trait est constitué d'une multitude de couleur, d'une multitude de peintures. Leurs pigments sont révélés par le soleil qui les fait jaillir. Le jaune est lumière, le rouge est vif, le bleu adouci, le vert guide le regard...
— Tu vois tout ça là? Je me moque un peu.
— J'en vois bien plus encore, elle assure en reposant habillement le tableau à l'arrière.
— Je suis sûr que tu t'entendrais bien avec ma mère.
Je tourne la tête vers elle et la surprends à m'observer. Elle me sourit brièvement avant de détourner son attention sur les voitures nous environnant et d'enfoncer son corps mince dans le siège.
— Il faudra tourner à droite au feu rouge, donc reste ici, elle m'indique.
— Dis tu me donnerais ton numéro si je te le demandais?
Je sais. C'est nul. J'ai l'air d'avoir aucune confiance en moi mais c'est qu'elle est imprévisible et un peu froide ou étrange alors je préfère prendre mes précautions. Même si en soit un numéro de téléphone ce n'est pas la mer à boire.
— Non... elle s'éclaircie la voix avant de rajouter un timide, désolée.
— Donc je ne te le demanderai pas, je hausse les épaules comme si ça m'était égal.
Je ne sais pas comment poursuivre cette discussion alors un blanc s'installe. Un silence de morts que même la musique électro n'arrive pas à désamorcer. Le pire c'est que nous sommes à l'arrêt, tout ça à cause d'un camion déchargeant sa marchandise sur la chaussée. Je ne peux même pas faire genre d'être concentré sur une manoeuvre.
— Ce n'est pas que je ne veux pas te donner mon numéro, elle dit très rapidement me valant même un sursaut. C'est que je n'en ai pas.
— Ah ouais? Je la regarde définitivement surpris. Je ne sais pas si je peux te croire Malibu. Aujourd'hui tout le monde a un portable...
— Il faudra que tu me crois pourtant. C'est juste là, elle pose son doigt sur la vitre y laissant une petite trace.
Je ne fais aucune remarque et vise plutôt la devanture du restaurant brésilien. Petit, coloré et accueillant sont les trois premiers adjectifs qui me viennent en tête. Mon ventre qui gargouille me rappelle que je n'ai pas mangé et que j'ai toujours faim. J'enclenche mon clignotant et me gare face à un drapeau du Brésil et quelques photos de cartes postales de la plage de Copacabana ou encore du Christ Rédempteur qu'expose la vitrine.
— Bon appétit! Je lui souhaite alors que je viens d'éteindre le moteur.
Elle lève la tête et pose les yeux vers moi. Ses yeux verts offrant un beau contraste avec sa peau métissée passent sur moi tandis qu'elle triture ses ongles.
— Tu manges où? Elle me questionne.
— Je ne sais pas encore, je soupire, je devais manger avec un pote mais il m'a posé un lapin.
— Oh... tu... elle regarde l'intérieur du restaurant mais moi j'attends impatiemment le reste de sa phrase. Non rien.
— Bon bah... on se verra sûrement à l'université.
Et puis elle s'en va, après m'avoir remercié et échangé d'autres banalités. Je cogne ma tête contre mon repose tête, soufflant comme un buffle. Qu'est-ce qui cloche chez moi? Et qu'est-ce qui cloche chez elle? Je crois qu'elle était sur le point de me proposer de manger avec elle mais elle s'est ravisée à cause de quelque chose qui m'échappe encore.
Elle est encore dans mon champs de vision, tenant ses baskets à la main, elle semble réfléchir à si elle peut les rechausser ou non. J'ai la bonne idée de sortir mon portable et de capturer l'instant. Je la filme, elle a décider d'entrer pieds nus, elle ouvre la porte, laisse une femme et un enfant sortir du restaurant avant d'y entrer et d'échapper à ma vue et à celle de ma caméra.
"Martin et Chuck sont sur le passage piétons les menant directement à l'entrée du lycée.
Chuck : Tu te mets à filmer pour que je ferme ma gueule c'est ça?
Martin : Un peu ouais, t'es lourd à me parler d'hier là.
Chuck : T'as clairement merdé. Ça va pas de le narguer comme ça? Et puis ça va pas de sortir avec la sœur jumelle de ton meilleur pote? C'est limite malsain.
Martin : Ah ouais et en quoi? Nous avons le même âge, nous n'avons aucun lien de parenté, je suis libre de la fréquenter.
Chuck : Et quoi? Tu couches avec elle? Si c'est juste pour t'amuser comme avec les autres, tu aurais justement pu en choisir une autre.
Martin : On a jamais couché, à proprement parler, ensemble. Je n'en ai pas choisi une autre parce que je suis sérieux avec elle.
Chuck : Putain... tu sais qu'Allan ne pourra jamais passer l'éponge sur ça?
Martin : Tant pis. À choisir entre les deux jumeaux, je préfère elle."
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Hey!
J'espère que vous allez bien,
Et que ce chapitre vous a plu!
Bon oui je suis en prepa mais oui j'ai quand même regardé une saison entière d'une série... je suis désolée c'est une maladie mais comme je ne crois pas l'avoir déjà évoqué ici, je le fais. C'est Las chicas del cable / cable girls / les demoiselles du téléphone... c'est honnêtement une des meilleures séries Netflix, mieux que Riverdale surcôté. Il y a trois saisons, l'histoire se déroule dans les années 20 mais la série est tellement PALPITANTE. Plus j'écris plus j'ai l'impression que j'en avais déjà parlé dans une nda... oups. Quoi qu'il en soit si vous regarder vous êtes plutôt team Carlos ou team Francisco? Moi je trouve qu'un plan à trois c'est la meilleure solution.
Travaillez bien à l'école.
Cœur cœur ❣
Noémie =)
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