Prologue

Il commençait à s'impatienter. Jamais elle n'avait été autant en retard. Cette vieille sorcière l'énervait au plus haut point. Il était assis sur son trône et attendait depuis maintenant une heure. Il tambourinait avec ses doigts sur le trône, s'impatientant de plus en plus. Mais il n'y avait pas que l'impatience qui le rongeait. Il avait peur, peur de ce qu'elle pourrait lui prédire cette fois-ci, peur de ce qui pourrait lui arriver. Il mordit sa lèvre supérieure si fort qu'il la fit saigner. Ce goût métallique qu'il avait dans la bouche lui rappela les prophéties de cette sorcière. Cela lui fit comme un effet et sa peur grandit en une fraction de seconde.

Le roi Jean était un homme proche de la cinquantaine en âge. Il était grand mais assez corpulent. Il portait toujours une moustache qui se remplissait petit à petit de poils blancs. Ses cheveux étaient courts et presque entièrement gris. Il était roi depuis la mort du roi Jean XI qui était son père. Lui était le roi Jean XII. Mais ce n'était pas le meilleur des rois. Durant son règne il avait instauré la peur et la domination dans tout le royaume. Certaines alliances avaient rompu ce qui avait conduit, lui et son peuple, à de terribles guerres. Mais même sans les guerres, son royaume s'épuisait petit à petit. Dans les rues on mourrait de la famine ou de la maladie. Des gens se faisaient assassiner pour des morceaux de pain. Ce n'était plus le royaume qu'il était avant.

Il la vit, elle arrivait, enfin ! Jamais il n'avait été aussi soulagé de toute sa vie.

La "sorcière" s'appelait Gersande. C'était une vieille femme petite avec la peau sur les os. Sa peau était noire, couverte de maquillage, formant de petites spirales bleues. Ses yeux n'étaient pas de la même couleur : l'un était noir, l'autre était blanc. D'après les rumeurs, cette différence de couleur d'yeux lui permettrait de communiquer avec les Dieux. D'après d'autres rumeurs elle aurait plus de mille ans et aurait connu le premier roi.

Elle se posta devant le trône mais ne se prosterna pas. Le roi préféra ne rien dire à cela. Il descendit de son trône et conduit la vieille femme dans une pièce secrète sans un mot. Cette pièce secrète se trouvait derrière le mur de ses appartements. Ils descendirent des marches qui les menèrent dans une petite salle obscure éclairée par la seule lumière blafarde d'une bougie.

"Est-ce que la prédiction a changé ? Demanda le roi. N'y a-t-il vraiment eu aucun changement ?

-Non, répondit-elle simplement.

-Etes-vous bien sûre ? Demanda à nouveau le roi. C'est ma vie et mon royaume qui sont en jeu, vous comprenez bien que je ne compte pas mourir. N'y a-t-il aucun moyen d'éviter cette catastrophe ?

-Non, répondit-elle à nouveau. Les Dieux ont été clairs là-dessus.

-N'ont-ils pas reçus mes sacrifices, que veulent-ils, je peux probablement leur offrir, tenta le roi.

-Que vous ayez fait de nouveaux sacrifices les a énervé plus qu'ils ne l'étaient déjà contre vous, expliqua-t-elle.

Il souffla et demanda :

-Pouvez-vous me répéter la prédiction une dernière fois ?

Elle hésita puis récita la prédiction :

-Au dernier jour de ce mois, avant le coucher du soleil, le roi sera vaincu et conduit dans l'arène où il se fera dépecer par les bêtes.

-Le roi...

Il réfléchit un instant. La prophétie disait que le roi serait vaincu mais s'il n'y avait pas de roi, il n'y avait pas de vaincu et il ne mourrait pas. Il pourrait garder son royaume et tout ce qu'il possédait. Il lui fallait seulement un pion. Un pion assez idiot et naïf mais assez important pour prendre sa place et il avait déjà sa petite idée.

-Le roi vous avez dit, le roi sera vaincu...

La vieille femme comprit où il voulait en venir. Elle sourit car elle savait ce qui allait arriver.

-Oui, vous avez raison, le roi sera vaincu...

Elle laissa sa phrase en suspens. Le même sourire monta aux lèvres du roi et il gloussa. Ce n'était pas un gloussement de joie ni même de rire, c'était un gloussement de satisfaction.

La sorcière, elle, resta dans son coin :

-Une nouvelle aire est sur le point d'arriver, dit-elle dans un murmure, cette nouvelle aire s'appellera Jean et ce sera le plus grand roi qui n'ait jamais frôler la Terre.

-Que dites-vous ? Lui demanda le roi.

-Rien, ne vous en faites pas, raconta-t-elle. Tout ce que je peux vous dire c'est qu'un grand avenir s'offrira au royaume à partir de ce dernier jour, et vous n'en reviendrez pas."

Le roi prit ça pour une bonne nouvelle et en rit de plus belle.

Lui et la sorcière remontèrent aussi discrètement qu'ils étaient descendus. Une fois en haut, la sorcière s'en alla et le roi remonta sur son trône. Après avoir répété son plan dans sa tête il descendit de son siège royal et rejoignit à nouveau ses appartements. Il fit demander le messager. Quelques instants plus tard il toqua à sa porte.

"Entrez ! Appela le roi.

Un homme arriva. Il était vêtu d'un costume entièrement noir. Il portait un chapeau noir avec une plume, noire également.

-Oui, mon roi, que puis-je faire pour vous servir, dit-il en se prosternant.

-Vous allez faire votre travail et envoyer un courrier, répondit le roi. Je vais vous le dicter ce sera plus simple. Voici ce que vous devez écrire :

"Mon cher neveu, j'ai l'immense plaisir de t'inviter chez moi, au château. Tu devras venir avant la fin du mois.
J'espère que tu te porteras bien et que rien de grave ne t'arrivera.
J'aurais une grande nouvelle à t'annoncer.

Au revoir et à bientôt mon cher neveu

Ton oncle, le roi Jean"

Sa lettre terminée, le messager disposa et partit au palais Germain, la demeure du prince Jean.

"Si tout se passe bien, se dit le roi à lui-même, je garderai mon royaume et j'aurais un concurrent en moins pour le trône."

Il rit de plus belle, fier de son plan. Jamais quelque chose ne s'était déroulé aussi bien pour lui.

A présent, il se sentait maître de son destin et rien ni personne ne se mettrait en travers de son chemin. Pas même son neveu.

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