⛧│ 2. Méfiance et trouble

𝅘𝅥𝅮 Suspiria - Allegedly, Dancefloor, Tragedy

Polly

— Polly.

Mes muscles se crispent à l'entente de mon prénom. Un encombrement obstiné entrave ma respiration, emprisonnant mon souffle au plus profond de ma trachée. Je m'empresse de récupérer mes affaires pour quitter cette salle au plus vite. Or, mes tentatives sont réduites à néant quand une main saisit mon bras. Un tourbillon de sang s'agite dans mes veines. Je me mords furieusement l'intérieur de la joue. La simple vue de cet homme suscite en moi une méfiance instinctive. Il ne me semble pas net. Il n'y a qu'à me rappeler la façon dont il a serré la main de presque tous les lycéens du campus !

Quant à ce qu'il s'est passé avant l'arrivée des autres élèves, je veux effacer cet épisode de ma mémoire. Malheureusement, la présence de ce nouveau professeur m'oblige à rejouer cette scène encore et encore, nouant mon estomac de plus belle.

Ça s'était enfin arrêté. Depuis qu'il a disparu de mon existence pour ma plus grande douleur. Je suis presque parvenue à vivre comme une adolescente normale. J'ai cru que tout ceci était derrière moi, que ça appartenait au passé. Mais il a fallu que l'arrivée de ce Frédéric Spencer ravive les périodes les plus sombres de ma vie et provoque des événements que je ne veux plus revivre. Et le plus troublant est qu'il connaît mon prénom, alors que je ne l'ai jamais vu !

L'air qui m'anime se trouve pris au piège dans ma trachée. Je contrôle les tremblements qui menacent de secouer mon corps. Ce type ne doit pas savoir qu'il m'effraie. Alors je m'empare de mon expression impénétrable, tout en lui assenant un regard sombre. L'homme jette un coup d'œil nerveux vers l'entrée de la salle de classe. Tout le monde a quitté la pièce. Il ne reste que lui et moi. Et le mystère qui plane entre nous.

— Je voudrais m'expliquer pour ce qu'il s'est passé tout à l'heure.

Je déglutis difficilement. Chacune de mes respirations est difficile. J'appréhende ses prochains mots. Mais je n'en montre rien. Ne pas montrer mes faiblesses et personne ne pourra m'atteindre. J'ai assez reçu et encaissé de coups.

Cependant, je place mes mains derrière mon dos et laisse mes doigts s'infiltrer entre les bracelets qui ornent mes avant-bras pour caresser les marques qui s'y dissimulent. Un geste qui me rappelle le Mal subi et, d'une façon paradoxale, m'apaise.

L'homme se mord la lèvre inférieure et se frotte les paumes de ses mains. Il est à la recherche de ses mots pour éviter de me troubler davantage. Ça saute aux yeux.

— Ce qui s'est passé n'est pas arrivé par hasard.

Je resserre de plus belle mon emprise sur les sangles de mon sac à dos. La nature de cette conversation ne me plaît guère.

— Il existe une prophétie qui raconte que cinq âmes vaincront le monde démoniaque. Je suis le Formateur de ces âmes et mon devoir est de les trouver pour ensuite les former. Ce qui nous est arrivé est un événement magique qui s'est manifesté, car j'ai trouvé une âme de la Prophétie. Toi.

Un froncement de sourcils se dessine sur mon visage, et, pris d'une soudaine crainte, je recule d'un pas. Qu'est-ce que c'est que ce charabia ?

— Je sais que ça a l'air dingue et fou. Mais c'est vrai, Polly.

Entendre son prénom sortir de sa bouche provoque une sensation désagréable qui m'arrache une traînée de frissons. À présent qu'il a fait l'appel de la classe tout en vérifiant le trombinoscope des élèves, cela me paraît désormais normal qu'il connaisse mon prénom. Or, à son arrivée dans la pièce, au moment de me rencontrer, il n'a sorti aucun de ces deux documents et il a su comment je m'appelle.

Méfiante, je recule encore d'un pas. Ce qu'il raconte n'est pas vrai. Ce qui s'est produit juste avant le cours n'est jamais arrivé. C'est impossible.

Ça ne doit pas recommencer.

Sansun bruit, je me détourne et m'enfuis à toutes enjambées, laissant le professeurSpencer seul avec sa démence dans l'enceinte de la salle de classe.



Haletante, j'atteins l'ancienne église abandonnée. Adossée contre l'immense façade du monument religieux, je reprends mon souffle, tandis que les événements de la journée se rejouent dans mon esprit et se mêlent à d'anciens souvenirs que je veux refouler. La même question revient : comment cet homme connaît-il mon nom ? Je suis saisi d'une terreur indicible, qui m'agite les viscères avec une force dévastatrice. Les sensations qui ont habité mon âme dans ce lieu ont ravivé des réminiscences d'une époque révolue que je m'interdis de revivre. Ma mâchoire se crispe sous la pression croissante de la peur qui s'empare de mon être.

Ça ne va pas revenir.

Tout est terminé. Il n'est plus rien arrivé depuis qu'il a mis les voiles du jour au lendemain, me laissant dans un beau merdier que j'ai dû affronter seule. Sans son soutien. Et même si ça a été éprouvant, je ne m'en suis pas trop mal sortie.

J'ai avancé sans lui en conservant la tête haute. Je suis parvenue à remonter la pente pour me remettre de ces événements terrifiants. Ce n'est pas l'arrivée de ce nouvel enseignant et son histoire sordide qui va détruire tous mes efforts. Je ne le laisserai pas me ramener au fond du trou de la folie.

Comme je l'ai toujours fait, mon attention demeurera sur les pom-pom girls. Je suis parvenue à réintégrer l'équipe, malgré la fureur de la capitaine. Ce qui fait qu'elle ne me pardonnera plus le moindre faux pas supplémentaire de ma part. Je dois rester au top de mes compétences pour lui prouver mon talent et démontrer qu'elle a eu raison de me reprendre dans l'équipe.

Rien ne changera.

Revigorée d'une sensation de détermination, je continue ma route jusqu'à l'ancien skatepark situé derrière l'église. Là où je retrouve mon jumeau qui dévale les vieilles rampes de bois. Prise d'un sentiment de regret amer, je me mords l'intérieur de ma joue, quand je réalise que j'aurais dû passer chez moi pour récupérer mon skateboard.

Mais quand Steven relève sa tête dans ma direction, un large sourire étire ses lèvres. Il descend de sa planche et s'élance vers moi.

— C'est bien toi ou je fais face à ton fantôme ?

En sa présence, les instants de cette journée s'évaporent telle une illusion fugace, ne laissant derrière eux que le souvenir d'un rêve éphémère. Entre nous deux, ça a toujours été comme ça. Nous sommes présents l'un pour l'autre. Un lien fusionnel qui ne cesse de s'intensifier à mesure que le temps s'écoule. Le roc sur lequel je m'agrippe quand le ras-de-marré qui me submerge devient trop intense. La lumière qui me guide dans l'obscurité.

— Je suis bel et bien vivante, Stevy.

Mon frère m'étudie sous toutes les coutures, avant de confirmer que ce soit bien moi. Je roule des yeux sous son ricanement. Je tends la main vers sa chevelure dorée, prêt à y semer le chaos, mais ce coquin, agile et vif, parvient à déjouer mon geste avec une rapidité déconcertante.

— Tu deviens prévisible, ce n'est pas bon ça !

— C'est toi qui me connais par cœur, je rétorque.

— Parce qu'on a partagé le même utérus pendant neuf mois.

Puis, Steven croise ses bras sur son torse et me lorgne avec intérêt.

— Alors, cette rentrée ?

— T'avais qu'à venir.

Un sourire malicieux incurve mes lèvres, tandis qu'à son tour, il lève les yeux au ciel.

— On a un nouveau professeur en psychologie, finis-je par lâcher. C'est notre titulaire.

Ces mots éveillent l'intérêt de mon frère qui relève un sourcil vers le ciel. Il ignore le dépit qui se trouve dans ma voix.

— C'est vrai ?

— Oh, ne te réjouis pas trop vite, Stev'. C'est un type bizarre qui a serré la main à tout le monde dans la cour d'école !

— Que ça devait être amusant à voir.

Je lui jette un regard en biais. C'était peut-être amusant et gênant d'assister à ce genre de scènes, jusqu'à ce que je me retrouve seule avec lui dans cette salle de classe. Or, j'omets volontairement cet épisode à mon jumeau. Il ne doit rien savoir de tout ça, tout comme il n'a jamais su ce qui c'était vraiment passé un an plus tôt. Cette facette de mon existence doit demeurer secrète, enfermée dans ma boite de Pandore. Car il s'agit d'un aspect qui n'existe plus.

 Et ce n'est pas ce Frédéric qui va le réveiller avec ses histoires de prophétie.



— C'est quand qu'on retourne chez maman ? demande Brittany, ma petite sœur.

Par mégarde, ma fourchette m'échappe des mains et vient s'abattre dans mon assiette avec une soudaine clameur. Mes muscles se contractent, mon regard se porte sur mon père, qui, dans un mutisme révélateur, sonde Brit' avec une acuité déconcertante. Cette petite peste sait très bien quand on retournera chez maman. Seulement, elle aime faire savoir à notre père qu'être avec lui ne lui plaît guère, contrairement à Steven et à moi. Il nous reste trois semaines avant de retourner chez notre génitrice et le monstre avec lequel elle partage sa vie, le temps d'un week-end.

Deux jours de torture où nous marchons sur des œufs pour éviter de froisser la personne détestable qu'est Diana Gubler, ma mère. Celle qui m'a mise au monde et suite à un événement qui a déchiré notre famille, s'est mise à me mépriser. Cette femme que je déteste également au plus haut point. Quant à son compagnon, Lewis, n'en parlons pas.

Je préfère alors savourer ces trois semaines qu'il me reste aux côtés de mon paternel. Les moments où je ressens pleinement l'ivresse de la liberté sont pour moi des trésors inestimables. Alors autant ne pas les gâcher en redoutant à ce week-end qui nous attend chez Diana.

— Tu le sais très bien, lâché-je d'un ton tranchant.

Les yeux de Brittany sont braqués sur moi et se plissent. Elle ne dit peut-être rien, mais je devine parfaitement le fond de ses pensées. Une flopée d'insultes qui m'est adressée avec un « je regrette de t'avoir comme grande sœur ». Or, ce sentiment est réciproque. Je n'ai jamais accepté sa naissance et son existence dans ma vie.

Je récupère ma fourchette, sans lâcher ma sœur du regard. Le caractère électrique de l'ambiance devient tangible et flotte dans l'air comme une présence palpable.

— Polly a dit qu'on a un nouveau professeur en psychologie ! lance mon jumeau pour changer de sujet.

Merci, Stev' !

— Comment s'appelle-t-il ?

— Monsieur Spencer. Il est bizarre.

Mon père libère un gloussement face à mon ton perplexe.

— Tant qu'il enseigne bien, c'est ce qui compte.

Sauf que tout démontre qu'il n'a jamais été enseignant auparavant. La manière dont il se mélange dans ses explications qu'il ne termine jamais. Son hésitation avant de commencer chaque phrase. Ce type est un incompétent. Je l'ai compris dès l'instant où je l'ai aperçu pour la toute première fois, à serrer la main des gens. Comment est-ce que le lycée a pu l'embaucher comme professeur ?

Je suis le Formateur de ces âmes et mon devoir est de les trouver pour ensuite les former.

Les dents serrées, je repousse ces paroles qui empoisonnent mon esprit. Cette prophétie n'existe pas, ces âmes non plus. Quant à ce qu'il s'est produit dans cette salle de classe, ceci a dû être provoqué par une panne d'électricité.

Mais comment expliquer ce que j'ai ressenti durant cet instant ?

Le spectre de la peur s'est matérialisé pour s'insinuer dans les moindres recoins de mon âme. Le temps de quelques secondes, j'étais convaincue que ce démon infernal ressusciterait pour m'anéantir. Mais il n'en a rien été.

Je libère un long soupir pour me libérer de ces interrogations qui vont polluer ma nuit de sommeil. Ce type n'est rien d'autre qu'un incompétent qui me met mal à l'aise et que je ne porte guère dans mon cœur. Tout comme les habitants de cette ville.

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• Hey beautiful people ! 🤗

Oh, douce Polly ! Que c'est agréable de te retrouver ou de te rencontrer, pour certains •

•......•

• Votre avis sur ce chapitre ?

• Sur le personnage de Polly ?

• Mais que redoute-t-elle ?

• De son lien avec Steven, son frère ?

•......•

☆ Le prochain chapitre sera du PDV de Steven ☆

Kissouilles !

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