[Giyuu xR] Parce que c'est toi (4/4)
(Ai-je besoin de préciser que, quand j'ai commencé à écrire ce OS, je n'avais absolument pas prévu d'en faire quatre parties? Et, surtout, d'écrire plus de 4500 mots pour celle-ci ? Non, c'est bien ce qu'il me semblait! Bonne lecture à vous~)
(Présence de sang !)
Plongée dans le noir presque total, la forêt en devenait plus inquiétante que jamais. La lumière de la lune parvenait à passer entre les arbres, certes, mais était toujours incapable d'éclairer ces bois dans les moindres recoins, surtout le sol.
Si elle n'avait pas eu le réflexe de prendre une lanterne avec elle, comme pour les précédentes explorations de la forêt, elle n'aurait sans doute pas tardé à trébucher sur une branche ou quoi que ce soit du même genre.
Sa main droite occupée par la lampe, l'autre posée sur la garde de son sabre, Sakiko progressait lentement entre les arbres, dans un silence assourdissant.
Pas un seul bruit, que ce soit celui du vent ou celui d'un animal. Juste le craquement de ses pas, sur le tapis de branches et de feuilles mortes, ainsi que le léger crépitement de sa lanterne.
L'oreille tendue, les sens aux aguets, elle sentait la sueur commencer à couler le long de sa nuque, et ses poils se hérisser sans aucune raison apparente.
Était-ce son instinct qui la prévenait que le danger, quel qu'il soit, était plus proche que jamais? Alors même que, au cours des quatre jours précédents, rien ne s'était passé au sein de ces bois et de ce village?
Aucun signe du petit garçon jusqu'à présent, faisant se poser des questions à Sakiko. Était-il rentré si profondément que cela dans la forêt, ou bien l'avait-elle manqué?
Elle n'allait pas avoir le choix. Elle qui avait compté sur le garçon pour se manifester de lui-même, elle allait finalement devoir l'appeler, quitte à faire connaître sa position au premier démon venu.
Mais, après tout, s'il y avait réellement un démon dans les parages... Ce dernier ne l'avait-il pas d'ores et déjà sentie?
-Ame? Où est-ce que tu es? appela-t-elle en haussant la voix, sans pour autant relâcher sa vigilance. Je viens te chercher à la place de ta grande sœur!
Elle continua sa progression, appelant le prénom de l'enfant de temps à autres, avant de se rendre à l'évidence. Elle n'obtenait aucune réponse, juste du silence.
Enfin, pas totalement. Car, comme un peu plus tôt, des craquements réguliers se faisaient désormais entendre derrière elle, qu'elle identifia aussitôt comme des bruits de pas.
Et, comme plus tôt, à chaque fois qu'elle regardait par-dessus son épaule, les sons disparaissaient. Le silence total retombait sur les alentours, qui s'estompait à chaque fois qu'elle détournait le regard et recommençait à marcher.
Quelqu'un ou quelque chose la suivait, et elle n'arrivait pas exactement à savoir quoi. Mais elle se doutait d'une chose: il s'agissait très certainement du démon qu'elle et Giyuu traquaient depuis plusieurs jours.
Mais comment allait-elle faire pour le forcer à sortir de sa cachette? Et, surtout, réussir cette prouesse sans se faire dévorer vivante au passage, et sans que le petit garçon ne soit blessé lui aussi, peu importe où il était?
Elle arrivait à bout. Elle était fatiguée, après des jours d'enquête et de traque, et elle n'avait aucune idée d'où se trouvait l'enfant. Et, surtout, elle n'avait aucune idée de comment faire pour obliger ce sale démon à montrer le bout de son nez.
Elle s'était arrêtée, exaspérée, passant en revue les options qu'il lui restait. Errer sans but dans cette forêt, ou bien rentrer à l'auberge pour demander à Giyuu de lui prêter main forte. Les bruits de pas s'étaient eux aussi tus, depuis plusieurs minutes à présent.
Avant qu'elle n'ait eu le temps de se décider, cependant, un hurlement déchira soudainement la nuit, la faisant sursauter de surprise. En serrant les dents, elle s'élança alors aussitôt dans la direction du cri, courant à perdre haleine en faisant attention à ce que sa lanterne ne s'éteigne pas.
Les pas derrière elle n'étaient plus là, et elle ne pouvait en conclure qu'une seule chose: le démon s'était désintéressé d'elle, et avait été voir ailleurs. Et, manifestement, Sakiko n'était pas la première à avoir retrouvé le petit garçon.
Lorsqu'elle arriva à l'endroit où les cris retentissaient encore, elle tomba nez-à-nez avec une scène sanglante. Un petit garçon en vêtements de nuit, aux prises avec une sorte de brume noire vaguement humanoïde, avec seules ses dents d'apparentes, là où aurait normalement dû se trouver la bouche pour un être humain.
Ces mêmes dents qui étaient plongées dans l'épaule du garçon, ce dernier tentant en vain de se débattre contre quelque chose de beaucoup plus fort que lui, en pleurant et en hurlant de toutes ses maigres forces, affaibli par la perte de sang.
Sakiko arrivait de face, son sabre brandit devant elle, et avait ainsi tout le loisir de détailler la silhouette brumeuse, aux contours abstraits. La lumière de sa lanterne éclaira les alentours, s'ajoutant à celle de la lune, et le temps sembla comme se stopper l'espace d'une fraction de seconde.
Puis, d'un seul coup, la brume s'estompa, regagnant l'obscurité des arbres, et le corps du garçon heurta le sol de plein fouet. Sakiko accourut vers lui aussitôt, l'examinant rapidement pour se faire une idée de ses blessures.
Une large plaie s'étendait de son épaule droite à sa clavicule, en forme de mâchoire. Les entailles semblaient profondes, et nécessitaient des soins urgents. Or, pour le moment, Sakiko n'avait aucune certitude que le démon la laisse bien sagement s'en aller avec le garçon.
Et elle ne pouvait pas avoir davantage raison. Alors que l'enfant venait de perdre connaissance, les bruits de pas recommencèrent dans le dos de la jeune femme, plus rapides et plus furieux que jamais.
-Tu m'as vu, n'est-ce pas? lui parvint une voix enrouée, pleine de haine. Même si tu me supplies, je ne te laisserai pas partir vivante. Tous ceux qui m'ont vus sont morts au jour d'aujourd'hui, et tu ne seras pas l'exception!!
Tentant tant bien que mal de stabiliser sa lanterne ainsi que son sabre, dans son autre main, Sakiko laissa un grognement de douleur lui échapper lorsque des dents rentrèrent dans sa jambe, au niveau de sa cuisse arrière droite. Balançant son sabre dans cette direction, elle parvint à faire lâcher prise au démon, mais ce n'était qu'un bref répit qui lui était accordé.
Tant qu'elle ne serait pas en mesure de toucher cet enfoiré, sans passer au travers comme un vulgaire fantôme, elle ne pourrait rien faire. Et le fait qu'il se cachait tout le temps n'allait pas l'aider, loin de là.
Elle avait beau faire volte-face encore et encore, à chaque fois qu'elle sentait la présence du démon un peu trop près d'elle, elle n'arrivait pas à l'atteindre. Elle se fit mordre à plusieurs reprises, sans jamais réussir à faire quoi que ce soit, mis à part chasser brièvement son attaquant, qui revenait à la charge l'instant suivant.
Elle était désormais couverte de blessures plus ou moins profondes, alors même que leur combat n'avait commencé que depuis quelques minutes à peine. Elle ne pouvait pas bouger de trop, dans le but de protéger le petit garçon qui était étendu sur le sol, à ses pieds, et était de ce fait drastiquement limitée dans ses mouvements. Sa lanterne s'était éteinte depuis de nombreuses minutes à présent, et elle ne pouvait plus compter que sur celle de la lune pour l'aider.
Elle commençait à fatiguer. Elle avait beau être une pilier, l'épuisement finissait toujours par toucher chaque humain, sans distinction, même les plus braves et les plus résistants. Et l'endurance n'était pas sa plus grande qualité.
Elle se débrouillait parfaitement en ce qui concernait l'attaque et la défense, mais sur une durée réduite. Or, présentement, elle n'avait aucune possibilité d'attaquer son adversaire, puisqu'elle ne pouvait pas le voir. A chaque fois qu'elle tournait le regard dans sa direction, celui-ci disparaissait aussitôt.
Ce fut à cet instant qu'une idée germa dans son esprit, tellement évidente qu'elle regretta de ne pas y avoir pensé avant.
Elle n'eut cependant pas le loisir de mettre sa nouvelle idée à exécution, lorsqu'elle se jeta littéralement devant le petit garçon pour le protéger, ayant senti le démon se précipiter vers l'enfant sans nul doute pour le dévorer et regagner de l'énergie.
Ce fut la base du cou de la jeune femme qui fut comprimé entre deux rangées de dents acérées, étouffant le cri de douleur qu'elle aurait voulu pousser, le transformant en gargouillis sanglant et dégoûtant.
En se concentrant, elle parvint à stopper l'hémorragie, mais elle savait que cela n'était que temporaire, et surtout une solution de dernier recours.
D'un coup de sabre, aidée de son souffle, la jeune femme parvint enfin à toucher le démon, qui fut contraint de lâcher prise en poussant un hurlement de douleur.
Elle détestait se mettre en danger de la sorte, et foncer dans le tas sans réfléchir. Elle prônait en général la prudence, car elle avait conscience de l'importance de son rôle. Si l'un des piliers mourrait, le monde des pourfendeurs s'en verrait grandement affecté.
Elle ne devait pas prendre de risque insensé, même si ces paroles pouvaient parfois être comprises comme de l'insensibilité. Elle n'était pas apathique. Elle savait juste que, si elle venait à mourir, alors elle ne serait plus jamais en mesure de sauver qui que ce soit.
Alors pourquoi s'était-elle jetée sans réfléchir sur la trajectoire du démon, pourquoi avait-elle risqué sa vie pour sauver un seul petit garçon, qui était sûrement déjà mort des suites de ses blessures?
Résultat, même si elle avait réussi à blesser le démon, celui-ci n'allait pas tarder à se regénérer, à moins qu'elle ne réussisse à lui couper la tête avant. Mais, dans son état actuel, la fuite était la meilleure option qu'il lui restait, si elle souhaitait s'en sortir plus ou moins vivante.
Elle tenait à son existence, comme n'importe quel autre être humain.
Et, pourtant, elle savait que ce genre de solution était désormais impossible. Le démon ne la laisserait jamais s'enfuir de la sorte... Sauf si elle avait recours à une ruse tout sauf éthique, qui n'avait qu'une chance sur deux de marcher en plus de cela.
Prendre ses jambes à son cou en profitant du fait que l'enfant se faisait dévorer. Mais elle ne pouvait pas faire cela. Elle avait sacrifié son cou pour ce garçon, alors quel était l'intérêt de l'abandonner dorénavant?
Elle était réfléchie, prenait des décisions la plupart du temps rationnelles qui ne faisaient pas l'unanimité auprès de ses pairs, mais elle savait que la rationalité n'était pas toujours la bonne réponse.
Parfois, il était essentiel d'écouter ce que disait le cœur, au lieu de toujours suivre les conseils de la raison.
Son idée précédente toujours en tête, elle se prépara à affronter le démon de nouveau, se relevant avec difficulté, la tête tournant légèrement à cause de la perte de sang. Brandissant son sabre devant elle, malgré ses blessures, elle paraissait pourtant animée d'une rage de vaincre à toute épreuve.
Elle ferma ainsi les yeux, respira aussi sereinement que sa gorge blessée pouvait le lui permettre, et se concentra. Elle pouvait entendre la respiration de son ennemi, le bruits de ses pas, et elle se fia à son instinct pour la suite.
Avec ses yeux clos, elle n'était plus en mesure de voir les alentours. Mais, dans le même temps, le monstre était désormais incapable de fuir son regard, et n'avait plus aucune possibilité de se cacher au moindre moment où elle tentait de le repérer.
Désormais, elle se fiait au son qu'il produisait, et à la présence qu'il dégageait. Elle désespérait dans un sens que Giyuu ne soit toujours pas là, puisque le brun aurait pu couvrir ses arrières, et inversement, interdisant de ce fait au démon de se mouvoir à sa guise.
Mais, dans ce cas de figure, le démon n'allait-il pas tout simplement préférer s'enfuir, s'il ne pouvait plus combattre sans dévoiler son apparence, qui semblait être son plus gros complexe?
Maintenant qu'elle se fiait à son ouïe et à son toucher, et non plus à sa vue, Sakiko avait un avantage. Ses coups de sabre se faisaient de plus en plus précis, le démon n'ayant plus aucun angle mort dans lequel se cacher. Comme elle l'avait soupçonné, ce sale monstre était incapable de se dématérialiser s'il n'échappait pas au regard des autres.
Elle devait à tout prix l'empêcher de s'enfuir. Elle devait le tuer ici et maintenant, sous peine de voir la liste de ses victimes s'alourdir encore davantage.
Elle continua d'utiliser son souffle avec une dextérité impressionnante, que ce soit pour à la fois se battre, pour défendre le garçon ou même pour arrêter l'hémorragie de sa blessure. Ses coups atteignaient tous leur cible, mais elle savait que cela n'était pas suffisant. Il fallait qu'elle lui coupe la tête au plus vite.
Avant qu'elle ne s'écroule.
-Sakiko!!
L'appel de son prénom la déstabilisa un instant, avant qu'elle ne reconnaisse le propriétaire de la voix: Giyuu. Avec un sentiment de soulagement extrême, elle remercia le ciel de cette aide ô combien nécessaire, qui venait enfin d'arriver.
Elle sentit le démon frémir de fureur, et elle put sans aucun doute affirmer que, à son tour, Giyuu venait de voir à quoi leur adversaire ressemblait réellement.
Elle ne devait cependant pas rouvrir les yeux, sous peine de voir le monstre prendre la fuite, puisqu'il n'aurait alors aucun moyen de fuir le regard des autres, si elle et Giyuu couvraient mutuellement leurs angles morts.
Elle entendit le démon se ruer en direction de son collègue, se cachant très certainement des yeux de ce dernier en allant trouver refuge dans son angle mort. Appelant le prénom de son camarade, Sakiko lui adressa alors différents signes de la main, à l'aide d'un message codé qu'eux seuls savaient déchiffrer, priant pour qu'il la voit malgré la pénombre. Elle lui fit ainsi part de sa solution, qui consistait à fermer tout simplement les yeux.
Fort heureusement, le brun paru la comprendre, puisque le démon arrêta de remuer dans tous les sens, certainement déconcerté par ces deux pourfendeurs qui semblaient être en mesure de le débusquer avec une précision presque parfaite. Comme avec la fille au haori fleuri, qu'il combattait depuis plusieurs minutes à présent.
Sans signes précurseurs, alors qu'elle était mortellement blessée, la moindre attaque de la fille atteignait soudainement son corps de brume, qu'il n'arrivait pas à dématérialiser comme d'habitude.
Au début, il ne comprit pas pourquoi. Puis, alors que les deux chasseurs de démons se jetaient simultanément sur lui, il se demanda comment il avait fait pour ne pas remarquer que, à l'inverse de toutes ses proies dévorées jusqu'à présent, ces deux-là avaient trouvé sa seule faiblesse.
Lui qui n'avait jamais réussi à reprendre une apparence concrète, une fois sa transformation terminée, il avait ainsi mis un point d'honneur à éviter le regard de n'importe quel être vivant, humain comme démon. Grâce à son corps de brume qu'il abhorrait tant, qui était en réalité son pouvoir sanguinaire, il pouvait se dématérialiser totalement, et devenir intouchable pour quiconque essaierai de l'atteindre.
Du moins pour quelqu'un dont il pouvait éviter le regard. Si son adversaire n'utilisait pas sa vision, il n'avait plus aucun moyen de se cacher, et le toucher était alors un jeu d'enfant, puisqu'il devenait physiquement présent.
Comment cela se faisait-il que ces deux pourfendeurs étaient capables de se battre sans utiliser leur vue? Il n'avait jamais vu ça auparavant. L'une d'entre eux était mortellement blessée, s'était en plus de cela mis en tête de protéger ce gamin inanimé, et aurait normalement dû s'écrouler depuis de nombreuses minutes à présent.
Alors pourquoi...? Pourquoi ce type aux cheveux noirs avait-il réussi à trancher sa tête, après un combat acharné, alors même qu'il était une lune supérieure, la sixième...?
En hurlant de colère et de désespoir, son corps de brume tomba lentement en morceaux, s'évanouissant dans l'air chaud et humide comme un vulgaire nuage de poussière.
Laissant derrière lui ce monde qui l'avait maudit jusque dans ses derniers instants, même après sa transformation, qui datait de plusieurs centaines d'années.
Laissant derrière lui une jeune pourfendeuse mortellement blessée, qui s'écroula à terre la seconde suivante.
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Giyuu, lorsqu'il avait compris que quelque chose était certainement arrivé à Sakiko, puisqu'elle lui avait envoyé son corbeau sans qu'elle ne revienne à l'auberge pour autant, n'avait pas hésité à se précipiter pour la retrouver.
Cela ne ressemblait pas à sa collègue de se comporter ainsi.
Comment allait-il pouvoir faire, cependant, dans ce village et cette forêt gigantesques? Il avait demandé à son corbeau, ainsi qu'à celui de Sakiko, de retrouver cette dernière, mais ils ne pouvaient pas couvrir toute la zone à la fois.
Puis, alors qu'il arpentait en courant les rues désertes du village, de même que les abords de la forêt, il avait entendu un miaulement derrière lui, ce qui l'avait fait se stopper. En se retournant, il avait aperçu un chat, entièrement noir, s'approcher de lui rapidement, et venir se frotter contre sa jambe.
C'était le chat de sa collègue, Miichan. Pourquoi se montrait-il aussi amical avec lui, alors qu'il n'avait rien trouvé de mieux à faire que de lui mordre la main, quelques jours auparavant? Sentait-il lui aussi que sa maîtresse était en danger?
Comme pour appuyer ses propos, Miichan s'était soudainement élancé en direction des bois, Giyuu sur les talons, persuadé que le félin allait le mener à Sakiko, à l'aide de son flair. Et il avait eu raison.
Il avait retrouvé sa camarade, en plein combat avec le démon qu'ils traquaient depuis leur arrivée dans ce village. Couverte de sang, une blessure béante au niveau de la gorge, elle faisait de son mieux pour protéger le petit garçon à ses pieds, inconscient et couvert de sang lui aussi.
Il n'avait pas hésité à s'engager lui aussi dans un combat acharné, suivant les recommandations de Sakiko sans broncher, s'en remettant à la confiance absolue qu'il avait en la jeune femme. Et cela avait fini par payer, malgré quelques blessures inévitables, lorsqu'il avait senti son sabre trancher la tête du démon, le faisant rouvrir les yeux aussitôt.
Dans les yeux du démon, un symbole qui indiquait qu'il était la sixième lune supérieure. Giyuu n'en fut pas surpris un seul instant, sachant à quel point ce sale monstre avait été résistant, même en le combattant à deux.
Loin d'être imprudente, Sakiko n'avait pas pour habitude de se blesser, surtout aussi mortellement que cette nuit-là.
Pour avoir réussi à blesser sa collègue à ce point, alors qu'elle était une pilier, ce n'était pas une révélation totale d'apprendre que le démon était aussi puissant que l'étaient des lunes supérieures.
Il avait réussi à rattraper Sakiko avant qu'elle ne touche le sol, son sabre ainsi que celui de la jeune femme jetés sur le côté, alors qu'il prenait connaissance de l'état général de la pourfendeuse. Sa gorge était marquée par une profonde emprunte de mâchoire, qui était à l'origine d'un saignement important. Si Sakiko n'avait pas eu le réflexe d'utiliser son souffle, afin de stopper l'hémorragie, elle serait déjà morte.
Et cette réalisation le tuait de l'intérieur. S'il était arrivé ne serait-ce qu'une minute plus tard, Sakiko n'aurait pas réussi à tenir face à cette lune supérieure, et aurait été tuée sans même avoir reçu de l'aide. Elle était cependant loin d'être sortie d'affaire, malgré leur victoire.
En proie à une panique intérieure qu'il tenta de maîtriser du mieux qu'il le put, Giyuu jeta un œil en direction de l'enfant inanimé, à quelques pas de lui, remarquant à la lumière de la lune qu'il respirait encore. Ses jours étaient en danger, mais il était dans un meilleur état que sa camarade.
Sakiko était celle qu'il désirait sauver plus que quiconque, pour des raisons purement sentimentales, mais également pour des raisons beaucoup plus rationnelles. Elle était importante pour les rangs des pourfendeurs, et il ne pouvait pas pas la laisser mourir ainsi. Il tenait trop à elle pour la voir finir de la sorte.
D'un autre côté, le garçon était un civil innocent, que les chasseurs de démons avaient fait le serment de sauver quoi qu'il arrive. Mais, aux yeux de Giyuu, la vie de Sakiko valait bien plus que celle d'un enfant qu'il ne connaissait pas. Aussi honteux et immoral que cela puisse paraître.
Dans son état, épuisé et blessé, il n'était pas certain de pouvoir les sauver tous les deux. Il allait peut-être devoir faire un choix crucial, l'un des plus importants de son existence toute entière.
Prenant une profonde inspiration, il observa le visage blanc et couvert de sang de Sakiko, aux yeux clos et à l'expression figée de douleur. Puis, le garçon, évanoui un peu plus loin, qui ne semblait pas avoir plus de cinq ans.
En serrant les dents, il se redressa, et prit sa décision.
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Difficilement, la jeune femme ouvrit les yeux, ne pouvant retenir un gémissement de douleur ce faisant. Sa gorge la faisait atrocement souffrir, et elle ne mit pas longtemps à se souvenir des évènements précédant son évanouissement. Fort heureusement, le démon avait été tué, et le calme allait pouvoir retomber sur le village.
Mais qu'était-il advenu du petit garçon, et également de Giyuu? Avec de grandes difficultés, Sakiko se redressa dans son futon, remarquant au passage qu'elle était de retour dans sa chambre empruntée à l'auberge.
Ce geste brusque fut cependant une très mauvaise idée, conclut-elle en sentant la douleur irradier dans l'ensemble de son corps, sa vision se troublant légèrement au passage. Elle était en sueur, haletait bruyamment, et avait l'impression que sa gorge était en feu. Que demander de mieux, en résumé?
C'état également pour cette raison qu'elle détestait agir imprudemment. Être grièvement blessée et convalescente étaient deux choses qu'elle abhorrait par-dessus tout. Car, même si elle était une feignante confirmée et assumée, rester au lit sans avoir le choix (et blessée) n'était pas la même chose que de passer son temps à faire la sieste de son plein gré.
Résignée, elle se laissa doucement retomber en arrière, atterrissant sur son oreiller avec un soupir vaincu. Elle était peut-être saine et sauve (plus ou moins), elle devait cependant s'assurer que les autres l'étaient également.
Comme si quelqu'un avait finalement entendu ses paroles, la porte de sa chambre s'ouvrit en coulissant silencieusement, et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle se rendit compte de l'identité du nouveau venu.
-Oh, déjà réveillée, Sakiko? Comment te sens-tu? lui demanda Shinobu, lui adressant un doux sourire caractéristique. Je t'ai apporté de quoi soulager la douleur, bois.
La jeune femme aux cheveux violets vint aider sa camarade à se redresser à moitié, juste assez pour qu'elle puisse boire le mélange médical que venait de lui apporter la médecin, qui était évidemment infecte.
-On dirait une petite enfant, s'amusa Shinobu en rallongeant sa patiente, toujours occupée à grimacer. Ça fait deux jours que tu es endormie, je commençais à m'inquiéter.
Deux jours?? pensa Sakiko en écarquillant les yeux, le cri qu'elle aurait voulu pousser coincé quelque part dans sa gorge blessée, la faisant étouffer une exclamation de douleur.
-Le petit garçon est stable lui aussi, continua la médecin en changeant le pansement de Sakiko, au niveau de son cou. Il devrait être en mesure de se réveiller très bientôt.
La jeune femme aux yeux violets lui expliqua ainsi comment elle avait été sollicitée en urgence par un message de Giyuu, qui lui demandait de venir sauver Sakiko au plus vite, ainsi qu'un enfant, que le pourfendeur avait réussi à ramener en même temps que sa collègue, malgré ses propres blessures, bien que beaucoup moins profondes.
Si elle était encore en vie, c'était donc grâce à Giyuu, constata Sakiko en rougissant légèrement, sans pouvoir s'en empêcher. Shinobu paru également le remarquer, puisqu'elle lui adressa une expression légèrement grimaçante.
-Ew, ne me dis pas que tu es tombée amoureuse de ce type asocial et taciturne? Je pense que j'en pleurerai. Sérieusement.
Toujours allongée dans son futon, Sakiko se contenta de détourner le regard, dissimulant ses joues rouges à l'aide de sa couverture. Elle marmonna une phrase, qui n'arriva cependant pas aux oreilles de Shinobu, forçant cette dernière à se pencher un peu plus au-dessus de sa patiente.
-Peux-tu répéter? Je n'ai rien compris du tout.
-Je ne suis pas tombée amoureuse, je l'étais déjà! s'exclama Sakiko d'une voix enrouée, remontant en toussant la couverture jusqu'à ses cheveux. Pleure autant que tu le veux, ça ne changera rien, acheva-t-elle d'un ton beaucoup plus enfantin, visiblement vexée.
Laissant une certaine médecin complètement médusée, ne sachant que faire ni que dire, tellement elle était déconcertée. Il existait bel et bien quelqu'un qui trouvait ce type réellement attirant, ce n'était pas une blague?
Pourquoi avait-il fallu qu'il s'agisse de l'une de ses plus proches collègues, en plus de cela?
Avec un soupir à fendre l'âme, Shinobu se redressa précautionneusement, faisant attention à ne pas faire tomber le bol précédemment rempli de médicament au sol. Patientant un instant supplémentaire, elle reprit finalement la parole, partagée entre l'effroi et la curiosité.
-Pourquoi lui? Et pourquoi pas un autre? Il y a forcément pleins d'autres garçons beaucoup plus... amicaux que Tomioka, non? Entre autres qualités.
Le regard noir que lui jeta Sakiko, par-dessus sa couette, la dissuada de continuer.
-Parce que c'est lui. J'ai pas besoin d'une autre raison, si?
Dépitée, Shinobu préféra s'éclipser de la chambre de sa patiente pour le moment, secouant la tête de gauche à droite, sans réussir à comprendre davantage. Sakiko avait toujours eu des goûts particuliers, il lui arrivait d'agir bizarrement de temps à autres... Mais, là, la jeune femme semblait s'être surpassée.
Ou bien s'était-elle effectivement cogné la tête un peu trop fort, au cours de son combat?
La jeune femme aux cheveux violets ferma soigneusement la porte coulissante derrière elle, avançant de quelques pas puis s'arrêta, un sourire crispé sur les lèvres. Comme si elle retenait sa contrariété, pour une raison inconnue.
-Tu dois être heureux, non? demanda-t-elle d'un ton tendu, avant de rependre sa route et de disparaître au détour d'un couloir, son haori à l'apparence d'un papillon flottant légèrement derrière elle.
Le silence retomba sur les alentours, et notamment sur un certain jeune homme aux cheveux noirs, adossé contre un mur, les joues écarlates.
S'il était heureux d'entendre que Sakiko l'aimait elle aussi? Évidemment.
Il n'aurait pas pu être plus heureux qu'il ne l'était actuellement, d'ailleurs.
Et même les griffes que Miichan enfonça dans sa main, dans le but de "jouer" avec lui, n'entama nullement le bonheur qu'il s'était mis à ressentir, que ce soit en apprenant que Sakiko s'était réveillée, ou même en entendant les quelques mots qu'elle avait prononcés.
"Parce que c'est lui".
-Je t'aime aussi, murmura-t-il en observant Miichan mordiller sa main sans pitié. Parce que c'est toi.
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