Chapitre 79

Dans le ciel hivernal planait deux oiseaux ayant loupé leur migration. Ces derniers se battaient contre les conditions climatiques extrêmes, peinant à trouver diverses sources de nourriture pour survivre dans cet environnement inadapté. Frémissant dans leur plumage ébouriffé, les deux animaux se collèrent l'un à l'autre sur la rambarde d'une fenêtre, combattant le froid extrême, puisant dans leur maigre réserves de graisse. Passeront-ils l'hiver ? Les deux survivront-ils ou un perdra-il la partie en cours de route ?

Tant de questions pour une quantité infime de réponse. La vie était un long chemin rempli de doutes, d'incompréhension. Pourquoi cet évènement s'abattait-il sur cette personne ? Lui qui avait toujours était gentil avec autrui, tendant une main à ceux dans le besoin. Pourquoi l'existence regorgeait d'injustice ? Vivre était mêlé au verbe souffrir. Chaque Homme était voué à trébucher, s'effondrer mais cela était dans l'objectif de se relever, d'apprendre, d'évoluer.

Chaque humain avait chuté lors de ses premiers pas, le corps basculant en avant sous le regard des parents affolés qui vinrent immédiatement porter secours à leur enfant riant à l'éclat ou pleurant à chaudes larmes. Toutes personnes étaient différentes, uniques. Les réactions diffèrent d'un être-vivants à l'autre. Chaque Homme avait ses qualités comme ses défauts, chaque vie portait son lot d'espoir et de désespoir.

« - Tu sembles avoir l'esprit ailleurs. »

Dongju pivota doucement sa tête, abandonnant sa profonde réflexion dans les tréfonds de son esprit fragmenté. Ses iris noires plongèrent dans celles grisés de Geonhak et, instinctivement, le plus jeune vint se blottir contre le torse de son époux. Debout au milieu du balcon de la chambre du prince, les amants se câlinaient tout en observant les deux oiseaux prendre leur envol car l'arrivée du Ajri leur avait fait peur. Cependant, les deux s'arrêtèrent en cours de route en ouïssant les paroles du prince de l'air : c'étaient les premiers mots de Geonhak à des êtres aériens.

« - N'ayez pas peur. Je peux vous offrir un abri le temps que l'hiver passe, mon frère sera ravi de vous aider. »

Restant en vol stationnaire, le couple d'oiseaux s'observa un moment en pesant le pour et le contre de cette aide. Dans la vie, il arrivait qu'une personne puisse nous tendre la main pour nous relever, nous accompagner dans cette longue et périlleuse route. Geonhak tendit son bras sous le regard intriguait de Dongju qui ne comprenait pas les paroles de son mari : il ne parlait pas l'oiseau lui.

« - Aucun mal ne vous sera fait, je vous le promets. »

Le mâle du couple semblait très affaibli par le climat, au désespoir de sa compagne qui ne cessait de lui donner des petits coups de tête durant ces derniers jours afin de le maintenir éveiller : les avantages étaient plus nombreux que les inconvénients. Battant timidement des ailes, les deux êtres de l'air vinrent se percher sur le bras du Ajri qui sourit tendrement tout en détaillant le visage ébahi de Dongju.

« - Tu ne m'avais pas dit que tu étais Blanche-neige ! »

Geonhak pouffa tout en pinçant la joue de son époux en murmurant un « tu es bête parfois ». Les deux rirent dans une harmonie splendide hypnotisant les deux oiseaux qui s'ajoutèrent à cet éclat de vie en produisant un chant divin. Le Ajri passa ses mains sur le plumage ébouriffé d'un des oiseaux qui piaillait et il proposa à Dongju de faire de même avant qu'ils n'aillent se diriger vers les appartements de l'adopté : ce dernier allait être heureux d'avoir un peu de compagnie et d'occupation.

« - C'est doux !

- Tu as vu ça. En plus, ils ont leur plumage hivernal donc plus dense et duveteux.

- J'ai envie de les câliner toute la journée !

- Et moi ? Tu me délaisse, c'est cela ? »

Avec une moue boudeuse, Geonhak se transforma en un grand enfant sous les yeux de Dongju qui ne put s'empêcher d'éclater de rire tout en venant voler un baiser à son mari.

« - Bien-sûr que non. Tu restes mon poussin favori !

- Yah ! Je t'avais dit que je n'aimais pas ce surnom.

- Je suis sûr que tu l'aimes mais tu n'oses pas le dire, taquina Dongju en quittant le balcon. Tu viens, on va voir ton frère ! »

Geonhak murmura un petit « c'est ça, change la conversation » tout en se mettant à suivre les traces de son époux. Ce dernier semblait en meilleur santé mais ce n'était que des apparences. En réalité, sous les larges vêtements du Tokësor se camouflaient divers bandages et pansements régulièrement changés. Certaines plaies s'étaient infectées faisant que Dongju avait échappé de peu à une septicémie et plusieurs autres maladies graves. Cependant, le plus gros travail se passait dans l'esprit du prince.

Voilà bientôt un mois que le Roi Kim avait été terrassé. Tout le monde se remettait petit à petit, les dernières blessures étaient soignées et pansées mais celles mentales peinaient à se refermer. Youngjo avait émergé deux jours après la bataille, l'utilisation de ses pouvoirs lui avaient demandé une quantité impressionnant d'énergie que son corps n'avait guère. Un médecin l'avait suivi pendant plusieurs semaines en lui créant un régime alimentaire adapté à ses besoins afin qu'il puisse rapidement être remis sur pied.

Wooseok avait surtout eu un suivi psychologique mais, rapidement, le soignant avait remarqué que le garçon était stable, que son esprit avait bien contré les stress post-traumatiques. S'il avait besoin, la porte de son cabinet était toujours ouverte au domestique mais ce dernier n'était pas revenu, il avait même rejoint le palais pour prêter main forte à la Reine Kim. Effectivement, la mère de Geonhak, ayant fui l'emprise de son mari, s'était retrouvée à la tête de ce Royaume instable de manière soudaine et cela jusqu'à que son fils soit en état pour prendre ses fonctions.

Tentant de remettre de l'ordre à Zéphyr, la Reine avait débuté un long combat pour modifier les choses dans son Royaume. Les camps avaient été vidé, les prisonniers libérés et les traîtres jugés justement. Effacer le régime de terreur mit en place par le tyran n'était pas chose facile, son esprit continuait d'hanter les rues et la peur était un sentiment tenace. Néanmoins, la Reine voulait aider son peuple, les soigner du mal causé par son mari qui ne l'aimait guère : elle préparait le terrain pour son fils.

« - Seoho, lâcha joyeusement Dongju en entrant dans la chambre de ce dernier.

- Ah ! Frappez avant d'entrer vous deux ! »

L'adopté cacha son corps nu avec ses draps, son regard écarquillé après avoir été attrapé dans sa tenue la plus simple et ses joues se mirent à violemment rougir. Cependant, malgré la situation plutôt hilarante, les amants remarquèrent parfaitement les cicatrices parcourant l'épiderme du garçon à moitié Djegur. Ils virent ces traces de vie sur son corps et tout ceci leurs rappelaient ce qu'ils avaient vécu ces dernières années.

« - On vient t'apporter de la compagnie, ajouta Geonhak en montrant les deux oiseaux qui s'envolèrent en sifflotant joyeusement.

- Des hirondelles ! »

Seoho s'enveloppa davantage dans sa couverture puis il se dirigea vers les deux oiseaux qui l'observèrent avec bienfaisance. L'adopté se mit à caresser le plumage des animaux tout en les fixant avec sympathie : il avait toujours trouvé ces oiseaux splendides et respectables.

« - Elles ont loupé la période migratoire. Je les vois tourné autour du Palais depuis quelques jours en quête de nourriture. Du coup, je me suis dit que tu pourrais t'occuper de ce petit couple ?

- Avec joie ! Je vais m'occuper de vous jusqu'au printemps. Je vous le promets ! »

Le couple piailla de joie et Seoho ria aux éclats ce qui réchauffa le cœur des amants : cela lui permettrait peut-être d'aller un peu mieux. Les trois se mirent à discuter sans prise de tête pendant quelques instants. Ils abordèrent la différence de climat entre Gaïa et Zéphyr, les modulations du paysage entre les des Royaumes puis Seoho finit par avouer se sentir agréablement bien dans le Royaume de la Terre : son corps était apaisé.

« - L'existence de Keonhee ne serait-elle pas aussi une des raisons de ton amour pour mon Royaume, demande Dongju avec curiosité et taquinerie.

- P-pas... Pas du tout ! »

La voix de Seoho se brisa sur ces paroles qui étaient clairement des mensonges. L'adopté avait sombré pour la belle chevelure argentée du gradé ainsi que ses beaux yeux marron à l'éclat empli de vie et passion. Il n'arrêtait pas de demander à Dongju où se trouvait le noble, cherchant à en apprendre un peu plus sur Keonhee et son quotidien. Le couple princier trouvait l'attitude de Seoho adorable tant il était maladroit lorsqu'il tentait de cacher ses sentiments.

« - Mais oui, bien-sûr ! Enfin, on doit te laisser. Dongmyeong nous attend.

- Oh ! Passez-lui le bonjour de ma part.

- Compris, acquiesça Dongju en quittant la pièce. Je dirais aussi à Keonhee de passer te voir.

- Hein ! Quoi ? Mais... N-non ! »

Il n'eut pas le temps de finir que le petit couple s'éclipsa des quartiers de l'adopté pour rejoindre la salle de réunion où se trouvait Dongmyeong. Sur le trajet, ils croisèrent Sebastian qui demanda quelques nouvelles de l'état des deux garçons sans pour autant les importunés. Le majordome fut soulagé de savoir que les deux se remettaient petit à petit de leurs blessures.

« - C'est un soulagement de vous revoir sur pied. Cependant, il y a ce jeune garçon à la chevelure rouge qui n'arrête pas de m'aider.

- Youngjo ?

- Oui c'est cela. Il serait peut-être conseillé qu'il se repose, ses mains sont encore couvertes de blessures mais il tient à aider le personnel de maison. »

Geonhak sourit en imaginant son ami agir de la sorte : c'était du Youngjo tout craché.

« - Il ne supporte pas de rester en place, ce sont des vieilles habitudes qui ressort. J'irais lui parler quand même mais cela sera dur de le raisonner.

- Merci de nous avoir prévenu, Sebastian.

- Ce n'est rien mes princes, le majordome se courba. Je vous laisse, prince Dongmyeong vous attend et je dois aller chercher les boissons. »

L'homme sourit au couple qui le remercièrent doucement avant de reprendre leur route jusqu'au lieu de rendez-vous. Ils eurent à peine le temps de lever la main pour toquer à la porte que cette dernière s'ouvrit sur un Keonhee exténué. Dongju eut un mouvement de recul face à l'apparition soudaine de son ami et ce dernier s'excusa vivement.

« - Désolé ! Je ne savais pas que vous étiez derrière !

- Keonhee ? Qui est-ce, questionna Dongmyeong à l'intérieur.

- Dongju et Geonhak, le gradé se tourna vers les nouveaux venus. Il est un peu fatigué du coup son cerveau tourne au ralenti. Enfin, tu connais ton frère quand il accumule de l'épuisement.

- Ouais, une vraie passoire.

- Exactement ! Je vous le laisse durant ma pause. »

Keonhee commença à s'en aller pour souffler un peu, voilà plusieurs heures qu'il réglait la paperasse avec son futur roi et ce dernier avait fini par lui donner un peu de temps libre pour faire autre chose. Voyant une occasion se dessiner devant lui, Dongju arrêta son ami pour lui susurrer à l'oreille quelques mots.

« - Tu devrais aller voir Seoho. Il s'ennuie tout seul.

- Hein ? J-je... C-comment tu...

- Je te connais par cœur Keonhee ! On est ami depuis tout petit je te rappelle. Allez, file le voir ! »

Le gradé avait les oreilles rouge vermeil et Geonhak ne put se retenir de lancer un regard intrigué à son amoureux qui lâcha un « ce n'est rien » avant d'entrer dans la pièce. À l'intérieur c'était un véritable capharnaüm.

Des dizaines et des dizaines de feuilles étaient éparpillés un peu partout, surplombant des ouvrages aussi épais que des dictionnaires. Sur la commode traînait des restes de repas non-terminés qui allaient sûrement être nettoyés le soir-même, lorsque Dongmyeong sera endormi. En parlant de ce dernier, il était assis sur son fauteuil et observait le couple avec un sourire exténué.

« - Salut vous deux ! Vous semblez aller mieux dis donc.

- C'est sûr que comparé à toi, commença Dongju. C'est quand la dernière fois que tu as dormi ?

- Aucune idée. Je dois finir de remplir ses papiers avant d'aller me reposer et...

- Dongmyeong, ton mariage est dans trois jours. Si tu continues ainsi, soupira le jumeau, tu vas t'évanouir avant même d'avoir atteint l'autel.

- Mais, je...

- Tata ! Je n'ai pas fini ! Je sais que je suis en convalescence, Geonhak aussi mais on peut t'aider. Enfin... »

Dongju se tourna vers son époux puis il fit une grimace avant de replonger son regard dans les iris de ton frère.

« - Je peux t'aider.

- Dis tout de suite que je suis un incapable. »

Geonhak lâcha ses mots avec un air bougon adorable ce qui fit sourire son mari : l'air de Gaïa semblait faire un bien fou au Ajri, une nouvelle facette se dévoilait un peu plus chaque jour.

« - Désolé mon poussin mais tu n'es pas le plus doué en paperasse. S'il fallait entrainer mon frère, je t'aurais laissé ma place mais pour remplir les papiers de passation de pouvoirs... Je vais m'en occuper. »

Le Ajri roula des yeux et Dongmyeong ne put s'empêcher d'avoir un sourire moqueur sur le visage : son frère lui avait énormément manqué. Tout en s'asseyant sur une chaise, Dongju attrapa une pile de feuille puis il commença à les trier sous le regard assidu de son sosie qui était très attentif à tous les faits et gestes du fils du Lotus : il était tout ouïe.

« - Bien, commençons par ranger ! »

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