les promesses, les promesses, les promesses
Quand les promesses sont des mensonges, tout se désenchante
L'amour de jeunesse, c'est croire qu'on va vieillir ensemble
Parce que une rencontre ne suffit pas pour connaître toute la vérité, parce que ça aurait pu tourner différemment, et parce qu’il reste encore des questions sans réponses.
Le Quai Montebello avait beau être vide la nuit, le jour il affluait de touristes. Sauf les jours de pluie. Et ce jour là fut un jour de pluie. Alwena prétextait un devoir à préparer et Rebecca la couvrait. Alexis ne se donnait même pas la peine d’informer sa famille de son absence. Ils s’étaient recroisés à cet arrêt de bus où tout avait commencé, et la journée fut vite réservée pour une nouvelle escapade entre deux inconnus plus si inconnus. Un parapluie dans la main droite, son téléphone dans la gauche, la jeune fille attend avec impatience son ami. La pluie claquait sur le sol et faisait de petites auréoles en entrant en contact avec l’eau de la Seine. Elle aurait voulu l’appeler mais c’est une tâche assez délicate quand on ne connaît pas son numéro…
Avec un quart d’heure de retard, le garçon finit par arriver, les cheveux plaqués sur la tête à cause de la pluie.
« ALEXIS ! Crie son amie.
Il court vers elle et se réfugie sous son parapluie avant de lui claquer une bise rapide.
-Dis, on avait dit 14h…
-Désolé j’ai eu un retardement, et la prochaine fois fait moi penser à prendre un parapluie ou un manteau.
-Et un cerveau fonctionnel.
-Bonne idée.
Ils rient à cette remarque et grelottent dans le froid.
-D’ailleurs il me faut ton numéro sinon la prochaine fois je vais me casser, ma patience est relativement restreinte.
Alexis lui prend son téléphone des mains et appuie sur le bouton d’accueil. Une image du chien Kiri apparaît.
Il lui montre l’écran en souriant.
-Sérieusement ?
-Il est grave photogénique si tu savais…
Le garçon entre son numéro dans l’appareil et les deux commencent à réfléchir à un endroit où aller.
-Soit on teste les restaurants super chers mais super bons, soit on se prend un McDo...propose Alexis.
-A vrais dire, on a beau habiter à Paris, j’ai pas l’argent pour un restaurant exotique super cher. Mais je garde la proposition en tête.
-Va pour McDo alors. Si j’peux rester sous ton parapluie…
Elle sourie et se décale pour lui laisser une place.
-D’ailleurs, il s’est passé quoi avec Alicia après que je sois partie ?
-Et bien, c’est compliqué… On a parlé pendant longtemps. Mais pas de nous. Elle avait bu, j’étais fatigué, tu sais ce genre de conversation qu’on a le soir ou on parle de choses qu’on ne dirait pas en temps normal, où on se fait des promesses qu’on tiendra pas...
-Alors tu lui as pardonné parce qu’au fond t’es un bon gars bien trop gentil. Et elle va te refaire un sale coup et tu vas te retrouver à pleurer à un arrêt de bus.
-Mais essaye de comprendre, je l’aime plus qu’elle ne m’aime et pour moi elle passe avant la fierté même si pour elle je suis un pansement.
-Écoute, t’as tout ce dont tu peux rêver. Des amis, une famille, une maison, une fille qui t’aime…
Ils arrivent devant le McDo et s’installent au fond sur une banquette.
Alexis passe une commande et demande a Alwena si elle veut quelque chose. Celle-ci refuse poliment.
-Je disais, tu t’imagine du mal mais au final t’as tout ce qu’il te faut. Non ?
-Peut-être bien...Peut-être que c’est aussi juste l’impression que je donne.
Il mord dans son Burger et Alwena digère ce qu’il vient de sous-entendre.
-Qu’est ce qui ne va pas, concrètement ?
Il avale. Et reprend une deuxième bouchée, ignorant ainsi volontairement la question.
-Alexis.
-Y a des choses que tu ne veux pas savoir sur moi.
-Pourquoi ?
-Parce que pour toi je suis le bon gars qui vit une vie à peu près normale non ?
Elle hausse les épaules.
-Un jour tu l’apprendras. Que ce soit de moi où de quelqu’un d’autre.
Leur conversation sur ce sujet s’arrête ici. La journée passe dans une atmosphère heureuse, tout du moins c’est que qu’il semble. Ils parlent de tout et de rien, de l’école, du brevet, du bac, du futur, des amis...et surtout pas d’Alicia. Le temps file et il est déjà l’heure pour Alwena de rentrer. Ses parents l’attendent. Ils marchent en direction de son appartement. Devant la haute porte en bois noir, ils se séparent.
-C’était cool cette petite journée, dit Alexis en souriant.
-On se refera ça. J’ai ton numéro maintenant.
Elle entrouvre la porte.
-Mais moi j’ai pas le tiens, l’interpelle son ami.
-Je t’enverrais un message.
Et elle disparaît, laissant le garçon en plan.
12 Novembre, ils s’étaient donné à nouveau rendez-vous. Alexis devait venir la chercher devant son immeuble. Le ciel est gris, les gens marchent, pressés, un téléphone à l’oreille ou un sac sur les épaules. Les minutes passent et Alwena ne descend pas. Alors il vérifie la date. Son téléphone indique bien le 12. Il lui a déjà envoyé au moins dix messages et a essayé de la joindre. Il décide alors de sonner. Kiri aboie et une voix lui dit de se taire. Des pas se font entendre de l’intérieur, les clef qui tournent dans la serrure et le verrous qui cède. Une femme se tiens dans le pas de la porte, grande, un air sévère sur le visage.
-Bonjour, est-ce que Alwena est ici ?
-Non elle n’est pas disponible pour le moment. Tu es ?
Il hésite, Alwena avait-elle parlé de lui à ses parents ?
-Alexis, un camarade.
-Alwena ne sera pas de retours avant un bon bout de temps.
-Ah bon ? Où est elle ?
-Elle doit régler un petit problème. Veuillez m’excuser.
Et elle referme la porte devant le nez du garçon.
Il ne sais pas quoi penser de cette situation, alors il l’appelle encore et encore sans recevoir de réponse. La tête baissée ; il erre dans les rues. Il ne veut pas rentrer. Alors il décide d’attendre au Quai. Assis sur le muret où ils étaient allés lors de leur première rencontre. Il attend longtemps, que la jeune fille se manifeste. Mais elle ne le fais pas. Les passants se font de plus en plus rare et le soleil commence à descendre. La nuit s’empare du ciel et Alexis commence à avoir froid. Son téléphone indique 22h13 et il s’apprête à rentrer chez lui. Mais au loin il aperçoit une silhouette familière se détachant de l’ombre, dansant sous un réverbère. Intrigué il s’approche. Une fille à la silhouette fine et petite, ses cheveux blonds virevoltants dans tous les sens. Alicia. Encore et toujours, l’éternelle rose qui pique Alexis et qu’il aime, les doigts pleins de sang.
Envoûtée par la musique, elle articule, avec la grâce d’une danseuse. Il contemple le spectacle avec distance. Il finit par s’approcher. Encore et encore. Elle ne le voit pas. Elle bouge dans tous les sens comme un pantin désarticulé. Alors il prend la parole.
-Hey, Alicia…
Elle sursaute, surprise par cette intervention et se tourne vers son interlocuteur.
-...Alexis. Qu’est ce que tu fais ici ?
-Bonne question. Qu’es ce que toi tu fais ici ?
-Je danse, dit-elle comme si ce n’était pas évident.
-C’est beau.
La musique continue de tourner alors elle se dirige vers le banc sur lequel elle a posé son enceinte et son téléphone et arrête la musique.
-Merci.
Un moment de silence s’installe entre les deux. Elle range son enceinte dans son sac à dos gris usé à force d’être jeté sur le sol et enfile son gilet noir. Elle rabat sa capuche sur sa tête, faisant ainsi ressortir son teint pâle. Alexis la regarde et ne la quitte pas des yeux.
-Alicia, pourquoi tu…
-Il faut que je parte.
-Mais,...pourquoi ? C’est pas comme si tes parents t’attendaient. Ils t’attendent jamais.
-Il faut que je parte parce que sinon on va avoir une discussion, on va reparler de choses qui se sont passées et ça, c’est pas possible.
-Je ne suis pas sûr de comprendre…
-Alexis, on se fait plus de mal que de bien. J’abuse de ta confiance, tu reviens vers moi, puis j’te fais du mal, puis je m’en veux et tu me pardonne parce que t’es amoureux et c’est un cercle vicieux…
Elle plante son regard bleu dans ses yeux.
-Je suis désolée.
Elle prend sa main et les yeux du garçon deviennent vitreux. Son cœur flétri perd tout éclat et ses jambes manquent de lâcher. Ses doigts froids s’emmêle aux siens. Puis elle le lâche, se retourne et s’enfonce dans la nuit.
Alexis s’assoit sur le banc où elle avait posé son enceinte. Il prend son visage entre les mains et retiens ses larmes. Pour la deuxième fois, on l’avait laissé en plan.
Dépité, il rentre chez lui, se disant que dormir mettrait fin à cette situation désastreuse.
Hôpital St André, Alwena est assise sur une chaise en plastique vert, un masque respiratoire sur le visage, accrochée à une machine qui vibre.
Son père parle avec le médecin, signe des papiers, des ordonnances pour son médicament anti-coagulant. Isabelle les a rejoints en fin d’après midi. La dernière fois qu’elle s’est retrouvée ici elle devait avoir six ans voir un peu plus. Ça fait maintenant près de 2h qu’elle est accrochée à cette machine, à respirer de l’air en conserve. Elle a essayé d’apprendre par cœur le poster sur la construction du pancréas. C’est la chose la plus intéressante qu’elle ait fait en ce jour. Plus tôt dans la matinée, Alwena parlait au téléphone avec son amie Rebecca quand sa respiration s’est soudainement coupée. Elle s’est mise à tousser violemment et son cœur battait beaucoup plus vite qu’en temps normal. Son père l’avait sans plus attendre emmenée à l’hôpital. Verdict : Embolie Pulmonaire. Elle avait échappé avec justesse à la mort. L’Embolie pulmonaire est une maladie plutôt fréquente chez les personnes souffrant de fortes faiblesses respiratoires. Il s’agit d’un caillot de sang qui bouche partiellement voir entièrement l’artère pulmonaire, privant ainsi les poumons d’oxygène. Traitée trop longtemps après son déclenchement, elle peut mener à un arrêt cardiaque et à la mort. Alwena était consciente qu’elle devait retrouver Alexis aujourd’hui, mais comme elle était partie en urgence, elle n’avait pas eu le reflex d’embarquer son téléphone. Il était maintenant près de 23h. Ils avaient passés l’après-midi dans cette forteresse, à remplir des carnets de santé, des dossiers, à passer des examens, à s’assurer que le caillot s’était bien dilué. Une fois toutes ces choses faites, ils furent autorisés à rentrer chez eux, avec l’indication que la jeune fille devait impérativement pratiquer une activité physique quotidienne pendant les semaines qui suivent.
Épuisée, elle se jette dans son lit, avec la promesse de contacter Alexis le lendemain pour lui donner des explications.
7h26, l’horloge biologique d’Alexis l’a réveillé. Il ne veut pas se lever. Parce qu’il sait qu’il y a sa mère dans la cuisine. Et il ne veut pas la croiser. Elle a sûrement passé la nuit dehors, chez son « collègue de travail » comme elle se justifie toujours. Ça ne pose pas de problème à Alexis. Le problème c’est que si il la croise, elle va voir ses cernes violettes, dues au manque de sommeil et il verra ses joues creusées par le manque de nutrition. Et des problème il en a déjà vu assez pour le moment. Alors il reste dans son lit, à se retourner dans tous les sens et à changer de position. Comme si il allait pouvoir se rendormir.
7h38, son téléphone vibre. C’est Alwena. Il s’empare de l’appareil sur sa table de nuit et ouvre la notification qui vient se s’afficher.
« appelle moi, je dois t’expliquer. »
Enfin des paroles raisonnables dans ce bas monde. Il n’attend pas et appuie sur l’icône « appeler ».
La sonnerie ne se fait pas longue et Alwena décroche.
-Alo ?
-Alwena, ça va ?
-Je me suis déjà mieux portée mais ça va, et toi ?
-Pourquoi tu n’es pas venue hier ?
-C’est justement pour ça que je voulais te parler. Il se trouve que quand j’étais petite, j’ai eu un truc qui s’appelle l’Embolie Pulmonaire. C’est une maladie pas super qui fait que tu peux plus respirer et que si t’agis pas vite tu finis au cimeterre dans les jours qui suivent.
-Et donc ?
-Hier je n’étais pas là parce que peu avant que tu arrives, j’ai eu une deuxième attaque de cette maladie. Alors j’ai passé ma journée et ma soirée à l’hôpital.
-La vache Alwena ! T’aurais pu crever merde ! Pourquoi tu m’as pas dit !
-J’avais oublié mon téléphone.
J’espère que t’as pas trop attendu que j’arrive…
-Mais on s’en fout de ça putain, imagine t’aurais agis trop tard !
-Eh, Alexis, tout c’est bien passé. J’ai des médicaments maintenant, je fait du sport tous les jours, tout va bien !
-J’arrive pas à imaginer ce qu’il se serait passé si tu serais pas revenue de l’hôpital.
-Déstresse, je dois promener Kiri dans une demie heure pour mon exercice du jour. Je vais passer par chez toi si tu veux. Tu lui manque. Et à moi aussi. J’ai eu assez peur j’dois dire…
-Je t’attends. Je t’enverrais mon adresse.
Et un sourire niais s’affiche sur son visage. Un mélange entre le soulagement et le sentiment d’être important pour quelqu’un. Alors son cœur se replie de joie et il sort de sa chambre, direction la cuisine. Sa mère y est encore, en tailleur bleu marine, ses cheveux toujours relevés soigneusement avec une pince. Il lui adresse un sourire pour la première fois depuis pas mal de temps. Et elle le lui renvoi. Pour la première fois depuis l’histoire des sourires.
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