[Giyuu xR] Parce que c'est toi (2/4)
Le voyage avait duré tout l'après-midi, et ils arrivèrent à destination aux alentours de six heures du soir. Ils avaient jusqu'à environ vingt-deux heures pour repérer les lieux et se préparer à traquer le démon, et peut-être pour se reposer un peu avant.
Sakiko ne pouvait pas affirmer qu'elle trouvait cette idée saugrenue, loin de là. S'était-elle ramollie au cours des dernières semaines, avec le peu de missions qui lui avait été confiées? Sûrement. Ou peut-être était-ce un fait antérieur, ce qui était tout aussi probable. Mais, pour cette nuit, et éventuellement pour celles à venir, elle allait devoir se remettre dans le bain, et le plus tôt serait le mieux.
Son chat sur les talons, la jeune femme accueillit avec un certain soulagement la chambre mise à sa disposition, le temps de son séjour, dans une auberge qui était en grande partie dédiée à l'hébergement des chasseurs de démons.
Elle se sépara de Giyuu le temps de s'installer dans sa chambre, explorant les moindres recoins de son logement temporaire, curieuse comme elle l'était, appréciant le fait qu'une salle de bain privative était rattaché à la chambre, légèrement vieillotte mais non moins parfaitement entretenue.
Une odeur de glycine, qu'elle adorait par-dessus tout, flottait délicatement dans l'air, passant à travers la porte coulissante à moitié ouverte, juste assez pour que la chambre soit aérée sans que la chaleur étouffante de l'extérieur ne rentre pour autant.
Miichan se prélassait actuellement à même le sol en tatamis, aux côtés de son fidèle corbeau, aussi paresseux l'un que l'autre. Mais pouvait-elle leur en vouloir pour autant? Ne disait-on pas que les animaux étaient les portraits crachés de leurs maîtres, après tout?
Sakiko, laissant son sabre de côté ainsi que son haori, décida de rejoindre ses deux petits camarades, les bras en étoile, le regard fixé sur le plafond, prête à s'endormir à tout instant.
Toute tentative de rejoindre le monde des rêves fut cependant avortée dans l'œuf au moment où quelqu'un frappa calmement sur le cadre des shôjis, la faisant pousser un soupir silencieux. En grognant silencieusement, la jeune femme ferma les yeux, ne répondant pas, peut-être dans l'espoir que l'importun s'en aille et la laisse récupérer ses précieuses heures de sommeil qui allaient être gâchées le soir même.
Mais c'était mal connaître l'importun en question, dont elle connaissait l'identité sans même avoir besoin de le voir. Les portes coulissantes s'ouvrirent malgré son manque de réponse, suivit de bruits de pas, qui venaient droit dans sa direction.
Elle n'avait même pas le courage de se redresser, d'ouvrir les yeux, ou même de faire quoi que ce soit pour corriger sa posture. Elle était toujours en position étoile de mer, et ses animaux étaient dans le même état non loin.
Au bout de quelques secondes supplémentaires, elle sentit quelque chose entrer en contact avec son côté gauche, la faisant étouffer un grognement mécontent.
-... tu viens de me mettre un coup de pied ou je rêve? maugréa-t-elle en rouvrant les yeux, croisant le regard blasé de Giyuu juste au-dessus d'elle.
-Je me lèverais si j'étais toi. On a du travail qui nous attend. Sauf si tu veux un autre coup de pied, bien sûr.
Sakiko dévisagea son collègue durant de longues secondes, dans un silence presque pesant, avant de se redresser d'un seul coup, des étoiles dans les yeux.
-Giyuu Tomioka? C'est bien vous? Mon Dieu, c'est merveilleux! Giyuu Tomioka a réussi à utiliser cette chose fabuleuse qu'on appelle "ironie", il faut le crier sur tous les toits...!
Ne se départissant nullement de son rôle de dramaturge du dimanche, la jeune femme se remit sur pieds en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, et se précipita en direction de la porte de sortie, prête à diffuser la nouvelle à qui voudrait l'entendre, soudainement remplie d'énergie.
Seulement, avant qu'elle n'ait pu faire plus de quelques pas, elle sentit sans surprise une main attraper l'arrière de son col et la soulever de quelques centimètres, juste assez pour que ses pieds ne touchent plus le sol, condamnés à balancer dans le vide comme si elle courait encore.
Abandonnant, Sakiko s'immobilisa finalement, jetant un œil par-dessus son épaule et croisant inévitablement le regard blasé de son collègue aux cheveux bruns.
-Rabat-joie, se plaignit-elle en gonflant ses joues comme une petite enfant, alors que Giyuu la reposait à terre sans rien dire.
Elle n'arrivait toujours pas à comprendre comment il faisait pour porter quelqu'un à bout de bras de la sorte, comme si de rien n'était. Surtout quelqu'un d'adulte, comme elle.
Avec une moue contrariée, attristée que sa petite sieste ne soit plus qu'un lointain souvenir, Sakiko vint se rasseoir en tailleur, Giyuu l'imitant en s'installant juste devant elle. Miichan et son corbeau vinrent élire domicile sur les genoux de leur maîtresse presque aussitôt, alors que les deux pourfendeurs commençaient à discuter de leur plan d'attaque.
-On doit d'abord recueillir les témoignages des villageois avant la nuit tombée, commença Giyuu d'une voix calme et neutre, les bras croisés. On se relaiera pour les tours de garde cette nuit, et si l'un de nous voit quelque chose de suspect il préviendra l'autre via un corbeau. Personne n'agit seul ; si maître Ubuyashiki nous a envoyé tous les deux, c'est que c'est du sérieux.
Levant les yeux au ciel, Sakiko acquiesça cependant, sachant de toute manière qu'elle n'avait aucune intention de risquer sa vie inutilement en fonçant dans le tas sans réfléchir. Elle avait beau n'en faire qu'à sa tête la plupart du temps, elle savait néanmoins être prudente quand la situation le nécessitait.
-Bien chef, nous ferons selon vos directives! s'exclama-t-elle d'un ton effronté, qu'elle savait hautement irritant pour ceux qui l'écoutaient.
Mais pas pour Giyuu. Hormis son regard blasé, aucun signe d'énervement venant de sa part, ce qui n'était pas bien étonnant. Elle avait essayé, c'était déjà ça. Même si elle savait ce genre de tentatives puériles vouées à l'échec dès le départ.
Elle s'étira à la place de tout son long, dérangeant au passage son corbeau et son chat. Le premier préféra s'envoler afin d'atteindre le perchoir prévu tout spécialement pour lui, dans un coin de la pièce ; le second, quant à lui, choisi au contraire de se blottir encore un peu plus dans les bras de sa maîtresse, frottant sa tête contre le pantalon noir et ample de cette dernière.
-Je te rejoins dans l'engawa central, déclara-t-elle finalement en bâyant, sous le regard perplexe de son collègue.
-... si tu comptes dormir et me laisser faire tout le travail-
Il fut coupé par Sakiko, qui secoua sa main avec dédain.
-Mais non, enfin. Je veux juste me laver vite-fait et changer de vêtements, en mettre de plus décontractés pour enquêter. Alors j'ai besoin que tu sortes de ma chambre pour le moment, sauf si tu tiens vraiment à rester. Ton choix.
Un léger rougissement sur ses joues, après avoir compris où Sakiko voulait en venir, Giyuu se releva prestement, et quitta la chambre sans argumenter davantage, sous le regard amusé de sa camarade.
Sakiko, une fois la porte fermée et son collègue sorti, décida avec un soupir de s'activer un peu, même si le courage n'était pas vraiment au rendez-vous. Avisant les quelques vêtements que l'auberge avait mis à sa disposition, elle se dirigea vers la petite salle de bain adjacente en vitesse, comme elle l'avait promis à son camarade inexpressif.
Elle tenait toujours ses promesses, aussi étrange que cela puisse paraître pour quelqu'un d'aussi flemmarde qu'elle.
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Le village était relativement animé en cette fin d'après-midi, ce qui étonna quelque peu Sakiko, du moins brièvement. Les habitants, même avec la peur que causait le démon, n'allaient pas s'interdire de sortie à longueur de journée pour autant.
Elle se félicitait d'avoir eu le réflexe de changer de vêtements, et de troquer son uniforme contre un yukata beaucoup plus léger. Elle avait également laissé son haori à l'auberge, de même que son sabre, afin de se fondre totalement dans la foule et récolter plus facilement des informations sur leur cher démon, qui aimait écrire des mots doux à l'intention des pourfendeurs.
Giyuu était parti de son côté, afin d'accélérer leurs recherches. Le village était beaucoup plus grand que ce qu'ils avaient en premier lieu pensé, mais les habitants étaient coopératifs, alors le travail s'annonçait relativement simple. Long, mais plutôt facile.
De quoi satisfaire la flemmarde qu'elle était, en d'autres termes. Son corbeau était resté à l'auberge, se reposant en vue de leur mission le soir-même, au même titre que Miichan. Elle était ainsi toute seule au milieu de la foule, mais cela lui convenait pour le moment.
Sans Giyuu à ses côtés, elle n'avait personne à taquiner, et se consacrait ainsi entièrement à son travail. Elle était ainsi en mesure de situer approximativement les lieux où les attaques s'étaient déroulées, le nombre de victimes ainsi que leur profil.
Majoritairement des personnes jeunes, voire très jeunes. Dans tous les cas, aucun n'en ressortait jamais vivant, et l'on ne retrouvait rien de plus qu'une marre de sang pour indiquer l'emplacement des drames. La majorité avaient eu lieu aux abords de la forêt, là où le pourfendeur sans vie et le message avaient été découverts, ou bien à l'intérieur. Hormis celui de ce pauvre bougre, cloué à un arbre, aucun autre corps n'avait à ce jour été retrouvé.
Lorsque Sakiko se rendit à l'endroit indiqué par les villageois, après avoir glané ses quelques informations, elle ne fut pas surprise un seul instant de voir que quelqu'un se trouvait déjà là. Habillé d'un uniforme sombre et d'un haori caractéristique, avec la première moitié complètement rouge et l'autre couverte d'un motif vert et jaune. Le jeune homme observait avec attention l'arbre encore couvert de taches de sang séché, où avait été suspendu l'un de leurs camarades quelques jours auparavant.
-Tu n'as pas chaud comme ça? demanda Sakiko en guise de salutation, Giyuu lui accordant un simple regard avant de reporter son attention sur l'arbre.
-Non, fut tout ce qu'il déclara, même si Sakiko sentait qu'il était nerveux, pour quelque raison que ce soit.
Levant les yeux au ciel, la jeune femme passa l'éponge cette fois encore, trop flemmarde pour ne serait-ce qu'argumenter davantage sur le sujet.
-Tu as trouvé des trucs intéressants? reprit-elle d'une voix beaucoup plus sérieuse, examinant à son tour l'arbre et ses alentours, à la recherche d'un quelconque indice caché.
Elle et Giyuu échangèrent ainsi leurs quelques informations, qui étaient plus ou moins les mêmes, signe qu'elles étaient relativement fiables. Le soleil était sur le point de se coucher, et leur petite enquête préliminaire était terminée.
-On va pouvoir retourner à l'auberge et rentrer dans le vif du sujet... désespéra la jeune femme en soupirant d'avance. Je vais devoir remettre mon uniforme, du coup je vais mourir de chaud...
Elle ne manqua pas le regard que lui jeta son collègue, comme elle l'avait attendu. Seulement, à l'inverse de l'expression blasée qu'il lui adressait dans ce genre de situation, elle eut la surprise de voir que ce n'était cette fois-ci pas le cas.
Elle n'arrivait pas à déchiffrer cette émotion qu'elle lisait sur le visage du brun, ce qui était rare.
-... qu'est-ce qu'il y a? J'ai dit quelque chose qui ne fallait pas? lui demanda sincèrement Sakiko en penchant la tête sur le côté, intriguée.
Elle vit Giyuu secouer la tête de gauche à droite, avant de se détourner, et la jeune pourfendeuse aurait juré avoir aperçu du rouge sur les joues de son collègue. Avait-elle rêvé, ou avait-elle bien vu?
Elle ne le saurait sans aucun doute jamais. Elle connaissait bien son camarade ainsi que ses réactions, mais il existait encore des aspects de lui qu'elle n'avait pas encore découverts, ni même aperçus.
En haussant les épaules, elle emboîta le pas à Giyuu, qui marchait devant elle sans se retourner, d'une démarche souple et déterminée.
Ce qu'elle ne pouvait pas voir, en revanche, était ses joues effectivement rouges, qu'il tentait désespérément de réprimer. Ce n'était pas le moment de laisser ses émotions lui échapper, et ce n'était certainement pas le moment de se perdre dans la contemplation de Sakiko.
Certes, elle était tout simplement adorable dans son yukata fleuri, au lieu de son uniforme qu'elle portait presque tout le temps, mais ce n'était pas une raison pour se montrer contrarié à l'idée de la voir reprendre son attirail de pourfendeuse.
Shinobu ne l'avait-elle pas assez prévenu? Que penser cela envers une jeune femme était tout simplement étrange, voire même dérangeant pour la personne concernée? Il était persuadé que Shinobu était au courant de son béguin pour Sakiko, et que les paroles de la médecin n'avaient eu d'autre intention que de le faire abandonner toute idée en lien avec Sakiko.
N'était-il pas détesté de tous, après tout?
Un sentiment d'irritation et de déception en lui, assorti d'une pointe de tristesse non négligeable, Giyuu fit de son mieux pour ne rien laisser paraître, et observa en silence sa camarade disparaître dans sa propre chambre.
Il était vrai que Sakiko aimait le taquiner, au même titre que Shinobu. Mais, à l'inverse de cette dernière, il savait que Sakiko n'était pas réellement malveillante dans ses taquineries, et qu'elle réservait le même traitement à tout le monde.
Shinobu ne semblait quant à elle s'acharner que sur un seul être humain en particulier. Lui-même. Mais n'avait-elle pas raison sur un point? Celui que, peu importe ce qu'il faisait, il était impossible que Sakiko s'intéresse à lui comme lui s'intéressait à elle?
Il était tout l'inverse de la jeune femme, pétillante et sûre d'elle. Pourquoi perdrait-elle son temps avec un type comme lui, ennuyant et taciturne?
-A quoi tu penses? murmura une voix à quelques centimètres seulement de son oreille, le prenant par surprise.
A tel point qu'il était certain d'avoir entendu son cœur s'arrêter de battre l'espace d'un instant. Surtout lorsqu'il se rendit compte que la personne qui avait chuchoté ces quelques mots n'était autre que Sakiko, aussi discrète et furtive que d'habitude. Il n'en fallait pas moins pour devenir experte dans l'art de dérober le contenu des poches des autres sans se faire prendre.
La jeune femme éclata de rire en voyant l'état dans lequel se retrouva son collègue, les yeux grands écarquillés et les joues rouges, qui s'était éloigné de quelques pas par pur instinct. Sakiko, la main sur son sabre accroché à sa ceinture, son uniforme de nouveau revêtu ainsi que son haori fleuri, semblait fin prête à commencer la mission.
Enfin, en apparence seulement.
-On mange un bout et on commence les tours de garde? Je prends le second! décida-t-elle sans demander l'avis de qui que ce soit, pas que Giyuu n'y voit grand chose à redire de toute manière. Comme ça je pourrai dormir un peu avant d'aller travailler, enfin...! acheva-t-elle d'un ton léger, des étoiles dans les yeux.
Le brun se contenta d'hocher la tête, ayant de toute manière prévu de prendre le premier tour de garde depuis le début. Lui et Sakiko s'entendaient plutôt bien sur ce genre de problème, en règle générale.
Jetant leur dévolu sur le petit restaurant rattaché à l'auberge, les deux pourfendeurs se mirent à table, dévorant leur repas après une journée bien remplie et éreintante. Sakiko décida ensuite de partir se reposer, se séparant de son collègue pour se rendre dans sa chambre, où l'attendait ses deux petits animaux adorés, blottis l'un contre l'autre.
Ce ne fut qu'en voyant Miichan, affalé sur les tatamis, qu'elle se rendit compte avoir oublié un élément crucial. Elle comptait demander l'aide du félin pour les aider à retrouver la piste du démon, grâce aux traces de sang et à l'odorat de son petit compagnon...
Force était de constater que cela lui était complètement sorti de la tête. Mais ce n'était pas si grave que cela, et puis Miichan n'était pas à l'aise avec d'autres personnes qu'elle. Giyuu allait juste errer dans les rues du village sans réel but pendant quelques heures, c'était tout. Du moins si le démon ne se montrait pas de lui-même, bien entendu. Ce qui était peu probable, discret comme il semblait l'être.
Elle avait le pressentiment que cette traque n'allait pas être de tout repos. Et que, surtout, ils étaient loin d'en avoir vu le bout.
Elle ne pouvait pas avoir davantage raison que présentement, alors qu'elle s'allongeait en plein milieu de la chambre, son haori toujours drapé sur ses épaules et son sabre non loin d'elle.
Inconsciente de ce qu'il se passait à l'extérieur, elle s'endormit instantanément.
A suivre...
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