Chapitre 31
« - Bienvenue à Zéphyr prince Son Dongju. Le Roi vous accueillera plus tard dans la matinée, il est occupé à cause d'une réunion importante. Votre mari est aussi pris à cause de ses devoirs de prince. »
À peine le jeune Tokësor s'était matérialisé dans le Royaume des Airs qu'un domestique était venu lui souhaiter la bienvenue. Le servant avait élégamment courbé le dos faisant légèrement glisser ses lunettes le long de l'arête de son nez : quelque chose d'unique se dégageait de cette personne. Méfiant, Dongju n'osait pas sortir du sas de téléportation et l'homme de maison le remarqua bien puisqu'il se redressa tout en montrant la porte au prince afin de l'initier à quitter les lieux.
« - Je vais vous guider à votre chambre tout en vous montrant différentes parties du château. Des domestiques amèneront vos bagages à vos appartements, ne vous souciez pas de ce détail. »
Timidement, l'enfant du Lotus effectua un premier pas qui le fit sortir de ce cocon protecteur qu'était la capsule de voyage spatial entre les Royaume : il effectuait ses premières foulées dans son nouveau Royaume, Zéphyr. Les yeux encore rouges et piquants, Dongju les frotta quelque peu en espérant que le domestique ne puisse pas remarquer les traces de larmes qui s'étaient écoulées auparavant lors de ses adieux à sa famille.
Une fois certain d'avoir épongé tous les signes d'humidité de son visage, le Tokësor lança un regard curieux et analytique à l'homme de maison. Sa chevelure était châtain clair avec de léger reflets dorés donnant le sentiment que des rayons de soleil parsemaient ses mèches, sa peau était crème et les doigts du servant étaient longs et fins mais légèrement abîmés à cause des diverses tâches ménagères à effectuer dans le palais. L'inconnu, en voyant que le fraîchement arrivé décidait enfin de se mouvoir, commença sa visite en ouvrant la porte permettant de rejoindre le couloir. Aussitôt la paroi boisée fut franchie que le dépaysement s'effectua pour Dongju.
L'infrastructure Ajri était drastiquement différente de celle Tokësor. Les murs fait d'éléments naturels dans son Royaume étaient remplacés, ici, par du marbre, du béton voir de l'ivoire pour certaines décorations. L'endroit était uniformément blanc ce qui oppressa subitement le jeune garçon en quête d'une touche colorée et la seule qu'il capta était le bleu du ciel au travers des fenêtres parfaitement lavées. Par instinct, Dongju s'approcha des ouvertures pour observer le monde extérieur et le garçon découvrit qu'il surplombait le Royaume de Zéphyr et que certains nuages se formaient autour du palais tant il était haut.
« - Le château a été construit sur le plus haute des montagnes, expliqua calmement le domestique. Ceci nous permet d'avoir une sécurité accrue du palais en évitant les intrusions et autres attaques surprises. Le ciel étant constamment surveillé par les soldats aériens, Zéphyr est paré à tous assauts et nous avons la capacité de répliquer en une fraction de secondes. »
L'ingéniosité du système surprit Dongju puisque ce dernier ne pensait pas que le peuple de l'Air avait développé de telles protections. Il était connu que les Ajri avaient une sécurité accrue, que leur capacité de vol leur permettait une surveillance plus pointilleuse des environs et un repérage plus rapide des intrus mais fonder le château en haut d'une colline à l'accès aussi complexe avec une stratégie de protection aussi développée... Le prince Tokësor réalisait que son Royaume était bien en retard comparé à ici.
« - Si vous voulez bien me suivre, prince Son Dongju. »
La visite continua et le fraîchement arrivé découvrit très rapidement que tous les couloirs se ressemblaient : le château était un véritable dédale à ses yeux. La décoration était uniformément blanche, les quelques touches colorées étaient des vases bleus vidés de leur végétation et c'était tout. Les meubles, les murs, le sol, les portes... Tout. Tout était blanc. Dongju avait l'impression de devenir fou dans cette monochromie impersonnelle, il cherchait la moindre touche de personnalité colorée mais les domestique, eux-mêmes, étaient vêtus d'habits ivoires : c'était terrifiant.
Le pauvre prince avait déjà le mal du pays. Les meubles boisés, les sols au dallage taupe, les murs crème ornés de tableaux de la famille royale ou d'espèces endémiques, les tapis aux teintes chaleureuses... Toute cette palette de couleur donnant une personnalité, une unicité au château de la Terre. Tout cela manquait à Dongju qui suffoquait dans ce monde trop plat. Puis, tout d'un coup, le domestique s'arrêta devant l'unique porte se trouvant au bout d'un couloir déserté. Le serviteur se retourna vers son maître, se courba puis expliqua la raison de sa soudaine pause.
« - Voici votre chambre. Le personnel a tenté d'amener différents éléments de décorations rappelant l'architecture et l'agencement Tokësor mais n'hésitez pas à nous faire des demandes de meubles ou plantes. Le but est de vous rendre la vie la plus agréable possible au palais. »
Le domestique ouvrit immédiatement la porte et indiqua au jeune garçon de passer en premier. Avec hésitation, Dongju franchit le seuil et, immédiatement, il fut soulagé de voir de la couleur. Les murs étaient faits de lambris crème, un parquet composé de planches en bouleau formé le sol tandis que les meubles étaient aussi boisés. Le lit à semi-baldaquin avait une draperie bleue et quelques broderies dorées avaient été effectué, une table pour manger se trouvait dans un angle de la pièce avec les chaises faites dans le même composé que tous les meubles. Quelques vases agrémentés de diverses compositions de fleurs sauvages étaient disposées ici et là amenant une sensation familière dans le cœur du jeune garçon qui voyait à nouveau des éléments naturels.
« - Je vais vous laisser découvrir votre chambre le temps que j'aille chercher vos bagages avec les autres domestiques.
- Attendez ! »
Pour la première fois depuis son arrivée, Dongju prit la parole. Sa voix était légèrement rauque à cause de ses cordes vocales irritées par les lamentations, datant de quelques heures maintenant. Son timbre était plus grave qu'à son habitude mais il se moqua de ce détail. Le domestique se stoppa dans sa course, surpris que son maître finisse par lui parler : le servant avait fini par penser que le prince du Lotus était muet.
« - Je... Quel est votre nom ?
- Mon nom, s'interrogea le domestique surpris par une requête très inhabituelle de la part d'un noble et encore plus d'un membre royal.
- Oui, votre nom. J-je... Je dois bien vous appeler par votre nom si j'ai besoin de votre aide. Du moins, c'est ainsi que nous faisons à Gaïa. »
Un blanc s'installa entre les deux, le jeune domestique à la chevelure châtaigne releva son visage en direction du prince et, pour la première fois, leur regard se croisa et Dongju découvrit que le jeune homme avait des yeux vairons : l'un marron foncé et l'autre bleu-gris. Le personnel de maison ne savait pas quoi faire et le prince se sentit soudainement gêné d'avoir mis mal à l'aise ce pauvre garçon qui ne faisait que son travail.
« - Je... Désolé, je ne pensais pas que c'était si peu courant de demander son nom à un do...
- Non, n-ne... Ne vous excusez pas prince Son Dongju, s'empressa de répondre le domestique. Je m'appelle Wooseok, Kim Wooseok. Excusez-moi de mon temps de réaction, il est vrai que cette pratique est peu courante dans ce Royaume. Mais si cela vous met plus à l'aise de m'appeler Wooseok, n'hésitez pas à le faire.
- Merci Wooseok.
- Mais de rien prince Son Dongju, je ne fais que mon travail. Si vous me le permettez, je vais aller chercher vos affaires avant de vous guider jusqu'au bureau du Roi. Il ne devrait pas tarder à finir sa réunion. »
Le marié hocha simplement la tête en souriant timidement puis Wooseok disparut de la pièce en étant légèrement bouleversé de voir une personne être aussi sympathique avec lui : cela était plutôt rare au Palais. Une fois seul, Dongju s'approcha du lit puis s'y laissa tomber sur le dos. Ses bras et jambes s'écartèrent dans une position d'étoile de mer et il se mit à détailler le lieu sans réellement être présent. Ses yeux balayaient l'endroit, il fixait les quelques meubles où il allait ranger ses habits, son maquillage et ses autres effets personnels. Il détailla aussi ces compositions florales à la modeste richesse et aux couleurs légèrement fades à cause d'une culture de mauvaise qualité lié à une terre pas assez riche et meuble ainsi qu'un apport de minéraux pas assez conséquent : il faudrait qu'il voie si un jardin n'existait pas dans ce labyrinthe.
Cela faisait à peine quelques heures que l'enfant du Lotus avait quitté sa terre natale, ses racines et l'appel de Gaïa se faisait déjà fort en son sein. Ses doigts voulaient ressentir la friabilité du sol, le côté argileux de la terre se mêlant au résidu de fer oxydé ou réduit. Son odorat tentait de capter ces odeurs de natures, cette fragrance d'orchidée si familière... Dongmyeong lui manquait déjà énormément.
« - Faudrait que je demande à avoir des orchidées dans ma chambre. J'aurais son odeur au moins. »
Attrapant un coussin d'une main, le prince vint serrer l'oreiller moelleux contre sa poitrine tout en basculant sur le côté. Ses jambes remontèrent vers son torse tandis que sa longue chevelure blonde s'éparpillait sur les draps bleutés : Dongju était semblable à un fœtus dans le ventre de sa mère. Son menton s'enfonça dans le coussin, sa tête rentra dans ses épaules et le jeune homme redevint un enfant qui se recroquevillait sur lui-même : cette nouvelle vie était terrifiante, il voulait rentrer chez lui.
Ce château était trop impersonnel. Ce blanc omniprésent était oppressant et Dongju craignait de perdre la tête s'il était quotidiennement exposé à cet univers monochrome. Son esprit avait rouvert sa fenêtre sensible, son cerveau tentait de capter un point d'accroche, une chose familière qui lui permettrait de tenir, de s'ancrer dans ce monde inconnu dans lequel il venait de se plonger. Retournant au stade d'enfant, Dongju se surprit à penser à sa mère et à vouloir l'appeler afin qu'elle puisse la rassurer. Hélas, elle n'était plus là. Il était seul maintenant, il n'avait personne pour le soutenir dans ce palais.
Fatigue réel ou mécanisme de défense, le prince préféra sombrer dans le sommeil plutôt que de faire face à la réalité. Ses paupières se fermaient, ses bras englobaient plus fortement le petit oreiller en quête de soutien tandis que ses jambes n'arrêtaient pas de trembler de peur. Appelant Morphée par désespoir, la divinité ouvrit les portes de son univers ensommeillé par pitié et compassion pour le petit noble abandonné à son triste sort. La respiration de Dongju devint plus posée, son corps se décontracta en s'enfonçant dans les limbes du sommeil et il murmura quelques mots avant de sombrer dans la torpeur.
« - Je veux rentrer. »
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