l'amour crève dans les rues
On finira avec la voix cassée
À force de crier toutes nos convictions
Et moi je rêvais de t'embrasser
J'me suis laissé toucher le cœur comme un con
Tout commence à un arrêt de bus, parce que toutes les bonnes histoires commencent par une rencontre et quoi de mieux qu’un arrêt de bus pour cela ?
Alors ça commence avec un arrêt de bus, au croisement entre la rue Lagrange et celle du Fouarre. Il fait noir, le lampadaire grésille et un papillon de nuit cherche la lumière. Les voitures se font plus rares mais Paris ne dors jamais, alors il y en a toujours une ou deux qui passent. Sur le banc en fer de l’arrêt de bus est assis un jeune garçon. Commun à tout ceux qu’on pourrait croiser dans les lycées. Il est là, son sac à dos serré contre lui, la tête enfouie dans ses bras de façon à ce que personne ne voit son visage. Seul, il tremble.
De l’autre côté de la rue, le monde est paisible. Alwena promène son chien, elle est seule à la maison ce soir et n’a pas trouvé de meilleure occupation que de sortir Kiri. Son chien s’appelle vraiment Kiri, c’est pas une blague. Écouteurs vissés dans les oreilles, elle marche dans le rythme de sa musique et traverse au passage piéton parce que c’est ce qu’a dit sa belle-mère, Isabelle. Sinon on pourrait se faire écraser. Les voitures vont si vite...Et quand elle arrive de l’autre côté de la rue, elle repère un petit arrêt de bus. C’est que marcher avec un chien hyperactif c’est fatiguant. Alors elle veut s’asseoir.
Et sur ce banc demeure toujours le jeune garçon qui se cache le visage. Il a mis sa capuche, cachant ainsi ses boucles brunes. Il reste de la place sur le banc. Mais Alwena ne veut pas déranger le garçon qui semble en avoir déjà assez vu. Finalement elle décide de quand même s’asseoir. Elle retiens Kiri qui se met a renifler dans la poubelle à côté. Le garçon a arrêté de trembler. Il relève la tête et essuie ses yeux rouges avec la manche de son sweat. Alwena n’ose pas tourner la tête. Ne pas le regarder. Pour ne pas le mettre mal à l’aise. Kiri s’approche d’elle, puis tourne la tête vers le garçon. Il se met à sentir le sac qu’il tiens toujours contre lui.
« Kiri, arrête ! Dis la jeune fille.
Contre toute attente, le garçon se met à sourire et à caresser le chien.
-Excuse moi, il est un peu mal élevé parfois, se justifie Alwena.
-C’est rien, répond le garçon.
Un petit silence s’en suit. Il caresse le chien qui semble heureux d’avoir trouvé un nouvel ami.
-Il s’appelle vraiment Kiri ? demande-t’il
-Malheureusement oui. Et toi tu t’appelles comment ? Ose demander la jeune fille.
- Alexis. Toi ?
-Alwena. Tu vis ici ?
Et ils commencent à faire connaissance. Sur ce banc, alors qu’il est presque minuit et que Kiri a faim.
-Qu’est ce qui t’as mis dans cet état, demande Alwena en parlant de ses yeux rouges et de ses manches pleines de larmes.
-J’ai quitté ma copine.
-Oh, je suis désolée pour vous.
-C’est rien.
-Pourquoi tu t’es mis dans cet état si c’est rien alors ?
-C’est vrais.
Il pose son sac sur le sol et regarde l’heure qu’il est sur son téléphone. Sur son fond d’écran figure une belle fille aux cheveux blonds coupés au carré serrant Alexis dans les bras et souriant à la camera. Il détourne le regard de cette photo et se baisse pour ouvrir la poche avant de son sac à dos. Kiri espère y trouver de quoi manger et se précipite vers lui. Mais le garçon en sort une petite boite grise sur laquelle est écrit « fumer tue ». Il prend une des cigarettes et fait rouler la roulette de son briquet.
-Tu devrais pas, l’interpelle Alwena.
Il hesite.
-Au point où on en est…
Et il l’allume.
-Pourquoi vous vous êtes quittés avec ta meuf ?
-On étais chez un ami, elle ne savait pas que j’allais venir. Et elle s’est ramenée avec mon meilleur pote. Je lui avait proposé de passer une soirée à deux ce soir. Elle avait refusé en disant qu’elle devait surveiller son petit frère. Donc je suis allé chez Maxime, mon ami chez qui j’étais il y a quelques heures. Et elle débarque en ptite robe avec mon meilleur ami au bras. Quand elle m’a vu elle l’a tout de suite lâché. Elle a dit qu’elle pouvait tout expliquer. Mon cul ouais.
-Et t’es parti ?
-Ouais. Mon ami m’a suivi jusqu’à dans la rue mais on s’est engueulé et bien-sûr ça a tourné au vinaigre.
-Comment ça ?
-J’lui ai collé une droite.
-T’aurais pas du faire ça.
-Je crois bien oui. Donc je suis venu ici, et j’ai attendu jusqu’à ce que tu débarques avec ton chien au nom de fromage.
-Ça faisait combien de temps que t’étais avec elle ?
-Alicia ? Près d’un an.
-Et combien de temps qu’elle…
-Je sais pas. Mais vu le regard des autres ça devait pas être récent.
Kiri commence à s’agiter et à remuer la queue.
-Je crois qu’il veut bouger.
-On a qu’a marcher.
-Tu connais un bon endroit.
- On peut aller Quai de Montebello.
-Bonne idée. Y a personne la nuit.
-J’y vais tout le temps, sourit le garçon.
Et ils se mettent en route, Kiri heureux de marcher.
Le Quai est en effet désert et les deux ados s’installent sur un petit muret. Les pieds dans le vide, sous eux, l’eau noire de la Seine. Derrière, Notre-Dame s’élève malgré les échafaudages en fer qui l’entourent. Comme un géant qui a besoins d’être soigné. Kiri s’installe à côté d’Alwena et Alexis allume sa deuxième clope.
-Raconte moi quelque chose d’Alicia, demande la jeune fille.
-Elle était blonde, un peu comme toi, mais avec les cheveux plus courts. Les yeux bleus un peut verts. Pâle comme la mort mais heureuse de vivre. Elle se maquillait pas, ou pas beaucoup.
-C’est elle sur ton fond d’écran ?
Il allume son téléphone et fixe l’image.
-Oui. Au tout début. Je l’ais rencontré ici. Sur ce Quai. Mais un peu plus loin. Vers là bas.
Il montre du doigt le long du Quai, une direction lointaine. C’était la cousine d’un ami. Et on traînais souvent à deux et on a finis par se mettre ensemble.
-T’as l’air de l’aimer vraiment.
-C’est le cas.
-Alors pourquoi tu l’as quitté ?
-Les principes… On sort pas avec quelqu’un qui nous trompe.
-C’est vrais…
Ils regardent l’eau couler sous leurs pieds et laissent pénétrer dans leur poumons l’enivrante odeur de la nuit.
-Raconte moi quelque chose de toi maintenant, demande Alexis.
-Et bien il n’y a pas milles choses à dire… Je m’appelle Alwena, j’ai 14 ans et bientôt 15, je vis pas loin d’ici avec mon père et ma belle-mère, je vais au collège Victor Hugo et voilà, rien de bien palpitant.
-Je pensais que t’avais plus que 14 ans. C’est quand ton anniversaire ?
La jeune fille regarde sa montre.
-Dans 30 minutes.
-Sérieusement ?
Elle hoche de la tête.
-Il va falloir fêter ça. On a pas 15 ans tous les jours ! Et il faut fêter le début de notre nouvelle amitié.
Parce qu’Alexis était décidé. Lui et Alwena étaient amis maintenant. Une amitié qui se base sur rien, sans jugement, une amitié entre deux inconnus qui se sont rencontrés à un arrêt de bus.
Le temps passe, les dernières minutes des 14ans d’Alwena défilent et les deux adolescents parlent de tout et de rien, refont le monde. Un monde où Alicia ne serait pas une fille de joie et où les parents n’auraient pas d’emprise sur leurs choix.
-Tu veux faire quoi pour ton anniversaire ? Demande Alexis.
-Je ne sais pas, tu propose quoi ?
-Il y a la soirée chez Maxime...mais…
-Faisons ça, décide la jeune fille.
Alwena semble décidée.
Alexis hausse les sourcils et souris.
-Mais pas question de parler à Alicia.
-Promis, répond la blondine. Il faut juste que je passe par chez moi pour déposer Kiri et me changer.
-Tes parents ne seront pas rentrés ? S’enquiert le garçon.
-Ils ne vont pas rentrer avant 2h.
C’est alors qu’ils se mettent en route pour aller chez Alwena. Il écrase son mégot sur le bord du muret, faisant s’échapper une dernière volute de fumée.
La jeune fille habite dans un des grands appartements Haussmanniens que l’on voit si souvent à Paris. Alexis l’attend en bas, les bras croisés, son sac sur l’épaule gauche, il se force à ne pas allumer une nouvelle cigarette. Alwena finit par descendre, recoiffée et habillée. Alexis ne se prive pas de la reluquer de haut en bas. Vêtue d’un jean noir et d’un léger haut à bretelles, elle semble avoir le double de son âge. Le noir sur ses yeux et ses cheveux remontés en chignon renforcent cet effet. Il sourit, elle lui sourit en retours et ils se mettent en route. Alwena prend le bras du garçon.
-Tu seras mon guide ce soir parce que je ne connais personne.
-T’inquiètes pas pour ça tu vas vite les connaître.
Ils marchent le long des avenues. Plus que cinq minutes avant minuit.
-C’est là, dit Alexis en montrant une haute porte verte foncée.
Ils entrent et de la musique se fait entendre dans la coure. Il doit y avoir une bonne trentaine de personne dans ce petit appartement.
-Pas un mot a Alicia et Mathis. Ok ? Previent Alexis.
-Mathis c’est ton pote que t’as tapé ?
-Ouais.
Il appuie sur la sonnette et un grand type baraqué viens leur ouvrir. Il doit faire bien 10cm de plus qu’Alexis.
-Eh ! T’es revenu ! Dit-il.
Alexis lui adresse un sourie poli.
-Dis pas à Alicia que j’suis ici ok ?
-T’inquiète pas elle est complètement hors service.
Ils entrent et Alwena a un sourire plaqué sur les lèvres. Alexis lui prend la main et l’entraîne au centre de la foule. Puis, il prend la table qui a été décalée sur les côtés de la salle. Il enlève les bouteilles posées dessus et la tire au centre du salon, bousculant les personnes dans le passage. Maxime, le type baraqué l’aide.
-Tu fous quoi mec ? Demande-t’il.
-C’est l’annive d’Alwena. Tiens tu veux bien baisser la musique et éteindre la lumière ?
Son ami le toise d’un regard étrange mais s’exécute. Alexis monte sur la table et manque de se cogner au plafond. Les autres invités le regardent, Alwena ne semble pas comprendre mais elle tiens déjà un verre dans sa main et rit devant le spectacle d’Alexis. Tous les regards sont tournés vers lui à présent, même celui de Mathis et celui d’Alicia.
-Votre attention s’il vous plaît, aujourd’hui est un jour plutôt spécial. Je ne devrais probablement pas me trouver ici en cet instant parce que j’ai peut-être fait des choses que je n’aurais pas dus faire. Pourtant me voilà, accompagné de ma chère Alwena. Et il se trouve qu’aujourd’hui c’est son 15eme anniversaire. Alors chantons tous ensembles pour elle.
La foule se met à chanter en chœur pour elle, même si personne ne la connais. Et elle sent son cœur se gonfler. Pas habituée à recevoir ce genre d’attention particulière, elle sent les larmes lui monter aux yeux. A la fin de la chanson, tout le monde crie et applaudit et la musique reprend de plus belle. La soirée se déroule ainsi et Alwena passe son meilleur 15eme anniversaire. Vers 2h, les premiers commencent à partir. Alexis est allongé sur le canapé, sa capuche remontée et ses yeux clos. A coté de lui, une fille est assise et lui caresse la main. Blonde, les cheveux coupés au carré. Alicia. Il ne reste plus qu’une dizaine de personne, allongés un peu partout dans la maison. Mathis a du rentrer chez lui tandis que Maxime range les bouteilles, les manteaux oubliés, les éclats de verre du vase qui est tombé et toutes les autres choses qui traînent sur le sol. Alwena s’approche d’Alexis, endormis. La fille à ses côtés la regarde d’un air interrogateur.
-Encore joyeux anniversaire, dit-elle en souriant.
-Merci, se contente de répondre Alwena.
Elle tapote l’épaule d’Alexis. Il se réveille et lui sourit aimablement.
-Je vais rentrer, dit-elle simplement.
Il hoche de la tête et ne la lâche pas du regard.
Prise d’un élan de confiance, Alwena s’approche de son visage. Leurs deux visages ne sont qu’a quelques centimètres l’un de l’autre. Mais elle recule, ne lâchant pas ses iris bruns du regard.
Elle tourne la tête vers Alicia.
-Fais pas de la merde avec lui. T’as le couteau pour le tuer.
Elle lui offre un sourire respectueux et se retire.
Alexis a dormi chez Maxime ce soir là. Il a beaucoup parlé avec Alicia. Il lui a raconté comment il a rencontré Alwena, la bêtise qu’il était en train de préparer et qu’il aurait mené à bout si elle n’avait pas été là. Puis Alicia lui a raconté à son tour. Qu’elle souffrait et qu’elle avait besoins de quelqu’un pour oublier.
Quand Alexis a voulu rentrer le lendemain, un post-it jaune l’attendais sur la table.
« Avec la promesse de se revoir ; merci pour tout. Les gens ne sont pas toujours ceux qu’on croit :)
-Alwena Moris »
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