Chapitre 5
Un vent frais parcourt l'ensemble de mon corps. Mes poils bougent à l'unisson tandis que mes yeux scrutent la pleine lune. Je cours dans la forêt en profitant de ma liberté. De nombreuses odeurs me parviennent et je me délecte de chacune en poussant un glapissement.
Mes pattes m'amènent jusqu'à un point d'eau et je lèche ce liquide pur en m'observant dans le reflet. Mes yeux marrons brillent ce qui les rend légèrement orangés.
Soudain, une odeur de fer me pousse à lever la truffe. Je renifle cette odeur afin d'en connaître l'origine et m'aventure dans sa direction. Je remonte une colline, passe derrière un bosquet pour arriver devant une grotte. L'absence d'odeur dans sa direction m'indique que la grotte n'est pas habitée. Mais mon attention se porte alors sur une masse sombre alongée devant la grotte, contre un tronc d'arbre. Je m'approche avec précaution, guettant la moindre nouvelle odeur et le moindre bruit.
De petits couinements sortent de ma gueule alors que je comprends face à quoi je me trouve. Deux yeux exorbités me font face. Un corps sans vie gît à cet endroit. Plusieurs traces de griffures le parcourt de haut en bas. Des marques profondes ayant sûrement causé sa mort. Un frisson causé par la crainte me pousse à reculer.
Je me fige d'un coup en sentant une nouvelle odeur approchée. La seconde d'après, je tourne ma tête et tombe sur un loup noir aux yeux dorés. Ses yeux brillent également dans la nuit.
– « Tout va bien Kira. »
Je suis surprise de l'entendre dans ma tête.
– « Il... il est mort. »
Le loup noir s'approche doucement avant de me tourner autour.
– « On s'occupe de tout, ne t'inquiète pas. »
Etrangement sa voix dans ma tête me rassure et je baisse la tête pour approuver. Je jette un autre regard à la lune avant que tout ne s'arrête...
Je me réveille le lendemain comme si j'avais passé une longue nuit. J'ai l'impression d'avoir dormi avec un sommeil de plomb Monsieur Carnet.
Je me lève puis vais dans la salle de bain pour me débarbouiller. Encore à moitié endormie en me levant, ce n'est qu'en voyant mon reflet que je me fige. Mon pyjama est complètement déchiré, je suis sale et, le pire, du sang a séché sur mes mains et mes pieds.
Je me regarde en étant totalement paralysée. Je ne comprends pas.
J'ouvre et je ferme plusieurs fois les yeux, me croyant victime d'une illusion, mais cela ne change rien.
– C'est quoi ce bordel...
– Kira ! T'es levée ? Viens prendre ton petit déjeuner !
– Je... j'arrive !
J'ouvre le robinet afin de me nettoyer un peu. Je frotte surtout pour enlever le sang. Un sentiment de peur commence à m'envahir. J'ai rêvé Monsieur Carnet ? Hein ?
Alors comment je me retrouve dans cet état ?
– Kira, qu'est-ce que tu fais ? Demande Maman en apparaissant à la porte.
Pourquoi je n'ai pas fermé la porte moi ?
Maman me regarde de haut en bas en se demandant ce qui se passe tandis que je suis figée en la regardant. Je pense que nous sommes toutes les deux perturbées. Il y a donc un silence avant qu'elle ne sorte dans un murmure :
– C'est... c'est arrivé alors...
Je n'ai aucune idée de quoi elle parle.
Elle plaque sa main sur sa bouche comme si elle voulait retenir un cri puis court en direction du salon. Je ne peux m'empêcher de la suivre malgré mes bras et mes jambes mouillés, enfilant une robe de chambre.
– Maman de quoi tu parles ?
Je la retrouve debout devant la télé qu'elle vient d'allumer. La chaîne d'infos à l'antenne parle d'un corps trouvé dans la forêt. Un homme présentant de multiples griffures profondes a été retrouvé par les enquêteurs le matin même. La piste de la présence de l'ours est envisagée.
Je regarde les images de la forêt en ayant les lèvres qui tremblent.
C'est le même endroit que dans mon rêve.
Le même corps que dans mon rêve.
Les mêmes griffures que dans mon rêve.
Je ne suis plus sûre que ce soit un rêve.
Maman se tourne vers moi en tremblant :
– Kira... c'est ... c'est toi qui a fait ça ?
Je secoue vigoureusement la tête. Il s'est passé quelque chose cette nuit mais cela n'a rien à voir avec le cadavre.
Ma mère commence à faire les cent pas en posant une main sur son front.
– J'en étais sûre... je savais que cela allait arriver... pourquoi...
Je la regarde toujours sans comprendre.
C'est alors que l'on sonne à la porte. Qui viendrait chez nous un samedi matin à même pas neuf heures ?
Ma mère me passe devant pour aller ouvrir. Je l'entends en train de discuter avec une personne dont je ne connais pas la voix. C'est une voix grave. D'après ce que j'entends, la personne me connaît. Une pulsion m'entraîne dans le couloir d'entrée. Un homme amérindien avec un chapeau de cow-boy passe son regard de ma mère à moi.
Je le reconnais.
C'est le garagiste de la rue. Celui qui m'a observée toute la journée d'hier.
Pourquoi il est là ?
Il repose son regard sur ma mère avant de dire :
– Antonina c'est arrivé cette nuit. Tu sais ce que cela signifie.
En voyant ses épaules bouger, je me dis qu'elle est en train de pleurer. Elle a de nouveau sa main sur sa bouche.
– C'est elle qui a fait ça ? Demande-t-elle avec la voix cassée.
L'homme la rassure.
– Le corps était là depuis deux jours environ. Ta fille est juste tombée dessus.
Cette information me procure un énorme sentiment de soulagement. Même si je savais au fond de moi que je n'avais pas tué cet homme, l'entendre dire par quelqu'un d'autre est rassurant.
Ma mère se tourne alors vers moi en essuyant ses larmes.
– Tu... tu vas aller avec lui Kira... il... il va t'aider.
Je regarde à deux fois ma mère. C'est la première fois qu'elle me dit de suivre un inconnu.
– Va préparer des affaires.
Je me souviens alors n'être qu'en robe de chambre.
– Pour... quoi ?
Soudain elle devient plus agressive.
– Fais ce que je te dis !
Son haussement de ton me fait sursauter et retourner dans ma chambre. Je regarde mon lit sans comprendre. De la terre et du sang le parsème. Je me tourne en direction de mon placard et attrape un sac de sport assez grand pour y mettre quelques affaires importantes. Je m'habille également rapidement sans prendre le temps de me nettoyer plus.
De retour dans l'entrée, l'homme semble être parti et ma mère est dans la cuisine ouverte avec une bouteille de blanc.
– Maman...?
Elle boit le contenu de son verre à ballon d'un coup sec avant de me dire sans même me regarder :
– Il t'attend en bas. Une camarro noire.
Un sentiment de malaise m'envahit. Pour la première fois de ma vie, je me sens repoussée par ma propre mère.
Et le pire dans tout ça c'est que je ne comprends même pas pourquoi.
– Je... tu... maman...
– Dépêche toi !
Son nouveau cri me fait monter les larmes aux yeux tandis que je ferme derrière moi la porte de l'appartement. Je descends les marches des escaliers presque en courant.
Dehors, une camarro noire est garée quelques places plus loin. J'ouvre la portière passager afin d'entrer dans la voiture. Le cow-boy attrape mon sac pour le faire passer à l'arrière.
– Tu vas bien ? Demande-t-il en me voyant tremblante.
Voyant mon manque de réponse, il démarre la voiture et prend la route.
– Pourquoi...?
– Ta mère a toujours eu peur de ça. Même quand on sortait ensemble et que je pensais qu'elle avait fini par accepter, du jour au lendemain elle avait disparu et...
– Pardon ?!
Les yeux dorés de mon interlocuteur se tournent rapidement vers moi avant de retourner sur la route.
– Est-ce que tu sais qui je suis ?
Je n'en ai pour l'instant aucune idée mais un étrange pressentiment me fait dire que je ne vais pas tarder à le savoir.
– Je suis James, ton père.
Je me ratatine dans mon siège en n'en croyant pas mes oreilles. Mon père. Comment cela mon père ?
Une tonne de questions me submergent alors. Je n'arrive pas à déterminer laquelle poser en premier. Alors j'ouvre ma bouche et laisse le destin choisir :
– Tu sais qui je suis ?
– Bien sûr ! S'exclame-t-il comme si c'était une évidence. On a quand même vécu un an ensemble avant que ta mère ne disparaisse avec toi.
– Comment ça ma mère a disparu avec moi...?
Ma mère m'a toujours dit que c'était lui qui était parti.
– Quand tu avais un an, ta mère est parti du jour au lendemain en te prenant avec elle. Elle avait peur que tu deviennes comme moi je suppose. Mais malgré elle, c'est arrivé.
Je me mets à ventiler face à ces révélations. Toute ma vie est en train d'être chamboulée. Tout ce que je croyais en train d'être remis en question.
– Pour...Pourquoi...?
Nous arrivons dans le quartier de la forêt et James se gare devant une maison en bois. Il descend de la voiture sans me répondre et je le suis rapidement afin de lui reposer la question. Il me regarde avant de soupirer.
– Ta mère fait vraiment chier à ne t'avoir rien dit du tout...
J'attends ma réponse en le regardant pleine d'espoir.
C'est alors qu'il se transforme.
Oui c'est incroyable à dire, il se transforme.
Il devient un loup. Le même loup noir que j'ai vu la nuit dernière.
– « On est des loups Kira. »
La même voix qui était dans ma tête la veille.
Ma respiration s'accélère et devient de plus en plus bruyante. Je me mets à tanguer avant de finalement finir par tomber.
Et tout devient noir.
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