⛧│ 6. Retrouvailles électriques

𝅘𝅥𝅮 Don Henley - Dirty Laundry

Marty

— Oh la vache ! Dites-moi que je rêve.

Ces mots sortent d'eux-mêmes de ma bouche, sans que je puisse détenir le moindre contrôle sur eux. Une surprise indescriptible, teintée d'une stupeur inouïe, m'assaille si brutalement que je manque de laisser glisser le carnet que je tiens dans mes mains. Lorsque je pose les yeux sur elle, mon cerveau se paralyse, incapable de poursuivre ses pensées et ses raisonnements. Elle et ses yeux vairons qui n'ont jamais quitté mon esprit. Au contraire, ils n'ont fait que de me tourmenter et alimenter les cauchemars que j'ai conservé d'elle.

Elle est là.

Face à moi.

Elle a délaissé sa sombre chevelure pour un roux plus indompté. Elle a délaissé la teinte sombre qui ombrageait sa garde-robe, optant plutôt pour une simplicité désarmante. Plus bohémien. Une jeune femme changée en apparence, néanmoins, je l'ai reconnue dès l'instant où elle est entrée dans mon champ de vision.

Et elle m'a aussi reconnu. La stupéfaction dessinée sur son visage le prouve. Et ce, en dépit du fait que j'ai délaissé ma coloration blonde pour mon châtain naturel. Cet instant de silence signifie le calme avant la tempête. Je le sens comme on peut pressentir la pluie arriver. L'azur se voile d'obscurité, et le vent se fait plus frais, insufflant à notre corps des frissons à peine perceptibles. Or, dans mon cas, c'est des vagues qui me submergent.

— Dites-moi que c'est un cauchemar, finit-elle par lâcher, toujours en proie à un ébahissement furieux.

Mon regard oscille entre le fantôme de mes pensées qui s'est matérialisé et son jumeau qui arbore la même expression qu'elle. Puis, je verrouille mes prunelles sur elle.

— Quoi ? Tu n'as quand même pas cru que j'étais mort ? je ricane nerveusement.

Son expression qui se durcit me fait presque regretter mes paroles. Je déglutis difficilement.

— J'aurais préféré que ce soit le cas, McFly.

Ouch ! J'encaisse en silence la fureur qui émane de ses mots par une répartie qui la mettra en rogne.

— Grincheux le retour. Comme c'est surprenant !

Elle ne démontre rien, mais je sais que ma pique l'a atteinte, comme un tireur qui a touché sa cible. Je serre des dents tandis qu'on s'observe durant de longues secondes en chien de faïence. Elle me déteste de toute son âme. Je le sens. Quant à moi, je suis trop bouleversé de l'apercevoir face à moi que je suis incapable de nommer le cocktail d'émotions qui se déverse en moi. Je suis revenu à Mallory West avec une seule intention en tête. Jamais je n'avais imaginé que le retour de Polly raviverait les cauchemars que nous portions en nous, les faisant remonter des tréfonds de mon être pour me torturer sans fin.

— Pourquoi tout le monde devient immobile ?

La voix de Steven m'arrache à mes réflexions et je réalise le silence qui s'est abattu sur la terrasse du Café Marc's. L'audition de la palabre des clients, du gazouillis des oiseaux et du tumulte de la circulation m'a échappé. Le poste de radio a cessé de diffuser ses ondes, de même que le vacarme de la cuisine, qui était devenu mon fond sonore quotidien. En scrutant les alentours, je réalise avec épouvante que Steven avait bel et bien raison. Tous sont bel et bien statufiés, prisonniers de l'instant éternel.

Qu'est-ce que... ?

Ma cadence s'accélère face à l'émergence d'une sournoise appréhension en mon for intérieur. Ma gorge se noue à m'en faire mal. Je crains de comprendre ce que ça veut dire.

Tout va bien, Marty. Tout ça est terminé.

La confusion s'élève dans mon être que je surprends l'échange de regard entre Polly et Steven. L'ébahissement habite le jeune homme, tandis que le refus s'abat sur Grincheux.

— Non, Steven ! Je refuse d'y croire !

Pourtant, je suis bien vivant, Grincheux.

— Polly, tu le vois comme moi. Ça ne peut pas être un hasard !

Je ne suis pas certain de comprendre la nature de leur conversation. À vrai dire, je crois que je devrais les laisser et retourner mon travail. Tout en remettant en question la raison qui m'a fait revenir à Mallory West.

— Tu comptes me la ramener, cette vodka limonade ? demande la jeune femme qui les accompagne.

Intérieurement, je lui adresse une profonde gratitude pour son intervention opportune, qui me permettra de me dégager momentanément de cette table. Je lui réponds avec un pouce en l'air. Or, au moment où je m'apprête à retourner à l'intérieur, je suis interrompu dans mon élan.

— Marty, reviens ici !

La voix étrangement sévère de Steven me prend au dépourvu, au point que je me surprends à vouloir l'écouter. En découvrant l'expression obscure avec laquelle il me sonde, je comprends qu'il est également furieux contre moi. Parce que j'ai disparu du jour au lendemain, sans laisser le moindre message, la moindre trace. Et je ne peux leur en vouloir.

— Oh non, qu'il dégage et pour de bon, cette fois-ci, enchaîne Grincheux d'un ton morne.

Je libère un soupir.

Les hostilités entre elle et moi ne font que commencer !

Steven a du mal à fixer son regard sur le mien, comme s'il craignait de se perdre dans les profondeurs de mon âme. Toutefois, il s'y sent contraint, comme s'il avait à m'annoncer une nouvelle importante.

— Tu vas trouver dingue ce que je vais te dire. Mais tous ces gens qui sont devenus immobiles, c'est normal.

Je plisse les yeux et observe Steven avec une stupéfaction non dissimulée. Est-il au courant ce qui nous est arrivé l'année précédente ? Lui a-t-elle raconté quelque chose ? Je lance un regard interrogateur et inquiet à Grincheux, cependant, son apparence demeure énigmatique. La seule émotion que je suis capable de saisir d'elle est cette profonde aversion à mon égard et une certaine lassitude. Malheureusement, je comprends que ce n'est pas en fouillant le fond de ses prunelles que je trouverai une quelconque réponse à mes interrogations.

— Normal ? Comment ça « normal » ?

D'un revers de main, je désigne la scène figée dans le temps. Steven arpente à nouveau autour de lui, puis, quelque chose retient son attention, puisque son front se plisse.

— Je crois qu'il va te raconter l'histoire des sorcières, me lance la blonde en roulant des yeux.

Je fronce des sourcils, tandis qu'elle pousse un ricanement moqueur.

— Il y a fort longtemps, des sorcières ont eu une vision de cinq personnes qui détruiront les ténèbres. Et si j'ai bien suivi le délire, tu fais partie de ces cinq personnes.

Je suis englouti par les vagues déchaînées d'un océan de confusion. Puis, en constatant l'état vitreux de ses yeux et de la dilatation de ses pupilles, je comprends qu'elle a consommé quelque chose quelques instants plus tôt. Ses neurones ne sont pas tous fonctionnels.

— Hey, ce type a bougé, non ? souffle Steven.

Nous suivons tous la trajectoire de son regard. La source de sa préoccupation s'avère être un homme attablé au fond de la terrasse. Il est vêtu de noir, un chapeau melon vissé sur la tête. Tout comme le reste, il demeure immobile, ses doigts sont enroulés autour de sa tasse de café.

— Tu délires, Steven, comme pour tout le reste, s'agace Grincheux.

Steven lui adresse un air outré auquel elle demeure indifférente. J'ai beau vouloir me tenir écarté des jumeaux pour éviter de subir davantage les foudres de leurs rancœurs et de leur colère, pourtant, quelque chose titille ma curiosité. Quelle est cette histoire à laquelle Steven y croit dur comme fer ? Ce récit qui agace Grincheux et leur nouvelle copine qui rejette la tête en arrière tout en libérant un râle las.

— Wow, j'avais jamais vu ça ! lâche-t-elle en observant le tapis céleste décoré de quelques nuages.

Je l'imite et la surprise s'abat à nouveau sur moi. Un nuage en forme de livre ! Ce spectacle m'émerveille, pourtant un sentiment d'inquiétude gronde à l'intérieur de moi. Ces phénomènes étranges qui se succèdent ne sont rien d'autre que des présages avant-coureurs d'épisodes dangereux, où mon passé, semblable à une bête féroce sortant de sa boîte de Pandore, se prépare à me sauter à la gorge.

— On va à la bibliothèque ! s'écrie Steven en quittant sa chaise d'un bond soudain.

C'est au moment où il se redresse que le monde se met en branle, comme réveillé par une force mystérieuse. Le concert désaccordé de voix et de sons divers se ranime, et tous reviennent à la vie, comme si rien n'avait altéré le cours de leur existence. Je libère un soupir de soulagement.

Ça fait un problème en moins à régler.

— Mais je n'ai pas eu ma vodka limonade, gémit la blonde avec une expression contrariée.

— Que c'est fâcheux, rétorque Grincheux d'un ton neutre.

Dans un échange de regards, se devine une certaine animosité, une compétition muette et féroce, à l'image de deux guerriers se jaugeant avant la bataille. Cette scène me vaut un ricanement intérieur. Je ne suis pas le seul à être victime des regards ténébreux de Grincheux qui reflètent son désir impérial de vous assassiner.

— Marty, tu viens avec nous, me lance Steven en me regardant, pour la première fois, droit dans les yeux.

Un malaise soudain m'envahit, comme si mon propre corps me trahissait en refusant de laisser passer ma salive.

— Tu es en train de me dire que je dois vous suivre jusqu'à la bibliothèque, juste parce qu'on a tous vu un nuage en forme de livre ?

Au moment où ces paroles s'échappent de mes lèvres, je prends conscience de l'absurdité de la situation. J'ai l'impression de perdre l'esprit. À moins que je l'aie perdu depuis déjà longtemps.

— Tu en vois tous les jours, des nuages en formes de livres et des gens qui deviennent soudainement immobiles comme des statues ?

Il marque un point. Mais je refuse de les suivre, par peur de ce que nous risquons de découvrir à la bibliothèque. Je refuse de retrouver les démons de mon passé dont je suis enfin parvenu à me débarrasser.

— Je travaille, moi.

Grincheux étouffe un ricanement moqueur qui m'est destiné. Ses iris bicolores se fondent dans les miens et me voilà incapable de les lâcher. Comme au premier jour, ils m'hypnotisent, m'envoûtent. Ils dévoilent quelque chose à laquelle je ne suis pas insensible.

— On est toujours aussi chochotte, à ce que je constate, McFly.

Ces mots parviennent jusqu'à moi tels des projectiles et viennent percuter mon âme et ma fierté avec une certaine violence. Le feu de la colère embrase mon sang, qui circule à présent avec force dans mes veines. Ma mâchoire se serre, tandis que je sonde Grincheux d'une œillade obscure. Elle me met au défi. La faible et discrète apparition de son sourire mesquin au coin de ses lèvres me le confirme.

Et comme à chaque fois, elle obtiendra ce qu'elle désire.

— Je te déteste, Grincheux.

— Rassure-toi, McFly. C'est réciproque.

Je retourne à l'intérieur du bar où j'abandonne mon calepin, ainsi que mon tablier dans le vestiaire. Mon patron ne va pas être ravi de savoir que j'ai quitté ma place de travail sans l'en avoir informé. Mais je dois y aller. Pour prouver à Grincheux que je ne suis pas le trouillard qu'elle s'imagine.

Je ressens des vibrations dans la poche arrière de mon jean. En récupérant mon téléphone, je m'aperçois que ma mère tente de me joindre. Ma gorge se noue et se resserre, pourtant, je décide de ne pas décrocher. Je ne ressens aucun désir d'écouter ses angoisses et ses tourments, qui visent à me convaincre de regagner Saint-Paul, dans le Minnesota. Accablé par le poids de mon cœur, je range l'appareil dans ma poche, récupère ma veste en jean et abandonne les vestiaires.

Lorsque je reviens auprès d'eux, Grincheux me lorgne en silence, avec un sourcil arqué. Elle n'en a pas terminé avec moi. Et moi non plus. Je répondrai à chacun de ses coups, qu'ils soient verbaux ou physiques. Elle n'aura pas le dernier mot.

— Ouh, quel style, cette veste en jean ! s'écrie sa nouvelle copine en me reluquant sans la moindre gêne.

Je lui réponds d'un sourire crispé et dans un mutisme funèbre et écrasant, nous entamons notre chemin. J'affronte chaque instant avec une appréhension manifeste, refusant de poser les yeux sur mon environnement, car la simple pensée de voir ressurgir mes peurs les plus profondes m'est insupportable. L'étau autour de ma gorge se resserre davantage à chacun de mes pas.

Mon œil est attiré par Grincheux, qui regarde fixement devant elle, comme si aucune présence humaine ne pouvait la distraire de son propre univers. J'aimerais saisir l'intérieur de ses pensées, pour savoir si ses craintes sont semblables aux miennes, si elle sait ce que tout ceci signifie.

Mais je demeure silencieux. Elle ne répondra à aucune de mes interrogations. C'est un fait clair comme de l'eau de roche. Alors je ravale ma curiosité qui me reste dans l'estomac.

À peine je pose les yeux sur cette demeure familière que mon être tout entier s'emplit d'une étrange frayeur, comme si les fondements mêmes de mon âme se liquéfiaient sous l'effet d'une terreur soudaine. Si j'avais su que revenir à Mallory West serait aussi éprouvant, je serais resté à St-Paul.

Les représentations mentales des moments vécus en ce lieu accablent mon cerveau. La terreur qui m'avait envahi à ce moment-là me revient comme un arrière-goût âcre de nostalgie.

Cette époque n'existe plus.

Or, l'illusion du contraire s'intensifie lorsque Steven pousse la grosse porte de bois et que je retrouve l'éclairage tamisé de la bibliothèque et son silence religieux qui nous accueille. Lorsque mes yeux se posent sur le noirci chêne du bureau et sur ces bibliothèques majestueuses qui frôlent le plafond, je ne peux m'empêcher de me sentir transporté dans le passé.

Là où mon univers baignait dans le chaos total.

Et j'ai le désagréable pressentiment que ce schéma est sur le point de se répéter, à moins que je ne prenne la fuite sans tarder.

☆______________________________

• Hey beautiful people ! 🤗

Grincheux et McFly, le retour ! •

•......•

• Votre avis sur ce chapitre ?

• Content de retrouver/découvrir Marty ?

• Mais que s'est-il passé entre ces deux-là pour qu'ils se détestent autant ?

• Marty va-t-il continuer de faire sa chochotte ou sera-t-il courageux pour une fois ?

•......•

☆ Le prochain chapitre sera toujours du PDV de McFly

Et un petit rappel pour vous dire que si vous appréciez cette histoire, n'hésitez pas à en parler autour de vous, sur les réseaux sociaux. C'est toujours un peu de soutien qui fait plaisir 🥰 ☆

Kissouilles !

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