Chapitre 49
Les coups d'épées s'enchaînaient, les chocs étaient vifs mais d'une grande précision puisque les adversaires visaient brillamment les points faibles de l'un et l'autre. Leur regard embrasé par la détermination de gagner était fixé sur les failles qui s'ouvraient et se fermaient après chaque assaut. La tension était palpable mais pas désagréable non plus puisqu'il s'agissait d'un combat amical qui avait pour but d'entraîner les partenaires d'armes.
Tournant dans l'arène, l'épée prête à fendre l'air à la moindre chance de blesser l'adversaire, Dongju sentait ses muscles se contracter puis se décontracter à chacun de ses pas : il était prêt à bondir sur Geonhak dès que le temps serait venu. Depuis le début de son entraînement, le Tokësor avait énormément évolué dans l'art du combat. Ses réflexes s'étaient affutés comme sa lame, ses sens s'étaient développés lui permettant de remarquer des détails vraiment minimes tout en ouïssant parfaitement les bruits tout autour de lui : Geonhak avait fait de lui un combattant redoutable.
Le corps des deux garçons étaient couverts de sueurs, leurs t-shirts collaient à leur peau moite à cause de cet entraînement qui durait en longueur mais aucun d'eux n'arrivaient à prendre le dessus sur l'autre. Tout en faisant un pas sur la droite, l'ancien prince de Gaïa discerna une brèche dans la défense de son époux. Elle était petite, une simple ouverture sous son coude dévoilant légèrement sa taille : une chance que le cadet devait saisir. Précision et rapidité étaient les deux qualités qu'il allait devoir user afin de frapper cette petite zone dénuée de protection.
Inspirant profondément, l'air entra dans les poumons du garçon de la Terre tout en les faisant dilater. L'oxygène circula dans son sang, passant dans son cœur pour ensuite se diffuser dans l'entièreté de son organisme afin de le réoxygéner. Puis le liquide pollué de dioxyde de carbone revint dans l'organe vitale du plus petit et il expira ce déchet dans un filet d'air qui quitta ses narines : maintenant.
L'attaque avait été rapide, Geonhak n'eut pas le temps de riposter que son mari avait abaissé son arme d'une vivacité qui lui semblait inconnu. Le coup frappa la taille du plus vieux, secouant les organes se trouvant dans son abdomen lui faisant pousser un petit gémissement douloureux avant de se remettre de l'assaut. Le Kim bondit en arrière tout en créant une distance de sécurité entre lui et son amant mais, durant ce court lapse de temps où il avait perdu son adversaire du regard, Dongju avait disparu ne laissant plus que du sable retourné, signe de sa présence passée.
« - Perdu ! »
Le Son avait fait une superbe botte en sprintant dans le dos de son époux pour ensuite lui asséner un coup d'épée à l'arrière de la nuque faisant basculer le plus vieux en avant. Ce dernier hoqueta de stupeur mais il ne put se redresser afin de s'échapper car la masse corporelle du Tokësor s'abattit sur son dos tandis que la lame de son katana fit pression sur son cou : aujourd'hui, Kim Geonhak était défaitiste.
Des applaudissements retentirent dans l'arène alors que Dongju se relevait avec un sourire triomphant sur le visage tout en tendant une main à celui qui avait perdu ce match. Tout en s'époussetant, car les vêtements de Geonhak étaient pleins de sables, ce dernier lança un regard noir à la personne frappant joyeusement dans ses mains en se redressant. Hélas, cette menace visuelle n'eut aucun effet sur la personne, au contraire, elle se mit à ricaner adorablement tandis que ses yeux se fermaient à cause de son sourire aussi irradiant que le soleil.
« - Lee Seoho, si tu n'arrêtes pas maintenant... je te jure que tu vas finir en poulet rôti.
- Voyons poussin, pouffa l'adopté de manière taquine, je suis obligé d'applaudir une telle chose. Dongju t'a mis une sacrée raclée. Il est si rare de te voir mordre la poussière, je ne peux qu'apprécier un tel spectacle. »
L'aîné Kim avait à peine fini sa phrase que Geonhak était parti en courant dans sa direction avec des yeux dévoilant l'entièreté de sa rage. Seoho fuit en quatrième vitesse tout en laissant son rire éclater de manière douce et sa voix résonna en écho dans l'arène alors que les menaces de Geonhak se faisaient de plus en plus fréquentes. Tout en soupirant face au comportement enfantin de son époux, Dongju alla rejoindre Youngjo et Wooseok qui étaient assis sur un banc durant l'entièreté du match.
Le domestique du futur roi félicita le Tokësor pour sa victoire ce qui fit rougir le plus jeune tandis que Wooseok lui tendait une serviette afin qu'il puisse sécher son front perlant de transpiration. Au petit soin, le serviteur de Dongju ne cessait de le féliciter pour sa victoire mais aussi ses progrès phénoménaux.
« - Et dire qu'au début de votre entraînement avec le prince Kim vous ne pouviez même pas l'approcher. Vous pouvez être fière de vous, mon prince.
- Merci beaucoup Wooseok. J'avoue que je suis plutôt fier de mon combat. Je me demande si je ne serais pas capable de battre Dongmyeong maintenant ? »
Une expression nostalgique apparut sur le visage du jeune homme, les souvenirs de son passé à Gaïa resurgissaient et il se souvenait de ses matinées passées à combattre au côté de son jumeau. Dongju ne cessait de mordre la poussière, il avait beau se dépasser, user de la ruse tout en élaborant diverses stratégies, Dongmyeong gagnait toujours. Cela l'avait poussé à croire qu'il ne serait jamais un bon combattant, que sa place était en dernière ligne, dans les tentes, en train de sauver les hommes et femmes courageux à l'avant de la formation. Dongju était certain d'être simplement un support et non pas un acteur. Pourtant... Geonhak lui avait prouvé autre chose au travers de cet entraînement intensif.
« - Redescend la pintade ! Que je puisse te plumer !
- Dans tes rêves, poussin. Faudra m'attraper !
- Rah ! Je vais te foutre dans une tornade, tu vas moins rire d'un coup. »
Youngjo ricana face à ce spectacle puéril qu'offrait les deux frère Kim. Dongju, lui, roulait des yeux tout en reposant son attention sur Wooseok qui ne cessait de lui détailler les différentes parades et coups qu'il avait fait durant le combat : un vrai coach. Soudain, le Son fut distrait du dialogue de son ami car une question se mit à lui tarauder l'esprit et il reposa ses yeux sur les gamineries des deux frères.
Geonhak était au centre de l'arène en invoquant une micro-tornade tandis que Seoho essayait, tant bien que mal, de dompter ses ailes qui peinaient à le porter à cause des vives bourrasques. L'homme-oiseau était en difficulté dans ce puissant vent et un sourire triomphant traversait le visage du futur roi alors qu'il faisait descendre son abruti de frère sur terre afin de lui tirer les oreilles ou lui botter le derrière : c'était au choix.
« - Youngjo, lâcha soudainement le prince du Lotus.
- Oui ? Qu'y a-t-il ?
- Pourquoi Geonhak ne montre jamais ses ailes ? Je veux dire, cela serait plus simple pour lui de poursuivre Seoho dans les airs plutôt que d'invoquer une tornade. Et puis, même pour se déplacer, tout est plus simple en volant : moins de contraintes, plus de rapidité et un sentiment de liberté. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi il ne les dévoile jamais. »
L'expression du domestique s'assombrit tandis que ses iris rubis se posèrent sur le corps de son ami au centre de l'arène en train de chatouiller son grand frère. Geonhak semblait si insouciant en cet instant, son visage était détendu et un rictus angélique y trônait adorablement. On pouvait même ouïr son petit rire qui était plus aigu que sa voix, c'était une mélodie que Youngjo appréciait énormément par sa rareté mais surtout le temps qu'il avait mis avant d'entendre cet éclat de vie s'échapper des lèvres de son maître.
« - C'est une longue histoire, souffla simplement le serviteur. Ce n'est pas à moi de te la raconter, lui seul peut le faire.
- Il ne voudra jamais... Cela semble être un sujet sensible. Je ne pense pas qu'il voudrait aborder une telle discussion avec moi.
- Il te fait confiance, Dongju. Geonhak commence à t'ouvrir son cœur lentement mais sûrement. Vous vous rapprochez un peu plus chaque jour, ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne finisse par totalement s'ouvrir à toi.
- T-tu... Tu penses ?
- J'en suis certain, Dongju. Tu l'as changé, son regard n'est plus le même. Je pense que tu l'as toi-même remarqué. »
Dongju pencha la tête sur le côté sans comprendre puis il eut un flash de cette soirée où ils s'étaient coursés dans les bois de manière naïve. Geonhak l'avait attrapé dans les bras et le plus jeune n'arrivait pas à s'échapper de son regard si... Particulier. Cette teinte unique, jamais vu auparavant. Était ce changement dont parlé Youngjo ?
« - Vous parliez de quoi, coupa Geonhak en revenant bras dessus, bras dessous avec Seoho qui était essoufflé mais souriant.
- De toi. »
Le cadet eu un petit sourire sur le visage en se rappelant de cette sortie nocturne. Il arrivait encore à sentir le pouce du Kim sur la commissure de ses lèvres, il se rappelait la tension qui poussait leurs corps à se rapprocher pour s'enlacer passionnément. Dongju n'était pas près d'oublier cette nuit, son enveloppe aussi semblait être marquée car le simple fait de se remémorer un tel souvenir lui donna des frissons et il eut une folle envie de sauter dans les bras de son mari. Mais le plus jeune se retint : ils n'étaient pas seuls et leur relation était si jeune et frêle.
« - Oh vraiment ? Tu te moquais de moi c'est ça, bougonna le Ajri.
- Pas du tout, je disais juste que tu avais de beaux yeux. »
Le Kim ne sut quoi répondre, son visage devint immédiatement cramoisi à la suite de son compliment venant de nulle part. Ses oreilles chauffèrent tout comme ses pommettes et son bras lâcha le corps de Seoho qui se moqua à nouveau de son petit frère devenu aussi rouge que la crête d'un coq. Le poussin aurait-il brusquement évolué ? Nulle ne saura la réponse puisque Dongju s'était rapproché de son époux tout en lui attrapant timidement la main en lançant un regard demandant un « Je peux ? » auquel Geonhak répondit par un petit hochement de tête imperceptible.
« - On va manger, Geonhak-ie ? J'ai faim. »
Le visage de Dongju se fendit en une adorable expression tandis que sa tête penchait sur le côté comme le ferait un petit chiot en face d'un ordre incompris. Le cœur du Ajri loupa un battement, sa respiration se coupa alors que la douce voix de son époux s'infiltrait agréablement dans ses oreilles. Une bouffée de chaleur surprit aussi le Kim et il accusa, au fond de lui, l'été d'être la cause de ce subit changement de température dans son corps.
« - Je... Si tu le souhaites, Dongju. On va dans ma chambre ou la tienne pour manger ?
- Comme tu veux ! »
L'irradiant sourire de Dongju sembla être contagieux puisque tout le monde se mit à avoir un rictus sur le visage tandis qu'ils observaient les yeux pétillants du Tokësor qui semblait avoir tant changé ces derniers temps : il semblait revivre. Wooseok se sentait extrêmement heureux et soulager de voir son maître et ami dans un état stable. L'appétit du prince était revenu, ses nuits avaient cessé d'être agitée de sordides cauchemars et le travail de recherches en compagnie de Seoho avançait énormément : ils étaient près du but, ils touchaient la Vérité avec la pulpe de leurs doigts.
Malgré les horreurs que le Son lisait dans ses ouvrages d'archives, la flamme de son regard ne s'était pas étouffée, au contraire, elle c'était développée en brûlant d'un éclat encore plus vif et déterminé. Le trio réussirait, il avait un dossier empli de preuves diverses qui leur permettront de mettre un terme au règne du tyran. Dongju tiendrait sa promesse, il irait au bout de cette Guerre silencieuse qu'il avait lancé avec le Roi qui était étrangement calme ces derniers temps.
« - Allons dans ma chambre, alors. »
Geonhak avait retrouvé un peu de sang-froid. Les battements de son cœur avaient cessé de s'affoler, ses tremblements s'étaient atténués lui permettant de monter sa main jusqu'au visage de son cadet afin de caresser tendrement la joue de ce dernier : sa peau était si douce. Dongju sentit un étrange sentiment dans son ventre, des millions de petites contractions semblables à l'envol des oiseaux l'automne alors qu'ils migraient vers des terres plus chaleureuses avant l'hiver.
Ses iris se redressèrent pour se plonger dans les prunelles de son mari qui souriait avec délicatesse tout en continuant ses caresses. Cette tension revint : puissante et attractive. Dongju voulait avancer, coller son torse au sien tout en passant ses mains autour de sa nuque alors que leur souffle s'échouerait sur les lèvres de l'un et l'autre. C'était si tentant, le Tokësor en avait tant envie mais... En avait-il le droit ? Était-il prêt à passer une telle étape ? Après tout, il était toujours en train de se découvrir, ses sentiments étaient si frais et indomptables. Dongju était si incertain de ces émotions qui faisaient battre si fort son cœur tout en amplifiant sa respiration. Et si tout cela était simplement une amitié très forte ? Et si tout cela était en fait de l'amour fraternel et non charnel ?
« - Prends ton temps, souffla Geonhak en passant une mèche blonde derrière l'oreille du plus jeune. Nous avons la vie devant nous pour réfléchir à tout cela. Allons manger plus tôt, ton ventre n'arrête pas de crier famine. »
Pour donner raison au Kim, l'estomac du Tokësor se mit à gargouiller le faisant rougir de gêne tandis que son aîné pouffa en soufflant un « trop mignon » avant d'attraper plus fortement sa main afin de l'amener jusqu'à sa chambre. Geonhak avait raison, ils avaient encore du temps pour penser à tout cela. Dongju ne devait pas se presser, il saurait tôt ou tard la raison de ces frissons lorsque le Kim lui parlait : le temps lui donnera des réponses.
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