Chapitre 46

Une étrange sensation me parcourt lorsque je reprends connaissance. Je suis allongée sur le canapé des Lluna et plusieurs têtes me guettent avec crispation. J'aperçois alors Misaki qui regarde dans mon sens avec insistance.

Savait-elle que j'aurais une vision en la touchant Monsieur Carnet ?

À son air, je dirais que oui.

– Tout va bien Kira ? Demande Gabriel en me voyant reprendre mes esprits.

Je ne lui réponds pas mais m'adresse directement à la Kitsune.

– Qui était-ce ?

Misaki semble prise au dépourvu par ma question et se met à bredouiller des choses incompréhensibles en japonais.

– Elle était comme vous, je continue, je l'ai senti. Une femme âgée avec des cheveux longs.

Ryota se tourne vers elle puis voyant que sa partenaire ne répond pas, il finit par me dire ce que je pensais :

– C'est la mère de notre Sensei, c'est elle qui a demandé à ce que l'on vienne te chercher.

– Je croyais que vous ne saviez rien tous les deux, je les attaque en comprenant qu'ils m'ont menti.

– On ne sait pas grand-chose, persiste Misaki. Seulement que la mère de notre Sensei a pressenti quelque chose et qu'elle a demandé à son fils de nous envoyer.

– Pourquoi j'ai l'impression que vous ne dites pas tout, je soutiens leur regard en me redressant.

Je me fais pression pour ne pas vaciller même si je sens ma tête tourner. Les deux Kitsune baissent les yeux puis Ryota s'adresse à sa partenaire en japonais. De son ton, j'en déduis qu'il lui demande avec autorité de faire quelque chose.

– C'est bon je vais tout dire, lâche Misaki.

Je croise les bras et attends la suite. Misaki se met à froisser le bas de son haut avant de commencer à raconter.

– C'est de ma faute, confesse-t-elle d'une petite voix. J'ai... j'ai mal contrôlé mon renard et en conséquence, des esprits ont été déréglés.

Je la regarde en me demandant ce que cela veut bien dire. Mon absence de connaissances sur les Kistune ne m'aide pas.

– Ce que veut dire Misaki, reprend Ryota en voyant que nous ne comprenons pas tout, c'est que son renard a malencontreusement essayé de duper un esprit qui pour le coup l'a mal pris et veut se venger.

Et dire qu'elle se moquait de moi car je n'avais pas débloqué ma forme de louve Monsieur Carnet. Apparemment je ne suis pas la seule à ne pas tout maîtriser de mon côté surnaturel.

– Comment son renard a pu faire ça ? Veut savoir James.

– Lorsque nous nous transformons, cela ne donne pas la même chose que vous les loups. Tente d'expliquer Ryota. Chez nous le renard n'est pas une forme de notre personne mais est un être à part entière. Pour maîtriser notre renard, nous nous entrainons à nous maîtriser nous même depuis l'enfance. Car notre renard prendra la forme de notre âme au moment de notre adolescence.

Nous le regardons tous avec un air un peu perdu. Seul Gabriel semble comprendre ce qu'il veut dire.

– Ce qu'il veut dire, poursuit Gabriel, c'est qu'un Kitsune qui apprend à maîtriser ses émotions dans son enfance, qui grandit en étant équilibré mentalement, fera un renard parfaitement en phase avec lui même. Mais quelqu'un comme Misaki, qui vraisemblablement, n'a pas réussi à atteindre cet équilibre, a développé un renard qui arrive à en faire qu'à sa tête. Bref qui fait des choses lorsqu'il est lâché que Misaki ne ferait pas forcément.

Je hoche la tête en y voyant plus clair. Leur processus de transformation a l'air quand même vachement compliqué Monsieur Carnet. Chez les loups, l'entraînement de la maitrise de sa forme loup commence seulement quand le loup s'est manifesté lors de la première pleine lune. Chez les Kitsune cela semble commencer durant l'enfance.

Je n'imagine pas ce qu'il serait advenu de moi si j'avais été une Kitsune sans le savoir. J'aurais sûrement eu des problèmes avec mon renard.

– Et qu'est-ce que ton renard a fait exactement ? Essaie de savoir Gabriel. Et à quel esprit ?

– C'est là que c'est plus compliqué, intervient Misaki. Je ne sais pas. Mais pour que ce soit important, cela doit être contre l'une des divinités les plus importantes.

Avec ça on est avancé Monsieur Carnet.

Je tends une main à Misaki.

– Donne moi la main, je lui réclame en la regardant dans les yeux.

– Tu vas faire quoi ? S'inquiète-t-elle légèrement en collant ses mains à son torse.

Je pousse un soupir en voyant son attitude appeurée pour rien.

– C'est bon Misaki, lâche Ryota, elle ne va pas te manger.

Misaki finit par se décider et me tend la main.

Je n'ai jamais fait une chose comme ça. Je n'ai jamais essayé à provoquer une vision. Je ne sais même pas si je vais réussir à le faire pour tout dire.

Je lui prends la main avant de dire :

– Il va falloir que tu lâches ton renard dans ton esprit.

– Quoi ?! S'exclame-t-elle surprise.

– C'est avec lui que je veux communiquer.

– Je... je vais essayer, bégaye-t-elle.

Je ferme les yeux après elle et à la tension dans sa main, je sens qu'elle se concentre. Je me concentre également tout en jouant avec ma respiration et j'oublie tout le reste.

J'oublie que nous nous trouvons dans le salon des Lluna.

J'oublie tout le monde regroupé autour de nous.

J'inspire et j'expire tout en me concentrant sur ce que je veux.

Puis j'ouvre de nouveau les yeux...

Je me retrouve dans un espace sombre que je ne saurais décrire. Je ne suis ni dans un bâtiment, ni dans un espace extérieur.

Je dirais que je me retrouve dans un endroit inexistant, intemporel. Une conscience ?

Aucune idée Monsieur Carnet.

C'est alors que dans l'obscurité où je me trouve, une lumière commence à prendre vie. Face à moi, une boule lumineuse commence à grossir.

Elle grossit et grossit pour prendre la forme d'un être orangé possédant neufs queues. Puis le visage de la chose change pour devenir un animal ressemblant fortement à un renard mais possédant les yeux et les airs de Misaki.

Son kitsune.

– Misaki ? J'articule assez fortement dans l'espoir d'être entendue.

Le Kitsune baisse son regard jusqu'à moi puis répond. Il a une voix assez gutural :

– Oui, c'est comme cela que nous nous faisons appeler.

J'ai besoin de savoir ce qu'il s'est passé avec les esprits. Notre monde est en danger.

Le Kitsune flotte doucement dans les airs pour se rapprocher de moi.

– Qui te fait croire, jeune louve, que je te dirai la vérité, commente-t-il fourbement.

Je suis capable de reconnaître un mensonge rien qu'au ton employé, je le contre sans hésitation.

Le Kitsune se met à rire de façon assez théâtrale puis reprend :

– Les mensonges des Kitsune sont indétectables, nous sommes les rois de la malice je te rappelle.

On peut toujours essayer, je prends le pari.

Le Kitsune esquisse un sourire en coin avant de se lancer dans un récit tout en me volant autour. Son pelage, bien que ce soit une illumination, brille et semble doux et soyeux au toucher. Ses neufs queues sont à la fois magnifiques et impressionnantes à la fois. De part sa taille, il est capable de faire le tour de moi.

– Il se pourrait que j'ai été un peu vantard envers un certain esprit, commence-t-il sobrement, comme s'il racontait une anectocte.

Ce qui veut dire ? Je demande des précisions.

J'ai affirmé à l'un des esprits guerrier que les Kistune sont plus forts qu'eux.

J'imagine la provocation que cela a été.

– Alors ? Me questionne-t-il. Est-ce que j'ai été sincère ?

Oui, je confirme sûre de moi.

C'est vrai, admet-t-il. Mais pour être vraiment exact, il faudrait rajouter une chose.

Laquelle ?

Le Kitsune termine l'un de ses nombreux tours autour de moi pour venir se redresser devant moi.

Sa grandeur me donne l'impression d'être minuscule.

Il baisse par la suite sa tête vers moi et les yeux de Misaki plongent dans les miens.

– Je n'ai pas fait que parler avec cet esprit, révèle-t-il dans un chuchotement. Je l'ai tué.

J'ai un mouvement de recul en me demandant comment il a pu faire ça sans que Misaki ne soit au courant. Le Kitsune semble apprécier de lire mon incompréhension sur mon visage.

– Et ouais, se vante le Kitsune.

Et je suppose que les autres veulent se venger.. ?

Tu as tout compris.

Avant que je ne réussisse à dire quoi que ce soit d'autre, je ressens une douleur dans le coeur qui me ramène à moi et m'oblige à m'assoir.

– Kira ! M'appelle James. Ça va ?

Je secoue la tête mais pas à cause de ma douleur. Je lève par la suite les yeux vers Misaki qui me regarde avec appréhension.

– Il a tué un esprit guerrier, je précise froidement.

– Et tous les autres vont vouloir se venger, comprend Ryota en devenant blanc.

Je hoche la tête à son intention.

– Ça veut dire quoi « tous les autres » ? Commence à baliser Gabriel.

– Mon Kitsune a ouvert une guerre avec les esprits guerriers, explique Misaki en tremblant légèrement, ce qui veut dire qu'une centaine d'esprits va débarquer.

– « Ils arrivent » je répète alors dans un souffle comme un écho à la Banshee de ma première vision.

On est mal Monsieur Carnet.

Vraiment mal...

Stay tuned.

K.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top