Chapitre 7

Les pas claqués sur le dallage de marbre ivoire, les semelles du jeune prince étaient bien l'une des rares à s'user à force de marcher. Les Ajri étaient de grands flemmards, toujours à voler d'un point A à un B. Jamais ils ne choisissaient de se déplacer sur leurs membres inférieurs puisqu'ils jugeaient cela trop lent et fatiguant : qu'ils ne viennent pas se plaindre de leurs jambes de coq ensuite.

Geonhak était l'un des rares, avec les quelques immigrés peuplant Zéphyr, à marcher sur ses jambes en prenant appui sur sa voûte plantaire. Ses cuisses étaient musclées, ses mollets dessinés choses bien rares pour un enfant du Ciel qui, habituellement, avait le haut du corps musclé et le bas aussi fin qu'une brindille créant un dimorphisme caractéristique des oiseaux. La salle d'entraînement se trouvait à l'autre bout du château, évidemment, et il devait mettre dix bonnes minutes de marche afin de l'atteindre tandis qu'à vol cela prendrait moins de cinq minutes. Au moins, le prince Kim arriverait échauffer.

Sa chevelure platine bougeait aléatoirement tout en camouflant légèrement sa vision l'obligeant à plusieurs reprises de passer sa main dans ses mèches dissidentes. Youngjo avait dû, hélas, le quitter car on le quémandait dans la salle des employés afin de recevoir ses missions du jour : le pauvre allait être encore surchargé de travail. Cette réalité mettait toujours en rogne le garçon, son ami vivait une véritable injuste à cause du fait qu'il n'était pas de Zéphyr mais d'un autre Royaume : les Ajri étaient de grands racistes dans l'âme, la pureté des êtres de l'Air avant les autres éléments. Une idéologie qui déplaisait beaucoup à Geonhak : un autre point qui le différenciait de son peuple.

Soupirant bruyamment, il ne remarqua même pas le regard noir d'un des généraux de son père ou les murmures des soubrettes qui piaillaient encore sur l'absence d'ailes du prince. Beaucoup pensaient que les élytres du jeune Kim étaient atrophiés ou difformes ce qui l'empêchait de voler et planer mais le Roi avait nié la chose en disant que Geonhak était juste pudique de son plumage : la bonne blague. Enfin, cette annonce n'avait pas réellement calmé les rumeurs et la discrimination du futur souverain continuait. Il ne cessait de recevoir un nombre incalculable de regards écœurés ou répugnés comme s'il était un pouilleux. Comment pourrait-il être à la tête d'un peuple aussi arriéré ? Même les moineaux haïssaient Geonhak !

Le prince arriva finalement à la salle d'entraînement. Il poussa la porte faite en acier argenté sans frapper puisqu'ils n'étaient que trois à utiliser ces lieux : lui, son professeur et le faux-cul. Et en parlant de ce dernier, il était déjà présent en train de converser avec leur enseignant. Le sourire angélique de Seoho s'étirait sur son visage, ses yeux bleu nuit pétillaient à cause du sujet de discussion dans lequel il était plongé et ses bras, ainsi que ses ailes, ne cessaient de bouger dans tous les sens : le voir si actif fatiguait déjà Geonhak.

« - Si je vous assure ! Un pivert qui avait confondu un arbre avec sa femme. J'étais hilare face à un tel spectacle, se moquait Seoho.

- Je n'imagine pas la tête du mari lorsqu'il a dû se rendre compte de son erreur.

- Il a perdu quelques plumes, le pauvre. Et il a dû coucher sur une branche voisine puisque madame le refusait dans son lit.

- Pauvre petit pivert. Il a dû avoir bien froid, les nuits printanières sont encore fraîches.

- Je ne vous le fais pas dire et... Oh ! Mais te voilà enfin Geonhak !

- Mh..., gronda simplement le prince en allant chercher ses affaires pour l'entraînement.

- Allez ! Un simple bonjour. Cela se fait entre frères, Seoho avait un sourire narquois sur le visage qui ne plaisait guère au fils biologique.

- Nous ne sommes pas frères. Combien de fois devrais-je vous le dire ? »

Le futur souverain n'avait même pas pris la peine de se retourner pour balancer sa réplique à l'adopté qui roula simplement des yeux tout en haussant les épaules. Son petit rictus était toujours sur son visage et cela horripilait Geonhak qui n'avait qu'une envie, le lui arracher. Déjà que la vie originelle du fils Kim n'était pas très belle alors maintenant que ses parents avaient adopté un autre fils, c'était devenu un cauchemar d'exister pour le prince.

Attrapant son fourreau contenant son épée émoussée, le futur Roi s'avança vers l'arène puis s'arrêta à sa place en croisant les bras tout en attendant que son adversaire soit prêt et les instructions données. Évidemment, Lee Seoho prenait tout son temps à choisir son épée du jour afin qu'elle soit en accord avec sa tenue actuelle ainsi que ses ailes qu'il ne rangeait jamais malgré leur envergure envahissante.

Le Kim perdait patience, son entraîneur le remarqua bien mais il ne fit rien puisque, comme toutes les personnes de la cour, il n'appréciait guère le prince au cœur de glace. Certes, l'homme avait tout de même effectué son travail de manière correcte en apprenant à la perfection l'art du combat à Geonhak mais cela s'arrêtait là. Aucun lien, aucune complicité, les deux étaient ici pour le travail et rien d'autre.

« - Allez-vous vous dépêcher ? Je pense que votre emploi du temps est tout aussi chargé que le mien. Un retard n'est point acceptable pour nos futures réunions.

- J'arrive, juste... La voilà ! N'est-elle pas belle ? »

Seoho se retourna en tenant une épée légère à la lame aussi rouge que ses ailes. Cette dernière n'était sûrement pas émoussée ce qui fit grincer des dents Geonhak : l'autre abruti ne respectait toujours pas les règles du jeu. Néanmoins, le prince n'objecta pas puisqu'il avait décidé de ne prendre aucun coup aujourd'hui. Il allait contrecarrer toutes les attaques traîtresses de son « frère ».

« - Bien ! Si vous êtes prêt, j'énonce les règles de combat.

- Allez, notre petit prince semble impatient de mordre la poussière, se moqua l'adopté mais sa taquinerie n'eut aucun effet sur son adversaire.

- Le premier qui ne sera plus en état de se battre perdra le combat. Toutes les techniques sont permises ainsi que vos sorts et ailes. Seule interdiction : on ne tue pas son adversaire.

- Compris !

- Hm...

- Bien ! En garde ! Et... Combattez ! »

La première attaque était prévisible, Seoho avait pris une légère altitude avant de fondre sur Geonhak qui esquiva l'assaut d'un simple bond sur le côté. Tout en se préparant à la seconde offensive qui allait lui venir... Dans le dos. S'abaissant dans une roulade calculée, le prince joue sur la défensive en se souvenant que l'arme de son adversaire n'était point émoussée et que le tranchant de cette dernière pourrait lui créer une belle entaille dans sa chaire crème.

L'adopté virevoltait en riant au-dessus du Roi qui grinçait des dents tout en serrant la garde de son arme : ce maudit piaf lui cassait les oreilles. Il n'avait qu'un souhait : lui tordre le cou. Et, sans montrer quelconques signes de ripostes, Geonhak créant une variation de pression dans la pièce faisant que l'air commença doucement à tourner dans un sens horaire. Afin de distraire son adversaire de la modification atmosphérique, le prince se redressa pour courir en direction du petit rebord afin d'atteindre son concurrent planant en hauteur.

Comme douté, il ne toucha pas Seoho qui ria simplement en donnant un battement d'aile afin de monter un peu plus haut en altitude. Avec beaucoup de chance, le jeune Kim esquiva l'estafilade de l'adopté qui avait fondu sur son dos et, plus précisément, l'emplacement où devait se dresser ses ailes absentes. Le retournement avait été purement instinctif, Geonhak avait toujours eu ce réflexe de ne jamais laisser son dos accessible à quiconque, enfin, excepté Youngjo.

« - Allons ! Montre-les-moi ! Je veux savoir pourquoi tu les caches à tout le monde, lança un Seoho bien trop curieux. Sont-elles si moches que cela pour que tu en aies si honte ? À moins que tu n'en aies pas ? Es-tu un traître ? Un faux Ajri ?

- Tu ne pourrais pas la boucler deux secondes ? »

Geonhak s'énerva et ce fut à cet instant précis que le piège se referma sur l'adopté qui n'avait pas senti l'accélération des vents. Soudainement, un mini-cyclone se forma dans la pièce rendant le vol du Ajri approximatif dans un premier temps puis incontrôlable lorsque la pression se renforça et la force de la tempête s'accéléra. L'épée de Seoho quitta sa main alors qu'il tentait de s'échapper de sa prison aérienne mais la puissance de son frère était incommensurable. La fatigue attaqua le Lee qui épuisa son énergie en tentant de fuir les flux d'air tandis que Geonhak observait le tout depuis le sol. À toujours vouloir se pavaner dans les airs, le Phoenix avait fini par regretter son choix.

Lorsque l'adopté fut suffisamment exténué, le jeune Kim rabaissa la pression calmant le petit cyclone. Les flux redevinrent normaux, les vents s'étaient calmés et Seoho avait chuté pour s'écraser sur le sol sans aucune élégance. Sa chevelure ébène était ébouriffée dans tous les sens, sa peau laiteuse était parsemée de légères coupures car des petits gravats s'étaient mêlés aux vents. Geonhak s'agenouilla simplement au côté de son « frère » tout en déposant l'épée à la lame rouge à ses côtés avant susurrer de sa voix grave les paroles suivantes :

« - La prochaine fois, tu prendras une épée d'entraînement. »

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top