⛧│ 15. Freeze frame
𝅘𝅥𝅮 The Runaways - Heart Beat
Steven
— Je suis sûr que c'est lui !
Polly répond à mes théories par un roulement d'yeux, accompagné d'un soupir las. Elle croit peut-être un peu plus à cette histoire de prophétie, cependant, elle refuse de prendre part à mes hypothèses concernant le coupable de ces crimes atroces. Cela ne m'arrête pas dans ma quête de comprendre, et mes neurones travaillent d'arrache-pied pour échafauder plusieurs possibilités. Or, elles s'arrêtent toutes sur un seul et même individu.
Monsieur Douglas, notre professeur de littérature.
La tenue de cet homme, qui ressemble trait pour trait à celle de l'individu aperçu sur la terrasse du Café Marc's le jour où nous avons été réunis avec Marty, ne cesse d'alimenter mes croyances les plus intimes. Malheureusement, j'ignore à qui les confier. Car Polly refuse d'en entendre parler, tandis qu'aux autres, je ne parviens pas à leur faire suffisamment confiance pour leur partager quoi que ce soit. Même si nous appartenons au même camp.
Nous faisons halte devant ce petit bâtiment blanc de trois étages, qui a pris forme auprès de la bibliothèque, il y a trois ans, à peine. Polly se tourne face à moi et je découvre la lassitude envahir les traits de son visage. Elle n'a aucune envie d'aller voir Brady, la psychologue avec qui elle s'entretient depuis une année. Or, elle est obligée de se rendre à ces séances obligatoires si elle tient à éviter une conséquence plus grave concernant le jugement qu'il lui a été porté l'année précédente.
— On se rejoint à la maison ? je demande.
Elle me répond par un hochement de tête. Polly n'a aucun désir de converser avec cette femme. Je suis cependant persuadé qu'au fond d'elle, ça lui fait le plus grand bien. Et grâce à ces séances, papa a obtenu le droit d'avoir notre garde exclusive. Je ne remercierai jamais assez ma jumelle pour avoir osé confier le cauchemar que l'on vivait perpétuellement chez notre mère. Je lui en serai à jamais reconnaissante.
On se frappe dans la paume, avant qu'elle ne se décide à pénétrer à l'intérieur de l'immeuble. N'ayant aucune envie de rentrer à la maison, je prends la direction du nouveau skatepark, installé au bord de la plage. J'y trouve le plaisir à glisser le long des rampes, tout en cherchant à peaufiner mes figures de skateboard.
L'extrémité de mon pied se trouve précisément sur le rebord du muret, alors que mon pied avant se tient avec grâce à la verticale des vis, incliné à un angle de quarante-cinq degrés. Si je tiens à réaliser cette figure, je ne dois pas négliger la position de l'extrémité de mes jambes ; elle est très importante. J'entame un ollie et lorsque le devant de ma planche se relève, l'embout de mon pied avant frotte vers le haut et termine sur le côté de la planche, à la hauteur de la courbure du skate.
Ce mouvement brusque évoque une gifle donnée par la pointe d'une chaussure, entraînant une rotation de la planche. Je relève mes genoux comme si je volais dans les airs et normalement, je suis censé atterrir à nouveau sur le board qui a effectué sa rotation à 360°.
Malgré tout, je manque généralement mon but. Soit parce que le mouvement du pied n'est pas le bon, soit je retombe avant que ma planche n'ait fini de tourner sur elle-même. Ces échecs n'essuient toutefois en rien la détermination qui m'habite. Je veux réussir cette figure et j'y parviendrai.
« Quand on veut quelque chose dans la vie, il faut persévérer et mettre toutes les chances de son côté. »
Les propos de papa résonnent dans mon encéphale tel un délicat écho qui me berce pour me motiver davantage. Depuis notre plus tendre enfance, c'est notre père qui a toujours été notre unique source d'encouragement dans les passions qui ont animé Polly et moi, aussi fugaces soient-elles. Il est la seule figure parentale sur qui on peut compter sans la moindre hésitation. La seule personne digne de confiance. Ce qui n'est pas le cas de notre mère. Deux individualités si contrastées que je ne peux m'empêcher de m'interroger sur les circonstances qui ont permis à leur cœur de s'enflammer l'un pour l'autre dans les jours révolus.
Peut-être, car ils étaient des personnes différentes.
Et l'arrivée d'enfants au sein de leur couple les a changés. Nous les avons métamorphosés en ces individus que seule une profonde rivalité les lie désormais.
Ce n'est pas notre faute.
Voilà ce que papa n'a cessé de nous répéter au moment de leur divorce, peu après la naissance de Brittany. Notre petite sœur dont l'arrivée s'est révélée être comme la goutte d'eau ayant fait déborder le vase.
Je chasse ses souvenirs qui ne m'apportent plus rien en roulant à nouveau sur ma planche. Je suis coupé dans mon élan par la sonnerie de mon téléphone. Non sans lâcher un râle, je récupère l'appareil dans la poche arrière de mon pantalon. Une ride incurve mon front quand je découvre le contact de ma jumelle apparaître sur l'écran.
— Ouais ?
— Tu es où ?
De l'autre côté du combiné, je perçois le bruit de la vaisselle qui s'entrechoque avec délicatesse. Étrange.
— Au skatepark ? Tu as fini plus tôt ta séance ?
— Stev', il est dix-huit heures et quart ! Papa ne va pas tarder à rentrer.
Je manque de basculer de mon skate. Comment ça dix-huit heures et quart ? Le son surpris qui s'échappe de mes lèvres suscite l'amusement de Polly.
— Toi, tu t'es encore trop amusé sur ton board, au point de ne pas avoir vu l'heure passer.
— Ouais, c'est bon, j'arrive.
Je raccroche, récupère ma planche et me hâte de retourner dans les quartiers Clayton. Bon sang, il faut vraiment que je pense à mettre une alarme sur mon téléphone. Si Polly ne m'avait pas appelé, je serais certainement resté une bonne heure au skatepark, sans voir le temps s'écouler.
Au moins, je me suis amélioré concernant les kickflips.
Voilà l'avantage à retenir. Papa a pour coutume de nous rappeler qu'en des temps difficiles, il est essentiel de s'accrocher à un aspect positif, afin de ne pas se laisser submerger par la noirceur ambiante. C'est quelque chose que je tente de garder à l'esprit, contrairement à Polly qui n'aperçoit que le négatif partout.
— Steven !
Je me fige quand une voix familière résonne dans mon dos. Ma mâchoire se contracte, tout comme l'ensemble de mes muscles.
Encore lui !
Sous la bourrasque océane qui s'abat sur ma silhouette, je poursuis mon chemin, tandis que j'entends Marty me poursuivre. À la seconde où je songe à accélérer la cadence sur mon skate, le jeune homme apparaît devant moi, me bloquant la route. Je m'arrête in extremis et descends de mon skate avant de lui foncer dessus.
— Qu'est-ce que tu veux ? demandé-je d'un ton tranchant.
Il s'arrête, haletant, reprend son souffle avant de déclarer :
— Avec toi, j'ai peut-être plus de chance que tu m'écoutes jusqu'au bout. Et peut-être que tu me pardonnes.
Je croise les bras contre mon torse, guère convaincu.
— Je ne saute peut-être pas à la gorge comme Polly le fait, mais ne crois pas que je vais te pardonner aussi facilement, Marty.
Il se mord la lèvre inférieure.
— S'il te plaît, Steven.
Son regard bleu azur implorant qui m'a charmé autrefois ne m'atteint plus. Il est descendu bas dans mon estime. Si bas que je doute que ces prochains propos parviennent à effacer ce sentiment de rancune que je ressens à son égard. Cette conversation ne nous conduira nulle part, excepté de me faire perdre du temps.
— Tu veux t'excuser d'avoir disparu sans laisser la moindre trace ? D'accord, mais ça ne changera en rien l'état dans lequel tu as laissé Polly après ton départ soudain.
Il entrouvre les lèvres afin de répondre, mais je l'en empêche. Je n'ai pas dit mon dernier mot.
— Je n'ai jamais vu ma sœur dans un tel état. Elle était méconnaissable. J'ignore ce qui s'est passé entre vous deux et jamais je ne forcerai ma jumelle à me le confier si elle s'y refuse. Mais je pense que ça a dû être quelque chose d'assez fort pour qu'elle demeure enfermée dans sa chambre à scruter la fenêtre pour guetter ton éventuel retour.
Je revois encore cette image de Polly, renfermée sur elle-même, recluse dans cette chambre. Les lèvres scellées par un mystérieux mutisme. Jamais elle n'a été aussi distante de moi, à refuser de me parler.
— Ça a duré des mois avant qu'elle ne soit parvenue à remonter la pente et t'oublier. Elle a trouvé la force de se relever et d'accepter ton absence définitive. Elle allait mieux et je refuse de la voir sombrer à nouveau par ta faute. Parce que tu es revenu dans sa vie alors qu'est s'est résigné à ton retour.
J'achève ma tirade en avançant d'un pas, tandis que Marty encaisser mes mots en silence. Peut-être que Polly ne voulait pas qu'il sache ô combien elle a été affectée de sa soudaine absence. Pourtant, c'est sorti malgré moi. Et c'est peut-être mieux ainsi, pour lui permettre de mieux comprendre l'étendue des répercussions que son départ a eu sur elle.
— Maintenant, laisse Polly tranquille en restant éloigné d'elle.
Je remonte sur ma planche et passe devant Marty en lui assenant un coup d'épaule.
— Mais Steven !
— Fous nous la paix !
J'entends la cadence de ses pas accélérer, alors j'augmente la vitesse sur mon board. Mais ce débile profond ne lâche pas l'affaire. J'accélère, encore et encore. Jusqu'à ce qu'un silence m'engloutisse. Le vent marin s'évanouit, entraînant dans son sillage le fracas des vagues qui s'abattent sur le rivage et le chant plaintif des mouettes. Tout en continuant de rouler, j'examine autour de moi. L'océan semble s'être immobilisé dans l'éternité, tandis que quelques automobiles sur la voie principale demeurent statiques. Et en me tournant, j'aperçois Marty également figé. Mon cœur se glace dans ma poitrine.
C'est le même phénomène qui s'est déroulé au Café Marc's.
La désorientation s'est emparée de moi, voilant mon intellect d'un brouillard impénétrable. Les cinq âmes ont été trouvées. Pourquoi la Prophétie se manifeste-t-elle à nouveau ? Pourquoi Marty est-il victime de ce curieux et inquiétant phénomène ? L'inquiétude qui s'éveille en moi coule vicieusement dans mes veines. Animé d'un zèle pressant, je m'empresse de retourner à la maison où j'espère que tout y retrouvera son cours habituel.
Un faible sentiment de soulagement me gagne lorsque je découvre la demeure familiale à quelques mètres de moi. Je me rue à l'intérieur de la maison où seul un silence religieux m'accueille.
— Polly ? Papa ?
Aucune réponse ne me parvient. La cadence de mon cœur s'accélère. À la recherche de toute présence humaine, je parcours consciencieusement le salon, qui se dévoile être inhabité. En franchissant le seuil de la cuisine, je découvre Polly, le dos tourné, affairée à faire mijoter quelque chose sur la cuisinière.
— Ah, Polly ! Tu ne vas pas le croire, mais c'est trop étrange ce qui s'est passé sur la plage...
Au beau milieu de mon action, je m'arrête net, frappé par le spectacle de ma jumelle, demeurée inerte et muette, telle une statue de cire. La crainte alliée à un sentiment de réticence féroce s'enroule autour de mon cœur. Je m'avance vers ma sœur, consumé par une anxiété grandissante.
— Polly ?
À la seconde où ma main se pose sur son épaule, elle s'ébranle soudain, et la voix de la télévision résonne dans le salon. Au moment où son regard croise le mien et qu'elle perçoit ma présence, un cri de stupeur et de terreur s'échappe de ses lèvres. Saisie d'un brusque mouvement de fuite, elle lâche le verre, qui se brise en une multitude de fragments sur le sol.
— Hey, ce n'est que moi !
Sa frayeur, si perceptible dans son attitude, m'est insupportable. C'est comme si elle me redoutait, alors que lui causer du mal est inconcevable pour moi.
— Tu... Qu'est-ce.... Comment tu as fait pour apparaître d'un coup ?
Sa question me plonge dans un bain de confusion intense que mes réflexions se brouillent entre elles.
Qu'est-ce qui s'est passé ?
☆______________________________☆
• Hey beautiful people ! 🤗
C'est ce qu'on se demande tous, Steven : que s'est-il passé ? •
•......•
• Votre avis sur ce chapitre ?
• De la situation familiale de Stev ?
• De sa conversation avec Marty ?
• Vous avez une idée sur ce phénomène qui s'est produit ?
•......•
☆ Le prochain chapitre sera du PDV de Daisy ☆
Kissouilles !
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