Chapitre 46

Tout ceci c'était déroulé moults années auparavant, à une époque où la Grande Guerre n'était pas et que les quatre Royaumes s'ignoraient simplement. C'était un temps aujourd'hui révolu qui semblait s'être passé des millénaires auparavant mais, en réalité, seulement une cinquantaine d'années s'était écoulée.

Cette nuit-là, la pluie était battante. Les torrents d'eau frappaient les carreaux dans un rythme insoutenable et le son se mêla aux hurlements de souffrance résonnant dans le petit pavillon à l'écart du palais. Enfoui dans les épaisses couettes du lit, une femme se débattait contre les soignants qui essayaient de la maintenir en place pour lui injecter un énième sérum.

Criant en griffant le visage de ceux qui la bloquaient, la dame ne sentit même pas l'aiguille s'enfoncer dans sa peau striée de noire. Ses yeux injectés de sang s'écarquillèrent, sa bouche moussant de rage s'ouvrit en grand et elle finit par mordre le docteur dans son accès de rage. Néanmoins, l'injection fut tout de même un succès.

Les soignants réinstallèrent les sangles autour des membres de la malade qui continuaient de se débattre dans l'espoir de s'échapper du pavillon mais cela était vain et elle le savait au fond d'elle. Souffrante, un maigre éclat de lucidité apparut dans son regard lorsqu'elle vit son mari accourir vers la porte pour faire sortir leurs deux enfants alertés par les cris de leur mère.

« - Sunny, Minho ! Sortez d'ici ! »

Pendant une seconde, la mère se calma en découvrant les yeux larmoyants de ses trésors. Ils la fixaient avec détresse, ne comprenant pas pourquoi l'état de leur maman avait brusquement chuté. Tout allait pourtant si bien un an auparavant, elle était magnifique avec sa peau dénuée de stries noires et ses yeux vermeil. Alors pourquoi ? Pourquoi allait-elle si mal maintenant ? Pourquoi son corps semblait s'autodétruire sous les yeux du corps médical impuissant ?

« - Je veux ma maman ! »

La petite voix de Sunny s'éleva tandis qu'elle se blottissait contre le corps de son grand frère qui cherchait des réponses dans le regard terrifié de son père. Hélas, ce dernier les mit à la porte tandis que la crise reprit de plus belle en brisant ce court instant de calme.

Se cambrant, la mère crispa ses doigts tout en tirant sur ses liens alors que les hurlements suppliant de ses enfants résonnaient derrière la porte. En larmes, elle tenta de combattre cette maladie, cette malédiction qui la rongeait depuis la naissance.

« - Je suis désolé, les enfants. Je suis désolé... »

Le Roi vint enlacer ses trésors dans ses bras, tentant en vain de les protéger de l'horreur qui se passait dans le pavillon alors que l'eau dévalait sur leurs silhouettes tremblantes. La pluie se mêla aux larmes, le souffle du vent porta les cris de souffrance de la femme et les éclairs figèrent dramatiquement les images.

Les livres parlaient du feu de la destruction comme un sort, un pouvoir antagoniste au feu de la création. Cependant, les ouvrages parlaient rarement du fait qu'il s'agissait aussi d'une maladie touchant une personne sur mille à Zjarr. D'origine génétique, l'entièreté des Djegur avait la possibilité de développer ce mal qui ne pouvait être soigné.

Sournois, le feu s'allumait dans une discrète flamme à l'intérieur d'un Djegur et l'infection se faisait en silence pendant des mois, voire des années.

Lentement, la flammèche devenait un petit brasier pour se métamorphoser en un immense feu de forêt inarrêtable qui détruisait le contaminé de l'intérieur. Rongeant son système, la destruction passait par le physique mais aussi le mental puisque le malade sombrait lentement dans la démence tout en couvrant son corps de sordides lignes noires scellant son destin.

Une fois que les marques apparaissaient à l'âge adulte, il était déjà trop tard puisqu'il ne restait plus que quelques mois au malade.

« - Maman ! Je veux ma maman ! »

Sunny tenta de fuir les bras de son père dans le but de rejoindre la porte où sa mère s'éteignait petit à petit, perdant ce combat où elle n'avait aucune chance. Pourtant son mari avait soulevé des montagnes pour trouver un remède mais il n'était pas un dieu.

« - Rendez-moi ma maman ! »

Réussissant à se faufiler de l'étreinte protectrice du Roi, la fillette de trois ans fonça en direction de la poignée mais elle fut hâtivement rattrapée par son grand frère qui avait fêté, quelques jours auparavant, son septième anniversaire. Minho était protecteur avec sa cadette, ses bras vinrent entourer ses épaules alors qu'il murmurait des « tout va bien se passer » qui sonnèrent terriblement faux.

« - On va être fort, Sunny. C'était ce qu'elle avait demandé la dernière fois. Tu t'en souviens ?

- Ou... Oui. »

L'aîné vint caresser la chevelure de sa petite sœur qui avait le visage ravagé par les larmes. La pluie battante tombait sur leurs frêles corps terrifiés, leurs visages n'étaient pas mieux puisque le désespoir scintillait dans leurs iris enfantins qui perdirent un peu plus de leur innocence en ouïssant leur maman s'égosiller derrière la porte.

« - Tant qu'on est ensemble, on sera fort. D'accord ? »

Minho tendit son petit doigt à sa cadette qui observa son auriculaire avec son regard empli de larmes. Sa tête passa de la main de son frère au visage de ce dernier qui tentait de tenir le coup face à cette situation désastreuse. Sunny était admirative.

Minho, il était fort. Minho, il était super courageux. Minho, il avait un grand cœur derrière ses yeux sombres. Minho, c'était son Héros.

« - D'accord. »

Les deux enfants croisèrent leurs petits doigts ensemble, scellant leur promesse sous l'orage et la pluie tandis que leur mère poussa son dernier souffle en compagnie d'une larme coupable.

La reine aurait tant aimé voir ses petits anges grandir, observer son fils monter les marches vers le trône pour gouverner avec noblesse ce Royaume rongé par une malédiction silencieuse. Elle aurait rêvé leur dire « je t'aime » avant qu'ils n'aillent se coucher, embrasser leur front tout en les bordant calmement.

« - Pardonnez-moi... »

Ce fut durant cette nuit pluvieuse que Zjarr perdit sa Reine, plaçant la première pierre de son tombeau. Ce soir-là fut le début de la chute du plus fort Royaume, ce même effondrement qui allait amener les Djegur à devenir l'ombre d'eux-mêmes.

Lentement, l'ère de richesse de Djegur se ternit. Son immense palais couvert d'or perdit en splendeur, ses ressources s'amenuisaient de plus en plus rendant leur commerce de joailleries instable plongeant doucement le Royaume dans une crise effrayante. Le Roi tentait de tenir bon malgré la mort de sa femme, cependant, les chiffres ne mentaient pas : Zjarr était au bord de la déchéance.

« - Attends-moi ! »

Brisant le lourd silence des couloirs du palais d'or, une petite voix fluette s'éleva sans pour autant faire ralentir le hélé qui continuait de courir dans tous les sens en riant un peu trop fort. Les domestiques jetèrent un coup d'œil discret sur ces deux petites silhouettes qui s'aventuraient dans le grand salon pour rejoindre les jardin et ils ne purent cacher leur sourire, malgré la situation inquiétante, en voyant les deux enfants ensemble.

« - Dépêche-toi Sunny, sinon on va le louper ! »

Le petit garçon à la chevelure brune était en tête de la course, son incroyable sourire sur le visage alors qu'il se retournait légèrement pour plonger son regard ambré dans les iris rubis de sa sœur. Le gamin signala à la petite d'accélérer la cadence mais cette dernière peinait à avancer à cause de ses courtes jambes.

Lui avait déjà sept ans et demi tandis qu'elle n'en avait que trois. L'écart était suffisant pour que le frère distance aisément sa cadette.

« - J'ai mal aux jambes, Minho ! »

La plainte de l'enfant fit lâcher un sourire au plus vieux qui se stoppa avant d'opérer un demi-tour pour s'accroupir devant sa sœur. En voyant son frère tapoter son dos pour signaler à la petite de grimper, cette dernière n'hésita pas une seconde avant de monter et s'accrocher de toutes ses forces à la nuque de son grand frère adoré.

« - Prête, princesse ?

- Oui ! Allons-y ! »

Se redressant vivement tout en poussant sur ses jambes, Minho reprit sa course avec la fillette sur le dos et il s'aventura dans la véranda du château avant de pousser la petite porte de verre. Avec cette insouciance caractéristique, les enfants s'aventurèrent dans le jardin Zjarr qui était balayé par son vent sec et aride qui assécha immédiatement leur peau. Cependant, ils ignoraient cette sensation étant habitués à cette dernière.

« - Vite, Minho ! Il va partir ! »

Le regard de l'aîné se posa sur l'horizon et son cœur loupa un battement en réalisant que sa sœur avait raison. Sans hésiter, il resserra sa prise sur les jambes de la petite avant de piquer le sprint de sa vie en criant afin d'attirer l'attention de ceux qui s'éclipsaient dans leur dos.

« - Papa ! Attends ! »

En chœur, les deux enfants hélèrent leur père qui était sur son destrier en compagnie de quelques-uns de ses soldats. Ces derniers avaient une visite du pays à effectuer et ce tour allait sûrement durer plusieurs jours. De ce fait, les deux enfants s'étaient levés à l'aurore pour souhaiter un au revoir à leur père.

« - Minho ? Sunny ? »

Le Roi fit un geste à ses hommes pour qu'ils puissent attendre quelques instants puis il mit pied à terre sans hésiter. La terre à peine foulée, il se prit dans les bras ses deux amours qui lui claquaient un bisou sur chaque joue.

« - Bon voyage, papa ! »

Minho chantonna ses paroles tout en câlinant son père qui vint lui pincer la joue gentiment avant de le taquiner.

« - Ne fais pas trop de bêtises en mon absence.

- Promis ! Je ne casserais rien !

- Même pas les oreilles des domestiques ? »

Le brun eut une soudaine moue plus fermée et il croisa ses doigts dans son dos en hochant faussement la tête tout en promettant qu'il ne ferait pas trop de caprices. Ce geste fit pouffer le Roi qui se doutait que son fils ne tiendrait sûrement pas en place durant son absence mais cela faisait partie de son charme.

Minho était un garçon un peu particulier, surtout depuis la mort de sa mère. Il éprouvait une certaine difficulté à gérer ses émotions, à les contrôler, ou plutôt à les atténuer. Pour lui, tout était plus fort, plus vif et c'était parfois compliqué pour les domestiques surtout quand le garçon partait dans une crise de colère.

« - Soyez sage tous les deux et surveille bien si tes pouvoirs s'éveillent Minho.

- Oui, papa ! »

Remontant en selle, le souverain fit un dernier geste de la main à ses enfants tandis que la gouvernante venait les chercher. A l'horizon, le soleil se levait noblement tandis que le Roi cavalait en direction de la sortie du jardin royal pour son long voyage mais, à son retour, beaucoup de choses auraient changé.

Seul au palais, les deux enfants comptèrent les jours sans leur père, leur dernier parent. Ils avaient tenté de s'occuper, de rester sages pour ne pas trop embêter les domestiques mais les deux Lee avaient des fourmis dans les jambes et leur calme n'avait duré qu'une petite journée. Trois vases, six assiettes, quatre verres et un tableau avaient déjà été détruits et ce nombre ne faisait que croître.

« - J'ai mal à la tête... »

Cependant, les bêtises se stoppèrent lorsque le petit Minho finit cloué au lit à cause d'une forte fièvre. Complètement malade, le médecin royal était venu d'urgence au chevet du garçon qui respirait difficilement tout en suant à grosses gouttes : tout ceci ressemblait à une grosse grippe.

Dans l'encadrement de la porte, il était possible de discerner la petite tête de Sunny qui posait avec inquiétude ses yeux rubis sur le corps tremblant de son frère. Ce dernier se tortillait alors que le médecin effectuait son diagnostic en grimaçant et tout ceci rappela des douloureux souvenirs à la petite fille de trois ans qui sentit ses yeux se remplir de larmes.

« - Princesse Sunny, vous ne devriez pas être ici. »

Doucement, la gouvernante vint s'approcher de la fillette pour lui faire détourner le regard de l'inquiétante scène et elle vint passer ses longues mèches de cheveux derrière les oreilles en lui murmurant qu'il était encore tôt et qu'elle devrait dormir.

« - Mais Minho n'est pas bien...

- Votre frère va s'en sortir. Il est très fort vous savez !

- Maman aussi était très forte... »

Le cœur lourd, la femme pinça ses lèvres et elle ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil au petit Minho qui c'était soudainement mis à se débattre dans son lit. Il était vrai que cette scène était affreusement similaire à celle qui avait valu la vie à la Reine six mois auparavant.

« - Minho va mourir lui aussi ? »

C'était avec innocence que les mots étaient sortis mettant mal à l'aise la gouvernante qui enlaçait la petite tout en la ramenant dans sa chambre. Elle caressa tendrement le dos de la princesse, essayant de donner cette affection maternelle que Sunny n'avait que peu reçu puis la dame lâcha une réponse.

« - Non, il va s'en sortir. Le prince est fort, il va beaucoup se battre aujourd'hui puis il reviendra jouer avec vous demain ! »

Hélas, l'état de Minho ne s'améliora pas au cours des jours. Sa fièvre restait dangereusement élevée, ses muscles se contractaient régulièrement sans qu'il n'en ait le contrôle effrayant le médecin qui craignait que le petit finisse par faire une crise cardiaque.

« - Le Roi doit revenir d'urgence. J'ai peur qu'il ne puisse s'éteindre à tout moment... »

Fermant la porte derrière lui, le docteur offrit ses mots à un soldat qui partit immédiatement aux écuries pour rejoindre le souverain et le prévenir de la triste nouvelle. Il fallut quarante-huit heures pour que le père revienne au palais en panique, descendant à la hâte de son destrier avant de débouler dans les couloirs du palais avec une expression inquiète sur le visage.

Il vit simplement Sunny pleurer dans les bras de la gouvernante, demandant qu'on puisse épargner son frère malade et cette image lui serra le cœur : cela lui rappelait beaucoup trop le décès de son épouse quelques mois auparavant.

« - Mon Roi ! »

Sortant de la chambre de Minho, le médecin vint immédiatement à la rencontre de l'homme qui s'approcha vivement tout en demandant plus d'informations sur la situation. Il voulait comprendre. Pourquoi l'état de son fils avait soudainement dégringolé ?

« - Il souffre des mêmes maux que la Reine, mon seigneur...

- N-Non... Ce. C'est impossible ! »

Les yeux s'écarquillant d'effroi, l'homme refusait ce diagnostic que le docteur ne cessait d'affirmer.

« - Nous en avons eu la confirmation il y a deux jours... Nous sommes désolés, mon Roi. »

Tremblant, le souverain peinait à garder son sang-froid face à la situation. Il ne voulait pas y croire, il ne pouvait pas le croire. Son fils ne pouvait pas souffrir des mêmes maux que sa femme, il ne pouvait pas posséder la même malédiction qu'elle.

Le Roi décala légèrement le médecin pour rentrer dans la chambre de son garçon et, à peine avait-il entrebâillé la porte, que la scène s'imposa à lui et confirma ses craintes. Allongé dans son lit, couvert de sueur froide et pris de palpitations, le petit Minho avait la peau couverte de stries noires montrant que le mal s'était déversé en lui et le rongeait déjà de l'intérieur.

« - Non... »

A tâtons, l'homme s'approcha du chevet de son garçon avant d'attraper la petite main de son fils : cette dernière était brûlante. Le Roi s'assit sur une chaise traînant non loin, ses épaules tombèrent et il détailla ces sordides lignes qui dansaient sur la peau pâle de son enfant.

« - Pourquoi as-tu hérité de sa malédiction ? »

La douleur du deuil remonta, l'aigreur de l'échec lui serra le cœur et il sentit la terreur de perdre son fils l'assaillir.

« - Minho... Je suis désolé. »

Les remords s'ajoutèrent, il ne put retenir son excuse en sachant pertinemment le combat qu'allait devoir mener son enfant à l'avenir. Ce n'était que la première crise, elle n'allait sûrement pas être fatale mais ceci annonçait les nouvelles à venir.

Minho était extrêmement faible, son petit corps peinait à encaisser la souffrance et le Roi mordit sa lèvre en imaginant la déception qui peindrait le visage de son fils lorsqu'il lui annoncera qu'il ne pourra jamais régner sur Zjarr.

Lui qui avait tant rêvé d'être Roi. Lui qui répétait tous les jours au chevet de sa mère souffrante qu'il allait rendre ce Royaume meilleur. Lui qui ne pourrait plus réaliser ce rêve.

« - Pardonne-moi... Nous t'avons condamné avec ta mère. »

Amèrement, les larmes perlèrent sur le visage du père qui avait maudit son fils. Porteur d'une maladie incurable, Minho était voué à mourir jeune, dans la souffrance et la folie, tout comme sa mère.

Aucun remède n'existait, rien n'avait été trouvé pour contrer ce mal. Pourtant, le Roi avait passé une partie de sa vie à essayer de trouver une solution pour sauver sa femme sombrant lentement dans la démence.

Trente ans de recherches qui n'avaient mené à rien d'autre que la mort atroce de son épouse sous les yeux effrayés de ses deux enfants.

« - Pardon... Je ne pourrais pas te voir mourir comme elle. »

Les jours passèrent, Minho se remit lentement de sa première crise en reprenant doucement conscience. Sa fièvre diminua lentement, ses soubresauts s'apaisèrent et les stries s'étaient lentement effacées mais tout le monde savait que tout ceci n'était que temporaire.

Un jour, le mal reviendrait à la charge pour arracher définitivement la vie du garçon.

Quittant finalement sa chambre après un mois de convalescence, le petit remarqua que beaucoup de choses avaient changé dans le château. Son père était devenu distant, les domestiques l'observaient avec pitié tandis que sa sœur était constamment occupée ce qui l'empêchait de la voir.

Déjà que Minho était déboussolé après ces longues semaines de souffrance alors ce changement d'habitudes ne l'aidait guère à se stabiliser. Ses émotions bouillonnèrent en lui, s'accumulant à chaque nouvelle qu'on lui annonçait.

« - Comment dire cela... »

Le médecin était revenu au chevet du garçon pour lui faire un dernier bilan et il était temps pour lui d'apprendre la vérité.

« - Vous... Vous êtes malade, prince Minho. »

Ses oreilles avaient bourdonné, son cœur s'était serré tandis que le médecin s'attelait à lui expliquer dans les grandes lignes sa maladie. Cependant, la tâche était périlleuse puisque Minho n'avait que sept ans et il était difficile de dire ce genre de triste nouvelle à un enfant.

Un mélange d'incompréhension et d'injustice vibra dans le corps du prince qui ne put retenir ses larmes. Ses dernières explosèrent sous la mine attristée du médecin qui promit de faire tout ce qu'il pouvait pour l'aider à l'avenir.

Néanmoins, ces mots n'eurent aucun effet sur Minho qui se mit à rouler sur son lit tout en tirant sur ses cheveux, geste maladroit qu'il faisait lorsque ses émotions étaient trop fortes. Mais tout ne s'améliora pas dans les jours à venir.

« - Sunny est occupé, mon prince. »

C'était ce que le domestique attitrée de sa sœur lui avait dit mais il n'y croyait pas.

« - Votre sœur a un cours actuellement. Revenez plus tard, prince Minho. »

Les adultes n'arrêtaient pas de lui mentir. Leurs regards les trahissaient, leurs prunelles ne cessaient de trembler d'empathie et de pitié alors qu'ils prononçaient leur imposture. Lentement, la colère vint s'ajouter à la tristesse constante du petit qui commença à casser quelques objets pour relâcher cet énervement qu'il ne contrôlait pas.

Ses sourires passés c'étaient métamorphosés en une expression froide et sans vie tandis que ses anciennes taquineries étaient devenues des accès de colère explosifs conduisant à la destruction du mobilier du château ce qui finit par énerver son père.

« - Tu ne peux plus régner, Minho. »

Ces paroles furent sûrement celles de trop pour le garçon qui tomba de haut. A la tristesse et la colère s'ajouta l'incompréhension ainsi que la peur.

« - Je... J'ai fait quelque chose de mal ? »

Les premières larmes apparurent dans le coin des yeux de l'enfant, ce qui serra le cœur du Roi qui tentait de rester neutre et calme. Cette situation rongeait le souverain de l'intérieur, il était terrifié de voir son unique fils s'éteindre en un claquement de doigt comme sa femme.

Égoïstement, le Roi avait émis l'ordre de lentement éloigner Minho de la famille royale afin que son décès puisse être plus simple à accepter. Les domestiques n'étaient pas pour cette idée, la gouvernante des enfants avait essayé de raisonner le souverain mais personne n'était de taille à contester les ordres du dirigeant. La seule qui aurait pu était morte six mois auparavant.

« - Qu'ai-je fait, papa ? »

L'enfant tremblait au pied du trône, ses yeux ambrés inondés de pleurs s'écrasant tristement sur le sol. Les émotions bouillonnaient dans l'âme du garçonnet qui tentait maladroitement de se contenir mais tout finirait par exploser, ce n'était qu'une question de secondes avant que la situation ne finisse par échapper au prince.

« - Minho...

- Explique-moi, papa ! Je ne comprends pas ! »

Vicieusement, le mal qui rongeait Minho profita de cette instabilité pour se diffuser dans son organisme. Les flammes encres grandirent d'une manière vertigineuses dans le cœur détruit de l'enfant tandis que son épiderme se striait de noir à la stupeur du Roi qui ne pensait pas qu'une seconde crise pouvait arriver aussi vite.

Cependant, quelque chose était différent chez l'enfant. Son regard orangé s'assombrissait lentement tandis que les lignes vinrent se centraliser dans la paume de sa main jusqu'à former une petite boule de flammes noires. Le brasier terrifia toutes les personnes dans la pièce et la peur s'accentua lorsque Minho balança sa sphère sur un des étendards à sa gauche qui se désintégra subitement.

« - EXPLIQUE-MOI ! »

Ordre ou supplique désespérée ? La voix de Minho se brisa alors que les émotions s'entrechoquaient en lui. Pendant une seconde, il sentait une forte déprime l'envahir tandis que l'instant d'après c'était une colère presque haineuse qui le faisait vibrer.

Un feu destructeur se mit à le contrôler, détruisant tout sur son passage en créant un chaos interne chez le pauvre gamin qui ne comprenait plus rien. Que ressentait-il ? Pourquoi avait-il mal ? Était-ce réellement de la douleur qu'il ressentait ou bien une émotion qu'il ne savait plus nommer ?

L'esprit du petit se brisa en des milliers de fragments qui s'éparpillèrent semant davantage le trouble en lui. Prisonnier de ces flammes noires, il plongea son regard dans celui impuissant de son père et Minho tenta vainement un dernier appel à l'aide.

« - Papa... Explique, je t'en supplie. Il se passe quoi ? »

La petite assemblée posa un regard affolé sur le corps du prince. Les flammes noires dans sa paume remontaient le long de son bras, tournoyant autour de son membre comme si elles étaient dotées d'une conscience. A cette vision, le Roi sentit son cœur lui faire mal alors qu'il découvrait la véritable nature de son enfant.

« - Papa, j'ai peur... »

Minho trembla en pleurant tandis que le brasier s'approchait de son visage. Les premières flammèches léchaient sa joue alors qu'il essayait de l'éloigner mais son geste était vain.

Le feu brûlait déjà en lui : il ne pouvait pas le fuir. Jamais il n'arriverait à se débarrasser de ce brasier et les mots de son père lui confirmèrent la chose.

« - Tu es un manipulateur du Feu de la Destruction. »

Un certain écœurement apparut sur le visage du Roi tandis que les soldats s'éloignèrent instinctivement du garçon comme s'il était devenu brusquement contagieux. Davantage perdu, le petit essaya de fouiller dans sa mémoire pour comprendre la situation mais il ne se souvint pas d'un cours où on lui parlait des manipulateurs du Feu de la Destruction. On lui avait parlé de ceux ayant le don du Feu de la Création mais pas de leur opposé.

« - Ton feu ne peut semer que le malheur et la désolation dans le Royaume. »

Assez sèchement, les paroles du Roi firent hoqueter de surprise le garçonnet qui écarquilla des yeux en titubant.

« - Si tu montes sur ce trône, tu maudiras Zjarr et conduiras le Royaume à sa perte. »

Les paroles étaient affreusement dures et tranchantes. Le pauvre cœur de Minho fut brusquement enfermé dans un étau qui se serra bien trop fort puisqu'il réduisit en miettes son organe vital tout en lui provoquant une nouvelle crise de larmes qui le fit tomber à terre. Pourquoi son père était-il si méchant ?

Ses flammes noires s'éteignirent, les stries disparurent et Minho redevint le même petit prince qu'il avait toujours été. Hélas, les regards ne changèrent pas. Le dégoût scintillait dans les yeux de tous accompagné par une touche de jugement que l'enfant ne comprenait pas.

« - Minho ! »

Déboulant dans la salle du trône sans crier garde, la petite tête de Sunny apparut dans la pièce. Ses longs cheveux noirs méchés de rouge étaient élégamment nattés montrant qu'elle avait sûrement passé un bon moment avec une de ses domestiques qui avait dû jouer avec elle. Observant la salle avec son regard candide, la princesse ne comprit pas la raison de la tension dans la salle du trône.

« - Papa ? Pourquoi Minho pleure ? Pourquoi tu lui dis des choses méchantes ? »

Seul au milieu de la salle, le brun lança un regard de détresse à sa sœur qui s'approcha hâtivement de lui. Cependant, avant qu'elle n'ait pu sauter dans les bras de son frère, un garde l'arrêta et la voix de son père tonna.

« - Tu ne l'approches pas, Sunny. Ton frère est maudit, s'il te touche tu le seras aussi ! »

Les deux enfants écarquillèrent les yeux en se tournant de manière synchrone vers leur père. Les séparaient-ils réellement ? Eux qui passaient tout leur temps libre ensemble. Eux qui n'avaient pas d'autre compagnie que l'un et l'autre. Eux qui s'étaient promis d'être fort s'ils restaient ensemble.

« - Mais je veux rester avec Minho !

- Non, Sunny. Tu ne dois plus jamais l'approcher.

- Pourquoi ? Je veux mon grand frère !

- Minho est dangereux. Il ne va plus vivre avec toi à partir d'aujourd'hui.

- Non ! Laisse-moi mon frère, je veux mon frère ! »

Sonné, le concerné fixait simplement le vide sans comprendre la situation. Ses iris ambre tremblaient, sa vision se flouta alors qu'il observait ses mains qui se noircissait à nouveau pour former des arabesques étranges : le feu reprenait le dessus sur lui.

Hélas, les traits n'eurent pas le temps de se rejoindre puisqu'on attrapa Minho sous les aisselles pour l'amener dans ce fameux pavillon à l'autre bout du jardin. Le petit ne se débattit même pas, il se laissa traîner en ouïssant les derniers éclats de voix de sa sœur qui l'appelait, qui lui demandait de rester.

Minho ne bougeait pas, trop choqué par la situation et son retournement. Sa vie venait de voler en éclat sans qu'il ne puisse rien faire. Son destin avait été bouleversé à cause d'une soudaine fièvre qui avait dévoilé des pouvoirs que tout le monde haïssait.

Seul. Voilà le nouvel avenir du prince. Un garçon solitaire, enfermé dans une petite maison à l'écart de tous à cause de pouvoir qu'il n'avait pas choisi, méprisé à cause d'une magie que ses parents lui avaient donnée, rabaissé à cause d'une malédiction apparut brusquement.

[...]

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