Chapitre 44

Trois paires d'yeux me fixent sans rien dire depuis au moins trois minutes. Je suis assise sur l'espèce de table d'oscultation pour animaux du cabinet de Yann. Mes oreilles ont été soignées et j'ai dû raconter ma vision au moins cinq fois depuis que je suis arrivée.

– Alors si j'ai bien compris, essaie de résumer James, une sorte de Bandee...

– Banshee, le reprend Yann tout en gardant son regard fixé sur moi.

– Oui c'est pareil, continue James. Une banshee t'est apparue en vision pour t'annoncer que « ils arrivent » ? C'est ça ?

J'opine pour la sixième fois de la tête.

– Et c'est tout ? Veut savoir de nouveau Shawn.

– Et c'est tout, je répète. La vision a été très courte. Mais je sais que ça n'arrivera pas pour l'instant mais en automne.

– Pourquoi en automne ? Demande de nouveau James même si cela a déjà été évoqué.

– Les feuilles qui tombent, lui rappelle Yann.

– Ah oui.

– Tu connais cette fille Banshee ? Me questionne Yann.

Je secoue la tête et décide en même temps de descendre de la table d'opération. James se précipite pour me soutenir mais je lui fais comprendre que je vais bien.

– Je croyais que les Banshee avaient disparu, lance Shawn.

Moi je ne savais même pas que ça existait Monsieur Carnet.

– Je croyais aussi, avoue Yann.

– Il faut en parler à mon père, convient Shawn.

– Et il faut que tu essaies de découvrir qui est cette fille, déclare James à mon encontre.

Je veux bien essayer Monsieur Carnet mais le souci c'est que je ne peux pas provoquer les visions.

– C'est quoi une Banshee sinon ? Je questionne en voyant que personne ne remarque que je suis perdue.

– Ce sont généralement des femmes qui ont un lien avec la mort. Leur cri annonce un malheur à la personne qui l'a entendu.

– Donc en gros là vu que c'est moi qui ai entendu le cri, il va m'arriver quelque chose ? Je comprends.

Ils se regardent tous les trois et on dirait Monsieur Carnet qu'ils viennent d'avoir le même raisonnement que moi. Et au blanc qui en suit, je doute qu'ils sont pris de court face à cette révélation.

– On rentre ? Je propose pour couper ce blanc assez gênant.

James et Shawn finissent par accepter et nous retournons dans la voiture. Je sens mon père assez tendu et sûrement en train de réfléchir à ce qu'il peut faire. De son côté Shawn... et bien est fidèle à lui-même. Je n'arrive pas à cerner ce qu'il peut ressentir. Mais j'imagine que ce problème est plus une contrainte pour lui.

Nous arrivons à la maison et je descends de la voiture. Gabriel est dehors, comme s'il nous attendait. Il regarde James avec un air lui demandant des explications. Mon père explique alors ce qu'il s'est passé et Gabriel se tourne vers moi.

Moi qui aurait voulu aller me coucher sur mon lit bin c'est raté.

– Une Banshee ? Répète Gabriel. Elle était comment ?

– Je dirais à peu près notre âge et blonde, je réponds.

À ses yeux je vois que mes informations ne l'aident pas beaucoup.

– Pas de signe distinctif ? Continue malgré tout Gabriel. Tatouage ? Percing ? Tâche de naissance apparente ?

Je secoue négativement la tête. À cause de son cri, je n'ai pas vraiment pu la distinguer plus. J'étais bien trop occupée à me boucher les oreilles.

C'est sur ces entrefaites là que Ty arrive comme un cheveu sur la soupe. Il nous regarde tous avec surprise avant de demander ce qu'il se passe. Gabriel décide d'éluder la question puis retourne chez lui avec James à ses côté.

Je me tourne vers Ty afin de lui donner quand même une réponse. Je lui explique ce qu'il s'est passé tout en le rassurant mais je vois cependant de l'inquiétude dans ses yeux.

– Je vais bien, je le rassure encore.

– Oui... en tout cas je vais pas te lâcher aujourd'hui, m'informe-t-il en souriant.

– J'imagine bien, je lui rends son sourire.

– On y va ? Me questionne-t-il en me tendant son bras.

Je passe mon bras autour de son coude et nous nous dirigeons vers sa Honda.

– Vous allez où ? Nous interpelle Shawn qui n'avait pas bougé depuis tout à l'heure.

Je ne réponds pas et intime à Ty d'avancer plus vite. Nous montons dans la voiture et Ty démarre.

Je vois Shawn dans le rétroviseur nous fixer et finir par retourner chez lui.

– Toujours pas réconcilliés ? Lâche Ty en prenant la direction de la forêt.

Je ne réponds pas et me mets à observer la route. Le trajet ne dure pas très longtemps et Ty finit par se garer. Nous descendons et commençons notre promenade dans les bois.

La journée est très belle pour une promenade. Il fait beau, le ciel n'a aucun nuage mais seulement quelques tâches blanches par endroit. La journée s'annonce chaude aussi nous serons mieux dans la forêt.

– On est bien là, je lâche en souriant.

Ty prend un sac à dos dans le coffre et le met sur son dos tout en répondant.

– Oui, c'était une bonne idée.

Nous prenons la direction d'un petit sentier et entamons notre promenade.

L'air frais de la forêt me fait un bien fou Monsieur Carnet. Nous marchons côte à côte tout en discutant un peu de tout et de rien.

Puis mon regard se pose sur Ty. Avec lui je me sens apaisée.

– Pourquoi tu me fixes comme ça ? Demande-t-il un peu gêné en passant ses doigts dans ses cheveux.

Je me rends alors compte que je le fixe depuis trop longtemps apparemment et baisse les yeux en m'excusant. Ty me taquine en me poussant doucement et nous arrivons dans une clairière.

Un gros rocher trône en son centre et de petites fleurs violettes sont disséminées un peu par ci par là.

Nous décidons de nous poser à côté du rocher pour notre pique-nique. Ty pose son sac à dos et sort tout ce qu'il a préparé. Oui Monsieur Carnet, il a tenu pour tout faire lui même.

Ce qui est assez mignon je dois avouer.

– Au menu Madame, annonce-t-il avec une voix solennelle légèrement surjouée, salade de pommes de terre puis sandwich divers avec pain frais. En dessert, petit fondant au chocolat.

– Appétissant, je réponds.

Il me sert une assiette de salade puis nous mangeons en discutant.

Après notre petit pique-nique nous décidons de continuer notre balade et nous nous enfonçons encore un peu dans la forêt.

Nous sommes en train de discuter lorsque nous nous arrêtons soudainement en même temps.

Un bruit.

Des pas plutôt.

Quelqu'un qui se cache et nous espionne.

Ty me lance un regard puis je comprends son injonction. Nous nous séparons pour encercler l'intru.

Nous décrivons alors une sorte d'arc de cercle tout en continuant à guetter les bruits environnant.

Puis les pas se mettent à courir dans une autre direction si bien que je me mets à les poursuivre. Je dis « les » Monsieur Carnet car au bruit j'ai l'impression qu'il y a minimum deux personnes.

Je me retrouve alors sur le chemin et prends ma forme hybride afin d'aller plus vite. Ty arrive alors à son tour, également sous sa forme hybride, et me dépasse tout en continuant la poursuite.

Bientôt nos « espions » sont visibles et Ty prend alors son élan et leur saute dessus, les faisant tomber.

Je les rejoins alors tandis que Ty se relève. Deux adolescents aux traits asiatiques poussent des gémissements tout en se mettant assis.

– Putain t'étais obligé de nous sauter dessus, lâche la fille.

Elle porte un carré noir jaie bien défini et une frange au dessus de ses yeux marrons.

– Vous étiez en train de nous espionner, je leur rappelle. Et vous vous êtes enfuis, il fallait bien vous rattraper.

– Vous êtes qui d'abord ? Leur demande Ty méfiant.

Le duo se relève et le garçon prend la parole. Il a également les cheveux noirs mais ceux-ci sont plus longs et coiffé en petite queue de cheval derrière sa tête.

– On fait parti du clan des Kitsune, on a été envoyé par notre Sensei pour vous trouver.

Leur réponse nous surprend, les Kitsune ne sont pas présents dans cette région du pays et le seul groupe d'où ils pourraient venir est à plusieurs heures de là. D'autres meutes sont plus près, pourquoi venir jusqu'à la nôtre ?

– Pourquoi vous n'êtes pas allés plus près si vous cherciez des loups ? Les interroge Ty.

– On ne cherche pas n'importe qui. On cherche la louve blanche, explique la fille.

Nous nous regardons avec surprise. Comment les Kitsune sont au courant ?

– On va vous ramener à notre Alpha, annonce alors Ty. Suivez nous.

Le duo accepte et nous reprenons le chemin de la voiture.

Je reste silencieuse durant tout le trajet.

Pourquoi est-ce que les Kitsune me cherchent ?

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