Chapitre 43

Le mois passa sans que je ne te repris Monsieur Carnet. Je m'en excuse.

Mais bon j'ai des circonstances atténuantes : un chagrin d'amour.

Du coup si tu veux un résumé des évènements du camp et bien à part des entraînements, quelques fêtes et des séances piscines, je n'ai pas grand-chose à te raconter.

Et avant que tu demandes, non je ne me suis pas mise avec Ty. J'ai le coeur qui souffre un peu trop pour pouvoir me mettre avec lui.

Le bus nous a ramené chez nous il y a une semaine maintenant. Pendant ce temps là, j'ai aidé un peu James au garage. Il tient à ce que j'acquiers une certaine expérience en mécanique afin de pouvoir me débrouiller une fois que j'aurais ma voiture. Je ne suis pas contre. Surtout que James est assez bon pédagogue et que ça m'empêche de rester à la maison.

J'ai développé quelque chose d'étrange depuis le fameux soir Monsieur Carnet : une sorte de phobie à l'idée de voir Shawn. Je fais tout pour l'éviter. Je ne me rends pas à la salle des jeunes du quartier, je ne vais pas à la plage, j'évite de sortir quand je sais qu'il est dehors.

Je me dis que je suis un peu débile de réagir comme ça, que je devrais continuer ma vie, passer à autre chose. Mais dans ces moments là, ce n'est plus moi au commande de mon corps. Et j'en arrive à me cacher derrière des portes pour ne pas le voir.

Oui je sais ça ne sert pas à grand-chose car il peut très bien me sentir. Mais psychologiquement, ça aide.

Enfin bref, voici les nouvelles.

Là, je suis en train de marcher, écouteurs sur les oreilles, jusqu'à une zone un peu abandonnée, au nord de la ville. À l'époque, il devait y avoir des habitations à cet endroit mais maintenant plus personne ne vit ici. J'ai rendez-vous avec Cal pour un entraînement un peu spécial. Nous nous retrouvons à l'orée de la forêt, entre deux maisons en bois couvertes de tag.

Cal me salut d'un signe de main et je le lui rends. Elle est au courant pour « le fameux soir » et elle sait qu'il vaut mieux éviter d'en parler.

– Alors ton apprentissage au garage de ton père ? Commence-t-elle en souriant et posant son sac à dos.

Je lui réponds tout en l'imitant :

– J'ai dû changer une roue ce matin pour une petite Chevrolet. James était mort de rire car j'ai réussi à faire qu'une roue dans le temps où lui en fait quatre. Mais bon j'apprends.

– Oui c'est sûr et puis c'est pas léger tout ça, remarque-t-elle.

Je hoche la tête et Cal ouvre la fermeture de son sac noir avant de sortir une sorte de grimoire.

– Tu as réussi à le prendre facilement ? Je l'interroge en venant à côté d'elle.

– J'ai demandé à l'emprunter, tout simplement, admet-t-elle en souriant. Bella est quelqu'un qui adore instruire les autres. Du coup quand je lui ai dis que je voulais pouvoir m'entraîner seule, elle m'a proposé ce livre.

Le grimoire en question est aussi grand que son sac à dos. Il a une couverture marron doré et ses feuilles semblent avoir été jaunies avec le temps. Sur sa face, il est écrit en latin : telekinesis magicae.

– Bella m'a dit qu'il existait plusieurs tomes de ce livre, raconte-t-elle en s'asseyant pour l'ouvrir, du coup elle m'a prêté le premier.

Je m'assois à côté d'elle tandis qu'elle consulte le sommaire du livre. Mon cerveau chauffe en comprenant que tout sera écrit en latin à l'intérieur de l'ouvrage. Cal, de son côté, ne semble pas être gênée par la langue morte. Elle finit même par avouer en recherchant un chapitre :

– J'ai toujours eu des facilités pour le latin, c'est sûrement lié à ma nature de Sorcière. Tu savais qu'à l'Académie, ils ne parlent qu'en latin ?

L'Académie, Monsieur Carnet, est ce que l'on pourrait appeler une école pour les nouvelles sorcières. Celles dont les pouvoirs se sont manifestés et qui n'ont pas forcément de membre de leur famille pour les aider. Comme Cal quoi, elle est la première sorcière de sa famille. Enfin, pas tout à fait apparemment. Elle m'avait raconté pendant que j'étais au camp que Bella avait identifié une lointaine arrière cousine qui avait la capacité de changer la matière. En gros, elle pouvait changer une porte en bois en de l'eau et des trucs comme ça si j'avais bien compris.

Cal a accès à l'Académie depuis l'endroit qu'elle veut. Elle a seulement une phrase en latin à prononcer en touchant un objet, généralement un meuble c'est l'idéal, comme une armoire. Et en ouvrant la porte de son armoire, elle arrive à l'Académie.

Oui ça fait un peu penser au Monde de Narnia avec l'armoire qui amène à la forêt. Du coup c'est un peu le même principe.

D'après ce que m'a raconté Cal, l'Académie serait un grand château perché sur une falaise. C'est pour ça qu'elle n'est accessible que part le sort. Le château est divisé en plusieurs pièces où une Sorcière enseigne sa capacité à ses élèves. Ce qui veut dire que même si Cal est spécialiste de la télékinésie, elle va apprendre en plus à faire des sorts et à invoquer.

– Regarde, me montre alors Cal en désignant une ligne avec un doigt. Des techniques d'orientation pour la télékinésie.

Je la regarde en attendant la traduction de ce qu'elle vient de dire. Cal semble s'en rendre compte car elle se met à expliquer :

– En gros la télékinésie de base c'est comme une ligne droite. Tu fais bouger un objet de droite à gauche, de haut en bas ou d'avant en arrière mais ça reste linéaire, tu vois ce que je veux dire ?

– Euh je pense oui, je bredouille.

– Eh bah du coup avec ces techniques je peux faire en sorte d'orienter mon flow de télékinésie comme j'ai envie.

Je hoche la tête peu convaincue et Cal pose le livre délicatement sur son sac avant de se lever.

Elle jette un dernier coup d'oeil à ce qui est écrit avant de déclarer :

– Je vais essayer, jette la pomme.

J'attrape la pomme dans la petite poche de son sac à dos et la jette dans sa direction. Aussitôt, elle tend les deux mains devant elle et la pomme s'immobilise. Elle murmure alors une sorte de formule en latin tout en faisant bouger ses mains. La pomme se met alors à tournoyer sur place.

– Tu vois Kira ? M'interpelle-t-elle alors. C'est ce que je voulais te dire.

Je la regarde avec admiration en me rendant compte qu'elle a fait énormément de progrès en peu de temps.

Cal relâche par la suite la pomme qui termine sa chutte sur le sol. Elle retourne à son livre et continue à tenter d'autres façons d'orienter sa télékinésie tout le reste de l'après-midi. Le soir, Cal vient dormir chez moi. Nous rentrons donc ensemble et croisons Irena dans la cuisine. Elle est occupée à préparer le repas du soir et nous décidons de lui donner un coup de main. Cal ne se fait pas prier pour se servir de sa télékinésie pour attraper les pots à épices.

– Rah arrête avec ta magie jeune fille ! Râle gentiment Irena en secouant les mains.

– Ça sent bon ici, lance alors la voix de Shawn.

Je ne vais pas te mentir en disant que j'étais surprise de le voir, je l'avais senti malgré moi. Par contre, pas Cal. Et sa surprise lui fait perdre sa concentration sur le poivre qui manque de tomber dans la marinade. Je rattrape le pot in extrémis avant de le reposer sur le plan de travail.

– Bonsoir Shawn, le salut Irena en prenant un torchon pour s'essuyer les mains. Tu as besoin de quelque chose ?

– Ma mère demande si tu n'aurais pas un oignon à nous dépanner s'il te plait, demande-t-il poliment.

– Je crois avoir ça.

Elle se dirige vers le garde manger en répétant cette phrase. Nous restons alors tous les trois dans le plus grand des silences. Je sens le regard de Cal passer de Shawn à moi et de moi à Shawn. De mon côté, je m'occupe des morceaux de saumon en train de mariner.

Certes ils sont en train de mariner donc théoriquement ils n'ont pas besoin de moi Monsieur Carnet, mais il faut que je m'occupe. Alors je passe mon temps à les retourner avec une cuillère en bois pour faire s'imprégner la marinade des deux côtés.

– Les cours à l'Académie se passent bien Cal ? S'enquiert alors Shawn pour faire la conversation.

– Oui super, répond Cal.

Un nouveau blanc se fait sentir et je me demande où sont bien rangés ces oignons pour qu'Irena mette autant de temps.

Puis le téléphone de Cal se met à sonner.

– Mes parents, annonce-t-elle en prenant la direction des escaliers. Faut que je réponde.

Je lui lance un regard suppliant mais elle me répond par une grimace gênée avant de monter.

Je me retrouve donc dans cette pièce, Shawn dans mon dos, en train de retourner toutes les dix secondes des morceaux de saumons pour ne pas lui faire face.

Assez pathétique tu ne trouves pas Monsieur Carnet ?

– Tu passes de bonnes vacances, me questionne alors Shawn, toujours pour faire la conversation.

– Mm mm.

Je crois que ce qui est plus pathétique Monsieur Carnet, c'est que je n'arrive même pas à lui parler.

– Cal dort ici ce soir ?

– Mm mm.

Je l'entends pousser un soupir qui se veut discret mais ne bouge pas. Irena finit enfin, MERCI, par remonter.

– Tiens un oignon tout frais. Je viens d'aller le chercher dans le jardin.

Shawn la remercie puis nous salut avant de retourner chez lui. Mon corps se relâche alors tandis qu'Irena s'approche de moi.

– Mais qu'est-ce que tu fais à les retourner toutes les cinq secondes ? Peste-t-elle en reprenant place devant son plat.

J'avais envie de répliquer que je le faisais toutes les dix secondes mais je ne pense pas qu'Irena aurait été contente. Je décide qu'il est plus sage de s'excuser et de s'éclipser.

Je rejoins Cal dans ma chambre et la laisse terminer sa conversation téléphonique. Apparemment son père avait oublié qu'il avait une grosse commande pour un baptême le lendemain et que du coup Cal devra les rejoindre tôt demain matin à la boutique.

Notre soirée pyjama ne dura donc pas très longtemps. Mais juste assez néanmoins pour regarder un film et bavarder un peu avant de dormir.

Le lendemain matin, j'accompagne Cal jusqu'à l'arrêt de bus presque qu'à l'aube puis reprends le chemin de la maison. Je baille en marchant en pensant à mon lit que j'ai quitté trop tôt et arrive enfin dans l'allée de la maison.

– Tu es tombée du lit, lance la voix de Shawn qui sort de chez lui.

Je jure mentalement tout en roulant des yeux et choisis de ne pas répondre. Je tourne pour aller à ma porte et quelques secondes plus tard, et comme par magie, Shawn se retrouve devant moi.

Je pile net pour ne pas lui foncer dedans en me disant qu'il est rapide.

– Tu as choisi de m'éviter, n'est-ce pas ? Me questionne-t-il en guettant la réaction de mon visage.

Je me fais le plus impassible possible avant de répondre :

– Non, pourquoi tu dis ça ?

J'ai même esquissé un sourire Monsieur Carnet, t'imagine pas les progrès.

Malgré ça, Shawn ne semble pas convaincu.

– Tu sais que tu es une très mauvaise menteuse, assure-t-il en croisant les bras.

Je ne réponds pas et décide de passer à côté de lui. Il m'attrape par le coude et me tourne vers lui.

– Kira... on...

Un flash me parcourt soudainement que je lâche un hoquet de stupeur. Shawn disparaît de mon champ de vision pour laisser place à une lumière blanche...

Je me retrouve dans la forêt. Le sol autour de moi est trempé, comme s'il venait de pleuvoir. Des feuilles commencent à tomber avec le vent et certains feuillages arborent une jolie couleur cuivrée. Je regarde autour de moi quand soudain, un cri perçant me transperse les tympants et me fait me boucher les oreilles. Je m'agenouille en ouvrant la bouche pour crier sous la douleur et c'est là que je la vois.

Une fille aux cheveux blonds lui descendant dans le dos pour arriver à ses reins. Elle a des yeux noirs comme la nuit et pas de pupille. Sa bouche est ouverte en grand. C'est elle qui pousse ce cri horrible.

Puis elle ferme alors la bouche et je m'affaisse au sol en haletant. Je relève alors la tête vers elle et me rends compte qu'elle est juste devant moi. Elle se penche tout en restant debout afin de s'approcher de mes oreilles.

– Ils arrivent...

Je veux lui demander de qui elle parle mais d'un coup la fille disparaît en même temps que la forêt.

J'inspire profondément tout en me redressant et me rends compte que j'étais allongée sur le dos. Shawn est auprès de moi et il me regarde avec le même air inquiet qu'il a lorsque je suis sous une vision.

– Kira ! Ça va ?! S'inquiète-t-il en m'aidant à me redresser. Doucement, reste assise...

Je lui obéis en me rendant compte que mes jambes ne sont pas encore prête à me porter pour l'instant. Je me masse les oreilles en ressentant encore la douleur liée au cri de la fille mystère. Une sorte de liquide sortant de mon oreille se fait alors sentir et je porte alors ma main devant moi pour voir de quoi il s'agit : du sang.

– Tu saignes, remarque alors Shawn en même temps que moi.

Il ne me laisse pas le temps de lui dire que je vais bien et m'attrape sous les genous et les aisselles pour me porter.

À ce moment là, James sort de la maison et je sens une once d'inquiétude venir de lui.

– Qu'est-ce qu'il se passe ? Veut-il savoir en nous rejoignant.

Irena est à ses trousses et semble courir pour le rattraper.

– Elle a eu une vision et maintenant elle saigne des oreilles. Je l'amène voir Yann, explique Shawn en se dirigeant vers sa voiture.

– Je vais bien ! C'est rien ! Je dis en protestant.

– On prend la mienne, commande James.

Shawn bifurque alors pour suivre mon père et je me retrouve posée dans le siège passager malgré mes protestations.

Je te laisse pour l'instant Monsieur Carnet.

Stay tuned.

K.

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