Chapitre 13

« - Cela faisait longtemps... »

Assis au bord du lac avec un sourire resplendissant, Hwanwoong laissait ses pieds lécher la surface de l'eau alors que son corps n'était plus que couvert par un simple bas camouflant son intimité. Cela faisait déjà vingt-quatre heures qu'il était rentré chez lui et le temps n'arrêtait pas de filer sous les coups de vents léchant son visage : dans deux jours il devra rentrer et reprendre ses fonctions.

Sur la berge, son regard n'arrêtait pas de voyager entre l'étendue aquatique, où flânaient diverses espèces de poissons, et le ciel azuré où planait les oiseaux revenant de leur longue migration. Il faisait bon, les rayons de soleil perçaient assez la canopée pour réchauffer ce petit coin de paradis et aucun frisson ne vint faire tressauter le garçon qui prit une grande inspiration avant de se laisser tomber vers l'avant.

Son corps percuta la surface aqueuse et, dès que le changement de milieu fut effectué, son organisme se métamorphosa en quelque chose de plus mystique, plus marin. Dans son élément naturel, la peau de Hwanwoong se recouvrait d'une fine couche de mucus tandis que sa respiration migrait pour passer d'aérienne à aquatiques.

L'ensemble était un mixte de réactions chimiques, métaboliques et physiologiques qui intriguaient énormément les scientifiques des Royaumes voisins qui ne comprenaient pas l'origine de ces adaptations évolutives chez les Bymehet.

« - Cela n'a pas changé. »

Totalement transformé, le garçon s'aventura dans les profondeurs en quête de tête familière et il se doutait que les petits qu'ils avaient vu naître avaient beaucoup grandi après deux ans d'absence. Les fluides l'enveloppaient, les poissons le saluèrent à l'aide de leur nageoire pectorale et Hwanwoong pensa que ce lieu était le plus beau du Monde.

« - Cela m'a manqué. »

Ses pensées s'égarèrent, ses iris océaniques recouvertes d'une paupière nictitante, un voile protégeant ses yeux des profondeurs aquatiques, n'arrêtèrent pas de s'agiter afin de s'abreuver le plus possible de cet écosystème dans lequel il avait grandi.

« - Je voudrais tant t'amener ici. »

Immédiatement, le message s'était envolé de l'esprit du Bymehet pour se propager dans l'air jusqu'à un autre Royaume. Hwanwoong n'y avait même pas fait attention, les mots s'étaient formés d'eux-mêmes dans sa tête modelant cette pensée volatile et presque perceptible.

Ses paroles arrivèrent évidemment à bon port et, s'il avait été présent au côté de cette personne, le garçon aurait pu le voir légèrement sursauter de stupeur avant d'esquisser un sourire avec des yeux brillants.

« - Avec plaisir. »

Le Bymehet frissonna dans les eaux claires alors qu'il se stoppa brusquement face à ce sentiment chaleureux qui se diffusait en lui. Sa main monta naturellement à sa poitrine dénudée et il le sentait, son cœur, battre dans un rythme désordonné qui n'était pas le sien.

« - C'est le nôtre.

- Le nôtre de quoi ?

- De rythme cardiaque. Ce n'est pas le mien. Ce n'est sûrement pas le tien. Donc...

- C'est le nôtre.

- Oui, le nôtre. »

Dans les profondeurs du lac, Hwanwoong souriait comme un fou en tapant des pieds afin de se maintenir en position stationnaire. Ses mèches flottaient dans l'eau et certains poissons curieux vinrent s'y faufiler tout en observant le garçon aux joues rosies et paupières closes de bonheur : il aimait ce rythme distordu, cela lui donnait le sentiment de vivre.

S'accordant une pause dans cette guerre contre lui-même, le Bymehet sentit une larme rouler sur sa joue pour se perdre dans l'étendue d'eau. C'était un simple fragment de liquide salé se mêlant dans l'immensité d'eau douce du lac, rien de plus. Néanmoins, ce morceau était lourd de sens, il insinuait énormément et décimait une graine qui n'attendait qu'une chose : éclore.

Tout n'était qu'une question de temps, de patience car cette plante voulait grandir. Elle allait croître dans l'esprit de Hwanwoong afin de dissiper ses doutes et démons. L'autre l'attendait, il patientait car il savait parfaitement que ses sentiments étaient partagés : cela se voyait comme le nez au milieu de la figure.

Juste, Hwanwoong n'était pas encore prêt. Il n'avait pas encore assumé ce flux d'émotion qui l'habitait, il n'avait toujours pas dompté cette peur liée à l'engagement mais cela allait venir. Tout ceci ne saurait tarder, leur temps se rapprochait mais il fallait être encore patient car, en brusquant les choses, le Bymehet risquerait de se briser, se renfermer et tout s'effondrerait sans que rien n'ait pu débuter.

Soudain, une ombre se discerna à la surface et, sans hésiter, le petit redressa la tête vers cette dernière pour y discerner le contour d'une silhouette familière : il était enfin là. Battant des jambes le plus fort qu'il put, l'enfant de l'Eau remonta rapidement vers la surface du lac où l'attendait son invité.

« - Te voilà enfin ! Tu m'as fait poireauter presque une heure. »

A peine sorti de l'eau que Hwanwoong commença à se plaindre ce qui fit rouler des yeux la personne sur la berge.

« - J'avais des choses à faire au Royaume avant de partir, ça a pris plus de temps que prévu. Après si tu ne veux pas de moi, je peux partir ? »

Un sourire taquin sur le visage, l'invité commença à amorcer un demi-tour afin d'agrémenter ses paroles de gestes plus ou moins convaincants.

« - Non ! Reste ! »

Hwanwoong avait sauté sur la rive, le corps gouttant légèrement mais l'eau allait rapidement s'évaporer grâce à ses origines Bymehet. Sans crier gare, il se mit à courir vers son ami qui mimait le fait de s'en aller et il lui sauta sur le dos sans prévenir. Les bras du petit entouraient le cou de son camarade à la chevelure argenté tandis que ses jambes enlaçaient sa taille avec force.

« - Comme ça tu ne me quitteras pas ! »

Le choc avait été un peu brusque pour le garçon d'un autre Royaume, il avait été obligé de se pencher légèrement en avant pour encaisser mais cela l'avait plus fait sourire et rire que grogner. Naturellement, ses mains vinrent attraper le dessous des genoux de son ami d'enfance afin de le maintenir sur son dos et il ne put retenir un petit pic.

« - Tu sens le chien mouillé... Beurk !

- Menteur ! »

Hwanwoong donna un petit coup sur le torse de son ami qui rigolait en gémissant.

« - Lee Keonhee, tu es un menteur ! Ce n'est pas beau de mentir ! Je vais le dire à ta mère, tu vas voir.

- Fayot !

- Toujours là pour te faire chier, mon asperge. »

Les deux amis d'enfance rirent aux éclats tout en se dirigeant vers l'habitation des Yeo. La silhouette de la mère du bras droit de Dongju était visible dans la fenêtre de la cuisine et la femme ne put s'empêcher d'esquisser un rictus en voyant son enfant si heureux : cela faisait du bien de voir un peu de vie dans cette maison où elle vivait seul.

« - BAISSE-TOI ! »

Hwanwoong cria dans les oreilles de son ami qui se plaignit tout en effectuant par instinct l'ordre de son compagnon de vie.

« - Yah ! Cris pas comme ça !

- Tu allais me foutre la tête dans le cadre de la porte, abruti.

- Bah ça aurait été bien mérité... Tiens, pour me venger. »

Brusquement, Keonhee lâcha les jambes de son camarade qui tomba violemment sur le sol dans un fracas sonore. Le coccyx s'écrasant sur l'étendue faite de pavés, la douleur remonta le long de l'échine du plus petit qui gémit amèrement tout en lançant un regard noir au grisé.

« - Oh toi... Dongmyeong va devoir se trouver un nouveau chef des armées.

- C'est cela, essaye de m'attraper la limace.

- Tu es un Tokësor mort, Lee Keonhee. »

Hwanwoong sauta sur ses jambes et il commença à courser son ami dans toute la petite maison sous les éclats de rire de madame Yeo qui ne se lassait jamais de ce spectacle : en vingt-trois ans, rien n'avait changé. Le Bymehet attrapa la jambe gauche de Keonhee qui tomba en avant dans un grand fracas mêlé d'un de ses cris stridents caractéristiques.

Sa victime étant démunie, le petit en profita pour monter sur son torse et commencer à le chatouiller tout en lui donnant quelques petites tapes sur les fesses par moment : ils ressemblaient à deux enfants jouant naïvement.

Keonhee se tortilla, riant à gorge déployée tandis que Hwanwoong n'arrêtait pas de lui répéter qu'il devrait mieux réfléchir la prochaine fois à la portée de ses actes. Les souffles étaient courts, l'énergie s'envolait dans chaque sons rieurs et madame Yeo fut obligée de les stopper avant qu'ils ne puissent se transformer en deux larves dormant sur le tapis du salon : elle se souviendrait toute sa vie de cette scène plus que loufoque.

« - Allez les garçons, on se calme. J'ai préparé le goûter en plus.

- Keonhee m'a fait mal, maman ! »

Hwanwoong avait une moue extrêmement enfantine. Sa lèvre inférieure ressortait légèrement tandis que ses yeux pétillaient d'injustices tout en s'agrandissant légèrement.

« - C'est toi qui as commencé en criant dans mon oreille.

- C'était pour sauver ma tête car tu allais m'encastrer dans le mur !

- Ce n'est pas grave les garçons. »

Madame Yeo ria de bons cœurs tout en ébouriffant la chevelure de son fils et celle de ce garçon qu'elle considérait comme son deuxième enfant. Keonhee était un membre de la famille depuis de nombreuses années déjà, il avait toujours été là à pimenter la vie de Hwanwoong et sa présence était normale dans cette maison qui était un peu devenue la sienne.

« - On va manger ?

- Oui ! »

Dans un chœur parfait, les deux grands enfants acquiescèrent en se redressant de manière synchrone en direction de la cuisine ce qui fit encore pouffer la mère de famille : la nourriture résolvait toujours les petites disputes des deux. Sur ce sujet, ils s'accordaient toujours.

Sur la petite table, madame Yeo avait disposé deux assiettes où trônaient trois tartines de pain avec un morceau de chocolat dessus. Elles étaient parfaitement dorées faisant que la garniture fondait légèrement sur la mie et cela mit l'eau à la bouche aux amis qui s'assirent tout en remerciant la cuisinière : c'était leur goûter d'enfance, le meilleur de tous les repas de l'Univers.

Rapidement, ils eurent tout englouti dans un silence profond et respectueux montrant combien la nourriture était quelque chose d'important à leurs yeux : c'était un peu leur hache de guerre après chaque combat.

« - On va se balader ? »

Keonhee avait proposé cela à son ami tout en essuyant sa bouche après avoir fini son verre de jus de fruits. Sans hésiter, le Bymehet accepta et ils se redressèrent en direction de la sortie après que la mère de Hwanwoong eut dit au garçon de tout laisser sur place : elle allait ranger pendant leur promenade.

Chaussés, le regard empli d'envie d'aventure folle, les deux amis quittèrent la petite maison en saluant l'unique habitante de cette dernière et une proposition quitta les lèvres de Hwanwoong tandis que la porte se ferma derrière eux.

« - Le premier à la planque peut poser la question qu'il veut à l'autre ? »

Le regard empli de défi, le petit savait déjà parfaitement quelle interrogation poser à son ami et il était certain de sa victoire : il connaissait ces lieux comme sa poche.

« - Tu es sûr de toi ? Je ne veux pas que tu boudes parce que tu as perdu. »

Keonhee avait un éclat de malice dans le regard et ses yeux insinuaient aussi cette idée qu'il n'allait pas perdre, bien au contraire.

« - Je vais te battre.

- Je n'en suis pas si sûr.

- Oh, vraiment ? »

Les deux se fixèrent, le torse bombé avec un air fier. Ils se sondèrent, s'analysèrent mais Keonhee brisa cela en tendant son petit doigt vers son ami.

« - Promets-moi que tu ne vas pas te défiler face à ma question.

- Tss... »

Hwanwoong tourna la tête en roulant des yeux : pour qui le prenait-il ? Il attrapa le doigt tendu par son ami, leurs deux pouces se collèrent puis ils scellèrent ainsi leur promesse.

« - Toi de même, ne te défile pas quand je t'aurais posé ma question.

- C'est promis. Même si tu ne me poseras rien du tout.

- C'est ce qu'on verra. »

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