« - Tu es vraiment certain de ta décision ?

- Tu oses remettre en tort mes dires, Hwanwoong ? »

Dongju s'approcha de son ami avec une expression douce, presque tendre qui illuminait son visage légèrement fatigué à cause du surmenage. Néanmoins, malgré cet éreintement, un sourire germa sur le faciès du noble et un faible pouffement quitta ses lèvres rosées quand il remarqua qu'il dépassait son ami de quelques centimètres. Et dire que lorsqu'ils s'étaient rencontrés, Hwanwoong avait une tête de plus que lui.

« - Tu es plus petit que moi ! Je ne l'avais même pas remarqué.

- Yah ! Ne te moque pas, je sais très bien que tu étais au courant de cette information depuis longtemps. Espèce d'ingrat ! »

Le plus petit donna un coup de poing gentillet dans l'épaule de Dongju qui pouffa un peu plus fort tout en continuant de taquiner son aîné d'un an. Le temps filait mais leur amitié rayonnait toujours autant. Ils irradiaient de teintes irisées sur les couleurs ivoires du palais de Zéphyr grâce à leurs rires s'harmonisant dans des notes splendides : cela atténuait un peu la lourde ambiance qui peuplait le château depuis l'annonce du refus de Zjarr.

« - Et dire que j'étais plus petit que toi quand on s'est rencontré.

- Et dire que tu étais respectueux des gens ! »

A cette époque où leur chemin c'était croisé, ils avaient un visage de poupin avec des joues rebondies et un regard empli d'innocence, de naïveté et dénué d'obscurité, de malheur. Les deux n'étaient que de tout petit enfant c'étant rencontrés par l'aval de Keonhee, une connaissance commune. Néanmoins, une question trottait toujours dans l'esprit des gens lorsque l'Histoire des trois amis étaient contées.

Comment cette grande perche de Lee Keonhee avait rencontré Hwanwoong, ce garçon d'un autre Royaume ? Séparés par les océans, scindés par une culture différente, divisés par une classe sociale non-miscible, ils semblaient improbables que ces deux âmes aient pu se rencontrer alors que tous les éloignaient.

Même pour Dongju, la question de la rencontre des deux garçons restait un mystère irrésolu, une énigme sans réponse. C'était un voile de doute entourant le Bymehet et le Tokësor qui semblaient se connaître depuis toujours comme s'ils avaient grandi ensemble alors que ce n'était pas le cas. Mais cela était aussi le charme de leur relation, de leur amitié incomparable faisant que malgré la distance, le temps filant, l'un restait toujours là pour l'autre.

« - Tout ira bien en ton absence, murmura Dongju en serrant l'épaule de son aîné. Geonhak, Youngjo et moi-même allons-nous en sortir sans toi.

- Dis tout de suite que je suis inutile. »

Hwanwoong était un garçon un peu taquin mais cela était uniquement avec ces proches, ces personnes le connaissant par cœur et le mettant en confiance. Son index vint s'enfoncer dans la joue de celui qu'il voyait comme un petit frère à protéger et ce dernier grimaça légèrement.

« - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

- Pourtant le sous-entendu était bien visible.

- Yah ! Mais ne complique pas les choses, je faisais un beau discours là...

- Awn ! Mais ne boude pas, Dongju ! »

Le dénommé venait de se retourner, les bras croisés sur son torse, son visage fermé dans une moue adorable qui faisait fondre plus d'un cœur et Hwanwoong enlaça le dos du noble qui lui faisait la tête.

Le Bymehet posa son menton sur l'épaule de son ami, légèrement sur la pointe des pieds car ce dernier était trop grand pour lui, et ses mains vinrent attraper celles de Dongju qui bougonnait toujours. La Reine était vraiment une personne avec beaucoup de charme et son caractère bien trempé était un de ses plus grands atouts mais aussi son gros défaut.

Jouant avec les mains du noble, Hwanwoong observa leurs doigts se chercher, se battre gentiment ou s'emmêler et le garçon commença à sourire comme son ami qui trouvait la situation cocasse.

« - Un vrai discours de Roi, taquina le Bymehet en observant le visage de son ami en étant toujours perché sur son épaule.

- Vas-y moques toi...

- Jamais je n'oserais voyons. »

Cette remarque sarcastique valut un petit coup de coude dans le ventre de Hwanwoong qui recula sous le choc l'obligeant à séparer de son camarade qui l'observa avec un regard sous-entendant un « tu l'as cherché aussi ». Les deux finirent par rire de bons cœurs aux portes de la salle de téléportation mais ils furent interrompus par le garde royal gérant les trajets.

« - Ma Reine, Monsieur Yeo. »

Le soldat s'inclina respectueusement devant les deux personnes puis il se redressa pour continuer son dialogue.

« - Le téléporteur est prêt, la connexion a été faite avec le point demandé. Désolé de ce léger retard.

- Il n'y a rien de grave. »

Hwanwoong sourit simplement au soldat qui se courba à nouveau. Ce geste mettait toujours le petit un peu mal à l'aise, il n'était pas habitué à ce genre de marque de respect puisqu'il n'avait pas grandi en tant que personne les recevant mais plutôt en tant que celui les donnant.

« - Vos bagages sont déjà déposés sur la passerelle de téléportation. »

Le Bymehet hocha de la tête puis se retourna vers Dongju qui souriait simplement en regardant la scène. Il y avait un éclat de malice dans son regard qui n'échappait pas à l'autre qui ne comprenait pas la raison de ce dernier.

« - C'est toujours bizarre de te voir suivre l'étiquette. Tu es constamment coincé à chaque fois que tu suis les règles.

- Mais je t'emmerde. »

Hwanwoong gémit en insultant gentiment la Reine qui rit encore, cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas autant pouffer dans une journée. Le Bymehet oublia la présence du soldat, il fit une croix sur les règles à suivre en présence d'une personne de sang royal et il frappa l'arrière du crâne de son ami.

« - Aïe ! »

Dongju se massa la tête avec une moue enfantine qui fit rouler des yeux son ami.

« - Je t'ai à peine frappé.

- Cela fait mal...

- Et tu vas aller te plaindre à Geonhak ? »

Le bras droit était légèrement penché en avant, ses yeux emplis de défis et de taquineries tout en attendant de voir l'action de son ami d'enfance.

« - Non, je sais me battre tout seul. Pas besoin de lui pour mettre un nain à terre. »

La tête de Dongju se pencha sur le côté avec un sourire narquois sur le visage alors qu'il prononça ses paroles piquantes qui touchèrent le Bymehet en plein cœur. Derrière, le soldat eut du mal à garder son sérieux face à cette situation hilarante : l'expression de Hwanwoong était vraiment loufoque.

« - Connard.

- Moi aussi je t'apprécie, Hwanwoong. »

La Reine enlaça les épaules de son ami tout en le guidant dans la salle de téléportation car l'heure tournait et il n'était toujours pas parti. Il aurait bien voulu continuer à le taquiner pendant des heures, le pousser dans ses retranchements sans pour autant dépasser la limite mais le Bymehet avait un voyage à faire.

« - Bah pas moi.

- Mais quel enfant celui-là ! »

Le noble roula des yeux, Hwanwoong ne réussit pas à cacher son petit sourire mais il continua de jouer sa comédie du mieux qu'il pouvait. Le garde s'approcha du tableau de commande, le faisceau lumineux s'activa créant le point de passage entre les deux Royaumes et ce fut à cet instant que Dongju dû lâcher son ami.

Le châtain avança, son cœur palpitait d'excitation dans sa poitrine en pensant à sa destination et il se retourna juste avant d'entrer dans la source lumineuse.

« - On se revoit dans trois jours ! Ne fais pas de bêtises en mon absence, je sais que tu es perdu sans moi.

- C'est cela, déclara ironiquement Dongju. Allez, repose-toi surtout ! »

Les deux amis se saluèrent, Hwanwoong fut englouti par l'éclat aveuglant et sa vue devint un voile blanc pendant un clignement de paupière. Ses sens se floutèrent, son esprit se tût brusquement à cause de ses pensées se dissociant, se morcelant durant la pixellisation. Le Bymehet ne devint qu'un amas de particules qui tournoyaient dans la machine, qui s'élevaient vers le ciel jusqu'à ne devenir que des atomes, des morceaux d'atmosphère qui se mêlaient à l'air.

Son essence se diffusa, se propagea dans un câble invisible fait d'ondes et de rayonnements qui le guidèrent jusqu'au point de rendez-vous : le bout du voyage. Les pixels s'agrégèrent au-dessus d'une petite tour gardée, les flux tournoyaient, l'être de Hwanwoong descendit vers la terre ferme jusqu'à se mêler à ce rayon opalin.

Tel un puzzle de milliards de pièces micrométriques, les morceaux s'assemblèrent, les bouts se collèrent et la silhouette du garçon se dessina en contraste dans l'intense source lumineuse. Lentement, le faisceau perdit en éclat, fanant lentement sous les commandes faites par le soldat et le corps de Hwanwoong redevint solide et mobile.

Ses sens affluèrent en lui, son toucher revint lorsqu'il serra ses mains afin de s'assurer que tout était fonctionnel. Son champ visuel flou était constellé de tâches d'encre qui s'effacèrent à chaque papillonnement de paupière tandis que ses narines humaient cette odeur si familière. C'était un mélange d'iode, d'herbe coupée et d'humus humide et cette fragrance procura des frissons au petit.

« - Bienvenue à la maison, Yeo Hwanwoong. »

Dans un geste légèrement latent, les connexions neuronales devaient encore se réassocier, le Bymehet pivota sa tête en direction du soldat tout en descendant de la plateforme de téléportation. Dès l'instant où ses yeux eurent identifié la femme se dressant derrière le tableau de commande, Hwanwoong accourut vers elle pour la prendre dans ses bras.

« - Naïa ! »

La dite Naïa se rattrapa péniblement au tableau de bord alors que son ami lui accrochait le cou avec joie et excitation. Sa courte chevelure sable vola légèrement, ses mèches léchant timidement sa mâchoire chatouillèrent un peu le visage de Hwanwoong qui redressa la tête afin de plonger ses iris océaniques dans ceux hazel de la femme.

« - Comment se sent ma voisine adorée ?

- Étouffée. »

Naïa avait les poumons écrasés à cause du petit qui recula rapidement en s'excusant et sa réaction disproportionnée fit rire la soldate.

« - Toujours aussi adorable, l'air de Zéphyr ne t'a pas changé. Maladroit mais adorable, du Hwanwoong tout craché.

- Gnah, gnah... C'est celle qui est tombée d'une falaise après avoir poursuivi un écureuil qui me parle de maladresse ?

- On avait cinq ans aussi, se plaignit la jeune fille.

- Et tu étais sacrément bête.

- Hé ! Je ne te permets pas à moins que tu veuilles que je t'engueule comme du poisson pourri. »

Hwanwoong eut une expression rieuse sur le visage, la malice apparut sur son visage alors qu'il reculait de quelques pas de sa voisine qui leva un sourcil sans comprendre.

« - Tu ne peux pas faire ça.

- Et pourquoi donc ?

- Car si tu fais cela je vais te pourrir la vie pendant mes trois jours de vacances.

- Yeo Hwanwoong, sale merlan frit. Si tu fais ça, je te jure que... »

Le petit attrapa son sac, passa la bandoulière autour de son épaule et il lança un clin d'œil à son amie tout en se dirigeant vers la sortie. Sa main se leva et, en quittant les lieux, il salua sa voisine qui savait que les prochains jours allaient être éreintant.

« - A ce soir, Naïa ! Nos parents ont prévu de manger ensemble vu que je suis rentré.

- Je te hais...

- Tant d'amours de ta part ! Allez, bonne chance pour ta fin de journée ! »

Hwanwoong n'entendit pas l'injure lancée dans son dos mais il se doutait que cela devait être encore un terme peu élégant. Son sourire scotché sur le visage, le garçon parcourut le chemin de terre retourné en direction du foyer familial.

La brise printanière soulevait légèrement son t-shirt alors que ses cheveux flottaient dans l'atmosphère : ça sentait bon les beaux jours. Sa démarche devint plus excitante, plus sautillante alors qu'il s'approchait de son habitation.

Sur la route, il croisa quelques paysans du village qui le saluèrent surpris en le voyant ici. Il expliqua la raison de son voyage au plus curieux, répondant à quelques questions concernant son nouveau métier tout en faisant attention à ne pas transcender les clauses de confidentialité : certaines choses qu'il connaissait devait rester secrète comme les tensions avec Zjarr.

« - Tu es vraiment la fierté du village, Hwanwoong ! »

L'unique fils Yeo jouissait d'une réputation le dépassant totalement, il était un exemple pour beaucoup de personnes de son statut social et énormément voyaient combien il avait inconsciemment pavé le chemin vers les classes supérieurs à Aral.

Hwanwoong avait métamorphosé dans l'ombre ce Royaume grâce à sa présence au côté du Roi actuel. Ces années de service au Palais avaient exercé une influence sur la noblesse et, aujourd'hui, Kevin était le meilleur des souverains qu'Aral n'ait connu. Il était celui comprenant le mieux le peuple, travaillant le plus afin de rendre les habitants heureux.

Tout cela, c'était grâce à ce petit garçon qui avait quitté son foyer à onze ans. Ce jeune à la beauté irrationnelle et à la réputation d'être l'enfant d'un ange mais, de ce que tout le monde savait, madame Yeo n'en était pas un bien que sa bonté était incroyable.

« - Bon retour chez toi, mon garçon ! »

Le garçon offrit un sourire au dernier paysan l'ayant abordé et il sentit son cœur palpiter davantage. Au bout du petit chemin terreux se dessinait les briques salis par les siècles d'existence, le lierre s'insérait entre les pierres formant un tapis de verdure qui encerclait élégamment la fenêtre menant à la cuisine. Et, dans ce lieu si convivial, Hwanwoong y vit la personne qui lui était la plus chère.

Serrant l'anse de son sac, son organe vital accéléra davantage tandis que ses jambes poussèrent sur le sol terreux. Quelques mètres le séparaient de l'habitation mais il les parcourut en une bouffée de secondes.

Dans les champs, on vit son corps devenir une silhouette flou filant avec le souffle court. On discerna ses mèches estivales prendre leur envol en direction du ciel azuré tandis que son sac frappait dans son dos à chaque foulée folle. Le garçon passa proche d'un lac, ce fameux lac qui était son second foyer, et il n'y prêta même pas un regard tant son excitation le dépassait.

Blue vit l'ombre passait sur la berge, sa femme Cassie était présente à ces côtés et observait aussi cette tornade bouleverser la tranquillité de l'endroit. Depuis son départ du foyer, ce petit bout de terre était silencieux et reposant. Il s'agissait d'un havre de paix, d'un bout de Nature où le danger semblait inexistant.

Hwanwoong c'était l'essence de vie de cet endroit. C'était ce coup de vent agitant les flots tranquilles. C'était cette couleur vive qui donnait vie à ce tableau impersonnel. C'était ce détail qui rendait l'Histoire de cet endroit passionnante.

Sans le petit, l'endroit était à l'arrêt, plongé dans une réalité alternative où le temps s'écoulait au ralenti. Sans lui, le lac semblait vide de vie. Sans le garçon, la zone prairiale arrêtait sa croissance. Sans Hwanwoong, la maison donnait l'impression d'être morte.

Mais aujourd'hui, la tornade était de retour. Ses pieds foulèrent le dernier mètre, sa main attrapa vivement la poignée de porte qu'il poussa dans un grand fracas et aussitôt les souvenirs s'imposèrent à son esprit alors que les odeurs infiltrèrent ses narines.

A peine avait-il passé le seuil de la porte que le lieu gagna en couleur comme si la simple présence du garçon illuminait cette petite maison millénaire. Son visage s'éclaira davantage en voyant les cadres photos représentant sa famille et Hwanwoong se sentit revivre en croisant la petite silhouette qui passa sa tête dans l'embrasure de la porte menant à la cuisine.

« - Je suis rentré, maman ! »

Cela faisait deux ans que Hwanwoong était parti. Deux ans qu'on avait arraché à ce petit bout de terre son essence. Néanmoins, le havre de paix avait patienté, il avait attendu le retour de cette tempête de couleur et, aujourd'hui, il était là : Hwanwoong était à la Maison.